Page images
PDF
EPUB

bitans. Le ministre veut réduire les droits sur le fer dans la proportion d'un à six, et ceux sur le cuivre à moitié. Depuis qu'il a manifesté son intention à cet égard, il a (dit-il) vu plusieurs maîtres de forges; mais ils ont tous paru persuadés que la liberté du commerce était bonne dans toutes les branches, excepté dans le commerce du fer; selon eux; le monopole dans cette partie est la meilleure chose du monde.

« C'est l'éternel faible de l'esprit humain; nous reconnaissons facilement les principes généraux, mais nous voulons les modifier chaque fois qu'il tonchent à nos intérêts particuliers. Un gouvernement franchement constitutionnel s'appuie dans ce cas sur l'intérêt général qu'il oppose aux intérêts fractionnaires; il en appelle à l'opinion nationale, libre et puissante, pour comprimer les clameurs des parties intéressées, voilà la vraie force sociale. Sur le continent cela se fait autrement, du moins dans la plupart des pays; les gouvernemens absolus et ces gouvernemens métis qui, despotiques et ministériels par penchant et par goût, ne sont constitutionnels que par peur, par ruse ou par force, renoncent eux-mêmes à cette force immense de l'opinion publique, organe de l'intérêt social. Dès lors toute faction unie, active, persévérante, est plus forte que le gouvernement; on n'ose faire le bien même quand on le voit; on se laisse entrainer au mal, même quand on le redoute.

[ocr errors]

Revenons à la politique commerciale de l'Angleterre. Le système prohibitif a pour conséquence nécessaire d'exciter à la contrebande; plus même les droits sont élevés, et plus il y a d'intérêt à les frander. De là la triste nécessité de tenir sur pied une armée de douaniers qui font une guerre journalière à leurs concitoyens; mais qui finissent souvent par se laisser corrompre. Quelle pépinière de crimes ou du moins d'immoralité! Mais tout cet appareil devient souvent complètement inutile, gràce à l'habileté toujours croissante des contrebandiers. Que ceux qui veulent connaître l'état des choses aillent à Brigthon ou à Has tings, ou aux villages entre ces deux endroits; qu'ils demandent de la porcelaine ou d'autres objets semblables, ils y trouveront une foule de personnes toutes prêtes à leur faire avoir de Paris et au prix de Faris tout ce qu'ils demandent dans l'espace de dix jours, pourvu qu'ils veuillent les payer 30 p. 100 d'avance sur les frais de transport. Ainsi, les lois elles-mêmes ne servent qu'à élever et faire vivre une classe d'hommes qui passent leur vie à violer la loi, et qui méprisent tous les devoirs moraux et sociaux, une classe d'hommes qui sont toujours hors de la loi. Les propositions actuelles tendent à remédier à ce mal. La mesure n'affectera point nos manufactures principales, mais le revenu en profitera. Car l'état lève plus sûrement et moins chèrement des droits modérés. Dans ce moment, par exemple, l'Angleterre est inondée des batistes françaises, et l'échiquier qui pouvait en tirer pour 40 ou 50 mille liv. sterl. par an, n'eu tire en effet que 4,000; et quand on demande aux personnes qui font le commerce des batistes, comment ils se les procurent, ils avouent frauchement que c'est par le moyen des smugglers...

Il faut reconnaitre un autre principe très-intéressant pour les consommatears. Pourquoi forcer le particulier à acheter dans le pays des objets chers et de médiocre qualité, mais dont il a un besoin absolu. ? C'est faire beaucoup de mal à ses propres sujets, pour avoir le triste plaisir de faire un peu de mal aux étrangers.

Admettons que certains articles étrangers pénétreront chez nous; quelle en sera la conséquence? Que notre propre industrie, animée par l'émulation, cherchera à faire mieux ou à un prix inférieur ces mêmes articles, si notre climat et notre sol s'y prêtent. L'expérience l'a déjà démontré. En 1786, un traite de commerce avait été négocié entre ce pays et la France; alors les étoffes de

laine fabriquées en France étaient très estimées ; le drap français était à la mode. Hé bien! nos fabricans ont été excités par la concurrence occasionée par l'admission des étoffes françaises, à les imiter, et on s'est aperçu bientôt que nos étoffes s'étaient bien améliorées : elles ont même surpassé celles de France. Il y a un an que nous avons diminué le droit sur les soieries; hé bien la demande de cet article s'est maintenant tellement accrue, qu'on est dans l'usage, pour se conformer à l'empire de la mode, de fabriquer en Angleterre des articles français qu'on envoie sur la côte de Sussex pour être réimportés en contrebande. »

Ainsi semblaient prédominer dans l'administration britannique les idées qu'Adam Smith et des économistes français avant lui avaient émises sur la liberté du commerce; mais on verra qu'elle n'adoptait de cette école que ce qui convenait à ses intérêts du moment.

