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lités qu'on craint, mais leur patriotisme ardent. Partout élues, directement par le peuple, elles sont presque toutes composées des patriotes les plus fervents et les plus éclairés; et dès lors, les hommes qui attendent, ou le retour du despotisme ancien, ou des modifications à ces parties de notre Constitution, ces hommes doivent craindre de voir découvrir ces complots qu'une indiscrète publicité a si bien servis; ils seront bientôt connus si la recherche en est confiée à des municipalités actives et patriotes et armées de pouvoirs pour les arrêter. Voilà, Messieurs, le secret de cette opposition qui s'est élevée déjà au dehors avec tant d'acharnement contre le projet de M. Gensonné. On ne nous parle de la liberté individuelle que pour écraser la liberté générale; de la Constitution, que pour étouffer cette égalité qu'on hait; car le peuple seul, et le vrai talent et la vertu peuvent l'aimer. On ne nous épouvante du despotisme et de la dictature municipale, que pour nous amener à un autre despotisme, celui des deux Chambres, qui ne réussira pas davantage. Dictateurs et conspirateurs, poursuivez-y tout avec la même contenance: usez, enfin, des formes sévères pour les découvrir et les arrêter. Voilà ce que les bons citoyens demandent et voilà le but du projet de M. Gensonné. S'y opposer, c'est donner un brevet d'impunité aux conspirateurs. (Vifs applaudissements dans l'Assemblée et dans les tribunes.)

Plusieurs membres: L'impression!

(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Brissot de Warwille et ajourne au lendemain la suite de la discussion.)

(La séance est levée à quatre heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. Séance du mercredi 25 juillet 1792, au soir.

PRÉSIDENCE DE M. VIENOT-VAUBLANC, ex-président

La séance est ouverte à six heures.

Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du 17 juillet 1792, au matin.

(L'Assemblée en adopte la rédaction.)

Un membre: J'observe à l'Assemblée que le décret, par lequel elle a ordonné que tous les décrets seraient expédiés dans les vingt-quatre heures de leur adoption définitive (1), ne peut s'exécuter qu'autant que ceux, sur la motion ou le rapport desquels ils sont rendus, en remettront exactement la rédaction sur le bureau. Je demande donc que l'Assemblée nationale décrète, qu'à l'avenir, tous les rapporteurs et tous les auteurs de motions seront tenus, sous peine de censure, de remettre à l'instant sur le bureau, signés d'eux, les décrets qui auront été rendus sur leurs rapports ou motions, avec les amendements et sous-amendements adoptés.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :

1° Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice,

(1) Voy. ci-dessus, séance du lundi 23 juillet 1792, au soir, page 82, le décret rendu à ce sujet.

qui appelle de nouveau l'attention de l'Assemblée sur une lacune du Code pénal, lequel ne fixe aucune peine contre ceux qui, par des écrits ou des discours séditieux, auront provoqué le meurtre, le pillage, l'incendie, ou conseillé formellement la désobéissance à la loi.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation, pour en faire le rapport le vendredi 27 du présent mois, à dix heures du matin.)

2° Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice, qui transmet à l'Assemblée un exemplaire imprimé d'un discours prononcé dans la séance des Amis de la Constitution d'Arras, lequel discours a donné lieu à une procédure dans laquelle le tribunal de district a arrêté, qu'avant faire droit, il en serait référé au Corps législatif, pour résoudre les questions posées dans le rapport du directeur du juré.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)

3° Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice, qui envoie à l'Assemblée copie de deux jugements du tribunal criminel du département du Nord, par lesquels il est ordonné, qu'avant faire droit, le Corps législatif sera consulté sur la question de savoir, si les délits dont Nicolas Huillier et Félicité Blin ont été déclarés convaincus, sont susceptibles d'application de la peine infligée à l'homicide par le Code pénal.

(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces y jointes au comité de législation.)

Une députation des citoyens de la section du Jardin-des-Plantes est admise à la barre. L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

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<«< Nous ne venons pas ici pour interrompre inutilement vos travaux, ce serait mal servir la patrie qui demande tous vos instants nous venons vous offrir une somme de 6,470 1. 17 s. 6 d. consacrée au bonheur de tous et à la liberté commune, par des citoyens qui s'honorent de n'avoir d'autres richesses que leur industrie et leur travail. Fidélité à la loi, attachement à la Constitution, vivre libres ou mourir, voilà le discours des hommes libres, voilà les sentiments de la section du Jardin-des-Plantes. (Applaudissements.)

