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dépendamment des sacrifices faits par divers particuliers, et surtout par l'illustre lord Byron, un second emprunt de deux millions de liv. sterl. avait été conclu cette année à des conditions onéreuses, puisque l'effectif s'était réduit à 1,110,000 liv. sterl., dont le gouvernement grec n'a touché en argent que 216,115 liv. sterl.; plus de 500,000 liv. sterl. étaient employés à l'amortissement, au paiement des intérêts du premier et second emprunt, et aux provisions assurées aux banquiers, une partie du reste en achats de canons, d'armes, d'habits et de munitions. Il ne restait à la fin de l'année que 156,600 liv. sterl., réservées pour payer deux frégates commandées en Amérique, et 160,000 consignées pour une expédition composée en grande partie de bâtimens à vapeur dont le commandement devait être remis à lord Cochrane, dernièrement revenu du Brésil sur la frégate la Pirauga.

Le gouvernement britannique parut long-temps se montrer indifférent ou même favorable à ses préparatifs. Quoiqu'il ne transpirât rien de ses transactions diplomatiques, relativement aux affaires de la Grèce, telle était la sécurité générale sur la sincérité de ses vues, en ce qui pouvait affecter les intérêts britanniques, que les partisans les plus décidés de la cause hellénique n'osaient la révoquer en doute... Aussi on attendait sans inquiétude la résolution qu'il prendrait relativement à la demande que le gouvernement grec fit de sa protection, et on ne fut point étonné de son silence à cet égard.

Quant à l'expédition de lord Cochrane, les préparatifs en étaient devenus si publics et si considérables, que le gouvernement se crut ensuite obligé de désavouer une infraction évidente aux règles de la neutralité. Il fut en conséquence rendu, le 30 septembre, une proclamation du cabinet, qui rappelant l'acte passé dans la cinquanteneuvième année du règne de Georges III, « pour empêcher l'enrôle<«< ment ou engagement des sujets de S. M. pour servir à l'étranger,

l'équipement et l'armement dans les états de S. M., des vaisseaux <«< destinés à faire la guerre, sans la permission de S. M., déclarait « coupable de conduite criminelle tout individu né sujet de S. M., matelot, soldat, officier, qui, sans la permission de S. M., pren

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a drait du service, enrôlerait ou équiperait, armerait ou chargerait «< un bâtiment au service d'un état étranger, contre tout autre état « avec lequel S. M. britannique était en paix, sous les peines de destitution, amendes, confiscation, etc., portées par les actes précé« dens. >>

La proclamation était terminée par une injonction de S. M. à tous ses sujets, « d'observer non-seulement envers la Porte otto<< mane et les Grecs, mais encore à l'égard de toute autre puissance << avec lesquelles sa majesté est en paix, les devoirs de la neutralité, « et de respecter envers toutes et chacune d'elles l'exercice des droits de la guerre dont S. M. avait toujours réclamé l'exercice « lorsqu'elle-même avait eu le malheur d'ètre engagée dans la « guerre. »

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Cette proclamation arrêta pour quelques mois l'expédition entravée par d'autres difficultés d'intérêts entre lord Cochrane et le comité philhellénique. On fut obligé de prendre quelques précautions pour masquer les enrôlemens et les chargemens, et elle ne sortit des ports de l'Angleterre, que dans le cours de l'année suivante.

En général, comme les intérêts de l'Angleterre dans la querelle de la Grèce n'étaient pas bien positifs, bien aperçus, bien définis, la conduite du gouvernement ou de ses agens porte aussi un caractère d'indécision, d'inconsistance et d'incertitude que l'avenir seul peut expliquer...

Mais l'émancipation des colonies espagnoles, américaines et du Brésil, offrant des résultats plus prochains et moins équivoques, le cabinet britannique y prenait un part plus décidée. Les traités de commerce conclus cette année avec Buenos-Ayres, avec la Colombie et avec le Mexique, emportaient une reconnaissance implicite de leur indépendance. Le gouvernement anglais ne s'est pas mis en peine de le dissimuler; il n'avait refusé de recevoir un envoyé de Buenos-Ayres, que pour défaut de formes dans la rédaction de ses pouvoirs. Quelques mois après (en novembre), M. Hurtado l'envoyé de la colombie, fut reçu à la cour avec tous les honneurs accordés aux ministres de son rang, et le Roi lui fit personnellement l'accueil le plus gracieux. La mission de sir Charles Stuart à Lisbonne,

puis au Brésil ne laissait aucun doute sur ses résultats. On avait encore quelques difficultés à résoudre sur les traités de commerce avec le Mexique : l'état du Chili et du Pérou ne paraissait pas assez affermi pour en reconnaître l'indépendance; mais les relations du commerce n'en étaient pas moins ouvertes avec toutes les contrées du continent américain, et la confiance des spéculateurs, devançait de bien loin encore celle du gouvernement.

