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des libéralités faites à ces 1,500 maisons? elle ne s'est montée qu'à 88,000 fr. Aussi, si quelques-unes sont dant un état de prospérité temporelle, grâces à quelque bienfaitrice qui en fait partie, l'immense majorité ne vit que de sévère économie, de privations et de sacrifices. »

En résumé, le ministre ne croyait pas que le projet dût trouver d'opposition dans la chambre des députés; et en effet la commission chargée de l'examiner n'eut qu'à en justifier les motifs, par l'organe de M. Lézardières, qui en fit le rapport le 30 mars, et lors de la discussion ouverte le 6 avril, un seul orateur se fit entendre contre le projet; c'était M. Méchin qui commença par rendre un juste hommage aux congrégations charitables.

« Le monde doit honorer tant de vertu, dit l'honorable orateur, Dieu seul peut les récompenser, et je ne mets pas plus de bornes à mon admiration pour elle qu'à mon indignation contre l'hypocrisie de l'ambition et le faste d'ane fausse piété. Si les congrégations charitables me paraissent réclamer une juste préférence, la philosophie est loin de méconnaitre l'utilité d'établissemens, mais rares et sagement conçus, où, dans ces crises affreuses qui conseillent le suicide et semblent l'absoudre, le malheureux puisse se réconcilier avec la vie, et le coupable avec sa conscience, sous le joug d'une règle modérée, dans les travaux, les prières, la douceur et les bons exemples de la vie commune.

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« Mais tont en faisant cette concession, elle invoque la prudence du législateur, qui doit savoir combien l'abus est près du bien, et, non moins frappée des leçons du passé que des faits qui se multiplient sous ses yeux, marcher avec circonspection dans la route où l'on veut l'engager. Jamais, Messieurs, nous ne nous consolerions d'avoir cédé même aux illusions du bien, si, après avoir consenti à la création d'établissemens respectables par leur objet, nous nous apercevions plus tard que nous n'avons fait qu'élever çà et là des refuges aux préjugés, et bâtir des forteresses contre le progrès des lumières et de la civilisation.

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« Qu'un esprit contraire aux principes de notre gouvernement actuel anime la direction de ces congrégations, nous ne tarderons pas à voir le désordre s'introduire dans les familles, une domination intolérable s'établir au milieu d'elles, et, dans la confusion générale, notre constitution politique s'altérer et les relations sociales se corrompre.

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Que serait-ce si l'administration elle-même donnait aux individus et aux choses une impulsion contraire à l'esprit du temps et aux lois fondamentales du pays?

« Ainsi, dans nos hospices, des habitudes superstitieuses lutteraient avec la science et neutraliseraient ses bienfaits; dans nos écoles, une routine ignorante et d'autant plus opiniâtre proscrirait des innovations auxquelles le monde entier applaudit; et déjà peu s'en faut que nous ne voyons, à cet égard, se renouveler une partie des persécutions qui, dans l'origine de leur institution, ont accablé les écoles de l'illustre saint Vincent de Paule.

« Parmi les institutions qu'on vous propose de seconder de toute la puissance de la loi, il en est qui appelleut une attention particulière et qui se rattachent à un ordre de choses, je ne dirais pas plus intéressant, mais plus

élevé sous le rapport de l'ordre politique : ce sont les congrégations vouées à la vie purement monastique ou contemplative.

« Ces institutions, vers lesquelles un zèle religieux entraîne, entrent aussi dans la série des idées que, par abus de mots, ce me semble, et dans l'oubli ou le mépris de nos principes constitutionnels, on appelle exclusivement les idées monarchiques.

La monarchie veut une noblesse; une noblesse ne se soutient que par les majorats et les substitutions: point de substitutions ni de majorats possibles sans le droit d'aînesse; point de droit d'aînesse si les cadets et les filles ne trouvent dans la possession exclusive d'une catégorie d'emplois publics ou de situations préparées à l'avance, des ressources que les combinaisons aristocratiques leur enlèvent an bénéfice de leurs ainés.

C'est ainsi, Messieurs, que, ne voulant rien céder de l'ancien terrain, on est ramené dans la route qui, à travers bien des vicissitudes, nous à conduits à une grande et terrible révolution...

