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dus; des instructions ont été faites; les prévenus ont été interrogés; et pour donner encore plus de solennités à cette instruction, le gouverneur a fait appeler au conseil trois des juges de la Cour royale et le contre-amiral commandant les forces maritimes. C'est par ce conseil, composé de huit ou dix fonctionnaires principaux de la colonie, qu'il a été reconnu que la sûreté de cette colonie exigeait qu'il fût pris des mesures fermes et vigoureuses. En conséquence, ceux qui avaient été impliqués dans la conspiration, mais contre lesquels il n'y avait pas assez de preuves pour prononcer une condamnation à mort, furent condamnés : les uns à être déportés au Sénégal, d'autres seulement à être conduits en France pour que le gouvernement décidât de leur sort.

« On nous dit (le général Foy) que ces derniers devaient en arrivant en France jouir de la liberté qui appartient à tous citoyens français. Je réponds à cela, que le bâtiment qui les portait n'a pas débarqué en France; il ne le pouvait pas sans une autorisation spéciale. Et, quant aux droits qu'on réclame en faveur des hommes de couleur, je répondrai que ces droits leur sont interdits par la loi, qui dispose formellement qu'ils ne peuvent venir habiter en France sans en avoir reçu l'autorisation préalable. »

En résumé, le ministre pensait que le gouverneur de la Martinique avait rendu en cette circonstance un service signalé à la colonie et au gouvernement. Il ajouta que S. M. lui en avait témoigné sa satisfaction, et il exprima le regret qu'au lieu d'appeler les passions à leur secours, de soulever des questions propres à ranimer dans les colonies des germes de haine et de discorde mal éteints, les condamnés n'eussent pas cherché un refuge dans la clémence royale.

Le général Foy insista encore sur ce qu'il y avait ici deux questions; celle qui se rattache à la conduite du gouverneur de la Martinique, dont il voulait bien admettre le droit, la légalité; puis celle qui se rattachait au sort des déportés arrêtés ou détenus sur le sol français: question toute spéciale, où il ne s'agissait que du ministère, et pour l'examen de laquelle il appuyait le renvoi de la pétition au ministre qu'elle concernait.

A cet égard le ministre président du conseil, prenant la parole, fit observer, que comme le gouvernement de la Martinique avait agi dans les limites de son autorité, le gouvernement et ses agens en France n'étaient pas sortis des voies légales; qu'il n'avait pas eu le droit d'entraver l'exécution d'un jugement « extraordinaire, il « est vrai, mais rendu par l'autorité compétente dans le pays »; qu'il avait fait son devoir en refusant de donner protection aux agens

de troubles et de désordres, et en leur interdisant le séjour de la France, comme la loi le permettait.

La question, écartée par l'ordre du jour, en resta là; mais on sait, nous l'avons déjà dit, que les déportés, s'étant ensuite adressés à la clémence royale, comme le ministre venait de leur en donner le conseil, ont tous été rendus à la liberté, à la charge par eux de ne résider ni en France, ni dans les colonies françaises.

Liste civile. Ce même jour, M. le comte de Vaublanc fit à la chambre des députés, au nom d'une commission spéciale, le rapport sur le projet de loi relatif à la liste civile.

Le premier article réunit à la dotation de la couronne les biens acquis par le feu roi et dont il n'avait pas disposé.

Le second article de ce projet, qui semblait devoir être le premier, fixait la liste civile, pour la durée du règne qui venait de commencer, à 25 millions de francs, comme sous les deux règnes précédens : le troisième à 7 millions, la somme qui doit teuir lieu d'apanage aux princes et aux princesses de la famille royale, article réduit de deux millions par la suppression de la maison de MONSIEUR.

D'après l'état de l'actif et du passif de la liste civile remis à la commission, il était reconnu qu'au moment où le nouveau règne a commencé, le passif excédait l'actif de 48,489 fr.-A ce sujet l'honorable rapporteur faisait observer que, dans la liste civile et dans la dotation de la couronne, les dépenses particulières du Roi tenaient une faible place comparée à celle qu'exigent l'éclat du trône, l'entretien des palais, des jardins ouverts au public, des musées, et des manufactures fondées par nos rois, des acquisitions faites, des présens donnés, des encouragemens distribués à tous les arts, des secours répandus dans toutes les classes par une bienfaisance inépuisable pour le malheur.

