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(le 10 mars) en conférant de nouveau au libérateur l'autorité dictatoriale dont il jouissait, le droit de porter l'armée sur tous les points de la république qui pourraient être menacés, et même de fournir à la Colombie et aux républiques alliées les troupes, les vaisseaux et tous les secours dont elles pourraient avoir besoin...

Le congrès dissous, Bolivar institua un conseil de gouvernement chargé de l'administration de l'état sous sa direction... Il prit des mesures pour resserrer le blocus du Callao, et il partit pour les provinces du haut Pérou, en laissant aux habitans de Lima une proclamation dans laquelle il leur témoignait sa satisfaction de leur entier dévouement à la cause de la patrie, de la sagesse des lois rendues par leurs législateurs, et dont il venait de confier l'exécution à des hommes prudens. On ne s'arrêtera point aux actes du gouvernement dans son absence; les uns favorables au commerce étranger, les autres portant des mesures plus rigoureuses contre les Espagnols dont toutes les propriétés étaient déclarées confisquées, quel que fût le bâtiment à bord desquels on les trouverait (décret du 17 avril). Ces mesures prouvent qu'on redoutait les communications avec la métropole, et les complots qu'on a encore découverts, montrent qu'elle y avait toujours des partisans.

L'état des finances du Pérou n'était pas meilleur que dans la Colombie... Le ministre des finances présenta le 24 avril au conseil de gouvernement un projet de caisse d'amortissement. Il assurait dans son exposé que le Pérou, délivré de ses ennemis, aurait non seulement les moyens suffisans de pourvoir à tous ses engagemens, mais même un excédant qui servirait à augmenter la prospérité de l'empire. En attendant, dans son projet d'amortissement de la dette nationale il affectait des fonds différens à l'extinction de la dette étrangère et de la dette nationale. Ceux-là devaient se composer de plusieurs impôts considérables, de la douane, du produit des mines appartenant à l'état, soit par vente ou par bail, du produit des ventes ou des baux de toutes les terres et propriétés de l'état, lorsqu'on aurait pourvu au rachat de la dette intérieure; du produit du timbre, d'une partie des dîmes, sous la dénomination de neuvième, et d'une partie du produit des bénéfices ecclésiastiques; du

produit des manufactures 'de poudre et d'autres moins importans. Le ministre proposait aussi de faire passer à Londres, avec la plus grande ponctualité, les sommes qui, d'après les contrats d'emprunts, doivent être appliquées à l'extinction graduelle de la dette, et au paiement des intérêts, en consacrant le surplus de la caisse d'amortissement à l'achat des bons du gouvernement.

Ce projet reçut l'approbation du conseil suprême; mais on ne voit pas qu'il ait eu cette année des résultats favorables ni au crédit de l'état, ni à celui de Colombie, qui attendait en vain le remboursement de ses avances.

Des événemens plus dignes d'attention se passaient alors dans les provinces du haut Pérou, qui sans doute avaient déterminé le voyage de Bolivar.

Malgré l'assurance et la forfanterie de ses proclamations, Olaneta qui semblait, avec les débris de l'armée espagnole dispersés dans ces provinces, devoir renverser les trophées d'Ayacucho, s'était successivement retiré devant les divisions mises à sa poursuite, de Potosi jusque dans la province de Salta. Il était près d'une petite ville nommée Tumusla, avec une troupe de 7 à 800 hommes, lorsqu'il y fut joint et attaqué, le 2 avril, par un détachement de l'armée péruvienne qui n'était, dit son commandant (le général Urdimenca), que de 300 hommes. Malgré leur infériorité en nombre, ceux-ci n'hésitèrent pas à commencer l'attaque par une fusillade où le général Olaneta tomba l'un des premiers, blessé mortellement. Cet accident découragea les siens, qui prirent la fuite en laissant au pouvoir du vainqueur 200 prisonniers et tous les bagages du général.

Après cette petite action, la seule de cette campagne, la puissance espagnole tomba comme en lambeaux dans ces provinces; il arriva de tous les districts aux quartiers de l'armée colombo-péruvienne, des officiers et des détachemens avec leurs armes et leurs drapeaux. Un seul des commandans espagnols dans la province de Chiquitos (D. Sebastien Ramos), refusant de se ranger sous l'étendart de l'indépendance, préféra recourir à la protection du Brésil, et fit proposer par un aide-de-camp au gouverneur de Mato-Grosso de

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de la Plata, ou de Buenos-Ayres (9 mai), qui y donna son adhésion, les principaux habitans des provinces du haut Pérou (la Paz, Potosi, Charcas, Cochabamba et Santa - Crux), étant convoqués à Potosi en assemblée générale, déclarèrent que puisque les congrès de ces deux républiques leur avaient donné la liberté de disposer de leur sort, et de décider de ce qui leur convenait le mieux, ils choisissaient l'indépendance. (Déclaration du 6 août.) Ainsi fut formée dans l'Amérique méridionale une septième république dont la population était déjà supérieure à celle du Chili et de la confédération de la Plata. Elle prit le nom de Bolivia ou Bolivaria, pour rappeler à la postérité le nom de son libérateur, et il y fut formé un gouvernement provisoire composé de trois personnes, et présidé par le général Sucre. Un des premiers décrets de ce gouvernement annonce que les mines seront données à bail, mais que l'exploitation n'en sera pas accordée à moins de 3 millions de dollars. On assure qu'il y en avait cinq mille dans l'étendue des cinq provinces.

