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battre et à l'outrager; plus d'impiétés commises par des malheureux dépourvas de foi, que de sacriléges commis par de fanatiques adversaires de notre culte et de nos croyances. Les exemples du sacrilége simple étaient très-rares et pour ainsi dire inconnus : il nous parut qu'on pouvait différer d'instituer des supplices pour un crime qui nous était devenu étranger, et d'offrir des garanties à la société contre un danger auquel elle n'était plus exposée. »

. D'autres motifs encore contribuaient à nous affermir dans cette opinion. La nature du crime qu'il se serait agi de punir, la difficulté d'en offrir une définition à la fois exacte et équitable, la nécessité de donner en même temps à cette définition une juste étendue et de justes bornes, les obstacles que rencontrerait la loi avant d'être faite, et les obstacles plus grands encore qu'on éprouverait quand il s'agirait de l'exécuter : tout cela, Messieurs, nous dissuadait de prêter l'oreille aux exhortations qui nous étaient adressées.

Ne croyez pas néanmoins que nous fussions plus faiblement touchés que leurs auteurs des intérêts sacrés de la religion. Si, en ne considerant que la répression des crimes, la rareté de celui-ci nous autorisait à soutenir que l'établissement de la peine était peu nécessaire, nous ne nous dissimulions pas cependant que la disposition proposée rendrait la législation plus morale, plus complète, plus digne de l'objet qu'elle doit remplir, et que la religion recevant par là un hommage plus éclatant et plus étendu, cette addition produirait une impression générale dont l'utilité l'emporterait de beaucoup sur l'utilité même de la répression.

« Aussi entendimes-nous sans surprise des orateurs, d'ailleurs pen accoutumés à défendre les mêmes systèmes, élever la voix des diverses parties de cette chambre, et regretter à l'envi que nous n'eussions pas essayé d'atteindre le sacrilege simple comme le vol sacrilége. Qu'est-ce, vous demandaient-ils, que l'action de dérober par cupidité ou par besoin, des objets précieux consacrés à la religion, auprès du crime odieux, infâme, exécrable de celui qui, sans autre besoin qu'une aversion insensée pour l'Être infini dont il ose braver la puissance, se complaît à exercer sur les vases saints de stériles et détestables outrages? Que vous réserviez, poursuivaient-ils, des châtimens rigoureux pour le premier attentat, nous y consentons; mais comment tolérer que vous n'en proposiez aucun pour le second crime, qui décèle une perversité bien plus profonde, qui porte une atteiute bien plus dangereuse à la religion et qui offense bien plus témérairement la société?

« Vous ne cédâtes pas, Messieurs, à ce langage; mais il fut facile de voir que vous ne résistiez qu'à regret. Gomme nous, vous fütes effrayés des obstacles, quoique vous désirassiez, comme nous, qu'il fût possible de les surmonter. Ce n'était pas à vos yeux un médiocre avantage que d'obtenir sur une matière aussi importante une loi qui n'omît rien de ce qu'on doit exprimer, et qui fixât des peines pour tout ce qu'on doit punir. Vous l'auriez voulu pour l'honneur de la législation française, dussent les dispositions demandées n'être jamais nécessaires et ne jamais recevoir leur application. Vous l'auriez voulu, ne fût-ce que pour écarter de vous et de nous-mêmes l'injuste reproche d'avoir manqué de zèle et de prévoyance.

« Ce vœu si naturel et si facile à justifier, Messieurs, ne fut pas seulement exprimé dans cette enceinte. Il retentit dans la seconde chambre avec une nouvelle force, et si j'ose le dire, avec une nouvelle persévérance. Personne ne contestait l'influence des considérations qui nous avaient retenus, quoique tous les esprits n'en fussent pas frappés d'une manière uniforme. Personne aussi ne contestait la gravité des considérations opposées, quoiqu'on ne fût pas onanimement persuadé qu'il convînt de leur attribuer la préférence. Une dis

cussion vive et solennelle allait s'ouvrir, où, malgré la différence des discours et des opinions, on aurait vu éclater dans les deux partis le même respect pour la religion, la même horreur pour les outrages qui la blessent, les mêmes vœux pour un retour sincère et universel vers les croyances qu'elle a con

sacrées.

