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Une élection libre, indépendante, doit présenter au Roi les candidats parmi lesquels il choisirait les maires des bonnes villes et les présidens des conseils de département et d'arrondissement.

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Croyez bien, Messieurs, que nous autres royalistes constitutionnels voulons que les prérogatives royales soient maintenues dans toute leur étendue, et en même temps les dispositions fondamentales de la Charte religieusement observées dans toutes leurs parties. Ces deux garanties nous paraissent devoir être inséparables, comme les seules qui puissent préserver notre patrie des horreurs d'nne nouvelle révolution, et la conduire à ce haut degré de prospérité qu'elle atteindra lorsque la liberté y aura été solidement établie dans les limites qui lui ont été fixées par notre constitution. Je vote pour l'allocation demandée. »

Ce discours, dont nous ne pouvons recueillir tous les détails, avait souvent été interrompu par des murmures et des dénégations sur les assertions de l'orateur. Quelques membres du côté gauche en demandaient l'impression; mais elle fut refusée d'un mouvement presque unanime.

L'agitation qu'il avait causée étant calmée, la question de la centralisation fut remise sur le tapis par M. de Berbis, qui rappela les vœux émis à cet égard par plusieurs conseils généraux, et restreints aux intérêts locaux de peu d'importance.

Plusieurs fois dans le cours de cette discussion on avait opposé aux ministres actuels les opinons qu'ils avaient émises, avant d'arri. ver au pouvoir, sur les inconvéniens de la centralisation; le ministre de l'intérieur crut devoir donner des explications à cet égard...

D'abord, après avoir montré la différeuce des anciennes provinces avec les départemens d'aujourd'hui, S. Exc. établit en principe qu'on ne pouvait examiner la question que dans l'état actuel du pays... que toutes les dépenses publiques étant faites au moyen de contributions publiques, et les ministres devant rendre compte de ces dépenses dans le budget, il y avait nécessité que leur emploi fût surveillé par eux. Ensuite le ministre rappelle que M. de Villèle et lui avaient demandé en 1815 que les administrations locales pussent exercer leur influence, et qu'ils étaient arrivés à faire que les centimes affectés aux dépenses locales fussent déterminés à un certain nombre, au lieu d'une répartition qui était faite par le ministre de l'intérieur sur le fonds commun. Il y eut donc alors dans le budget un nombre déterminé de centimes affectés aux dépenses locales... mais l'état de la France ne comportait pas cette décentralisation... On

avait réuni dans un même chapitre les dépenses communes à plusieurs départemens, et les dépenses spéciales à chaque département. Il était arrivé que chaque département attribuait ses centimes de préférence à ses dépenses spéciales, et laissait en souffrance les dépenses communes à plusieurs départemens, de manière que ces derniers ne pouvaient plus avoir de fonds suffisans, ce qui avait forcé de revenir à la centralisation pour toutes les dépenses qui n'étaient pas spéciales aux départemens.

Ne pouvant augmenter le genre de dépenses qu'on appelle départementales, dit S. Exc., ni diminuer le fonds commun, que vous resterait-il à faire? Il vous a été indiqué une mesure qui pourrait lever en partie les difficultés actuelles, mais qui aurait aussi beaucoup d'inconvéniens : ce serait d'augmenter le ressort des grandes administrations. Alors ce qui etait commun à plusieurs départemeus pourrait devenir l'affaire d'un seul département, formé de la réunion de plasieurs. On pourrait arriver par là à décentraliser les dépenses communes à plusieurs départemens. Voilà en définitive où aboutirait la mesure; mais je crois que l'opinion publique est loin d'être fixée sur ce point.

- Remarquez que l'administration de la justice et celle des finances devraient être subordonnées à ce nouveau système... Il serait dangereux de la fixer prématurément sur une si grande opération. C'est avec les plus grandes précautions qu'on doit l'aborder, après avoir été éclairé par l'opinion publique... Si une telle mesure était apportée dans cette Chambre, elle y trouverait peut-être plus de réclamations que de faveurs... Je ne crois pas me tromper en disant que vous seriez peu d'accord sur ce principe, mais quand on en viendrait à l'application, ce serait bien autre chose. Quel serait celui de vous qui voudrait faire le sacrifice de son département, de son conseil général, et enfin de toutes les existences locales que vous croyez de votre devoir de défendre?»