M. le Président répond à l'orateur et, après avoir accepté l'offrande au nom de la patrie, accorde à la députation les honneurs de la séance.

(L'Assemblée décrète la mention honorable du don patriotique de ces citoyens au procèsverbal, dont un extrait leur sera remis, et ordonne que leur discours y sera également inséré.)

Avant de pénétrer dans la salle, l'un des pétitionnaires offre à l'Assemblée le travail d'un de ses concitoyens, où sont présentées quelques réflexions sur la police de Paris.

(L'Assemblée agrée cet hommage et le renvoie à l'examen de ses comités de législation et de secours publics réunis.)

Le sieur Leroux, physicien, est admis à la barre. Il offre à l'Assemblée le résultat de ses découvertes contre trois fléaux le feu, l'eau et l'air contagieux et fait hommage à la patrie du produit résultant d'un journal de subsistances.

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée nationale agrée cet hommage et en ordonne le renvoi aux comités d'instruction publique, des subsistances, d'agriculture et de commerce réunis.)

M. Baignoux. J'observe à l'Assemblée que l'Assemblée constituante avait rendu un décret ordonnant le versement dans le Trésor public des sommes provenant de l'excédent des économats du clergé. Cette somme doit se monter à 10 ou 12 millions. Je réclame l'exécution du décret.

M. Charlier. J'appuie la motion de M. Baignoux et je demande que M. le commissaire du roi rende compte, sous huitaine, des sommes provenant de l'excédent des caisses des économats et qui ont dù rentrer dans celle de l'extraordinaire. Je demande, en outre, qu'il soit ordonné au comité de l'extraordinaire des finances de faire incessamment un rapport sur les restes des comptes des régies des gabelles, aides, domaines et contrôles. Le montant de ces recouvrements doit s'élever à 160 millions.

(L'Assemblée décrète que M. Amelot, commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, sera tenu de lui rendre compte dans huitaine; 1° des sommes qu'ont versées dans sa caisse les receveurs de district, comme les ayant reçues des receveurs des anciennes caisses de décimes; 2° des diligences qu'il a faites pour se procurer la rentrée de l'arriéré présenté par les ci-devant receveurs des décimes et le débet constaté par les arrêtés des administrateurs de district, visés par ceux des départements. Elle décrète, en outre, que le comité de l'extraordinaire des finances lui fera, vendredi prochain, un rapport sur le compte à faire rendre à M. Amelot des sommes qu'il a touchées de l'ancienne administration des gabelles, aides, contrôles, domaines et bois.)

M. Conturier. Vous avez, il y a quelque temps, passé à l'ordre du jour sur un décret que je vous ai présenté (1), portant que l'abbaye de Wadegasse serait vendue comme les autres biens. Vous avez passé à l'ordre du jour, motivé sur ce que cette abbaye n'était pas exceptée de la loi qui ordonnait la vente de tous les biens nationaux. Eh bien, le département de la Moselle a refusé encore d'exécuter votre décret. Je demande que votre comité diplomatique fasse demain soir le rapport de cet objet.

M. Rühl. Il est essentiel de délivrer le département de la Moselle de cette compagnie de moineries qu'elle renferme.

M. Merlin. J'appuie la motion de M. Couturier, et, tout en rappelant à l'Assemblée les réclamations du prince de Nassau-Sarrebruck (2), j'insiste pour que le rapporteur, chargé par le comité diplomatique du rapport de l'affaire de Wadegasse, fasse son rapport demain soir.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

Une députation des Amis de la Constitution, séante à Royan, département de la Charente-Intérieure, est admise à la barre.

L'orateur de la députatien offre, au nom de ses camarades, une somme de 738 livres, dont

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLI, seance du 14 avril 1792, page 638, le rapport de M. Couturier.

(2) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIV, séance du 7 juin 1792, page 678, la réclamation du prince de Nassau-Sarrebruck.

468 livres en écus, pour subvenir aux frais de guerre.

M. le Président répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Un citoyen de Civray, département de la Vienne, est admis à la barre.