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Qui pourrait dire, Messieurs, quel eût été le résultat de cette épreuve nouvelle ? Une seule chose doit paraître certaine aujourd'hui, c'est que les désirs qui vous avaient animés, animaient aussi, quoiqu'à des degrés différens, les membres de la seconde chambre, et que si nous étions assez heureux pour découvrir enfin les moyens d'écarter les obstacles et d'apaiser toutes les craintes, une approbation générale deviendrait sans doute le prix de notre déférence et de nos efforts.

« Cette persuasion nous était nécessaire, Messieurs, pour tenter une entreprise si délicate et si difficile. Puissiez-vous reconnaître, dans le nouveau projet qui vous est soumis, quelques traces de l'attention scrupuleuse avec laquelle nous nous sommes appliqués à prévenir toute incertitude et toute équivoque, à éviter le scandale des débats et l'arbitraire des décisions, à concilier enfin les intérêts de l'humanité, de la religion et de la justice!

Ici le Ministre justifiait les détails du projet, où ce qui était l'année dernière le principal était devenu cette année l'accessoire; il paraissait divisé en quatre titres 1o le sacrilége simple où la profanation des vases sacrés était punie de mort; celle des hosties consacrées, de la peine du parricide, si les voies de fait avaient été commises volontairement et par haine ou mépris de la religion; 2o le vol sacrilége, puni de mort lorsqu'il aurait été commis dans une église consacrée à la religion de l'état avec les circonstances déterminées par l'article 381 du code pénal, ou des travaux forcés à perpétuité sans les circonstances, etc. Le titre III déterminait l'emprisonnement ou des amendes plus ou moins considérables suivant la gravité des délits commis dans les églises ou sur les objets consacrés à la religion. Le titre IV déclarait les dispositions des titres II et III avec crime et délits commis dans les édifices consacrés aux cultes légalement établis en France.

Tel était ce projet dont M. le garde des sceaux défendit ou justifia les dispositions par des considérations qui n'en sont que le développement et qui se reproduiront dans la discussion.

par

la

« Ainsi, disait S. G. en terminant son exposé, le sacrilége est défini profanation, et la profanation à son tour est définie et limitée par les objets sur lesquels on peut la commettre, par la mauière dont elle peut être exercée, par le but que se propose le coupable, par la volonté qui détermine son action; les objets sur lesquels la profanation peut être commise sont énumérés

eux-mêmes avec soin et clairement désignés par leur dénomination, par l'asage auquel ils sont consacrés, par les signes auxquels on doit reconnaître le saint caractère qui leur a été imprimé ; les crimes enfin sont divisés selon leur nature, et les peines sont graduées selon les règles de la législation générale et selon la différence des crimes.

« Telle est, Messieurs, l'économie de ce titre, et tel est le projet dont nous vous demandons l'adoption. Vos délibérations seules pourront nous apprendre si nous avons atteint le but qui nous était proposé; si nous avons rendu à la religion et à la société ce qui leur est dû, sans imposer de trop grands sacrifices à l'humanité: si nous avons rencontré cette exacte mesure de rigueur et de bienveillance qui est la justice même et qui fait seule les bonnes lois. La sévérité nécessaire est certainement un devoir; l'indulgence est un devoir ellemême quand la sévérité n'est plus nécessaire. »

Renvoyé à l'examen d'une commission spéciale, ce projet y subit quelques amendemens; mais elle fut d'un accord unanime sur la nécessité d'assurer à la religion de l'état les garanties, la protection que les lois existantes lui refusaient....

