Page images
PDF
EPUB

de Panama. Le président venant à l'état intérieur de la république, recommande la nécessité de plusieurs lois à faire, l'une sur les banqueroutes, l'autre pour améliorer l'organisation des milices. Il donne un exposé satisfaisant de l'état des finances et du commerce (1), des opérations de la marine, et finit par proposer à la législature américaine de suivre l'exemple et la généreuse émulation que montrent la France, la Grande-Bretagne et la Russie, pour la culture des hautes sciences.

Le rapport annuel de la trésorerie soumis ensuite au congrès, offre plus de détails sur l'état des finances, en voici les résultats :

Le revenu public des États-Unis s'est élevé, en 1824, à 24 millions 381 mille 212 dollars, y compris un emprunt de 5 millions de dollars, formant, avec ce qui restait dans le trésor, le 1er janvier 1824, une somme totale de 33 millions 845 mille 135 dollars. La dépense s'est élevée à 31 millions 898 mille 538 dollars; reste en caisse 1 million 946 mille 599 dollars.

Les recettes du trésor pendant les trois premiers trimestres de 1825, ont été de 21 millions 581 mille 444 dollars; celles du quatrième trimestre sont estimées à 5 millions 100 mille dollars, faisant, avec ce qui restait en caisse, un total de 28 millions 728 mille 51 dollars. On ne pensait pas que les dépenses de la même année dussent monter au-dessus de 23 millions 443 mille 979 dollars; ce qui laissera dsns le trésor, le 1 janvier 1826, 5 millions 284 mille 61 dollars.

[ocr errors]

Le montant de la dette consolidée, le 1er octobre 1825, était de 80 millions 985 mille 537 dollars. Les recettes pour 1826 sont estimées à 25 millions 500 mille dollars; les dépenses, à 20 millions 584 mille 730 dollars; ce qui laissera dans le trésor, à la fin de l'année, 4 millions 915 mille 270 dollars.

La session qui s'ouvrait présentait les objets les plus intéressans à la discussion. Il était question de faire des modifications à la constitution, au sujet de l'élection du président et du vice-président des États-Unis et de décider sur la part que le gouvernement devait prendre au congrès de Panama... nous remettons à parler de ce congrès à l'article de la Colombie qui l'avait provoqué.

Il s'annonçait alors dans le congrès un parti d'opposition, dont ces discussions allaient montrer la force. Mais au fait, quoi que les adversaires de l'administration fissent pour réveiller les vieilles ani

(1) D'après les registres du commerce intérieur, on évalue à trois mille cinq cents tonneaux la masse des produits échangés entre les diverses parties et les habitans de l'Union.

mosités, ces distinctions de fédéralistes et de démocrates, devenaient surannées. Aux États-Unis, comme en Angleterre, de nouvelles combinaisons de circonstances avaient produit de nouveaux intérêts qui dissolvaient et amalgamaient les partis suivant des principes tout différens de ceux qui prévalaient anciennement.

HAÏTI.

Que le lecteur se reporte au chap. XI de la première partie de cet ouvrage (p. 286, 291), à l'acte qui fait figurer un nouveau peuple dans la liste des états constitués, qui fait passer Saint-Domingue, la plus riche des anciennes colonies françaises, à l'indépendance sous le nom d'Haïti, il connaît déjà l'événement le plus important de son histoire. Il nous suffit d'ajouter au récit que nous en avons fait quelques détails d'intérêt local qui ne pouvaient trouver place dans l'histoire de France.

Le gouvernement de cette île, avant de recevoir l'ordonnance du 17 avril, s'était occupé des moyens de la mettre en état de défense contre l'invasion dont il se croyait menacé; il avait cherché sans beaucoup de succès à lier des relations avec les anciennes colonies espagnoles, surtout avec la Colombie qui n'avait pas voulu faire de traité dans la crainte de s'attirer l'inimitié de la France, avec l'Angleterre qui craignait la contagion de l'exemple pour ses Antilles, et avec les États-Unis d'Amérique dont plusieurs n'étaient pas moins contraires que les gouvernemens monarchiques, à l'établissement d'une république de noirs dans leur voisinage. D'autres sujets de mésintelligence existaient entre les états méridionaux de l'Union, relativement à l'admission des négres qui voulaient quitter les États-Unis. Le gouvernement haïtien s'était engagé, pour encourager ces émigrations, à payer les frais du transport des négres, et même à leur fournir des rations de vivres pendant quatre mois. Il était dit qu'on ne recevrait que des négres affranchis, mais il s'y joignait des esclaves déserteurs que les capitaines des bâtimens recevaient pour en tirer les bénéfices du passage. Bientôt les abus de l'opération devinrent si grands que le gouvernement se vit obligé d'y renoncer. Un grand nombre d'émigrés, de ceux qui étaient li

bres, ne faisaient que débarquer, et ne se trouvant pas bien de l'existence qu'on leur offrait, demandaient à retourner. Le président Boyer, pour mettre fin à ces spéculations, ordonna que le gouvernement de la république ne défraierait plus le passage des émigrés après le 15 juin 1825, et qu'à l'avenir ils n'auraient droit qu'aux rations pendant quatre mois et à une portion de terre propre à la culture, dont ils pourraient acquérir la propriété en en payant la valeur.

