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trefois la mort civile. L'expérience a bien hautement démenti les clameurs da dernier siècle contre les vœux de religion; vœux qu'il présentait comme un joug de fer appesanti sur des milliers de victimes. Lorsqu'à une certaine époque on fit tomber les barrières des cloîtres devant une multitude de religieuses qui les habitaient, loin de quitter leur solitude avec joie, la liberté qu'on leur rendait fut pour elles un supplice. Mais le souvenir du passé ne doit pas faire oublier le présent. Je ne suis pas du nombre de ceux qui se plaisent à se précipiter dans le bien, au risque de ne pas le faire on de le faire mal; sans être timide, il est permis de prendre conseil des circonstances, de laisser quelque chose à faire au temps, d'éprouver pour mieux connaître, d'observer l'esprit de son siècle, et sans en être l'esclave, de ne pas s'exposer à se briser contre ses résistances. »

A la fin de son discours, le ministre exposait les services qu'avaient rendu les communautés religieuses sur la condition desquelles la Chambre allait délibérer.

La rapport de la commission 'spéciale, chargée d'examiner ce projet, fut fait, dans la séance du 29 janvier, par M. le duc Mathieu de Montmorency. Il était en accord parfait avec les vues du gouvernement sur les principes généraux de la loi. Il rappelait les discussions de l'année dernière sur la question de savoir si l'autorisation demandée, nécessaire pour l'établissement des communautés religieuses était du domaine de la puissance législative, et la regardait comme décidée en faveur de l'autorité royale, même quant aux congrégations nouvelles ou congrégations mères dont la commission laissait l'établissement au Roi, avec les précautions et dans les formes prescrites par le projet.

Quant aux questions de droit civil, ou plutôt aux droits qui sont donnés aux congrégations et à leurs membres individuels, la commission, tout en s'entendant sur les principes et sur les intentions, avait jugé difficile de les appliquer d'une manière qui conciliat à la fois le droit et les convenances, la sûreté et l'intérêt des familles.

Le noble rapporteur regrettait que la loi, ne permettant à la religieuse que de disposer du quart de ses biens, se fût armée d'une prévoyance si sévère que de la mettre hors du droit commun.

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Ici, dit S. S., s'est encore présentée à nous cette immense et grave question qui, jetée au milieu de la discussion de l'année dernière, ne paraît pas encore mûre pour le moment actuel, la perpétuité des vœux.

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Votre commission n'a pas cru être appelée à la traiter à fond, et a imité

à cet égard la sage réserve observée dans l'exposé des motifs; on est plus d'une fois conduit à répéter qu'il ne faut pas être envieux du temps; peut-être à la saite d'une expérience qui recommence depuis quelques années, nos enfans sont-ils destinés à revoir ces vœux perpétuels et cette mort civile qui n'est pas toujours, mais daus ces derniers temps, en avait été la conséquence insépa rable.

Il faut observer avec franchise que cette autre fiction de la loi, qui pouvait être utile quand il s'agissait de restreindre dans certaines limites des communautés richement dotées, aurait quelque chose de dérisoire et de cruel pour celles qui commencent sans aucune fondation publique, et ne peuvent par conséquent se soutenir que par les dons volontaires des particuliers. Votre commission a pensé qu'il y avait presque un excès de modération dans cette restriction du quart. Après avoir longuement discuté si elle ne vous proposerait pas de la fixer an tiers ou à la moitié, elle s'est décidée, à la majorité, à adopter cette base importante de l'art. 5, avec un amendement sans lequel il ne remplirait pas complétement les intentions du gouvernement, ni même celles de tous les hommes de bonne foi. »

Cet amendement, que le noble rapporteur motivait sur de longs développemens, c'était que l'art. 5 ne recevrait son exécution, pour les communautés déjà autorisées, que six mois après la publication de la présente loi, et pour celles qui seraient autorisées à l'avenir, six mois après l'autorisation accordée.

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A l'art. 7, au cas de suppression d'une congrégation ou maison religieuse de femmes, la commission proposait d'ajouter que membres d'une maison religieuse supprimée auraient droit à une pension alimentaire prélevée sur les biens acquis à titre onéreux, et subsidiairement sur les biens acquis à titre gratuit, lesquels, dans ce cas, ne seraient retournés aux familles des donateurs ou testateurs qu'après l'extinction desdites pensions.

Au moyen de ces amendemens et d'autres modifications de simple rédaction, la commission proposait l'adoption du projet de loi qui lui paraissait éminemment utile, en ce qu'il tendait à assurer la confiance par des formes légales; le bien qui se fait par des moyens détournés peut être susceptible d'abus...

