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dégrèvement cet excédant de recettes que donnent les impôts indirects; c'était le seul moyen de rétablir l'équilibre social entre les classes de la population.

(4 mai.) La discussion générale, quelquefois si vive, n'a offert cette année que les plaintes ordinaires sur le système de l'administration, ou des théories savantes sur le système de l'impôt.

Plusieurs orateurs de l'opposition de droite, en se plaignant de l'énormité des taxes et de l'accroissement successif du budget, en attribuaient la cause à la centralisation du pouvoir administratif à Paris.

« Couvrir la France d'un immense réseau, disait M. Bacot de Romans, et fonder le pouvoir ministériel sur la direction de tous les intérêts locaux et individuels, tel est en deux mots le secret du système que l'on voudrait substituer au règne des doctrines conservatrices de notre organisation politique et sociale. La religion, l'autorité du prince, la justice, l'ordre public, ne seront que des hors-d'œuvres dans ce nouveau régime où il faut, avant tout, se faire des créatures, prévenir tout choc, toute résistance, toute action attentatoire an pouvoir ministériel.

<< Dans ce système, tout est bon à centraliser, depuis le simple alignement jusqu'à l'ouverture d'une grande route, depuis le curage d'un ruisseau jusqu'à la construction d'un port de mer. Dans ce système, rien n'est inutile à contresigner, depuis l'humble brevet de surnuméraire jusqu'aux lettres patentes de la pairie.

« Mais ce n'est pas assez la dispensation de tous les emplois, de toutes les faveurs, la concentration de toutes les décisions administratives, n'assureraient qu'imparfaitement la domination ministérielle, s'il y avait le moindre degré de cette fixité d'autrefois dans les situations sociales; un fonctionnaire, un magistrat, un employé ne serait amené qu'une fois ou deux dans sa vie aux pieds du pouvoir; il vivrait tranquille et indépendant, en remplissant ses devoirs. Tel n'est pas le bon plaisir du ministère ! Aussi a-t-il paru convenable de subdiviser à l'infini les degrés de la hiérarchie administrative et judiciaire; d'y multiplier, à l'instar de l'armée, les rangs, les classes, les grades de toute espèce. Il a fallu trouver le moyen d'exciter toutes les ambitions, de les tenir incessamment en haleine, et d'offrir chaque jour une prime nouvelle à des désirs qu'on veut bien entretenir, à condition de ne jamais les satisfaire.

De là ce mépris de tous les droits héréditaires, à l'égard même des emplois où la république et l'usurpation les avaient respectés; de là, sous la monarchie légitime qui est l'immobilité même, une instabilité, une mobilité inconnue jusqu'ici dans le sort de tous les individus, dans les professions de toutes les familles; et pourquoi? c'est que, sous l'empire de la corruption, souffrir une situation indépendante serait une faute, et que celui-là y est seul redoutable qui n'a rien à craindre ou à espérer. Un nouvel avenir se présente; nous n'aurons plus l'hérédité des emplois, ni la vénalité des charges; mais nous aurons l'hérédité de la corruption et la vénalité des consciences; la France y aurat-elle gagné?...

« Ce n'est pas sous l'influence d'un pareil systéme que l'on verra jamais

éclore ces lois salutaires que les bons esprits, que les âmes généreuses appellent de tous leurs vœux. Le cri de ralliement des partisans de la nouvelle doctrine doit être Guerre à toute indépendance!...

<< Si l'on ne faisait justice du système qui menace de tout envahir et de tout corrompre, la science entière du gouvernement représentatif consisterait d'abord à maitriser les élections par des faveurs et par des disgrâces, par des menaces on par des promesses, et ensuite à dominer par les mêmes moyens les suffrages de l'une et de l'autre Chambre. Il faudrait combattre sans cesse la tendance de la chambre élective à se mettre en équilibre avec l'opinion extérieure; mais, dût-on (ce qu'à Dieu ne plaise!) fausser la conscience de cette Chambre ou lui faire oublier sa véritable mission, rien n'aurait encore été fait : la Chambre haute ne tarderait pas à s'emparer du rôle, toujours séduisant pour sa popularité, que l'autre Chambre viendrait d'abandonner. De là sortirait la nécessité de violer éternellement, par de nouveaux choix, l'indépendance de la Chambre héréditaire, afin d'y réparer successivement ces défections auxquelles, en France, il faudrait toujours s'attendre, lorsqu'elles seront un témoignage d'honneur, une marque d'attachement aux devoirs d'une position nouvelle.