Il offre, au nom des citoyens composant la société des amis de la Constitution à Civray, 80 livres en argent, 70 livres en assignats, une épaulette et une dragonne en argent.

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Plusieurs citoyens de la section de la CroixRouge sont admis à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

« Législateurs,

» Nous vous demandons la permission de vous faire une proposition sur les circonstances actuelles; nous ne prêchons pas le meurtre, il est indigne des citoyens français. Nous ne proposons pas la suspension du pouvoir exécutif, cette mesure est inconstitutionnelle.

"

Législateurs, la patrie est en danger; prenez une mesure simple, facile, qui peut être exécutée; déclarez la déchéance du pouvoir exécutif; vous le pouvez, la Constitution à la main. (Vifs applaudissements des tribunes.)

«En terminant, nous offrons à la patrie un assignat de 5 livres. »

M. le Président répond à l'orateur et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée ordonne la mention honorable de leur don et renvoie à la commission extraordinaire des Douze l'examen de leur pétition.)

Des citoyens de la section de l'Observatoire sont admis à la barre et demandent l'élargissement de MM. Paris et Boulan, arrêtés pour avoir énoncé leur opinion dans une assemblée primaire, lorsqu'ils exerçaient leur portion de la souveraineté politique (1).

Des commissaires de la même section sont admis après eux et formulent la même demande, en exposant que le rapport qui a été fait à l'Assemblée nationale ne renferme pas tous les faits.

Un citoyen de la section des Gobelins est également admis et appuie les deux précédentes demandes par une pétition sur le même objet des citoyens de sa section.

M. le Président répond à ces divers pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.

M. Merlin. Je demande à convertir en motion les pétitions qui nous sont soumises. Le tribunal qui avait à prononcer sur l'affaire de MM.. Pâris et Boulan a demandé l'explication d'une loi.

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, tome XLVI, séance du 19 juillet 1792, page 667, le rapport de M. Guitard au sujet de l'arrestation des sieurs Paris et Boulan.

Cette explication ne peut avoir d'effet rétroactif. Je propose de terminer cette affaire sur-le-champ en souscrivant aux requêtes qui nous sont présentées; en d'autres termes, que ces deux citoyens soient mis en liberté.

M. Duhem. J'appuie la proposition de M. Merlin. C'est une aristocratie des tribunaux, de vouloir poursuivre les meilleurs patriotes pour leur opinion. M. Pâris a été poursuivi pour avoir dit, dans sa section, « qu'il fallait que Louis XVI succombat ou la liberté. » (Vifs applaudissements des tribunes.) Comme si ces expressions étaient coupables, lorsque Louis XVI a déjà donné l'exemple de la violation de ses serments. Un citoyen d'Arras a été aussi arrêté pour avoir fait venir de Paris le journal intitulé « La Sentinelle » et l'avoir affiché. Il est nécessaire de réformer tous ces tribunaux aristocrates. (Murmures à droite.) Oui, comme il serait utile de réformer tous les représentants du peuple, prévaricateurs, (Applaudissements des tribunes) il faut réformer ces districts, ces départements payés par la liste civile. (Applaudissements des tribunes; murmures à droite.) Je demande que MM. Pàris et Boulan soient mis en liberté. (Nouveaux applaudissements.)

M. Voysin de Gartempe. Tout ce qu'on a dit relativement aux juges de paix, n'engagera pas, sans doute, l'Assemblée nationale à empiéter sur le pouvoir judiciaire. L'affaire dont on vous a rendu compte a pour origine, dit-on, des propos tenus dans une section, c'est-à-dire lorsqu'un citoyen exerçait son droit politique. Sans doute, si tel est le délit, ce n'en est pas un et les tribunaux ne peuvent pas prononcer de peine; mais, il ne s'en suit pas de ce qu'un homme est traduit injustement devant le tribunal, qu'il puisse ensuite avoir recours à l'Assemblée nationale, pour faire infirmer le premier jugement qui a été prononcé.

Un membre: Il n'y en a point!

M. Voysin de Gartempe. Il y a un mandat d'arrêt; c'est précisément sur ce mandat qu'il faut prononcer, c'est au directeur du juré à prononcer; il doit déclarer s'il y a lieu à accusation. (Murmures des tribunes.)