(3 février.) La discussion qui s'ouvrit quatre jours après le rapport, offre avec celle de l'année dernière des points d'analogie qu'il nous suffit d'indiquer, et des considérations nouvelles à développer.

M. le marquis de Catelan, inscrit le premier contre le projet, passa rapidement sur les formes observées dans l'ancienne monarchie pour l'érection des congrégations et même des simples monas

tères, formes qui caractérisaient à ses yeux la puissance législa— tive on proposait maintenant à la Chambre d'abandonner une partie de son pouvoir au conseil d'état; mais le conseil d'état actuel, n'étant pas reconnu par la Charte, étant en dehors de nos institutions, n'existant qu'en vertu d'une ordonnance, n'était plus un pouvoir dans l'état; ce n'était qu'un conseil appelé par le prince pour l'éclairer de ses lumières, et lui donner par une loi des attributions, c'était apporter à l'autorité royale, dans l'exercice d'une de ses facultés les plus éminentes, des entraves qu'elle ne peut, ni ne doit reconnaître... Le noble opinant ne pense pas qu'on puisse assimiler des communautés religieuses à des associations industrielles. Il observe qu'on ne peut, sans une loi spéciale, retirer, par voie d'échange, une propriété quelconque du commerce pour la jeter dans l'immobilité de la main-morte. En examinant avec attention l'art. 6, il y reconnaît une autre restriction apportée au pouvoir du Roi, pour le cas où il y aurait lieu de révoquer l'autorisation accordée; restriction d'après laquelle aucune congrégation une fois établie ne pourrait être détruite sans le consentement de l'évêque diocésain.

N'a-t-on pas vu, dit le noble pair, sous les derniers règnes, des évêques s'opposer invinciblement aux volontés de la couronne, souffrir les privations et l'exil plutôt que de céder, et causer aussi des troubles fàcheux? faut-il replacer dans une loi le germe de ces graves inconvéniens? Sans doute, nous devons avoir confiance dans la haute prudence de nos évêques, mais le respect dû à leurs vertus et à leur caractère n'est pas un motif suffisant pour dépouiller la royauté d'une partie de son pouvoir, et la transférer à l'épiscopat : le Roi consultera toujours l'évêque, mais il doit le faire librement. Il faut se garder de lai imposer des liens contraires à nos institutions; ainsi donc, en rejetant le projet de loi, la Chambre prouvera son zèle pour la prérogative royale, comme plus tard elle prouvera ses sentimens religieux en s'empressant de fonder les communautés dont la société, l'état et la religion, réclameraient l'établissement.

M. le duc de Narbonne, inscrit le premier pour la défense du projet, ne fit aussi que rappeler la controverse qu'il avait excitée l'année dernière, sur la question de savoir à quel pouvoir appartenait l'érection des congrégations ou communautés religieuses, dans l'application aux circonstances actuelles; il ne voit que des avantages à la confier à l'autorité royale. Les Chambres seraient surchargées inutilement de pareilles affaires.

•Croit-on, ajoute S. S., qu'il fût sans inconvénient de livrer à la discussion d'ane tribune publique, pour être ensuite commentés par les journaux de tous les partis, les statuts d'une congrégation nouvelle, et toutes les questions si délicates auxquelles son établissement peut donner lieu? En est-il une seule qui, avec les intentions les plus pures, avec la règle la plus irréprochable, ne pût être découragée par la crainte d'une pareille épreuve? Toutes préféreraient, au danger de s'y exposer, la continuation de l'état précaire où elles sont aujourd'hui..

M. le comte Siméon, ensuite appelé à la tribune, souscrit avec empressement aux éloges qu'on peut donner aux congrégations hospitalières enseignantes; il reconnaît que la rédaction du projet actuel satisfait à une partie des objections qui avaient fait repousser celui de la dernière session; mais il voit encore deux difficultés. La première est relative à la faculté laissée aux religieuses de disposer du quart de leur bien en faveur de leur communauté.

