Un autre trait non moins caractéristique de l'efprit général des françois à cette époque, c'eft que ce régiment nomma pour traiter de fes intérêts un comité de représentans, qui s'acquitta de fes fonctions avec beaucoup d'ordre & d'intelligence. La commune, à la réquifition de M. de la Fayette, accorda à chacun de ces foldats patriotes un certificat national très-honorable, & prit toutes les précautions néceffaires pour leur affurer leur contingent dans la maffe & les effets du régiment. Enfin l'Hôtel-de-ville transigea avec eux tant de leurs meubles que de leurs immeubles : les premiers furent évalués à 130,000 l., les feconds à 900,000 1., & ces deux fommes furent réparties entr'eux. Certainement les fervices des gardes-françoises font au-deffus de toutes les récompenses, & la libéralité de la commune ne pouvoit être mieux placée; mais il faut avouer qu'elle méconnut les vrais principes en rachetant leurs cafernes & leur hôpital; elle ne devoit pas ignorer que les bâtimens destinés au logement des troupes font le bien de la nation, & non la propriété particulière du foldat. La formation de la garde non-foldée ne fit pas moins d'honneur au patriotisme des parifiens. Toute la jeuneffe courut se faire infcrire avec un honorable empreffement, & l'on vit l'ancien militaire & le négociant, l'artisan & le magiftrat venir fans diftinction d'état & de rang, placer leur nom fur le rôle des foldats de la liberté. Ceux que leur âge ou leur fanté priva de l'honneur de marcher fous les mêmes enseignes, s'emprefsèrent du moins de le procurer à ceux que la pauvreté en tenoit éloignés, & fournirent aux frais de l'habillement des citoyens honnêtes, mais peu fortunés. Quelques altercations entre les jeunes gens fur les grades militaires & les épaulettes, produites par cette fureur des distinctions, malheureux fruit de nos inftitutions ferviles, affligèrent les vrais amis de la liberté; mais ces légers nuages furent bientôt diffipés. On sentit que l'égalité civile étoit la plus noble prérogative du citoyen, l'uniforme national la plus belle décoration. Les clercs de la Bazoche, qui pour se mettre plus en état de fervir la patrie, s'étoient réunis en légion particulière, & qui par un zèle infatigable à escorter les convois de vivres, avoient été très-utiles à la capitale, donnèrent en même tems un exemple honorable d'esprit public & de fubordination, en renonçant à former une corporation militaire, & en follicitant l'honneur porter l'habit de foldat-citoyen. de L'enthousiasme guerrier, qui faisit tous les rangs & tous les âges, transforma Paris en un vafte camp, & entretint dans les efprits cette fermentation si nécessaire dans le commencement d'une révolution. Les canons furent diftribués entre tous les bataillons, & chaque diftri&t fit bénir fes drapeaux. Ces cérémonies nouvelles, ces fêtes civiques fouvent répétées, contribuèrent à changer les anciens plaifirs du peuple, & à lui inspirer des goûts plus plus analogues à la dignité d'hommes libres. Mais lorfque la garde nationale entière vint dans le plus augufte de nos temples présenter tous fes drapeaux aux bénédictions du ciel, nos ennemis mêmes s'émurent à la voix de l'orateur patriote qui donnoit à la liberté la fageffe pour guide, & la régénération des mœurs pour base. L'explosion de mille fufils tirés au même inftant fit retentir les voûtes facrées, l'artillerie répondit au dehors, & le ferment de vivre & mourir libres de demeurer toujours fidèles à la nation, à la loi & au roi, fut le cri unanime de tous les citoyens. CHAPITRE III. Déclaration des droits de l'homme. - Dan gers de fa proclamation. Projets de MM. de la Fayette, l'abbé Sieyes & Avantage remporté par les fujet. C partifans de la liberté. L'ASSEMBLÉE Nationale après avoir diffipé les ténèbres affreufes que la nuit de la féodalité avoit épaiffies fur toute la furface de la France, & apporté des foulagemens aux maux preffans du peuple, s'occupoit à pofer les fondemens d'une conftitution libre, Elle avoit promis à la France & au genre-humain le bienfait d'une déclaration des droits de l'homme. Cet ouvrage qui ne doit être que l'expofition de quelques vérités éternelles, applicables à toutes les affociations po |