Page images
PDF
EPUB

bill, et sur les mesures qu'on avait intention d'y ajouter, et la division de la chambre offrit une majorité de 27 voix (268 contre 241) en faveur du bill...

D'après les deux épreuves subies dans la chambre des communes, la fortune du bill, c'est-à-dire l'émancipation des catholiques y paraissait assurée: mais à la chambre des pairs l'opinion ne se montrait pas si favorable. Les pétitions contraires au bill y arrivaient par milliers, surtout de la part du clergé anglican et des universités. L'une d'entre elles fut présentée par S. A. R. le duc d'York, dans la séance du 25 avril, au nom du doyen et du chapitre de l'église collégiale de Windsor, et elle mérite qu'on s'y arrête à cause de la déclaration dont ce prince, héritier présomptif de la couronne, l'accompagna.

Je suis sûr, dit S. A. R. en présentant cette pétition, que tout ce qui émane d'un corps si savant et si respectable sera reçu avec toute l'attention qu'il mérite; c'est pourquoi je m'abstiendrais de toute observation à ce sujet, si je ne croyais qu'il est permis à tout Anglais de saisir l'occasion convenable pour exprimer son opinion sur un objet d'un intérêt aussi général. Je suis d'autant plus porté à le faire, que n'étant pas dans l'habitude de prendre part à vos discussions, je suis résolu à ne pas interrompre les débats auxquels ce bill donnera lien, s'il arrive jusqu'à la Chambre. Il y a vingt-cinq ans, ajoute S. A. R., qu'on parla pour la première fois de cette mesure, et je ne puis oublier les événemens qui se rattachent à ce souvenir, c'est-à-dire la maladie sérieuse de celui qui n'existe plus, la retraite momentanée d'un des plus habiles, des plus savans et des plus intégres ministres que ce pays ait jamais possédés. Je donnai alors mon opinion à cet égard; et, depuis cette époque, je n'ai eu aucun sujet de changer la ligne de conduite que j'ai suivie. J'ai trouvé chaque année de nouveaux motifs d'être satisfait de ma décision. Quand la question sera présentée régulièrement à la Chambre, elle sera discutée plus amplement et plus habilement que je ne pourrais le faire; mals il y a deux ou trois points sur lesquels je ne puis garder le silence. En accordant aux catholiques les droits qu'ils demandent, vous placez l'église anglicane dans une situation où aucune autre église quelconque ne se trouve. Le catholique romain ne permettra ni à l'église d'Angleterre, ni au parlement d'intervenir dans son église; et il demande, au contraire, à intervenir dans l'église dominante, et à en devenir le législateur,

Il est encore un autre sujet beaucoup plus délicat sur lequel je dois dire quelques mots. Je désire qu'on entende que je ne parle que comme un individu, et que je ne prends la parole pour aucun autre. Mais cousidérez, Mylords, la situation dans laquelle vous placez le souverain. Par le serment da couronnement, le Roi est obligé de maintenir l'inviolabilité de l'église établie, de sa doctrine, de sa discipline et de ses droits. Un acte du parlement pent relever ses successeurs et tout autre homme de ses sermens, mais non celui qui l'a déjà prêté. Je répète que je donne mon opinion comme simple individu; mais je supplie la Chambre de considérer la situation du souverain, j'en suis