M. le Président. Je rappelle à l'ordre les tribunes qui se permettent des interruptions aussi indécentes.

M. Voysin de Gartempe. Le directeur du juré doit prononcer avec les trois juges qui l'accompagnent, s'il y a lieu à traduire le prévenu devant le juré d'accusation. Si le juré prononce qu'il y a lieu à accusation, il faut absolument venir devant le juré du jugement; il n'y a pas d'autre moyen de procéder. Le pouvoir judiciaire est absolument séparé du pouvoir législatif et c'est ce qui assure la liberte du peuple. Vous ne pouvez prononcer aujourd'hui, sans empiéter sur le pouvoir judiciaire.

Prenez garde que vous n'avez pas vu l'information, et qu'alors il ne dépendait que de quelques pétítionnaires de vous présenter leur affaire sous un jour faux, pour vous faire prononcer en leur faveur. N'allez pas, malgré l'intérêt que peuvent inspirer les détenus, donner un exemple qui serait attentatoire à la Constitution et à la liberté. (Murmures.)

M. Grangeneuve. Il ne s'agit pas de raisonner ici, comme si l'affaire était ordinaire; c'est un citoyen qui, pour son opinion dans une assemblée primaire, a été recherché par le juge de paix.

Plusieurs membres: Rien ne le prouve!

M. Grangeneuve. Les assemblées primaires sont sous la surveillance de l'Assemblée nationale. Pour une opinion qu'un citoyen émet dans les assemblées primaires, il ne peut être soumis qu'à la surveillance, d'abord de l'assemblée primaire et puis de l'Assemblée nationale. Il y a, par conséquent, incompétence manifeste de la part du tribunal ordinaire, qui s'est ingéré de connaître des opinions que des citoyens avaient émises dans une assemblée primaire. En conséquence, le juge a prévariqué en s'attribuant une juridiction qu'il ne pouvait avoir. Lorsqu'on vous a cité la longue suite des formes qu'il faut parcourir, c'est une erreur de praticien, d'un homme qui juge d'après l'ordonnance de 1667, et non pas d'après les principes constitutionnels. (Applaudissements.) Et j'observe que si les sieurs Paris et Boulan eussent voulu depuis un mois suivre cette hiérarchie de pouvoirs qu'on vient tout à l'heure de vous décrire, ils auraient certainement obtenu la liberté; mais ces citoyens, qui ont vu la Constitution et la liberté violées en leur personne, ont préféré de se constituer prisonniers l'Abbaye et de fournir l'occasion de faire éclater ici le respect dù aux droits du citoyen ils se sont sacrifiés pour faire ressortir ces droits de citoyens. (Applaudissements des tribunes.) Quand je vois un homme monter froidement à la tribune et vous parler de renvoyer cette affaire aux jurés, je dis que cet homme n'était pas né pour la liberté. (Applaudissements des tribunes.) Vous devez les remettre en liberté dès ce soir même et décréter qu'il y a incompétence de la part du juge de paix, qui ne devait pas connaître de cette affaire. (Applaudissements des tribunes.)

:

M. Goujon. On a fait perdre de vue l'objet de la délibération. Il y a un rapport sur cette affaire; vous avez décrété l'impression de ce rapport, on ne peut donc délibérer que sur le rapport du comité de législation. (Murmures des tribunes.) Monsieur le Président, faites en sorte qu'il y ait une Assemblée nationale; car c'est à l'Assemblée nationale que je parle. Il s'agit ici d'un mandat d'arrêt. Or, qu'est-ce qu'un mandat d'arrêt? c'est un acte du pouvoir judiciaire. On dit le mandat d'arrêt est nul, par la raison qu'on n'a pas eu le droit de le décerner pour un fait qui s'est passé dans une assemblée primaire ou de section, Eh bien! oui, je crois que le mandat d'arrêt est nul; mais, qui a droit de prononcer la nullité d'un mandat d'arrêt? On conviendra que ce n'est point l'Assemblée nationale. (Murmures.) Toutes les fois qu'un tribunal sort des règles, il ne peut y être rappelé, aux termes de la Constitution, que par un tribunal supérieur. C'est au tribunal de cassation à casser l'acte; c'est au tribunal de cassation, après avoir annulé l'acte, à dénoncer au Corps législatif l'officier, s'il a prévariqué. Voilà le texte même de la Constitution.