Ainsi le gouvernement d'Haïti s'occupait de ses affaires intérieures lorsqu'arriva en vue du Port-au-Prince (le 17 juillet), une escadre française composée d'une frégate, un brick et une goëlette, la frégate portant au mât de misaine le pavillon haïtien. L'escadre ayant mouillé dans la rade, il s'en détacha un canot ayant pavillon parlementaire, dans lequel était un officier porteur d'une lettre de M. le baron de Mackau, commandant l'escadre, pour le président d'Haïti, auquel il annonçait qu'il était chargé par S. M. T. C. d'une mission toute pacifique auprès du gouvernement d'Haïti, mission de laquelle il espérait qu'il résulterait les plus grands avantages pour le pays. Le président Boyer y fit répondre à l'instant par le secrétaire-général Inginac, que M. le baron de Mackau serait reçu avec tous les égards dus au monarque qui l'avait envoyé, et des ordres furent donnés pour la réception de M. le baron de Mackau et de sa suite.

Cette réception n'eut lieu que le lendemain. L'envoyé de S. M. T. C. descendit chez le secrétaire-général avec lequel il eut d'abord une longue conférence : et sur le compte qui en fut rendu au président, celui-ci nomma trois commissaires (le colonel Fremont, aidede-camp de S. Exc.; le sénateur Rouannez et le secrétaire-général Inginac), afin de traiter avec lui de l'objet de la mission. On a dit qu'après plusieurs conférences où il paraissait s'être élevé beaucoup de difficultés sur les conditions de la reconnaissance, le président avait évoqué la négociation à lui, et qu'ensuite d'une entrevue avec l'officier français, toutes ces difficultés avaient été aplanies. Le journal officiel d'Haïti y ajoute que le président ayant convoqué dans le palais national les membres des hautes autorités civiles et

militaires de l'île, leur avait communiqué les propositions de la France, et que c'est par suite de leur approbation, après quatre jours de débats, qu'il avait annoncé par une lettre, à M. le baron, que le gouvernement de la république acceptait, d'après les explications qu'il avait données, l'ordonnance (du 17 avril) qui reconnaît sous certaines conditions l'indépendance pleine et entière du gouvernement d'Haïti...

Ce même jour, 8 juillet, on signalait la flotte française que M. de Mackau avait devancée, et qui mouilla le lendemain 9 en dehors de la grande rade. Elle se trouvait alors composée de 2 vaisseaux de ligne, 7 frégates, 1 corvette, 2 bricks et 2 goëlettes, dont une fut expédiée pour porter en France la nouvelle de l'heureuse issue des négociations.

Le 11, d'après le programme des cérémonies arrêté entre les parties, M. le baron de Mackau, portant l'ordonnance du 17 avril, les deux amiraux Jurieu et Grivel, et une suite nombreuse, débarquèrent au bruit de plusieurs salves d'artillerie des vaisseaux et du port; ils furent reçus à leur débarquement sur le quai par le général commandant la place, accompagné de son état-major, et conduits avec un nombreux cortège à la maison nationale où se trouvait le sénat réuni...

Introduit dans cette assemblée avec les amiraux et officiers de la flotte française, M. le baron présenta l'ordonnance du 17 avril en prononçant un discours dans lequel on a remarqué la phrase sui

vante :

« Sans doute, Messieurs, les hautes vertus de votre digne prési« dent et l'intérêt d'un prince qui est tout à la fois l'orgueil et de « son père et de la France, ont exercé une grande influence sur la « détermination de S. M.; mais il suffisait qu'il y eût du bien à faire « et une réunion d'hommes, pour que le cœur de Charles X y fût « vivement intéressé. »

Le président du sénat répondit à ce discours que l'assemblée recevait avec vénération l'ordonnance de S. M. T. C.; il en fut fait lecture par un des secrétaires du sénat; elle fut de suite sanctionnée sans discussion, entérinée dans ses registres, et remise à une dépu

tation pour être portée au président d'Haïti; et la séance fut levée aux cris mille fois répétés de Vive Charles X! vive le Dauphin de France! vive la France! vive Haïti! vive le président d'Haïti! vive l'indépendance!

Le même cortége dans lequel M. de Mackau et les amiraux français avaient été conduits au sénat les suivit au palais du président, à qui la députation présenta l'ordonnance revêtue de la sanction du sénat. Le président déclara qu'il l'acceptait également, et en donna décharge à M. de Mackau; et cette remise opérée, les bâtimens de la flotte française devant le port saluèrent le pavillon d'Haïti comme celui d'une nation indépendante. Tous les forts de la place et les gardes-côtes sur rade, rendirent le salut au pavillon royal de France. Une proclamation datée de la vingt-deuxième année de l'indépendance annonça au peuple l'acte solennel qui la reconnaissait, et toute la ville retentit des mêmes cris d'allégresse qui avaient accompagné la réception de l'ordonnance.

Le soir, après un Te Deum chanté dans l'église paroissiale, où le cortége se rendit, il y eut un grand dîner auquel assistèrent M. de, Mackau, les deux amiraux, les officiers de la flotte française, les magistrats et les officiers supérieurs de la garnison. On y voyait flotter les pavillons de France et d'Haïti réunis et entourés de ceux des autres nations. On y porta des toasts à Charles X, à M. le Dauphin, à la famille royale de France, à l'indépendance d'Haïti, toasts qui furent salués d'une salve de vingt-un coups de canon, puis au président d'Haïti, à M. de Mackau, à la mémoire de Pétion, à la religion chrétienne, au général Inginac; à la marine française; aux dames haïtiennes, et aux philantropes de tous les pays, etc. etc.; un bal brillant suivit ce festin, et la ville fut illuminée. Ce ne fut durant plusieurs jours qu'une suite de fêtes où parurent s'éteindre toutes préventions et tous ressentimens. La chose la plus remarquable de ces fètes, c'est qu'il y fut chanté et publié des vers que la plupart des poëtes français n'auraient pas désavoués, et même un poëme en vers latins qui, dans une nation esclave il y a vingt-cinq ans, peut passer pour une véritable curiosité littéraire.

« PreviousContinue »