Dans l'état d'anarchie où les provinces du Pérou étaient depuis quinze ans, elles avaient besoin de toute l'activité du président libérateur: aussi le voit-on incessamment occupé, dans son séjour à Lima, à Arequipa, à Cusco, à Potosi, à donner des lois conformes aux nouveaux intérêts du pays; il distribue des terres; il ordonne que tous les habitans sans distinction contribuent également aux charges publiques; il améliore le sort des naturels du pays; règle leur service, et soumet au droit commun les actes passés avec eux; il supprime les titres héréditaires, entre autres ceux de Cacique; il établit l'enseignement mutuel et prend plusieurs mesures pour encourager l'agriculture, l'industrie et le commerce.

Vers l'époque où une rupture paraissait inévitable entre le Brésil et les provinces-unies de la Plata, le gouvernement de BuenosAyres envoya au libérateur une députation chargée de le féliciter, au nom du congrès constituant et de la nation argentine, des éminens services qu'il avait rendus à la cause de l'indépendance américaine, et sans doute aussi pour l'engager à prendre part à la guerre que les provinces de la Plata allaient avoir à soutenir contre le Brésil. Entre les membres de cette députation était le général

Alvear, qui s'était distingué dans le premières campagnes de la révolution, et qu'on a vu remplir les premiers emplois de la république. Ils arrivèrent le 7 octobre à Potosi, chef-lieu de la république nouvelle, où le libérateur se trouvait alors. Leur réception fut brillante: il y eut des fêtes, des repas, et des toasts en l'honneur des républiques américaines et de leurs guerriers, mais aucun résultat sur l'objet essentiel de la mission, sur la part que l'armée libératrice était invitée à prendre dans les querelles de la république argentine: Bolivar jugea que c'était une affaire à porter au congrès de Panama.

Tandis que le libérateur organisait sa nouvelle république, l'armée employée au siége de Callao poursuivait ses travaux avec plus de zèle que de succès. Le brave Rodil, seul désormais à défendre la puissance espagnole sur le continent, répondait à toutes les sommations par une résistance plus vive et plus opiniâtre. Mais enfin abandonné par l'Espagne, n'ayant reçu aucun secours depuis le départ de l'Asia, il se réduit à armer ses esclaves, manquant de munitions et de vivres, n'ayant aucune espérance de relever la cause espagnole, et voyant sa garnison exténuée, découragée, prête à s'insurger, il commençait à prêter l'oreille aux propositions qu'il avait jusque-là reçues avec tant de hauteur. On sait qu'il a enfin rendu la place par une capitulation fort honorable, conclue le 22 janvier 1826, avec le général Bartholome Salone, qui commandait le siége... Tous ceux de ses soldats qui ont voulu rester au Pérou et prendre du service ont été bien reçus. Les autres ont été transportés dans leur patrie sur une frégate anglaise (the Briton) aux frais de la république péruvienne.

On anticipe encore ici sur l'histoire de 1826 pour recueillir un fait qui termine, sur ce point, celle de l'indépendance américaine.

CHILI.

Depuis que cet état avait secoué le joug de la métropole, il n'avait pas cessé d'être en proie à des troubles qui semblaient mettre son existence en péril. On peut dire qu'il n'avait ni argent, ni lois, ni gouvernement, et cependant il existait... Le directeur suprême

blics la moitié de leurs traitemens et qu'il pourvoierait aux besoins des autres dans les états où ils se retireraient. Ce coup de vigueur modéré dans son exécution, paraît avoir rétabli pour le moment un peu d'ordre et de tranquillité.

On a sur les causes et les circonstances de ces dissensions trop peu de détails pour s'y arrêter davantage.

Le directeur suprême s'occupait pour y faire diversion, de nouveaux préparatifs contre l'île de Chiloé, dont le gouverneur (Quintanella) avait repoussé toutes ses propositions et ses menaces. Cette expédition était beaucoup plus considérable que celle échouée l'année dernière. L'escadre sous les ordres de l'amiral Blanco, était composée de deux frégates et de quelques bricks; entre lesquels était l'Achille de vingt-deux canons, qui faisait partie de l'escadre espagnole de ce malheureux officier jeté sur une des îles Mariannes, et dont l'équipage après avoir refusé de suivre l'Asia et la Constance quand ils se vendirent aux Mexicains, était venu de lui-même se livrer aux Chiliens dans le port de Valparaiso. Quant aux forces de terre destinées à l'expédition contre Chiloé, elles consistaient en quatre mille hommes de toutes armes. Ainsi tout ce que la république avait de forces navales et militaires allait se trouver engagé dans cette expédition, que le directeur suprême voulait diriger en personne. On en dira l'année prochaine le résultat.

BUENOS-AYRES. PROVINCES DE LA PLATA.

Après de longues dissensions intérieures, après des difficultés graves, élevées sur l'organisation de la fédération des provincesunies de la Plata, le congrès général s'était pourtant réuni à BuenosAyres. C'est le 23 janvier 1825 qu'il proclama son existence, par un décret dans lequel il se déclare législatif et constituant. Jusqu'à la promulgation de la constitution générale qu'il devait donner à la confédération, chaque province devait conserver les institutions particulières qui la régissaient et en attendant qu'il fût établi un pouvoir exécutif fédéral, le gouvernement de la province de Buenos-Ayres était chargé de l'exécution des actes du congrès, et de tout ce qui concerne les relations extérieures, de négocier les trai

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