J'ai supposé jusqu'à ce moment la contravention constante. J'ai supposé le mandat d'arrêt nul; et, dans cette supposition, j'ai démontré que c'est au tribunal de cassation seulement à en connaître. Mais cette supposition que je faisais est une pure supposition sur laquelle nous ne pouvons pas prononcer, quand nous serions compétents. Car enfin, d'où résulte la nécessité d'un mandat d'arrêt? Elle résulte de ce qu'il a été décerné pour des propos tenus dans l'assemblée primaire. Eh bien, quelle pièce nous justifie

de la conduite tenue par le sieur Boulan? Il n'existe aucune pièce, il n'en peut exister aucune, par la raison que les pièces sont nécessairement secrètes; et, dès qu'elles sont secrètes, elles ne peuvent vous être représentées; et, dès lors, c'est au pouvoir judiciaire à en connaître, parce que, pour lui, ce secret n'existe pas et ne peut exister. C'est donc au tribunal de cassation que celui qui se plaint doit se pourvoir. A notre égard, nous ne pouvons constitutionnellement faire autre chose que passer à l'ordre du jour. (Murmures.)

(Plusieurs membres demandent la parole.)

M. Foissey. Nous ne sommes pas juges du fait, nous ne pouvons qu'exprimer le vœu général sur un objet d'intérêt général.

M. Charlier parle dans le bruit.

M. Thuriot. J'ai dénoncé à l'Assemblée que, le jour de la Fédération, des citoyens avaient été poursuivis pour avoir énoncé dans les sections leur opinion sur M. La Fayette, et qu'ils avaient été conduits devant le comité central, qui, à partir de ce moment, n'a pas voulu prononcer; j'ai fait rendre un premier décret qui a ordonné que le pouvoir exécutif rendrait compte, dans les vingt-quatre heures, des motifs de la détention et du refus de prononcer. Eh bien, Messieurs, le pouvoir exécutif n'a point rendu compte. Six jours après, ayant appris que ces citoyens que je ne connais pas, mais auxquels je m'intéresse comme victimes d'un refus en justice (Applaudissements), étaient encore en prison, j'ai demandé à l'Assemblée un nouveau décret, et il a été prononcé; il porte très formellement que le pouvoir exécutif rendra compte dans vingt-quatre heures. Eh bien, il a reçu le décret depuis trois jours, et il n'a pas rendu compte. Il est donc clair que c'est une intelligence criminelle qui existe entre les juges de paix et le pouvoir exécutif pour vexer les citoyens; on veut vexer les citoyens, afin de leur faire regretter l'ancien régime et les déterminer à tout faire pour reprendre des fers. Je reviens actuellement à l'affaire qui occupe l'Assemblée. Je dis, Messieurs, qu'il n'y aurait plus de liberté en France, si l'on souffrait qu'un citoyen qui a exprimé son opinion dans une assemblée primaire, fût mis en prison pour cette opinion. Le directeur du juré, en reconnaissant qu'il n'y avait point de loi positive qui puisse s'appliquer à la circonstance; en reconnaissant qu'il y avait une loi positive qui permettait d'exprimer franchement son opinion dans les assemblées primaires a néanmoins retenu en état d'arrestation des citoyens innocents. Il a écrit au Corps législatif pour avoir une loi interprétative du Code pénal, pour avoir une loi interprétative de celle qui permet d'exprimer franchement son opinion, et c'est après une prévarication aussi formelle, un acte aussi criminel, que l'Assemblée voudrait passer à l'ordre du jour et ne pas s'occuper de réprimer l'audace du juge de paix et l'audace du tribunal du cinquième arrondissement!

Je dis que jamais le citoyen ne sera tranquille dans son domicile, que jamais il ne pourra parler dans aucune affaire, si vous ne vous empressez de sévir contre ce juge de paix. Je demande que conformément aux princípes, attendu que l'Assemblée est seule compétente pour connaître de la violation du droit des citoyens dans les assemblées primaires, conformément à la loi et au décret positif, qui annulent de pareilles procédures et qui sévissent contre les officiers

qui se les sont permis, je demande que l'Assemblée prononce la nullité de l'instruction qui a été faite contre les sieurs Pâris et Boulan, pour opinion émise dans une assemblée primaire; et je demande en second lieu, qu'elle renvoie à son comité de législation pour faire un rapport sur la conduite du juge de paix et du tribunal du cinquième arrondissement.