secrétaire d'état me donne; mais, dans ma manière de voir la question que nous discutons, le fait auquel je fais allusion est un élément de la discussion. On nous engage à voter la restriction du droit électoral, dans l'espoir de voir passer l'émancipation des catholiques. Mais, après ce qui s'est passé, qui peat espérer le succès de l'émancipation? Il y a deux jours qu'on aurait pu avoir cet espoir; mais à présent, qui me garantit qu'en abandonnant mon devoir et mes principes à l'égard du droit électoral, j'obtienne la compensation dont on me flatte? Je le demande : qui peut croire aujourd'hi que le bill d'émancipation passe? La nouvelle desastreuse qui a retenti en Angleterre et en Irlande n'est-elle pas le signal du désespoir pour les catholiques? le ne hais pas la persévérance; je ne blâme pas la sincérité dans l'expression des opinions; je ne censure pas même un zèle violent, ni le langage d'une honnête obstination: mais je regrette de voir ces mâles sentimens obscurcis par l'ignorance, exaspérés par les préjugés et rendus aveugles par la bigoterie. Je ne crains pas de dire que jamais monarque n'est arrivé au trône de ces royaumes dans un esprit d'hostilité aussi direct, aussi prédéterminé, aussi hautement déclaré d'avance contre les opinions et les vœux de son peuple. Je répète que, lorsque cet événement aura eu lieu, il sera impossible de faire passer l'émancipation; que même aujourd'hui le succès de cette mesure est environné de doutes et de dangers, tant qu'un semblable personnage prépare contre elle une semblable opposition. Ce n'est que par une immense majorité dans cette Chambre qu'on peut espérer de la faire triompher même à présent. Le moment est donc critique. Le temps se passe; cette glorieuse occasion peut s'échapper. Pendant que vons restez ici sur vos bancs, les bras croisés, remettant dans votre indolence toat an lendemain, l'occasion présente aura disparu. Le règne de la bigoterie et da despotisme viendra dans toute sa puissance vous surprendre, comme un homme armé sorprend au milieu de la nuit des hommes endormis; il détruira la paix de l'Irlande, il compromettra la sûreté de l'Angleterre, il menacera les libertés de tout l'empire. Dieu veuille que ce temps n'arrive jamais! Mais si telle est notre destinée, éloignons du moins la funeste crise. (Acclamations unanimes et simultanées de toutes les parties de la Chambre.) Je n'aime pas la discorde; ceux qui m'en accusent ne parlent tant de discorde que parce qu'ils désirent le stupide silence de l'obéissance aveugle qui rampe aux pieds d'un despote. Je ne me plains donc pas d'une résistance sincère et loyale, je n'accuse personne dans cette Chambre ou hors d'ici de ne pas être de bonne foi; mais il faut se rappeler que souvent des personnes honnêtes, à force de manquer de lumières. deviennent des adversaires si pervers que l'on doit renoncer à les corriger de leurs erreurs. Ainsi Dieu leur soit en aide! (Acclamations mêlées de rires.) Hâtons-nous d'arranger notre ménage pendant qu'il en est temps encore. Un événement peut arriver; Dien veuille qu'il n'arrive que le plus tard possible! Mais, après cet événement, il sera trop tard de voter un bill d'émancipation pour les catholiques. En vain une immense majorité de cette Chambre le voterait; en vain le parlement unanime le présenterait à la couronne; en vain la voix de la nation entière le demanderait. Hélas, le pays nagerait dans le sang, tout serait en vain, on ne pourrait arracher cette mesure alors que par une violation inévitable des droits de la couronne... Hâtons-nous en poussant en avant le bill d'émancipation, et en écartant des mesures accessoires, inutiles ou injustes, d'assurer le succès de cette grande cause, succès qui seal peat rendre l'Irlande à la paix et à la prospérité, et garantir l'Angleterre des périls d'une convulsion. »

Après ce discours, qui fit et laissa de profondes impressions, il

nous suffit d'observer que la chambre ordonna la deuxième lecture du bill défendu par M. Plunkett, comme devant être bien reçu des Irlandais et regardé par M. Peel comme une mesure dont beaucoup d'électeurs souffriraient, et qui était au moins proposée avec trop de précipitation, et par sir Francis Burdett comme un sacrifice qu'il faisait à l'émancipation catholique.

Il est à noter, que sur la proposition de M. Brougham, on avait fait insérer, dans le bill d'émancipation que la couronne pourrait nommer deux prélats catholiques romains, pour examiner les bulles pontificales et en rendre compte à S. M., sans le consentement de qui la publication n'en pourrait être faite.

Il faut revenir à cette question.

Le 10 mai, jour fixé pour la troisième lecture du bill à la chambre des communes, la séance n'avait pas attiré moins de curieux que les précédentes, et la cause fut plaidée avec la même chaleur.

M. Curven, qui demanda la troisième lecture, exposa les motifs allégués tant de fois sur la convenance, la justice et l'opportunité de la mesure. Sir R. Inglis, qui s'y opposait, attaqua les doctrines de l'église de Rome, et l'influence qu'elle exerçait sur ses membres comme incompatible avec la paix qu'on espérait maintenir entre les prêtres catholiques et l'église anglicane. En parcourant l'index des livres défendus publiés à Rome en 1819, sous le règne du dernier pape, il s'indignait d'y trouver encore le Traité de lord Bacon sur les progrès des sciences; le Paradis perdu, de Milton; les ouvrages sur la philosophie, de Newton; ceux de Grotius, de Puffendorf; quelques-uns de Fénélon, de Pascal, etc. Il rappelait à la chambre que le pape Pie VII, le plus tolérant de tous les papes, avait refusé aux Anglais une chapelle à Rome, et que, lorsqu'il était en France, il avait répondu à Bonaparte, qui lui demandait une tolérance universelle pour toutes les églises, «que c'était aussi impossible qu'une union entre Jésus-Christ et Bélial. »

Sir R. Inglis citait encore, comune preuves de l'intolérance de l'église catholique, le serment des cortès espagnols, des constitutionnels du Mexique, et l'exemple de la Sardaigne où l'on avait fait revivre les anciens édits contre les Vaudois. Le procureur-général et Annuaire hist. pour 1825.