( 29 janvier.) Le rapport fait en son nom par M. le comte de Breteuil offre sur le titre 1er des détails à recueillir.

• Serait-il possible, dit S. S., d'admettre que, dans une nation catholique, une loi proposée avec l'intention de mettre fin aux vols sacriléges, devenus si fréquens, se taise sur un crime bien plus grand encore, celui qu'il est permis d'appeler attentat déicide. Cherchera-t-on à prouver l'inutilité de la punition par l'absence du crime? Les exemples du sacrilége simple sont heureusement très-rares, cela est vrai, mais il en existe; et s'ils n'ont pas été légalement constatés et traduits devant les tribunaux, c'est que les autorités civiles et ecclésiastiques, sachant bien que nos Codes ne prononçaient aucune peine contre ces crimes, ont, avec raison, pensé qu'il eût été plus dangereux qu'utile d'en constater juridiquement l'existence, puisque l'acquittement du coupable n'anrait été qu'un scandale de plus.

C'est par cette raison que, dans les procès-verbaux qui se trouvent au ministère de l'intérieur, il n'a été question que des vols sacriléges; mais il est bien prouvé, par les rapports officiels des préfets et des maires, que des profanations, accompagnées de vols sacriléges, et auxquelles l'art. 4 du projet de loi serait applicable, ont été commises en 1821 et 1824...

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Quel inconvénient, au surplus, à prévoir un crime, si cette prévoyance est, comme nous le pensons, un moyen de l'empêcher?

« Pourquoi ne pas rendre notre législation plus morale, plus complète et plus religiense?

«

Pourquoi ne pas payer à la religion de l'état le tribut d'hommages qui lui est dû?

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Et, enfin, pourquoi risquer, par le silence de la loi, d'enhardir les malfaiteurs, peut-être même de les porter à de nouvelles et plus criminelles profanations?

Pour parvenir à faire respecter nos lois, commençons par faire respecter la religion; accordons-lui toute la protection qu'elle réclame; donnons aux tribunaux les moyens de venger la société, lorsqu'elle est attaquée dans l'objet

de sa vénération, et ne craignons point d'avouer que le plus grand des crimes est, sans aucune exception, celui défini par l'art. 1er du projet de loi.

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L'article 2 déclare profanation toute voie de fait commise volontairement et par haine ou mépris de la religion, sur les vases sacrés ou sur les hosties consacrées.

«

Remarquez bien, Messieurs, que la preuve de la volonté, jointe à la haine ou au mépris de la religion, suppose en quelque sorte la publicité, et ne permet pas de redouter l'application fréquente de la peine encourue par la nonprofanation. Craindra-t-on, au contraire, l'absolution, souvent scandaleuse et toujours funeste, des coupables? Votre commission ne le pense pas ; car l'homme assez audacieux et assez criminel pour outrager la religion de l'état dans ce qu'elle a de plus sacré, recherchera, plutôt qu'il n'évitera, les témoins, pour satisfaire sa rage insensée, et se porter à l'attentat le plus odieux.

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Votre commission vous proposera même d'admettre la publicité comme circonstance nécessaire pour l'application des peines. Les jurés ne pourront pas alors se méprendre sur les motifs qui, avec de telles circonstances, auront inspiré une action aussi criminelle.

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Le projet de loi qui vous fut présenté dans la dernière session était incomplet, et s'il paraissait satisfaire aux besoins les plus reconnus et les plus fréquens, il laissait subsister uue trop grande lacune, et ne conciliait pas, comme le nouveau projet, les intérêts de la religion et de la justice.