M. Basire. Voici le projet de décret que je propose:

« L'Assemblée déclare la procédure intentée contre les citoyens Pâris et Boulan, pour des opinions énoncées dans leur assemblée primaire, attentatoire à la souveraineté nationale (Applaudissements dans les tribunes); improuve tous les juges qui ont coopéré à ce jugement et décrète que le ministre de la justice lui rendra compte, dans la séance de demain, des mesures qu'il aura prises pour faire cesser la détention arbitraire de MM. Pâris et Boulan. »

M. Goujon. Je demande la lecture de la procédure.

Plusieurs membres: Fermez la discussion!
(L'Assemblée ferme la discussion.)

Les mêmes membres: Le renvoi au comité de législation!

D'autres membres : Nous demandons la priorité pour la motion de M. Basire.

Un membre: Je demande la question préalable sur l'ordre judiciaire.

(L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le renvoi et accorde la priorité à la proposition de M. Basire.)

M. Goujon. Je demande que l'on fasse lecture des pièces.

M. Foissey. Si nous faisons une chose absurde, au moins ne faisons-nous pas une injustice. Je demande qu'on ne juge pas sans connaître les pièces. Nous n'avons pour preuves que les assertions de MM. Grangeneuve, Thuriot et Basire. Si nous voulons être juges, remplissonsen au moins tous les devoirs.

Plusieurs membres: Nous demandons la question préalable sur la motion de M. Foissey. (L'Assemblée rejette la proposition de M. Foissey et adopte celle de M. Basire.)

M. Fauchet. Il s'agit ici d'un attentat à la souveraineté nationale. Une simple improbation n'est pas suffisante. Je demande qu'il soit ordonné que le ministre rendra compte demain, si, oui ou non, les juges ont prévariqué, puis nous prononcerons sur la peine.

M. Gérardin. L'Assemblée ne peut pas improuver le juge de paix avant de savoir s'il a tort. C'est une chose atrocement ridicule que de proposer cette improbation. Si c'est une prévarication, il faut le punir, et non l'improuver. Il ne faut pas que le Corps législatif vienne blesser la Constitution.

(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Fauchet.)

M. Tronchon. Je demande aussi par amendement le retranchement de toute la première partie du projet de décret; en d'autres termes je propose que l'Assemblée diffère à qualifier d'attentatoire à la souveraineté du peuple la procédure intentée contre MM. Pâris et Boulan, jusqu'à ce qu'elle se soit fait rendre compte par

le ministre de la justice et qu'elle se soit procuré une pleine connaissance de l'affaire. Plusieurs membres: La question préalable sur l'amendement!

(L'Assemblée rejette l'amendement de M. Tronchon.)

Suit le texte définitif du décret rendu:

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il s'agit de maintenir aux citoyens le libre exercice de leurs droits auxquels le Corps législatif ne doit pas permettre que l'on porte la plus légère atteinte et qu'il importe de statuer sans délai sur la détention illégale de MM. Pâris et Boulan, décrète qu'il y a urgence.

«L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, déclare la procédure intentée par un juge de paix, et par le tribunal du cinquième arrondissement de Paris, contre les citoyens Paris et Boulan, pour des opinions par eux énoncées dans l'une des assemblées élémentaires de la nation, attentatoire à la souveraineté du peuple; et décrète que le ministre de la justice lui rendra compte, dans sa séance de demain au matin, des mesures qu'il aura prises pour faire cesser la détention illégale de MM. Paris et Boulan, se réservant, après avoir entendu le ministre de la justice, de statuer sur la peine qu'ont encourue les officiers de justice qui ont Concouru à l'instruction de cette procédure extraordinaire ».

M. BARBET DU CLOSEL est admis à la barre. Au nom d'un très grand nombre de citoyens de presque toutes les villes du département du Puyde-Dôme, formant à peu près 10,000 signataires, il demande le rassemblement et la permanence des assemblées de sections. 11 dénonce les départements de Paris et de la Somme et demande qu'on sévisse contre eux. Il se plaint enfin de la conduite de la cour depuis la Révolution.