En terminant, l'honorable président du bureau du commerce présentait une série de résolutions pour modifier les droits existans sur plusieurs espèces de produits étrangers, résolutions au moyen desquelles il ne doutait pas des progrès que feraient encore le commerce et la navigation britanniques (1). Ses idées furent accueillies aux grands applaudissemens de toute la chambre, et il est presque superflu d'ajouter que les résolutions n'éprouvèrent aucune contradiction.

A la chambre des pairs, le comte Bathurst secrétaire d'état pour

(1) Voici, d'après des documens officiels publiés, le tonnage des navires sortis des ports de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, en 1824:

[blocks in formation]

Dans une séance de 1826, le chancelier de l'échiquier a produit les états des navires anglais sortis des ports d'Angleterre dans les quatre dernières années. En 1822, il en est sorti 9,111; en 1823, 9,173; en 1824, 9,251; et dans l'année 1825, que M. Robertson déclare être désastreuse pour le commerce domestique, 11,731.

En 1823, 780 navires marchands, du tonnage de 67,144 tonneaux, ont été construits et enregistrés dans les ports d'Angleterre; en 1824, 847, du tonnage de 86,028; et en 1825, 1,011, dont le tonnage excède 100,000.

Annuaire hist.

pour

1825.

35

les colonies, et lord Liverpool, défendirent le même système et les mêmes résolutions. Le premier ne dissimulait pas à la noble chambre (séance du 14 juin), que les résolutions proposées relativement au commerce des colonies, entraînaient une renonciation absolue à l'ancien régime colonial.

« Sous ce régime, dit S. S., il ne se faisait ancnne importation dans nos colonies, si ce n'est d'Angleterre, et l'on n'en exportait rien, si ce n'était sur des bâtimens anglais et pour l'Angleterre. Maintenant, ces possessions pourront faire le commerce avec les ports et par bâtimens étrangers. Si l'on demandait quel système poursuit le gouvernement, il répondrait : un système d'union commerciale, en remplacement de celui des restrictions coloniales. Par ce système, nos colonies jouiraient du même commerce que les Etats-Unis d'Amérique, et en outre, de quelques avantages dont ces états sont exclus. Car, comme tous les bâtimens des colonies sont par le fait des navires anglais et qu'il est permis seulement aux bâtimens anglais d'apporter le produit des colonies en Angleterre, ou de les transporter d'un port des colonies à un autre, cette branche leur sera exclusivement réservée. Le temps où l'Europe tenait l'hémisphère occidental dans les chaînes du système colonial est passé, et les états qui vivaient dans les ténèbres de l'esclavage se sont élevés à l'indépendance. C'est à la conduite des états de l'Amérique du Sud à résoudre la question de savoir s'ils arriveront à une situation aussi florissante, que ceux qui leur ont donné l'exemple de l'émancipation. Les Etats-Unis sont pour beaucoup redevables de leur prospérité à la jouissance d'un commerce neutre. Mais, quels que soient les progrès ou les destinées de ces états, il est impossible que nous restions spectateurs indifférens de ce qui se passe devant nos yeux. Nous devons veiller à la marche des événemens et ne pas rester en arrière, mais nous mouvoir avec le courant.

Les considérations développées par le comte de Liverpool étaient dans le même sens. Ce ministre s'était autrefois opposé à une mesure de sûreté semblable, proposée par le ministre Fox et le marquis de Lansdown qui lui avait rappelé ce fait. Voilà comme il répondit à ce reproche d'inconsistance.

[ocr errors]

On a, il est vrai, dit S. S., proposé une mesure sur ce sujet, lorsque le noble lord qui siége vis-à-vis (le marquis de Lansdown), était chancelier de l'échiquier, et je crus, à cette époque, qu'il était de mon devoir de m'y opposer; mais je pense que le temps et les circonstances où cette mesure fut propo sée n'était pas favorable à son adoption. Maintenant les circonstances sont beaucoup changées. L'Amérique du Sud a presqu'entièrement effectué son indépendance; et il admet que, quand elle sera une fois établie, nos colonies cesseront d'exister comune telles, seront, sous le rapport du commerce, considérées et traitées comme des parties intégrantes de la Grande-Bretagne, et cela autant que Londres, ou Liverpool, on toute autre ville du royaume. En les traitant sur ce pied, nous nous assurerons leur attachement, et si à quelque époque

future elles se séparaient de nous, leur séparation serait par là rendue moins dangereuse. Le bill maintenant soumis à leurs seigneuries ne pouvait pas être considéré comme une atteinte portée à l'acte de navigation. Il permet aux bâtimens étrangers de porter dans nos colonies seulement le produit de leurs pays respectifs, et de prendre en retour pour ces mêmes pays les denrées des colonies; mais dans aucun cas il n'admet ces bâtimens à aucune partie du commerce de transport, de manière à ce qu'ils puissent transporter les denrées des colonies pour des pays auxquels ils n'appartiendraient pas.