Rien n'est plus frappant dans l'histoire de l'Angleterre, que cette confiance à laquelle il faut attribuer en grande partie la crise dont nous allons avoir à parler... Il est nécessaire de revenir sur des événemens antérieurs pour l'expliquer.

Le système récemment adopté pour favoriser la liberté du commerce, avait considérablement accru les importations et les exportations. M. Huskisson en avait fait valoir les avantages à la chambre des communes (voy. p. ); mais comme dit un proverbe italien, toute médaille a son revers... Ogni medaglia ha il suo riverso... Les fabricans, les banquiers et les négocians anglais, entraînés par des illusions, dont on les berçait, n'ont pas vu de bornes à la puissance de l'industrie, du commerce et du crédit britanniques, et ils se sont précipités dans les spéculations les plus hardies et les plus hasardeuses.

Un grand engorgement de capitaux s'était fait sentir à la fin de l'année 1824. Le taux de l'intérêt était tombé à 3 et demi et 3 pour cent. Au commencement de 1825 les billets de l'échiquier qui ne rapportaient plus que 2 un quart pour cent se vendaient souvent avec une prime de 50 à 60 schellings et les trois pour cent s'étaient élevés dans la même proportion.

C'est à cet engorgement de capitaux qu'il faut attribuer d'abord la facilité avec laquelle les capitalistes se prêtèrent à souscrire des emprunts en faveur des nouveaux états de l'Amérique et de la Grèce, et à former des compagnies par actions pour se livrer à des spéculations lointaines, comme l'exploitation des mines du Mexique, etc., genre d'entreprise tout-à-fait nouveau pour l'Angleterre et généralement mal conçu... On a calculé que ces associations, dont plusieurs ont succombé, avaient enlevé à la circulation des capitaux

disponibles du royaume au moins 16 à 17,000,000 liv. ster. (1). C'était peu de chose dans la masse du capital employé par d'autres compagnies dans des spéculations qu'on peut appeler nationales, et que des calculs sans doute exagérés, ont porté à l'énorme somme de 173,704,050 liv. sterl. (2). Mais l'épuisement du numéraire y a tout

(1) On évaluait le montant des fonds prêtés par les capitalistes anglais à l'étranger, dans les quatre dernières années, ainsi qu'il suit :

1822.

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24,450,000 liv. st.
11,578,000

28,700,000

8,700,000

63,428,000

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et la quantité de numéraire exportée dans dix-huit mois ( 1er janvier 1824 au 1er juillet 1825) à 17 millions sterl. ( 425 millions fr.); mais les débats de la session de 1826 donneront des résultats plus sûrs.

(2) Voici un tableau des capitaux engagés dans des associations en 1825, publié par la Revue Britannique, qui donne une idée colossale de la puissance industrielle de l'Angleterre.

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à-coup porté l'embarras. Il faut encore ajouter comme une cause d'épuisement du numéraire, les approvisionnemens extraordinaires que d'autres spéculateurs ont faits au commencement de 1825, en cotons, en soies, en plusieurs autres sortes de matières premières nécessaires aux manufactures. Ces spéculations ont été poussées si loin dans l'espérance de trouver de nouveaux consommateurs en Amérique, que le prix des cotons a subi en deux mois une hausse de 120 pour cent. Ces demandes avaient dû être soldées en numéraire puisqu'elles dépassaient de beaucoup la mesure ordinaire de l'exportation des produits manufacturés.

Cette fureur de spéculation qui se communiqua, comme une épidémie, de la capitale aux provinces, fournissait aux banquiers une occasion favorable d'accroître leurs profits, en multipliant leurs émissions de billets. Chacun leur offrait des lettres de change qui n'offraient point de sûretés suffisantes dans les moyens pécuniaires des signataires (1); c'étaient dans la réalité des emprunts faits à ces banquiers; un pareil état de choses ne pouvait durer qu'autant que les banquiers, à l'aide de nouveaux escomptes, pourraient donner à leurs débiteurs les moyens de retirer leurs précédentes lettres de change. Mais tout le système devait crouler à la première circonstance défavorable, à une simple terreur panique qui donnerait lieu à des demandes nombreuses et simultanées chez les banquiers, et

(1) Il parait, d'après les registres de l'administration du timbre, que la valeur des billets émis par les cinq à six cents banques locales de provinces, calculés sur les droits acquittés pour les faire timbrer, a été, dans les six dernières années, dans la progression suivante:

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Quant aux billets de la banque d'Angleterre, leur circulation moyenne a été dans la même période de 20 millions sterling, à quoi il faut ajouter le montant des billets de l'échiquier de 10 à 12 millions.

Quelques écrivains évaluent à 27 millions sterl. la circulation moyenne des billets de la banque d'Angleterre, et à des sommes ridiculement exagérées celle des billets de provinces. Mais nos évaluations sont fondées sur des rapports officiels, faits postérieurement à la crise qui nous occupe, et il en résulte que le papier-monnaie en circulation ne devait pas s'élever alors au-dessus de 40 millions sterl. ( 1 milliard fr.)

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