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

M. Thuriot. La permanence des sections a déjà été demandée par plusieurs départements. Dans Paris c'est la permanence des sections qui a fait la Révolution; c'est la permanence qui doit la consolider. Je demande que l'Assemblée décrète l'urgence et la permanence des sections.

Plusieurs membres : Le renvoi au comité! (L'Assemblée rejette le renvoi et adopte la proposition de M. Thuriot.)

Suit le texte définitif du décret rendu :

« L'Assemblée nationale, considérant qu'au moment où la patrie est en danger et où des mouvements d'agitation se font sentir, à chaque instant, dans la capitale, il importe que les citoyens veillent tous pour assurer l'exécution des lois et le maintien de l'ordre public, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les assemblées des sections de Paris se tiendront et seront permanentes, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. »

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une pétition de François-Alexandre Lièvre, maréchal des logis de la gendarmerie, lequel se plaint de n'avoir pas obtenu du pouvoir exécutif le grade de capitaine auquel il prétend avoir droit d'après

ses services.

(L'Assemblée renvoie la pétition à son comité

militaire, et ordonne que le pouvoir exécutif rendra compte des raisons du refus dont se plaint le sieur Lièvre.)

M. GEORGE, grenadier volontaire du bataillon de Henri IV, est admis à la barre. Il fait part à l'Assemblée du désir qu'il a conçu de voir employer au service de la nation les fusils, sabres, l'usage est nul au moyen du service que fait pistolets et chevaux qui sont chez le roi et dont auprès de sa personne la garde nationale parisienne.

M. le Président répond et accorde au pétitionnaire les honneurs de la séance.

M. Thuriot. Je demande à convertir cette pétition en motion. L'Assemblée a décrété que tous les citoyens déclareraient la quantité d'armes qu'ils possèdent. Le roi, comme premier citoyen, ne peut pas en être exempt et c'est pourquoi je propose l'ajournement jusqu'au moment où le roi aura fait sa déclaration à la municipalité.

M. Dehaussy-Robecourt. Je demande l'ordre du jour sur la motion de M. Thuriot, motivé sur ce que la loi en est faite et qu'elle doit être exécutée.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour, motivé sur ce que la loi faite pour la déclaration des armes doit être exécutée par tous les citoyens de l'Empire indistinctement.)

M. Fauchet. Il y a beaucoup d'armes au château. On a dénoncé un fait important: c'est qu'il entrait dans les Tuileries des gardes nationales armées et qu'elles sortaient sans armes; ce qui arrivait souvent. Il nous importe que l'Assemblée nationale ne soit pas sous un arsenal aussi voisin d'elle. Je demande que l'Assemblée déclare que la lisière qui borde son enceinte sera ouverte à tous les citoyens.

M. Lamarque. J'appuie la proposition de M. Fauchet, et je demande que l'Assemblée nationale décrète, qu'à elle seule appartient la police de son enceinte extérieure, c'est-à-dire que toute la partie du terrain connue sous le nom de terrasse des Feuillants soit déclarée faire partie de l'enceinte extérieure de l'Assemblé nationale.

Plusieurs membres : Nous demandons le renvoi au comité des inspecteurs de la salle.

D'autres membres: Et nous, la question préa lable sur le renvoi.

(L'Assemblée rejette le renvoi.)

M. Fauchet. Je propose cette rédaction.

« L'Assemblée nationale, considérant que la Constitution lui donne le droit de fixer les limites dans lesquelles elle exerce sa police, déclare que la terrasse des Feuillants, depuis la porte du Manège jusqu'à la porte de l'Orangerie exclusivement, fait partie de son enceinte extérieure. »

M. Dehaussy-Robecourt. J'observe à l'Assemblée qu'il n'y a aucune urgence à décréter la proposition de M. Fauchet, puisque l'Assemblée constituante, depuis son établissement au Manège, et l'Assemblée actuelle depuis dix mois, n'ont pas jugé nécessaire de déterminer une enceinte extérieure. Une seconde raison, c'est que jusqu'ici on a regardé comme limites de l'enceinte de l'Assemblée celles des maisons des cidevant Capucins et Feuillants. Je pourrais ajouter que si l'on voulait reculer ces limites pour l'exercice de la police, il fallait le faire avec unifor

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