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mourante (le 15 mars), et qui ne survécut que quatre jours à son arrivée. Mais le séjour du prince dans la capitale, qui se prolongea encore plus d'un mois, et les conférences fréquentes qu'il eut avec les ministres français ou étrangers, donnèrent plus de vraisemblance et de poids aux conjectures, aux inquiétudes politiques qui se firent entendre jusques à la tribune législative. (V. page 227.) Nous ne pouvons ajouter rien à ce que le ministère français a répondu aux interpellations qui lui ont été adressées.

Nous l'avons déjà dit, on ne peut juger des conférences diplomatiques que par leurs résultats, et les résultats de celles-ci n'ont rien eu que d'utile et d'honorable à la France... Si les projets qu'on supposait au cabinet autrichien avaient quelque chose de réel, on serait forcé de reconnaître qu'il n'en avait pas obtenu tout ce qu'il prétendait.

Pendant le séjour du prince de Metternich à Paris, la cour impériale de Vienne était en mouvement pour son départ. L'impératrice avait quitté cette capitale le 6 avril, l'empereur le 7, suivi d'une grande partie de sa maison et de tout le corps diplomatique; il passait par Munich et Florence, où il séjourna quelques jours. On ne sait s'il faut attribuer les lenteurs de ce voyage à la prolongation du séjour de M. de Metternich à Paris : mais ce prince ne put être rendu à Milan que le 9 mai, et l'empereur d'Autriche n'y fit son entrée que le lendemain.

S. M. fut reçue dans la capitale du royaume Lombardo-Vénitien avec des témoignages d'allégresse et de dévouement où il entrait quelques espérances politiques d'institutions ou d'amnistie, entretenues par des promesses ou des insinuations qui n'ont point été réalisées...

Des invitations pressantes avaient été adressées à tous les princes d'Italie de se rendre à Milan pour y conférer, suivant une opinion généralement répandue, des affaires d'Italie. L'archiduchesse MarieLouise, princesse de Parme, et le prince et la princesse de Lucques et de Piombino, le duc et la duchesse de Modène, le grand-duc de Toscane, y arrivèrent en même temps ou à peu près; LL. MM. II., le roi et la reine de Naples y étaient annoncés pour le 14. L'empereur

et l'impératrice d'Autriche allèrent au-devant d'eux, et LL. MM. réunies entrèrent ensemble à Milan dans la même caléche découverte. Cette réception semblait donner un démenti éclatant aux bruits qu'on avait fait courir sur ce voyage; mais il manquait à l'auguste réunion deux souverains dont l'absence était remarquée comme un refus positif de prendre part aux projets qui devaient se discuter dans cette espèce de congrès, le pape, qui s'était fait représenter par un légat, et le roi de Sardaigne, qui y envoya le marquis de Saint-Marsan, son ministre-d'état et grand-chambellan. - Au reste, tous les ministres étrangers accrédités près de la cour de Vienne, M. de Gentz, chargé de la rédaction du protocole dans les congrès précédens, et une foule de personnages de distinction de toutes les nations, se trouvaient réunis dans cette capitale, oùrquelques journaux s'obstinaient, malgré les démentis officiels répétés, à annoncer l'arrivée prochaine de l'empereur de Russie et du roi de Prusse.

Mais de toutes ces conférences diplomatiques d'où les politiques croyaient voir sortir la solution des grandes questions qui occupaient l'Europe, la formation d'une fédération italienne, et la promulgation d'une charte pour le royaume Lombardo-Vénitien, il ne résulta qu'une convention nouvelle entre S. M. I. et S. M. le roi des DeuxSiciles, pour la prolongation de l'occupation de ce dernier royaume par un corps auxiliaire autrichien, jusqu'à la fin du mois de mars 1827, lequel devait être réduit à quinze et même à douze mille hommes, si l'état militaire de S. M. S. acquérait dans l'intervalle un degré de force numérique assez élevé pour lui faire désirer cette réduction. Cette convention a été signée à Milan le 28 mai, entre les plénipotentiaires des deux puissances, par le comte de Fiquelmont pour l'Autriche, et par le chevalier de Medici pour les Deux-Siciles.

LL. MM. II. le roi de Naples, les princes italiens et tout le corps diplomatique accrédité auprès des cours de Vienne, de Turin et de Naples, partirent le lendemain (29 mai) pour Gênes, où le roi de Sardaigne était depuis deux mois. Là se renouvelèrent encore, à l'occasion de cette brillante réunion, les bruits qui avaient couru. Il y eut des conférences particulières entre les ministres, des fêtes

brillantes données aux souverains; mais ce ne fut aux yeux du public qu'un voyage de courtoisie et de plaisir. S. M. I. séjourna à Gênes jusqu'au 7 juin, et revint à Pavie. Le roi et la reine de Naples allèrent ensuite à Lucques, à Florence et à Livourne, où une escadre les attendait pour les ramener dans leurs états.

