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s'agit, n'est-ce pas lui qui enregistre et vérifie les bulles de la cour de Rome?.. On peut, dit-on, le supprimer par une simple ordonnance; quand cette suppression serait admissible, qu'en pourrait-on conclure sinon que dans ce cas une loi nouvelle serait nécessaire pour attribuer à une autre autorité la vérification dont le projet a pour but de le charger?

Quant aux dispositions de l'art. 5, d'une part on trouve que les limites apportées à la faculté de disposer sont trop resserrées, de l'autre on soutient que l'incapacité qu'il prononce devait être absolue. On pourrait en conclure que la disposition guide la mesure convenable.

« En vain voudrait-on s'en tenir à l'ancienne législature qui défendait toute libéralité de la part des religieux dans la communauté où ils entraient; les circonstances ne sont plus les mêmes aujourd'hui. D'un côté, les communautés, loin qu'on puisse craindre l'excès de leur richesse, ont besoin qu'on les prémunisse contre le dénùment absolu qui les menace; et de l'autre les vœux perpétuels n'étant pas reconnus, et chaque religieux conservant la libre disposition de ses biens, et par conséquent le droit de les vendre, il vaut mieux autoriser dans de justes limites les donations au profit de la communauté, que de s'exposer aux abus qu'entraînent nécessairement les dispositions occultes qui ne manqueraient pas d'avoir lieu. Ainsi, dit S. Exc., la loi proposée main tient la juste division des pouvoirs; c'est une loi de finances et de loyauté que le ministre propose non dans son intérêt mais dans celui de l'éducation des pauvres et du soulagement des malades.

4 février. La discussion, déjà fort éclairée, reprit le lendemain un intérêt nouveau.

Dans l'opinion de M. le comte Lanjuinais, qui ouvrit la séance, le projet ne tend rien moins qu'à détruire la loi du 2 janvier 1817, à renverser les principes reconnus de tout temps en matière de communautés religieuses, et à substituer à l'action légale et régulière des Chambres l'arbitraire du pouvoir ministériel exercé par des délégués révocables, et qui, par conséquent, n'offrent aucune garantic ni à la société, ni aux établissemens religieux. La scule disposition que le noble pair combat avec étendue est celle qui remet aux ordonnances le droit d'autoriser des communautés religieuses; les autres ne lui paraissent pas mùres encore pour la délibération. Il jette un coup d'œil sur la législation concernant cette matière depuis 1790.

« A cette époque, dit S. S., toutes les communautés furent supprimées par la loi; au mépris de cette loi, Bonaparte en créa de nouvelles par simple decret. Il est évident qu'étant le produit d'un abus de pouvoir, ces actes étaient nuls de plein droit; rien depuis n'a pu les sanctionner. Qu'est-ce en effet qu'ane communauté? un être fictif auquel on attribue une capacité civile et des priviléges fort étendus. Or, pour établir une fiction légale, il faut une loi; aucun autre acte ne peut produire cet effet. Le pouvoir législatif seul peut établir des communautés. Si elles consentaient à déléguer ce droit qui est celui de concourir à la confection des lois, les chambres prépareraient, pour un avenir

Annuaire hist. pour 1825.

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cédentes n'avaient permis que de recevoir de légères libéralités ou d'acquérir des rentes sur l'état.

Ou a comparé ces congrégations à des associations de commerce; sans doute, dit le noble pair, les corporations religieuses ont quelque chose de commun avec ces associations, en ce qui touche des intérêts bien matériels. Les premières mettent en commun leur pieuse industrie, comme les secondes unissent leurs capitaux. Mais les associations commerciales ne forment pas de nouvelles familles dans l'état; elles ne mènent pas une vie commune; elles ne possèdent pas, elles n'acquièrent pas un nom collectif; elles se dissolvent à volonté; elles ne sont assujéties qu'à la juridiction civile; elles ne demandent pas à la loi la faculté de recevoir par donation et par testament. Les congregations religieuses, au contraire, changent l'état des personnes; celles-ci n'appartiennent plus à leurs familles; affranchies de la puissance paternelle, elles forment partie d'une corporation permanente. La loi ne peut rester indifférente à leur égard, ce sont de grandes corporations civiles pour qui le droit commun doit être modifié : il l'est quand on accorde à des êtres collectifs le droit de posséder, en vertu d'une substitution perpétuelle, le droit d'acquérir à tous les titres et par toutes les voies qui, disséminant les biens des familles, les agglomèrent dans les congrégations: c'est même excéder le pouvoir des lois humaines, que de donner à ces corps une vie perpétuelle pendant laquelle ils acquièrent toujours, à l'aide même des séductions légitimes nées des liens d'une maternité, d'une fraternité nouvelle, que la religion serre plus étroitement que la nature même. Aussi ce grave sujet était-il autrefois du domaine de la législation. »>