Ah, Messieurs! si c'est là le gouvernement représentatif, si c'est là cette pondération si vantée des pouvoirs, combien les plus grands publicistes nous auraient abusés! Je n'y verrais qu'une honteuse balance toujours prête à s'établir entre l'ambition de quelques hommes et la servilité de tous les autres.

Il est un autre rapport sons lequel ce système est encore plus directement subversif de la monarchie; en affaiblissant, en dénaturant le principe de l'honneur, on attaque cette forme de gouvernement dans ses plus profondes racines: le mécanisme des intérêts détruit tous les sentimens élevés; il déprécie dans la monarchie ces titres, ces dignités, ces distinctions, objets d'une noble émulation, qui furent de tout temps la récompense de la fidélité an prince, et des services rendus à l'état ou à la société ; que signifieront ces titres, ces honneurs, s'ils ne sont plus que le prix d'une complaisance banale envers ceux qui se seront rapidement succédé au pouvoir, s'ils ne sont souvent que la haute-paie des consciences, le salaire promis à l'oubli des devoirs ?... »

En résumé, l'honorable orateur, reprochant avec quelques précautions oratoires, aux ministres actuels, chefs de la majorité de 1815, d'avoir abandonné les principes de cette majorité qui les avait portés au pouvoir, considérant le vote approbatif du budget comme une adhésion au système ministériel, votait contre le projet de loi...

La même opinion, sur la centralisation, défendue par M. Terrasson de Montleau, fut combattue, dans la même séance, par MM. Dupille et de Sainte-Marie, comme une nécessité dans un vaste royaume pour empêcher des abus, et donner à l'administration une marche uniforme. Rien n'était plus utile à leurs yeux que la surveillance du gouvernement sur les autorités locales; rien de plus difficile que l'établissement du pouvoir municipal. M. Labbey

de Pompières, qui vint ensuite, s'attacha surtout à chercher dans les anciennes opinions des membres du ministère des armes contre leur système d'aujourd'hui. A ses yeux, les économies dont ils se vantaient n'étaient que l'effet de quelques extinctions nécessaires: il existait un déficit réel de cent millions à l'ouverture du budget de 1826. «La prospérité de l'état n'était que dans la bouffissure d'un crédit que la secousse la plus légère faisait chanceler, et il n'y avait pas d'autre digue à opposer au débordement des profusions ministérielles, que d'établir la spécialité. »

M. de Saint-Chamans, dont le discours termina la séance, reconnaît que l'administration financière a fait de grands progrès en France depuis 1814; mais il croit que le système actuel de l'impôt est mal assorti à la situation actuelle de l'état et au inouvement général de la civilisation. On avait reconnu l'insuffisance de plusieurs crédits pour le clergé, pour les ponts et chaussées, pour l'armée et la marine, et cependant les charges publiques paraissent être arrivées à leur terme. L'impôt direct, l'impôt foncier surtout, encore grevé du décime de guerre, est intolérable pour l'agriculture; mais il croit qu'on pourrait augmenter les taxes sur les consommations de cent millions dont on dégrèverait les impôts qui attaquent le plus la production. A cet égard, l'Angleterre et Paris même offraient un exemple frappant de l'avantage des taxes indirectes.

(5 mai,) Presque tous les orateurs entendus le lendemain (MM. Leclerc de Beaulieu, de Frenilly, de Lezardière, Gauthier, de Burosse Dubourg et Couppier) s'accordaient à déplorer la détresse de l'agriculture dont les produits étaient tombés de valeur et dont les charges avaient augmenté de poids; et à demander un dégrèvement de l'impôt foncier. Quelques-uns traitèrent des questions d'économie politique, où l'on regrette de ne pouvoir entrer, surtout M. de Frenilly, qui développa, sur la nécessité de faire face aux besoins de l'état, une théorie nouvelle. On avait beaucoup parlé de diminuer la dépense: il proposait d'augmenter la richesse par l'emploi du crédit dans les créations publiques. L'honorable membre ne se dissimulait point le danger des emprunts « dans un pays civiJisé jusqu'à la décrépitude »; mais en examinant ce que l'état avait

à gagner en anticipant sur les travaux et constructions à faire pour les ponts et chaussées, la marine et la guerre, il proposait d'y affecter, outre les 16 millions pris sur les budgets annuels, une somme de 155 millions, qu'on lèverait par voie d'emprunt à 4 pour cent.

Dans le système actuel, disait l'orateur, l'état paiera pendant trente ans 16 millions par an (c'est-à-dire 480 millions). Il ne jouira qu'au bout de cette période de l'ensemble de ses créations; dans le système proposé, celui de les achever en dix ans, l'état trouverait un bénéfice de 57 millions pour jouir en dix années de l'ensemble des créations, rendre toutes les grandes routes praticables, achever toutes les entreprises utiles, et trouver en temps d'alarmes son matériel de guerre et de marine au complet, et sur ce bénéfice le trésor pourrait en consacrer 30 aux départemens pour remplir leurs vœux unanimes en faveur des constructions et restaurations religieuses...