Ici cessèrent enfin les bruits répandus sur le congrès où l'on devait, suivant quelques nouvellistes, régler les destinées des deux mondes. Les princes italiens retournèrent chacun chez eux; le roi de Sardaigne, auquel on a supposé une résistance énergique au projet d'une fédération italienne, était de retour à Turin le 7 juillet. L'empereur et l'impératrice d'Autriche allèrent à Rome et achevèrent de visiter la partie septentrionale de leurs états d'Italie; partout ils visitèrent les établissemens publics et particuliers, avec cette bienveillance et cette affabilité qui les caractérisent; mais il n'en résulta aucun changement dans les institutions politiques, ni dans le régime de l'administration, ni pour la protection des intérêts du commerce, des sciences et des arts. Venise, où LL. MM. passèrent quinze jours (du 26 juillet au 11 août), Venise, dont la population réduite à cent mille habitans, dont les deux tiers vivent d'aumônes, ne tira qu'un avantage passager du séjour de ses souverains. Une partie du corps autrichien qui revenait du royaume de Naples fut concentrée dans les possessions italiennes. L'administration resta la même; la censure établie, par un décret de 1818, à Milan, y fut renforcée par une notification nouvelle de la chambre aulique (2 août). Il y eut à Pavie, pendant ce voyage, une espèce de sédition occasionée par un ordre de police concernant les baigneurs, et où plusieurs jeunes gens de familles bourgeoises furent tués ou blessés par la cavalerie autrichienne affaire fâcheuse où la politique n'était pas étrangère, mais dont l'esprit de parti a fort exagéré les détails et les consé

quences.

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Tandis que le conseil autrichien repoussait avec opiniâtreté les vœux du parti libéral italien, il se montrait plus favorable à ceux des Hongrois. Des lettres-patentes convoquaient la diète de Hongrie pour le seizième dimanche après la Pentecôte (le 11 septembre), et fixaient au 25 du même mois le couronnement de l'impé

ratrice comme reine de Hongrie... LL. MM. quittèrent l'Italie pour s'y rendre, et arrivèrent le 22 août au château de Laxembourg, où elles restèrent jusqu'au 10 septembre...

Ces lettres-patentes, rendues à Bergame le 3 juillet, écrites en latin, langue officielle du pays, et familière à la partie de la nation appelée par la constitution à prendre quelque part aux affaires publiques, furent adressées à tous les comtés et aux villes en possession du droit d'élire des députés à la seconde chambre. Il leur était recommandé de choisir, suivant l'usage, deux hommes amis de l'ordre et ayant à cœur le bien public...

La constitution hongroise, dont quelques parties remontent au XIe siècle, est un mélange d'institutions féodales et républicaines, où l'on retrouve des traces du gouvernement des Tartares et des Romains qui ont successivement occupé le pays... La couronne, passée depuis trois siècles à la maison d'Autriche, après la mort du roi Louis, était élective, et n'a cessé de l'être qu'en 1687; mais cette élection n'était qu'une formalité. D'ailleurs, la diète composée des magnats (barons), des prélats, des députés de la noblesse et des villes, jouissait de toute antiquité du droit de décréter les impôts et les levées d'hommes qu'elle offrait au souverain en forme de don gratuit, suivant les besoins du moment... Joseph II avait aboli la servitude; mais les paysans ne pouvaient posséder de terres nobles... Telle qu'était cette constitution, presque toute féodale, où les droits n'étaient pas tellement définis qu'ils ne fussent souvent contestés par les souverains, elle était chère aux Hongrois qui se regardaient comme un peuple libre, une monarchie indépendante et séparée de l'Autriche. Joseph II avait tenté d'opérer cette réunion en y introduisant les réformes administratives qu'il avait faites dans ses autres états; mais la répugnance des Hongrois s'était manifestée avec tant de constance, que son successeur (Léopold II) avait cru devoir céder à leurs vœux en rétablissant la constitution hongroise et en proclamant, dans les termes les plus formels, « qu'il n'avait d'autorité sur les Hongrois que comme roi couronné, assermenté conformément aux lois fondamentales du royaume... » C'est dans la diète tenue à son avènement ( en 1790 et 1791 ) que les libertés de

la Hongrie ont été plus clairement définies et reconnues. Les délibérations de la diète n'étaient ni publiques, ni publiées par la voie de l'impression. Le paysan ne paraissait avoir aucune part aux élections ni à l'administration; mais la classe des nobles et celle des bourgeois jouissant du droit électoral, trois fois plus nombreuse que celle qui concourt en France aux élections, constituait une population libre, éclairée, dont le poids balançait à la diète l'autorité des prélats et des barons ou magnats: en sorte que les pouvoirs politiques y semblaient aussi sagement pondérés que dans les états les mieux organisés de l'Europe.

On a vu avec admiration la générosité, la bravoure, que les Hongrois ont montrées pour soutenir la lutte opiniâtre de la maison d'Autriche contre la révolution française. Ils firent alors autant qu'ils avaient fait pour Marie-Thérèse. Cependant leurs droits s'étaient comme perdus ou affaiblis dans cette lutte sanglante. Les diètes avaient été plus rares; la dernière était de 1812, et depuis ce temps la chancellerie autrichienne avait introduit dans l'administration du pays des changemens que les Hongrois regardaient comme des atteintes graves à leurs droits, usages et priviléges. Les impôts et les recrutemens d'hommes avaient été levés sans le concours des administrations provinciales et par force militaire. On avait imposé sur les denrées ou produits de la Hongrie des droits considérables à leur entrée dans les provinces autrichiennes, et augmenté ceux qui se payaient dans les provinces hongroises. On venait même de signifier aux comtés qu'ils auraient à payer désormais la contribution foncière en numéraire et non plus en papier, et de faire exécuter militairement l'ordonnance qui devait être soumise à l'approbation de la diète et il en était résulté des mécontentemens et des divisions dont l'effet se fit sentir même aux élections de l'ordre de la noblesse et de la bourgeoisie... Plusieurs des comtés et des villes. électorales chargèrent spécialement leurs députés de porter leurs griefs (gravamina) à la diète, et d'en demander une réparation éclatante, ce qui faisait prévoir une session orageuse...

Les députés, empressés d'obéir à leur mandat, étaient presque tous rendus à leur poste au jour fixé pour leur convocation (11 sep

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