Ici le noble pair rentrant dans un sujet épuisé l'année dernière, expose que l'enregistrement des lois par les anciens parlemens était le sceau public auquel on reconnaissait l'acte vraiment législatif; il cite plusieurs lois de droit civil ou politique ou de finances adoptées dans les provinces où elles avaient été enregistrées, et qui n'étaient pas reconnues dans celles où elles n'avaient par été enregistrées dans une cour de leur ressort. C'est, dans l'opinion du noble pair, une sorte d'abdication qu'on demande à la Chambre. En y cédant elle autoriserait à demander une semblable abdication pour des objets généraux, et de sujet en sujet, de restitutions en restitutions, la Chambre arriverait à une extrémité qu'il n'est pas même permis d'énoncer.

Après quelques autres critiques de détail et en se réservant de développer plus tard les dangers qui résulteraient de cette latitude donnée aux religieuses, d'acquérir par toutes les voiesde droit, le noble orateur se résumait à dire qu'il lui paraissait suffisant d'autoriser les communantés à acquérir à titre onéreux, et à recevoir à titre particulier.

Il ne restait plus à entendre qu'un orateur inscrit contre le projet de loi; c'était M. le baron Pasquier. Il déclara qu'il craindrait de fatiguer la Chambre en reproduisant une partie des considérations qu'on venait de lui présenter, mais se réserva de parler sur l'article 2. La discussion générale fut fermée par le résumé du noble rapporteur de la commission qui persista dans ses amendemens.

L'article 1er ne paraissait susceptible d'aucune difficulté et fut adopté dans les termes du projet; mais l'article 2 mettait dans le domaine des ordonnances l'établissement des congrégations ou maisons religieuses que plusieurs opinions avaient voulu laisser à la puissance législative; c'est celui que M. le baron Pasquier voulait attaquer ou du moins modifier essentiellement en mettant au 1 paragraphe au lieu des mots aucune congrégation religieusc, ceux-ci aucune nouvelle congrégation religieuse, et en substituant dans le dernier à ces mots : par ordonnance du Roi, ceux-ci : par une lvi.

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Cet amendement ramenait, comme on le voit, la grande question de savoir si l'autorisation des communautés religieuses est un acte qui appartient à l'autorité royale seule ou qui exige le concours des Chambres. M. le baron Pasquier se borne à quelques observations nouvelles, dont l'intérêt s'affaiblirait dans l'analyse, sur les abus qui pourraient résulter de l'extension illimitée des communautés religieuses. On avait dit (le président du conseil des ministres) que cès abus ne sont point à craindre de la part des communautés de femmes, et que c'était de celles-là seulement que le projet s'occupe cette distinction amène le noble pair à s'expliquer avec franchise sur un point qui peut être, selon lui, le noeud de toute la difficulté.

- Personne, en effet, dit S, S., ne redoute l'établissement des communautés de femmes. Leur esprit sédentaire, calme, patient, ne permet pas de craindre qu'elles veuillent jamais sortir du cercle qui leur est tracé; mais il n'en est pas de même des communautés d'hommes; si la plupart ont rendu de grands services par la pratique d'une charité fervente, par la culture des sciences, par le défrichement des terres, il faut convenir que d'autres ont méconnu leurs devoirs envers l'état qui les avait reçus dans son sein; l'esprit actif des communautés d'hommes, leur soumission à une volonté quelquefois étrangère au pays, peuvent amener des abus; et de bons esprits s'inquiètent de la possibilité de les voir reparaître à la suite des communautés de fenimes... On craint d'en voir tirer un argument pour demander l'autorisation des communautés d'hommes par voie d'ordonnance; et que pourrait-on alors répondre à une pareille induc

tion? Si au contraire le principe de la nécessité d'une loi est maintenu pour les communautés de femmes, aucun doute ne pourra plus s'élever à l'égard des communautés d'hommes, et l'on ne craindra plus de voir reconnaître, sans un examen solennel, celles qui renaissent aujourd'hui, et dont l'existence repose sur les mêmes moyens dont on a signalé l'abus pour les communautés de femmes. Pourquoi, si l'on n'a aucune arrière-pensée, ne pas proposer aujourd'hui pour les uns ce qu'on jnge ntile pour les autres? Pourquoi ne pas exiger qu'elles se produisent au grand jour, si elles sont utiles, ou qu'elles cessent d'exister si elles sont dangereuses?