Les choses ainsi établies en principe, le ministre examine s'il ne serait pas nécessaire de laisser plus de latitude aux autorités locales; il expose les procédés suivis pour l'emploi des centimes départementals; il en conclut que le mode actuel est le meilleur, que les grandes dissertations qu'on a faites sur la centralisation étaient sans objet, puisqu'il était impossible de changer l'administration de la France.

M. Méchin, dont l'opinion et l'expérience étaient d'un grand poids dans cette matière, mit la question dans le jour le plus lomineux; et après avoir fait profession de ses sentimens d'opposition contre le ministère actuel, il démontra par une exposition historique des systèmes suivis jusqu'à ce jour, que notre organisation administrative, avec quelques modifications qu'il indique pour l'exercice

des droits politiques, serait supérieure à toutes celles qui existent. (13, 14 mai.) Un article du chap. Ier arrêta quelque temps la Chambre, celui du conseil des bâtimens civils, sur lequel la commission avait proposé de réduire 10,000 f., réduction qui fut rejetée. -Ensuite, M. Benjamin Constant s'éleva, non contre l'allocation demandée pour les commissaires de la librairie et les censeurs dramatiques, mais contre la manière dont la censure dramatique était exercée au détriment de l'art. M. Méchin réclamait contre dépenses secrètes de la police, qu'il proposait de réduire à un million, M. Labbey de Pompières, à 800,000 fr.: propositions qui furent également rejetées.

Au chapitre II, plusieurs membres, MM. Gauthier et le baron Dubay, réclamaient dans le budget prochain une augmentation en faveur du culte protestant.

Au chap. III, la commission avait proposé de prélever 6000 fr. sur les établissemens sanitaires pour les appliquer à l'institution royale des jeunes aveugles. M. Hyde de Neuville appuya vivement cette proposition, autant par l'intérêt qu'il portait à cette institution, que par son opinion connue que la fièvre jaune n'est point contagieuse, amendement qui fut rejeté.

Au chap. IV, de l'agriculture, haras, etc., il y eut quelques débats sur la question des encouragemens à donner à l'amélioration des races de chevaux. Mais le chap. V (établissemens scientifiques et littéraires, beaux-arts) en excita davantage. L'Académie royale de musique et le Conservatoire, assez maltraités dans le rapport de la commission, trouvèrent des défenseurs (MM. Martin de Villers, Ducasse de Horgues.). Une discussion plus animée s'engagea au chapitre des ponts et chaussées, sur la part (700,000 fr.) dont on faisait contribuer la France dans le pavage de Paris. M. Bazire voulait au moins réduire l'allocation à 300,000 fr.; M. Duhamel, à 500,000 fr. Ici, comme à l'article des monumens et des théâtres, des orateurs trouvaient que l'intérêt des départemens était sacrifié au luxe de la capitale; d'un autre côté, M. de Chabrol, préfet de la Seine, dans un discours riche de faits et de raisonnemens, saisit cette occasion de montrer « que Paris, dont le nom imposant jouis

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sait de quelque autorité dans le monde civilisé, qui voyait sa puissance magique et son étoile pâlir dans le sein de cette Cham«bre, que ce Paris, désigné comme un gouffre qui absorbait tous « les revenus, qui dévorait toutes les ressources, à qui l'on repro<< chait son luxe, ses spectacles, ses monumeus, et tous les sacrifices « que le gouvernement faisait en sa faveur, loin d'être, comme on l'avait avancé, contraire à la prospérité des provinces, était pour la moitié d'entre elles un immense marché où toutes leurs denrées << trouvaient des acheteurs et des consommateurs... » M. de Chabrol évaluait, dans un tableau détaillé, le total de ces consommations à 340 millions; savoir: 226 millions en produits agricoles, 49 millions en produits industriels, et 65 millions en denrées coloniales (1), somme immense dont les trois quarts refluaient jusqu'aux extrémités de la France. Il observait que Paris paie 82 millions au trésor, c'est à dire un dixième des impôts de la France, et que beaucoup de dépenses faites dans l'intérêt général étaient à la charge de son budget particulier de 50 millions supérieur à celui de tant de puis

sances.