L'ancienne législation, dit S. S., interdisait toute disposition de ce genre: le code civil, par une application des mêmes principes, a interdit toute donation en faveur des médecins ou des ministres du culte, qui auraient assisté le donateur ou testatenr dans sa dernière maladie; et s'il n'a pas parlé des convens, c'est qu'alors ils existaient en trop petit nombre pour fixer l'attention du législateur. Le projet reconnaît à la vérité l'existence de cette incapacité légale, puisqu'il réduit au quart, pour ce cas, la portion disponible. Mais pourquoi, si l'on adopte le principe, ne pas admettre les conséquences dans toute leur étendue, en interdisant, dans l'intérêt des familles, toute donation de la part des religieuses au profit de la communauté dont elles font partie, ou dans laquelle elles vont entrer? On objectera peut-être que nos anciennes lois sanctionnaient les vœux perpétuels, et que les nôtres ne les reconnaissent pas; mais qu'importe cette différence? L'incapacité dont il s'agit ne dérivait pas du principe de la mort civile : elle avait été établie dans la crainte que la religieuse ne préférât son couvent à sa famille; et le même motif subsiste encore anjourd'hui avec d'autant plus de force, que la religieuse conserve, en entrant dans la communauté, la libre disposition de ses biens, et peut, dans tous les cas, faire tourner ses revenus au profit de l'établissement. On dira encore qu'aujourd'hui les congrégatious sont moins riches, et qu'il faut leur donner la possibilité de recouvrer des moyens d'existence. Mais il faut observer que si les communautés méritent un juste intérêt, la conservation des familles est encore plus essentielle à la société; que dans aucun temps les communautés de femmes n'ont été riches; que celles qui existent aujourd'hui ont apparemment quelques ressources, puisqu'elles se sont déjà maintenues pour la plupart pendant un assez grand nombre d'années, et qu'enfin on leur laisse, outre les revenus personnels de leurs membres, les libéralités qu'autorise la loi de 1817, de la part de toutes autres personnes...

Il ne faut pas se le dissimuler, ajoute le noble Pair après quelques observations sur le moyen d'abréger les projets d'établissemens religieux à soumettre à la sanction législative, en en réunissant plusieurs dans une loi, l'autorisation des communautés de femmes, par simple ordonnance, pourrait fournir par la

suite un argument spécieux pour établir le même mode d'autorisation à l'égard des communautés d'hommes qui n'en diffèrent, en résultat, que pour le sexe. Toujours la législation a été la même pour les unes et pour les autres. Pourquoi faire aujourd'hui une distinction qui n'a jamais été faite? pourquoi ne pas s'en tenir aux anciens principes qui attribuaient à la loi seule le pouvoir de donner une existence civile aux religieux, quels qu'ils fassent ? »

Ici Sa Seigneurie rentrait dans la discussion de savoir s'il est plus utile que le Roi prononce en cette matière avec les formes législatives, qu'avec les formes moins solennelles d'une ordonnance, et il ne croyait porter aucune atteinte aux prérogatives de la couronne, en réclamant ce que Louis XIII, Louis XIV et Louis XV avaient successivement prescrit.

M. le président du conseil des Ministres montant alors à la tribune, montre d'abord en quoi différait le projet actuel de celui de l'année dernière, rejeté parce qu'il avait paru incomplet, tandis que celui-ci répondait à toutes les difficultés élevées sur la matière. Le ministère avait pensé que le droit réclamé par les Chambres les surchargerait d'un travail pénible sans aucun avantage pour la société. On insistait en disant qu'on abrégerait le travail des Chambres, qu'on le réduirait presque à rien en présentant en masse toutes les autorisations demandées : c'est précisément ce que voulait éviter le ministère; il désirait que l'utilité de chaque établissement, et les questions qui lui sont particulières fussent discutées et approfondies plus que ne pourraient le faire les Chambres au milieu de leurs travaux et d'une session limitée...

« On craint, dit S. Exc., de voir demander plus tard, et par les mêmes motifs, l'autorisation d'établir des communautés d'hommes par simple ordonnance; mais un seul mot suffit pour répondre à cette difficulté. Le projet ue parle que des communautés de femmes, parceque ce sont les seules pour lesquelles la disposition demandée paraisse utile et nécessaire. Si jamais on venait à désirer l'établissement des communautés d'hommes, une loi nouvelle serait Décessaire, et la discussion des Chambres serait inévitablement appelée sur la question de savoir si ces communautés doivent être ou non autorisées. Le projet n'établit donc aucun préjugé sur cette question. On a soutenu, pour le combattre, qu'en attribuant au conseil d'état la vérification et l'enregistrement des statuts, il donnait à ce corps une existence légale qu'il n'avait pas, et introduisait ainsi un élément nouveau dans notre système de gouvernement. Sur ce point il faut observer que le conseil d'état, quoique n'étant pas compris formellement par la Charte au nombre de nos institutions, n'en est pas moins chargé, aux termes des lois, de fonctions plus importantes encore que celles qu'on propose en ce moment de lui confier, et pour choisir un exemple analogue à l'objet dont il

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