A cette observation importante dans l'état des choses, le ministre président du conseil répondit que si l'intention du ministère eût été de proposer l'application du principe aux communautés d'hommes, il l'aurait proposé en même temps, « c'eût été le seul moyen de l'obtenir, dit son Excellence; car on peut ne se dissimuler que la dis«< cussion actuelle loin de préparer les voies à une pareille proposition, << y forme au contraire l'obstacle le plus puissant. Proposer aujour«d'hui d'accorder au Roi la faculté d'autoriser par ordonnance les « communautés de femmes, c'est reconnaître explicitement qu'une <«<loi est nécessaire pour autoriser les communautés d'hommes. »

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En passant à l'examen de l'amendement, le Ministre rappelait les raisonnemens déjà faits sur le principe et les vices du projet.

L'amendement appuyé par M. Portalis, et modifié par rédaction nouvelle demandée par Mgr l'Archevêque de Paris, fut adopté le lendemain, tel qu'on le voit dans le texte de la loi en bornant l'autorisation par ordonnance aux congrégations qui n'existaient pas au 1er janvier 1825.

C'était un grave changement dans le système du projet; il en subit d'autres encore. A l'article 4 on substitua sur la proposition de M. le vicomte Lainé, le mots dúment autorisés au lieu de reconnus, et on ajouta à la fin du 2o paragraphe, ceux à titre particulier seulement; à l'article 5 dont Mgr l'Archevêque de Paris demandait la suppression comme imposant à la capacité des congrégations une restitution qui annulait le bienfait qui leur était accordé, on ajouta la disposition qui permet aux religieuses de tester en faveur de leur communauté, la totalité de leurs biens si le don ou legs n'excède pas la somme de 10,000 fr., et la clause relative au délai de six mois mis à l'exécution de l'article pour les communautés. A l'article 6 on statua

sur la proposition de M. le duc de Valentinois, et de M. le baron Pasquier que la révocation d'une congrégation pourrait être prononcée après avoir pris l'avis de l'Évêque diocésain (le projet disait le consentement), et à l'article 7 on ajouta la clause de la pension alimentaire assurée aux religieuses en cas de suppression de leur congrégation ou communauté.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

(17 mars.) Ainsi amendé dans des dispositions qui en changeaient le système, le projet fut porté à la chambre des députés le 17 mars, par le ministre des affaires ecclésiastiques.

Sa Grandeur ne témoignait aucun regret sur les amendemens introduits par la chambre des pairs et consentis par le Roi; et dans l'exposition des bienfaits dus aux congrégations de femmes, il observait que, d'après des calculs qu'il avait tout lieu de croire fondés, plus de 140,000 malades étaient secourus par leur tendre sollicitude dans les hôpitaux ou bien à domicile, 120,000 enfans des classes inférieures du peuple étaient instruits gratuitement par leurs soins et que plus de 100,000 pris dans les rangs plus élevés, recevaient dans des pensionnats dirigés par elles, une éducation mieux entendue qu'elle ne l'était autrefois. Quant aux congrégations, qui, étrangères aux choses du monde, vivent dans une solitude profonde, partagées uniquement entre la peine et le travail, il n'en existait encore que deux, et leurs établissemens étaient peu nombreux.

⚫ Laissons, dit S. G., laissons des asiles à l'innocence alarmée comme au vice repentant. Que les Thérèses puissent s'y livrer en paix à toute l'ardeur de leurs pieux désirs, et les La Vallières y gémir sur leurs égaremens...

◄ Vivons-nous donc dans un siècle dont l'esprit général tourne les pensées et les affections vers l'état monastique? Les anciennes sources de libéralités qu'on redoute ne sont-elles pas taries? Où sont aujourd'hui ces princes, ces dacs et ces comtes possesseurs d'épaisses et profondes forêts, de vastes terrains encore incultes, et qui soient en même temps animés du zèle des fondations? Il ne reste pas vestige de tout cela; et peut-il en être autrement d'après l'état actuel des propriétés et la grande division des fortunes? Ici les faits parlent encore plus haut que les raisonnemens : il existe en France environ 1,500 établissemens définitivement autorisés et capables de recevoir (1); he bien, Messieurs, dans le cours de l'année 1824, quelle a été la somme totale

(1) Et environ 30 non autorisés.

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