L'art. 4, relatif aux biens restitués à la branche d'Orléans, assurait le retour au domaine de l'état en cas d'extinction de la descendance masculine, de ceux de ces biens qui constituaient l'apanage, biens évalués à 56,692 hectares payant 297,000 fr. de contribution. Le projet était terminé par une disposition relative à deux circon

stances; l'une où la France venait de rendre les devoirs suprêmes au roi législateur, l'autre qui devait terminer la session du nouveau règne (le sacre).

La commission, tout en exprimant le regret «qu'un sentiment des « convenances plus facile à saisir qu'à exprimer, ne lui permît pas «de faire des observations, qui se présentent naturellement, sur «<l'augmentation du prix de toutes les denrées depuis trente-trois ans «< que la liste civile avait été fixée pour la première fois à 25 millions», se bornait à proposer l'adoption de la loi telle qu'elle avait été présentée.

(12 Janvier.) Le jour fixé pour la discussion, les orateurs s'interdirent toute réflexion sur la somme affectée à la liste civile, que tous auraient voulu voter par acclamation.

Mais il s'éleva sur l'article 4, relatif aux biens restitués à la maison d'Orléans, et constitués en apanage à MONSIEUR, frère de Louis XIV, une question de droit dont on ne peut ici considérer que les

masses.

M. Bazire l'aborda le premier. Selon l'honorable opinant, la loi proposée ne devait concerner que la liste civile; les 4o et 5o articles y étaient entièrement étrangers : la liste civile demandait effectivement une loi spéciale, pure, dégagée de tout autre intérêt; c'était une loi obligée que les convenances devaient faire voter avant toute discussion : c'était la décolorer que de lui joindre sans nécessité des questions qui pouvaient forcer de descendre dans le champ de la discussion.

« L'art. 4, dit-il, concerne le duc d'Orléans qui a perdu par des lois intervenues, qui ne sont pas encore abolies, l'apanage réel qui avait été donné au chef de sa maison, MONSIEUR, frère de Louis XIV. Le monarque à la restauration lui a fait remise de cet apanage. Je m'incline avec respect devant ce grand acte de la munificence royale, que je n'entends ni contester, ni attaquer. Mais les ministres nous demandent de le sanctionner par une loi; ils ajoutent qu'il leur a paru convenable de demander cette sanction législative, au moment où les Chambres allaient s'occuper de la liste civile. Il m'est difficile de concevoir la nécessité ou l'opportunité de mêler à la loi cet objet particulier.

« Le prince que cet article intéresse ne participe pas à la liste civile, il y est même tout-à-fait étranger. Nous avons donc le droit d'attendre qu'on nous dise les véritables motifs qui ont fait intercaler cet article dans une loi qui ne semblait pas le demander... Je ne voudrais pas soupçon

ner qu'on l'ait mis dans le projet de loi afin de le faire passer avec plus de facilité en si bonne compagnie. »

Quant à l'article en lui-même, l'opinant semble entrevoir qu'en le considérant dans l'état de la législation actuelle, il pourrait offrir quelques obstacles et quelques embarras; mais pour le moment il se borne à demander l'ajournement de la question, ajournement qui ne portait aucun préjudice au prince qui jouit de son apanage réel, apanage que personne n'entendait lui contester.

M. de Bouville demandait également le retranchement de l'article 6 (relatif aux 6 millions destinés à acquitter les frais des obsèques du feu roi et ceux du sacre de Charles X ), « non à cause du « quantum, non que cet article pût être mis en discussion, puisque « c'était une dépense juste, nationale, qui devait être faite avec splen« deur et magnificence», mais parce que cet article devait être mis à la charge du budget annuel, et non pas à celle de la liste civile.

M. le ministre des finances prenant alors la parole pour justifier les dispositions attaquées dans leur connexion avec la liste civile, commenca par en établir les motifs; il établit que l'apanage créé en faveur de MONSIEUR frère unique de Louis XIV, lui fut accordé pour lui tenir lieu de sa part héréditaire dans la succession mobilière et immobilière du feu roi, et pour prix de sa renonciation à tous les biens composant ladite succession.