Ainsi la commission subdivisant en trois articles différens, l'article 4, proposait comme amendement à ce tarticle:

La peine des travaux forcés à perpétuité pour la profanation des vases sacrés, lorsque ces vases ne renfermeront point, au moment du crime, les hosties consacrées, et lorsque la profanation aura été commise publiquement:

«

La peine de mort pour la profanation des vases sacrés, lorsque ccs vases renfermeront, au moment du crime, les hosties consacrées, et lorsque la profanation aura été commise de même publiquement :

«

Enfin, la peine du parricide, pour la profanation des saintes hosties, seulement lorsque ces hosties auront été publiquement outragées, abandonnant du reste au tourment des remords l'homme assez dénaturé pour avoir volontairement, mais sans publicité, cherché à outrager son Dieu,»

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Ici le noble rapporteur, pour justifier la sévérité des peines infligées au sacrilége simple, invoquait des exemples pris dans les 16 et 17 siècles. Quant au vol sacrilége, il ne pensait pas qu'il fût nécessaire de défendre les titres II et III qui n'étaient que la répétition du projet approuvé l'année dernière : on devait sentir plus que jamais la nécessité de mettre un terme à ces vols sacriléges dont le nombre s'accroissait tous les ans, puisqu'il résulte des renseignemens trèsexacts recueillis par la commission que, depuis le moi de mai 1821 jusqu'à ce jour, 538 vols sacriléges ont été commis en France, avec des circonstances plus ou moins aggravantes.

En résumé, dit le noble rapporteur, l'utilité de la loi présentée nous semble impossible à contester; des faits nombreux et prouvés rendaient urgente sa proposition; les vrais amis de la religion et de l'ordre public vous demandent votre adhésion, et l'attendent avec confiance : si quelques-uns trouvent cette loi incomplète, qu'ils veuillent bien se rappeler, ainsi qu'un orateur l'a dit à cette tribune, « qu'il est rarement donné à l'homme de produire rien de com⚫plet. »

D'ailleurs, Messieurs, les lois des 18 novembre 1814 et 25 mars 1822, jointes à celle qui nous occupe, compléteront en quelque sorte cette partie importante de notre législation. »

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(10 février.) La discussion ouverte, le premier orateur inscrit contre le projet, M. le comte Molé, s'étonne de voir la Chambre pelée à délibérer sur un projet dont le ministre avait confessé luimême l'inutilité. De son aveu, les exemples du sacrilége simple étaient rares et presque inconnus. Quelle contrainte obligeait donc le ministre à présenter une loi si peu appropriée aux besoins de l'époque, si peu d'accord avec les doctrines qu'il a professées, avec le projet qu'il a présenté l'année dernière, et qui fut alors adopté par la Chambre ? qu'est devenu ce projet ? le ministre avait craint qu'il n'obtînt pas l'assentiment de l'autre Chambre, et il ne craint pas de présenter à celle-ci un nouveau projet dont elle a d'avance repoussé tous les élémens. Il se flatte de leur faire adopter d'une année à l'autre le pour et le contre. Comment concilier de sa part tant de confiance avec tant de timidité? comment concevoir que l'opinion présumée de l'une des branches du pouvoir législatif doive suffire pour entraîner les deux autres? On serait tenté de fonder sur cet historique une fin de non recevoir contre la loi proposée : mais c'est au nom du Roi que les ministres la proposent: à ce nom l'orateur s'incline et n'hésite plus à entrer dans le fond de la discussion.

Ce qu'on doit d'abord examiner dans une loi, dit S. S., c'est sa compétence, c'est-à-dire si toutes les dispositions qui y sont comprises sont bien du domaine des lois.

Les lois, selon la belle définition de Montesquieu, ne sont que l'expression du rapport des hommes entre eux. Les rapports de l'homme avec son Créateur forment la loi religieuse. Tonte infraction à la loi religieuse s'appelle péché, comme toute infraction à la loi civile s'appelle crime ou délit. A la vérité, les lois civiles punissent les crimes ou délits qui intéressent la religion; « mais alors, vous a dit votre premier rapporteur (1), « ce n'est pas pour venger la Divinité

(1) M. le comte Portalis.

Annuaire hist. pour 1825.

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