En dernier résultat, les bills de M. Huskisson qui forment avec la revocation des anciennes lois des douanes, le nouvel édifice commercial, furent adoptés avec quelques amendemens entre lesquels il faut citer celui qui conserve le monopole de la compagnie des Indes, laquelle a le droit d'exporter de ses possessions toutes sortes de marchandises, et de les transporter dans les possessions coloniales de S. M., et une clause qui autorise le Roi à exclure des bénéfices du bill, les négocians des états qui n'accorderont pas le même privilége aux négocians de la Grande-Bretagne.

C'est sur ces principes que le gouvernement britannique a conclu tous ses nouveaux traités de commerce avec la Suède, le Danemarck, les villes anséatiques et les nouveaux états américains, (V. l'Appendice).

On ne s'arrêtera point à divers projets pour l'amélioration du système d'administration intérieure ou de législation criminelle, la plupart présentées par M. Peel; l'un de ces bills réunissait dans un seul statut les divers règlemens qui concernent les jurys: on y avait ajouté une clause qui donne qualité pour être membre du jury, à tous les propriétaires ayant 10 liv. sterl. de revenu en terres, ou possédant à bail de ving-un ans et au-dessus, des terres rapportant 20 liv. et au-dessus: un autre tendait à diminuer le nombre des accusations criminelles.

Un écrivain a observé que la faculté donnée aux juges de paix, d'ordonner la mise en accusation des individus traduits devant eux, encombre les prisons, qu'il y en a communément un tiers d'acquittés, et que dans les sept dernières années on a remis en liberté plus de trente-un mille personnes, reconnues innocentes. C'est à ce désordre que le bill proposé devait porter remède en limitant la juridiction des juges de paix.

35.

Nous avons eu occasion de remarquer qu'il existait en Angleterre des dissentimens d'opinion très prononcés dans le sein de la famille royalc. On en a vu une preuve éclatante dans l'affaire de l'émancipation des catholiques, où le duc d'Yorck et le duc de Sussex émirent des sentimens si différens; il n'est pas inutile d'observer que les deux nobles ducs s'étant trouvés ensemble quelque temps après dans un dîner de francs-maçons, se donnèrent reciproquement des témoignages de la plus tendre affection. Il fut fait dans la session deux messages du Roi au parlement pour l'entretien des membres de la famille royale. Ils avaient pour objet de faire accorder un subside annuel de 6000 liv. sterl., pour l'éducation et l'entretien de S. A. R. la princesse Victoire, fille du feu duc de Kent, et un autre subside de la même somme au même titre, pour S. A. R. le prince Georges, fils du duc de Cumberland; le premier subside fut voté sans difficulté (10 juin): les orateurs de l'opposition s'accordaient à rendre hommage aux vertus de la respectable douairière de Kent; mais le second excita de vives réclamations. On reprocha (M. Hume) au duc de Cumberland, de consommer à l'étranger un revenu de 18 à 19,000 liv. sterl. tiré en grande partie de l'Angleterre; M. Hume disait à ce sujet qu'il se chargerait bien de faire donner en Angleterre pour 100 liv. sterl. par an, une éducation meilleure que celle que l'on pourrait avoir sur le continent pour 6000. Pour mettre fin à ces débats où se mêlèrent des personnalités injurieuses contre le duc d'Yock, le chancelier de l'échiquier déclara que si le subside était accordé, le prince serait élevé en Angleterre et non pas sur le continent; M. Canning ajouta que le ministère se chargeait de veiller à ce que l'éducation de ces deux jeunes branches fût faite dans des principes anglais, et à ce que les sommes allouées fussent employées au but spécial pour lequel on les aurait votées, déclarations qui firent passer le bill, mais à une faible majorité (170 voix contre 121).

Quelques questions d'intérêt extérieur ou de politique extérieure furent adressées aux ministres dans les dernières séances; l'une par M. Brougham (1er juillet), était relative à l'occupation de l'Espagne par les troupes françaises. L'honorable membre demandait si les troupes françaises allaient bientôt évacuer l'Espagne et pourquoi les

« PreviousContinue »