. Donnez-nous enfin, ajoutait l'honorable orateur, à propos de la création du nouveau ministre des affaires ecclésiastiques, donnez-nons partout des corporations enseignantes qui n'existent que pour Dieu et l'enfance, identifiées entre elles par une même religion, régies par des hommes soumis aux mêmes dogmes, alors l'unité existera d'elle-même dans l'éducation sans avoir besoin des ressorts lointains d'une vaste centralisation. Il y suffira de la surveillance locale des évêques et des administrateurs, et de l'influence uniforme qui leur sera imprimée d'en haut par le ministère ecclésiastique.

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Des détails de son opinion, l'honorable orateur conclut qu'il faudrait s'occuper de faire un tableau raisonné, d'une part, des économies d'état dont la France est susceptible; d'autre part, des augmentations de produits et de richesses réelles que l'accroissement des ressources publiques, et l'emploi même du crédit pourrait lui créer, travail dont le corollaire serait un budget futur et systématique, qui servirait d'indication au but que l'état doit progressivement atteindre.

Un des discours les plus remarquables ensuite prononcé sur la question générale ou théorie de l'impôt, en ce qu'il peut affecter les intérêts industriels de la France, est celui de M. Gautier; mais les intérêts agricoles trouvèrent de vigoureux appuis dans les orateurs qui furent ensuite entendus (MM. de Lezardière, de Burosse, Dubourg et Couppier).

(6 mai.)Le point commun d'attaque où toutes les opinions de l'opposition royaliste venaient se réunir,était toujours la centralisation. Elle ne cessait pas de revenir à la charge sur la nécessité des institutions provinciales et municipales, et sur la réduction du nombre des

préfectures, des tribunaux de première instance, et même des cours royales; M. le comte Alexis de Noailles, 14o orateur appelé à la tribune, après des considérations sur l'accroissement des dépenses, sur l'inutilité apparente des représentations de l'opposition, sur les avantages réels de la publicité des délibérations législatives et sur la prospérité contestée, mais réelle de la France, à laquelle il désirait pourtant qu'on ouvrît de nouvelles voies, aborda ainsi cette grave question:

« Les orateurs qui m'ont précédé, dit-il, m'ont laissé deux points importans à contester. Je ne dois pas les passer sous silence, ils m'ont parn dignes d'attention.

« Je veux parler de la réduction du nombre des préfectures proposée dans votre rapport, et de la réduction des tribunaux dont on ne cesse de nous entretenir depuis dix ans...

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La suppression des préfectures désignée comme ressource d'économic, rendrait sans obstacle an Languedoc, à la Gayenne, à la Bretagne et à la Bourgogne leur ancienne existence.

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Cinquante départemens envahis et anéantis, des volontés nouvelles, des remparts élevés contre l'autorité; cinquante départemens mécontens, la loi altérée autant que la promesse, et par une économie obtenue par ce moyen, voilà quel serait le fruit de cette mesure.

« Alors des influences sorties de je ne sais quel ordre parleraient à la France, au nom de plusieurs millions d'âmes. Ces masses aujourd'hui divisées et dociles seraient agglomérées; alors elles résisteraient et commanderaient peut-être ce système d'économie, nous ramènerait par une pente insensible aux franchises et aux coutumes qui régissaient chaque province; ainsi nous arriverions au terme de cette législation uniforme qui régit les Français dans l'étendue de notre territoire. Je ne sais quelles fatales nouveautés ne seraient pas la conséquence de ce système... Ce système (la centralisation de province) accroîtrait la dépense, ruinerait plus de la moitié du territoire de la France sans enrichir l'autre partie; il attaquerait la Charte et ses promesses; il anéantirait les petits, les immolerait à l'ambition des grandes cités sans aucun profit pour elles... ce qui détruit la propriété et son développement, nuit à tous les sujets sans exception. »

Tel était aussi le sentiment de M. de Boisclaireau, qui rendait d'ailleurs hommage aux perfectionnemens introduits dans la comptabilité. Mais M. de Lastours qui l'avait précédé à la tribune attaquait le système suivi jusqu'à ce jour, quant à la multiplicité des emplois, et surtout quant au préjudice qui résultait de l'énormité de l'impôt foncier pour l'agriculture. Dans son opinion, « il faudrait faire contribuer chacun, non en raison de ce qu'il possède, mais en proportion de ce qu'il consomme. » L'impôt de la consommation se

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