Pourrait-on traiter nos alarmes d'exagération? Depuis l'époque et à l'occasion de la loi du recrutement, on n'hésita point à regarder l'avancement par ancienneté comme une sorte d'usurpation des droits des cadets de famille, nous avons fait bien du chemin, et j'ose prédire que nous n'achèverons pas notre carrière septennale sans qu'on propose les fidéicommis, les fiefs et les substitutions; c'est là le système monarchique tant vanté, en opposition au système constitutionnel, et à ce dogme de l'égalité devant la loi, condamné hautement, en dépit de la charte, comme révolutionnaire au premier chef. Pour les cadets, de minces légitimes et des emplois exclusifs; pour les filles, le célibat et les couvens; voilà ce que l'on préconise systématiquement.

« La religion gémirait, mais trop tard, sur des institutions détournées de leur but au profit de l'orgueil et de la cupidité; la société accuserait aveo justice notre imprévoyance, si nous la rejetions dans une voie funeste en élevant et protégeant des intérêts d'exception, ennemis irréconciliables des intérêts constitutionnels...

La loi qu'on propose à votre adoption me paraît devoir être le type de celles qu'on vous apportera prochainement...

Les congrégations religieuses d'hommes sont admises par l'église comme les congrégations religieuses de femmes. La loi devra un jour conférer aux premières les capacités réclamées pour les secondes. Ainsi donc, on viendra vous proposer de laisser jusqu'au 1er janvier 1826, je suppose, à l'ordonnance le soin d'approuver les congrégations d'hommes antérieurement établies. Vous ne pourrez alors refuser ce que vous accordez aujourd'hui.

Vous vous réveillerez surpris de voir surgir de toutes parts telle congrégation que votre dévoùment à l'état et au prince vous aurait portés à repousser avec énergie. Une ordonnance non publiée aura dans un instant renversé l'ouvrage des plus illustres magistrats, des treize parlemens du royaume, de tous les rois de la chrétienté, et de la sagesse infaillible du pontife suprême.

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Eh! Messieurs, les temps de ces triomphes redoutés par tous les hommes éclairés ne sont-ils pas anticipés? N'en pourrions-nous pas juger par la rapidité avec laquelle les doctrines les plus fallacieuses envahissent jusqu'à l'administration elle-même ? N'avons-nous pas déjà éprouvé ce que c'est que, le mal rectifié par l'intention? pouvons-nous encore ignorer la puissance des restrictions mentales, et n'est-il point admis en principe que quand il s'agit de la bonne cause, le succès absout les moyens ? N'enten

dons-nous pas déjà les plaintes de plus d'une famille contre un prosélytisme trop encouragé? Nous est-il permis de ne considérer encore que comme de simples réunions d'hommes sans caractère public, les associations auxquelles ceux qui peuvent seuls conférer le pouvoir d'enseigner, permettent d'établir des écoles et de fonder des collèges de plein exercice ?

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<< Les faits parlent plus haut que les subtilités, et les yeux, frappés de ce qu'ils voient, ne s'en rapportent qu'à eux-mêmes. Nous recueillerons amèrement les fruits de tant de témérité d'une part et de tant d'aveuglement de l'autre... »

M. Méchin avait demandé dans le cours de son discours, que l'on communiquât à la Chambre le tableau des congrégations de l'un et de l'autre sexe autorisées jusqu'à ce jour, et dans le désespoir d'y faire adopter aucun amendement, il concluait au rejet pur et simple du projet.

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C'était le seul orateur inscrit pour parler contre, mais plusieurs autres se présentaient pour le défendre, MM. de Blangy, Dubourg et Hyde de Neuville; ce dernier exprimait pourtant le regret que chambre des pairs n'eût point rejeté « l'article 5, comme l'avait proposé un prélat aussi distingué par sa charité, par ses lumières, « que par son zèle et son courage à défendre les libertés de l'église gallicane (l'archevêque de Paris) disposition qui lui paraît peu juste, peu convenable, peu utile, et en contradiction manifeste « avec la législation actuelle.