« Cette propriété n'était plas contestable, dit S. Exc., et sous ce rapport les ordonnances da Roi que nous proposons de convertir en loi sont basées sur le principe sacré de la restitution, principe consacré postérieurement à ces ordonnances, par la loi de 1814 sur les biens non vendus... Ces ordonnauces n'ont souffert dans l'exécution aucun obstacle, aucune espèce d'embarras, et la loi de la liste civile de 1814, si la restitution de l'apanage n'eût pas existé, eût-elle appelé à accorder une rente apanagère à Monseigneur le duc d'Orléans, comme vous y serez appelés, si le principe de la restitution de l'apanage pouvait être contesté... Que si l'on demande aujourd'hui la sanction législative de cette restitution sous le caractère d'apanage, c'est pour prévenir toute contestation qu'on serait tenté d'élever d'après la loi de 1791 dont l'art. 1° portait, qu'il ne serait plus concédé à l'avenir aucun apanage réel, et dont l'art. 2 a révoqué toute concession d'apanage antérieur à ce jour... Cette loi n'ayant pas été rapportée par une autre loi depuis la restauration, quoique antérieure à la Charte, n'ayant rien établi sur le mode d'après lequel serait régi l'apanage après la mort da duc d'Orléans, il y avait nécessité à prendre une disposition législative pour sortir du provisoire. Cette disposition devait se trouver dans la loi

de la liste civile; car c'est dans cette loi qu'on devrait accorder au duc d'Orléans la rente apanagère, s'il n'avait pas son apanage. Je ne comprendrais pas comment dans la même loi où sont fixées les rentes qui tiennent lieu d'apanage aux autres membres de la famille royale, on pourrait dire que nous n'aurions pas dû présenter la décision relative à la rente apanagère due à l'un des princes de la famille royale.

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Cette proposition a-t-elle, comme on l'a prétendu, besoin du passeport que nous venous de lui donner? Pour résoudre cette question il suffit de voir si la proposition que nous vous faisons est' monarchique; si elle est dans l'intérêt de la justice ou si elle ne l'est pas. Aucun doute, suivant moi, que le principe de l'apanage en terres ne soit plus monarchique que celui des rentes apanagères. Dira-t-on que par une rente apanagère les princes sont plus à la disposition du monarque? Mais qui accorde la rente apanagère? c'est aussi la loi; et sous ce rapport, la question ne devient pas plus monarchique. Il n'y a pas plus de dépendance dans un cas que dans l'autre.

Nous avons dû présenter dans cette loi la solution d'une question qui n'avait pas été résolue auparavant, d'une question que le silence du projet de loi aurait pu faire juger différemment, nous l'avons portée en son lieu; car si vous n'accordez pas l'apanage à Mgr le duc d'Orléans, vous devez lui accorder une rente apanagère.

Quant aux 6 millions accordés par l'art. 5 à la loi civile, pour les dépenses des obsèques du feu roi et du sacre, Son Excellence faisait observer qu'ils n'avaient pas été compris dans le budget, parce qu'il était convenable que de pareilles dépenses ne fussent pas soumises au contrôle des Chambres, dans les comptes qui pourraient en être rendus ou exigés; c'était une somme qu'on remettait à la disposition du Roi pour pourvoir, comme il l'entendrait, à des dépenses d'une telle nature, qu'on ne devait contester ni leur montant, ni leur application.

Suivant M. le comte de la Bourdonnaye, on ne pouvait soumettre aux délibérations de la Chambre, des ordonnances royales rendues antérieurement à la Charte, et par conséquent émanées d'une autorité dictatoriale: on ne pouvait remettre en question ce qu'elle avait décidé; ainsi M. le duc d'Orléans ne pouvait posséder que comme ces ordonnances l'avaient décidé. L'honorable orateur désirait même qu'on retranchât du projet de loi l'article qui concerne la partie de la liste civile attribuée aux princes de la maison royale.

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Les lois de 1790 et de 1791, dit-il, déclarent que les apanages donnés aux princes puînés de la maison de Bourbon doivent être regardés comme des apanages irrévocables. S'il y avait des difficultés, il faudrait une loi spéciale pour les résoudre. Je ne sais si le Roi lui-même peut renoncer en

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