- Parcourez tous les états de l'Europe, disait-il, les richesses affluent toujours dans les capitales, parce que c'est là que les lumières se concentrent, c'est là que des combinaisons puissantes donnent un grand essor à l'industrie, aux spéculations, aux inventions de tous genres. Si cet avantage, commun à toutes les capitales, est plus spécial à celle de la France, cela tient à la vivacité de l'esprit français, qui cherche toujours un théâtre où briller, à la perfection des arts qui veulent de l'éclat, à la profondeur des connaissances qui puisent ici à toutes les sources. Cela tient encore à cette vie libre, douce et commode qu'on trouve à Paris au milieu de toutes les jouissances que procurent la grâce et la magnificence embellie l'une par l'autre. Les capitaux surabondans de la capitale lui viennent en partie des étrangers qui accourent dans son sein de tous les points du monde; et certes, Messieurs, c'est le plus noble tribut que jamais peuple ait pu imposer, puisqu'il se paie sans murmures, et même avec joie et reconnaissance.

L'éclat de la richesse enfante, dit-on, le luxe et favorise la profusion; mais cet abus même, qu'on ne peut éviter, a ses avantages. L'argent qui s'échappe avec largesse fait éclore de nouveaux arts, de nouvelles branches d'industrie, qui, par la suite, peuvent ajouter aux jouissances de la population tout entière. Le mouvement, gagnant du centre à la circonférence, étend sensiblement les bienfaits d'une civilisation perfectionnée.

Réduisez ce grand marché en faisant peser vos rigueurs; vous arrêterez bientôt cette circulation active que vous appelez une surabondance de vitalité,

(1) Voy. les détails, Moniteur du 15 mai, page 761.

et vous entendrez bientôt des plaintes s'élever du sein de quarante départemens qui souffriront du malaise de la capitale, et se sentiront blessés du coup qui l'aura blessée.

Venant à l'objet particulier de la discussion, M. le préfet de la Seine exposait que les fonds employés sur le budget de Paris pour ses entrepôts commerciaux, pour le creusement de ses canaux et l'élargissement de la voie publique, avaient ouvert la carrière à des spéculations immenses qui avaient appelé des provinces tant de main-d'œuvre et de matière première; que la France entière avait eu part à cette prospérité. Il prouvait d'une manière évidente que la plupart des grandes rues pouvaient être regardées comme des voies commerciales ouvertes au profit de tous; et en définitive, il opinait pour qu'on laissât les choses dans l'état où de sages considérations les avaient mises, dans l'intérêt réciproque de Paris et des provinces.

M. Bonnet de l'Escure insista encore pour que l'entretien du pavé de Paris cessât d'être à la charge de l'état, excepté en ce qui concerne les rues qui peuvent être considérées comme le prolongement des routes qui aboutissent aux barrières.

M. Bonnet (député de la Seine) représentait que si l'on voulait imposer cette charge à la ville de Paris, il était juste de la décharger des dépenses qu'elle faisait dans l'intérêt général, telles que celles des hôpitaux, etc. etc.

Le ministre de l'intérieur mit fin à ces débats en observant que Paris aurait bien des compensations à demander; que Paris, loin d'avoir un excédant de recettes, était obligé d'avoir recours à des emprunts; qu'il s'entendrait de ces objets avec les autorités de la Seine; mais que, provisoirement, on ne pouvait retrancher cette allocation du budget de l'état sans la faire porter sur le budget de la ville de Paris, ce qui ne pouvait s'opérer subitement.

Ainsi passa cet article et tous les autres du budget de l'intérieur, où nous n'avons plus rien à remarquer qu'un discours prononcé par M. Benoît, commissaire du Roi, sur le chapitre des dépenses variables. Il avait pour objet de répondre aux objections de M. Bacot de Romans sur la centralisation; il faisait voir quelles difficultés

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