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Sous d'autres rapports dit l'honorable membre, la loi ne peut encourir de reproches. Politiquement, religieusement, nous n'avons rien à craindre de l'esprit d'imprudence, de vertige ou d'erreur. Nous avons trône, à côté du trône, avec toutes les vertus, toutes les garanties. Les congrégations que la loi autorise, celles qui se forment ou pourront s'élever par la suite ne sauraient avoir d'autre but, d'autre pensée, sous un fils de saint Louis (autrement elles ne pourraient durer), que de faire triompher la foi de saint Louis, que de maintenir et propager les doc. trines que proclama toujours l'église gallicane, et que défendirent toujours nos Rois. Et s'il pouvait se trouver en France des hommes assez ennemis de notre repos pour vouloir passer les bornes que nos pères ont posées (j'emploie les propres expressions de ce concile national qui, en 1682, se couvrit de gloire en affermissant à jamais la paix de notre église ), nous, Messieurs, qui voulons rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu, mais aussi à César ce qui appartient à César, nous saurons faire respecter ces bornes posées par nos pères, nous saurons maintenir et nos libertés politiques et nos libertés religieuses, nous serons enfin et nos enfans seront ainsi que nous, Messieurs, royalistes comme Louis XVIII, comme Charles X, chrétiens catholiques comme saint Louis, orthodoxes comme Bossuet. »

Un seul amendement fut proposé par M. Petit-Perrin sur l'ar

ticle 4, d'après lequel on aurait assujéti les congrégations à convertir en rentes sur l'état les immeubles qui leurs seraient advenus (autre que ceux dépendant de leurs maisons ou y attenant ); amendement dont on entrevoit les motifs et qui fut écarté. Tous les autres articles mis aux voix furent ensuite adoptés, et l'ensemble du projet soumis à l'épreuve du scrutin eut le résultat suivant :

Nombre des votans, 290 boules blanches: 263, boules noires, 27; majorité en faveur de la loi, 236.

On est étonné de voir une loi de cette importance passer en une seule séance à la Chambre des députés; mais elle avait subi dans l'autre une discussion qui ne laissait rien de neuf à dire sur la question, ce qui fait voir l'importance de l'initiative des discussions et la convenance de ne pas en faire un droit exclutif.

CHAPITRE III.

Discussion et adoption des lois relatives à la répression du sacrilége et des crimes de piraterie et baraterie.

Il faut encore se reporter aux discussions de l'année dernière (Voy. Ann. pour 1824, p. 106-119), pour entendre complétement la question qui va être débattue dans les deux Chambres. On avait reconnu comme cette année la nécessité de suppléer à l'insuffisance du code pénal relativement aux délits commis dans les lieux consacrés aux cultes autorisés; mais le projet présenté n'avait été adopté qu'avec difficulté, une sorte de répugnance dans la haute Chambre où plusieurs voix et surtout celles des prélats, avaient invoqué le secours de la loi contre le sacrilége simple, et s'étaient étonnées, scandalisées mème de voir confondre dans les mêmes articles la religion de l'état et les objets consacrés de son culte avec les religions dont ces objets ne sont que des instrumens. Il était généralement connu que si le projet adopté par la chambre des pairs n'avait pas été soumis à la discussion de l'autre, c'est que le ministère avait craint d'y trouver une opposition trop forte et d'y voir introduire la disposition qui avait déjà excité des débats si vifs. Comment le ministère, comment M. le garde-des-sceaux, serait-il décidé à reproduire les dispositions contre lesquelles il s'était si énergiquement prononcé? C'est ce qu'il expliqua lui-même en présentant le projet nouveau le 4 janvier, à la chambre des pairs.

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Quand nous vous présentâmes pour la première fois ce projet, dit S. G., une seule pensée occupait notre esprit et excitait notre zèle; nous n'avions `point entrepris alors de résoudre toutes les parties de ce grand problème, ni de combler à la fois le vide immense qu'offrait sur ce point la législation. Nous avions voulu seulement satisfaire aux besoins les plus reconnus et les plus fréquens. Affligés du grand nombre de vols sacriléges qui se commettaient dans les diverses parties du royaume, nous pensions qu'il était de notre devoir de proposer des peines pour les réprimer. Mais nous ne croyions point qu'il fût indispensable et surtout facile d'aller au-delà. Quand nous portions nos regards sur la société, nous y remarquions plus d'indifference que de haine pour la religion; plus de négligence et d'oubli, que d'ardeur à la com

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