34

M. Peel (secrétaire d'état de l'intérieur), revinrent aussi sur les dangers que l'émancipation complète des catholiques faisait courir à la constitution et à la religion établies: d'un autre côté, M. Grant, M. Huskisson (membre du cabinet) et M. Brougham, plaidèrent de nouveau pour cette émancipation qu'ils regardaient moins comme une faveur que comme un droit, dont la reconnaissance était urgente et nécessaire à la concorde, à la prospérité du royaume-uni.

« Nous sommes en paix maintenant, dit le dernier orateur, mais on ne peat nier que si elle cessait un instant, ce serait vers l'Irlande que se tourneraient les regards des puissances alliées. Aujourd'hui même, c'est avec complaisance que les gazettes européennes s'étendent sur les affaires d'Irlande, et il n'est pas un des membres de la Sainte-Alliance qui n'examine avec ravissement les troubles de l'Irlande. Privons-les de ce plaisir, détruisons tout l'espoir qu'ils fondent sur l'Irlande; que la gazette de Vienne, toujours si silencieuse sar notre politique domestique, sur toutes ces grandes réformes qui font arriver tous les trésors du monde dans notre patrie, soit réduite encore à garder le silence sur l'état de l'Irlande, et que les souverains de l'Europe ne fassent plus, dans leur mauvaise humeur, de différence entre Dublin, Londres et Edimbourg.

« Vous pouvez faire disparaître à jamais toutes ces idées, renverser tous les plans, ne plus laisser prise à l'espoir de nos ennemis, consolider enfin la paix de la Grande-Bretagne, en envoyant ce soir dans l'autre chambre ce bill adopté à une majorité telle qu'elle lui assure sous peu force de loi. Si ce bill ne passe pas à une majorité considérable, s'il ne devient pas loi sous le règne du roi actuel, alors je ne réponds pas des conséquences, et je supplie la chambre d'écouter la voix de la sagesse pendant qu'il en est temps encore, et de ne pas attendre que les ténèbres de la nuit nous enveloppent.

[ocr errors]

Le vœu qu'exprimait M. Brougham ne fut pas entièrement accompli: après douze séances de délibérations souvent prolongées fort avant dans la nuit, le bill mis aux voix ne passa à la troisième lecture, qu'à une majorité de 21 voix (248 contre 227).

11 mai. Le bill, porté le lendemain à la chambre des pairs, y reçut sans débats les honneurs de la première lecture, qui n'est communément qu'un acte de courtoisie d'une chambre envers l'autre; mais la délibération sur la seconde, fixée au 17 mai, était attendue comme devant décider la question: il faut s'y arrêter, elle doit tenir une place distinguée dans les fastes parlementaires.

Jusqu'à ce jour les pétitions pour ou contre l'émancipation n'avaient cessé d'arriver au parlement. Nous ne prendrons pas sur nous de décider avec le procureur général, lesquelles étaient les plus

nombreuses (il affirmait que c'était celle des protestans contre l'émancipation). Nous remarquerons seulement qu'à la séance mémorable du 17 mai, il en fut encore présenté plusieurs, l'une contre l'émancipation par le duc d'Yorck, signée de douze mille habitans de Londres, l'autre en faveur du bill, de la part du duc de Norfolk et des autres pairs d'Angleterre exclus du parlement comme catholiques, et signée par plus de trente mille catholiques d'Angleterre. Ces pétitions lues et l'ordre du jour annoncé, lord Donoughmore proposa la seconde lecture du bill, en s'excusant de ne donne aucun développement à son opinion, sur ce qu'il n'en était pas besoin, après les débats prolongés auxquels la question e es pétitions avaient donné lieu.

Lord Colchester (M. Abbot ancien orateur des communes) qui se présenta le premier pour parler contre le bill proposé, dit que son adoption détruirait inévitablement cette union intime entre l'état et l'église, qui forme une des bases principales de la constitution anglaise. Il rappelait le serment fait encore aujourd'hui par les prêtres catholiques de ne communiquer à personne les secrets du pape (concilium domini papæ capiam et nemini dicam) : que le docteur Doyle avait dit lui-même qu'en cas ou une conspiration éclaterait en Irlande, on ne trouverait aucun catholique qui consentît à faire des révélations. Le noble lord passant à un autre fait qui lui semble menaçant pour la tranquillité du pays, l'établissement des jésuites en Angleterre, dit que les jésuites sont un ordre d'hommes dont les principes politiques étaient tellement dangereux, que leur bannissement des pays catholiques romains était un acte de sage prévoyance et de saine politique. «En Angleterre, ajoute-t-il, on a permis que des corps de jésuites s'y établissent et y conservassent de vastes possessions hors des lois, et, selon moi, en opposition aux lois. Quant à ce qui regarde ces hommes, je vous dirai : Chassez-les tous de ce pays, à l'exception des malades et des malheureux. La meilleure sécurité que l'on puisse avoir contre le danger dont nous menace le catholicisme, c'est de ne donner aucun pouvoir politique à ceux qui le professent. >>

On regrette de ne pouvoir s'arrêter après les développemens que

« PreviousContinue »