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sation intempestive comme une source d'abus, était d'accord avec le gouvernement sur la nécessité de convertir l'entrepôt fictif en entrepôt réel. (Rapport du 4 mai.)

• En adoptant cette mesure, disait l'honorable rapporteur (M. de Lastours), chacun de vous sent combien elle est insuffisante pour rendre la vie à notre agriculture et au commerce intérieur de nos grains, la suppression de l'entrepôt fictif empêchera sans doute l'introduction frauduleuse des blés étrangers dans la consommation; mais un remède plus efficace et nécessaire serait l'élévation de la limite opposée à l'importation, ainsi que l'augmentation du droit d'entrée. Comment supposer en effet que le commerce puisse jamais spéculer sur une denrée qui, dès le moment qu'elle aura atteint un prix déterminé, aura à supporter la concurrence d'une denrée analogue, d'une qualité supérieure et qu'on pourra livrer avec bénéfice à un prix de beaucoup inférieur ? »

Ici l'honorable rapporteur observait que la valeur commerciale des blés étrangers était à celle de nos blés dans la proportion de 25 à 18..; que le prix d'achat de ceux d'Odessa était ordinairement de 6 à 7 fr. l'hectolitre, le fret d'environ 2 fr.; qu'en y ajoutant 4 fr. 25 c. de droits ils auraient encore un avantage immense, et que quand nos blés atteindraient la limite légale, ils devraient retomber subitement au-dessous par l'irruption des blés étrangers, et le commerce intérieur ne pourrait spéculer sur nos grains à de pareilles conditions... En résultat, la commission proposait l'adoption du projet de loi, sauf quelques changemens peu importans.

On s'attendait à une forte opposition de la part des députés de quelques provinces maritimes et surtout de Marseille, et en effet ils représentèrent que le commerce des grains de la mer Noire, que l'opinion publique attribuait au feu duc de Richelieu, remontait au traité de Kainardgi (1774), qui avait assuré la Crimée et la navigation de la mer Noire aux Russes; que dès 1784 un négociant français avait fait à Cherson un chargement de froment pour Marseille, et que depuis les grains de la mer Noire n'avaient jamais cessé d'arriver à Marseille en concurrence avec les grains indigènes et avec ceux qui nous venaient de l'Italie, de la Sicile, du Levant, de la Baltique, et de tous les pays producteurs de céréales... Jusqu'en 1819 aucune plainte ne s'était fait entendre. Cet entrepôt, dont on faisait un épouvantail si terrible pour l'agriculture, que l'on avait signalé comme une faveur nouvelle accordée depuis peu (1822) à Mar

seille, n'était que le faible reste de son ancien commerce... Loin que sa suppression dût produire un bien réel à l'agriculture, elle ne tarderait pas à en ressentir de funestes conséquences, en ce qu'elle se priverait elle-même de l'avantage dont elle jouit de fournir ses vins, ses huiles, ses lainages, ses eaux-de-vie, ses herbages, ses viandes salées et ses autres produits, tant pour l'avitaillement des navires qui apportent ces grains et qui viennent les revendre, que pour la composition des cargaisons qu'ils exportent... La longue série de nos bonnes récoltes était la cause la plus réelle de la vilité du prix des grains; c'était une calamité commune à l'Allemagne, à l'Italie, etc... Le meilleur remède à cet inconvénient était d'éclairer l'agriculture et le commerce sur leur véritable intérêt... On regardait la fraude comme le résultat nécessaire de l'entrepôt fictif; mais l'entrepôt réel serait sujet aux mêmes inconvéniens. On s'était plaint de l'infiltration des blés d'Odessa à Toulouse et jusqu'à Paris tous provenant de l'entrepôt de Marseille; mais les précautions prises par les agens de la douane donnaient un démenti éclatant à ces assertions. (M. Straforello, M. de Roux.)

Entre des opinions si diverses et des intérêts si opposés, M. le comte de Saint-Cricq, président du bureau de commerce et commissaire du Roi, chargé de la défense du projet, admettait un sage tempérament; il admettait qu'il pu entrer contre le vœu de la loi des blés étrangers dans la consommation nationale, mais en petite quantité et après avoir signalé la différence des procédés. L'entrepôt fictif qui laissait ces grains sous la garde des entrepositaires, avec ceux de l'entrepôt réel où les magasins étaient sous la clef des douanes, ne seraient plus si facilement ouverts à la fraude : il insistait fortement pour l'adoption du projet.

Plus d'une fois dans le cours de la discussion on avait fait valoir l'exemple de l'Angleterre, l'abandon qu'elle faisait de son système prohibitif et son retour aux vrais principes d'économie politique... A cet égard, M. de Saint-Cricq faisait observer que la limite imposée en Angleterre à l'importation des grains étrangers, était de 30 fr. (l'hectol.), tandis qu'elle était chez nous, suivant les localités, de 18, 20, 22 et 24 fr. ; de là il prenait occasion de justifier l'éléva

tion actuelle de nos tarifs et notre système de douanes par la progression évidente de notre industrie et de nos consommations. La partie de son discours où il explique les motifs du changement introduit dans celui de l'Angleterre mérite d'être recueillie.

Il y a long-temps, dit l'honorable commissaire, que les hommes d'état de l'Angleterre connaissent les théories en économie politique; c'est dans ce pays même qu'elles ont pris naissance. Mais, jusqu'ici, ils se sont bornés à les admirer et ont cru plus sûr de s'en rapporter aux faits. C'est encore aux faits, et aux faits seulement, qu'ils obéissent aujourd'hui. Ces faits, ils les ont soigneusement constatés, et lorsqu'ils en ont déduit la convenance de notables changemens dans les chiffres d'un tarif devenu inutilement inflexible, ils n'ont fait qu'en tirer la juste conséquence. Partout où des faits semblables existeront, il sera mal habile d'en tirer des conséquences différentes. Certes, une protection de 10 pour 100 sur les tissus de coton suffit à un peuple qui exporte pour 700 millions de tissus de coton et les offre partout à plus bas prix qu'aucun autre. 15 pour 100 défendent suffisamment des fabriques de laine qui exportent poor 160 millions de tissus de laine. On craint pen d'admettre les toiles étrangères à un droit de 25 pour 100, lorsqu'on vend au dehors pour 80 millions de toiles; les soieries à un droit de 30 pour 100, alors qu'on est parvenu, par une prohibition de cent ans, à fabriquer presque tontes les espèces de soieries aux mêmes prix, à de meilleurs prix pent-être que les rivaux qu'on a si long-temps repoussés. On demande avec sécurité des fers à qui les produit au prix de 36 fr. par 100 kilogrammes, alors qu'on en prodait soi-même à 18 francs; alors surtout que l'appel du fer étranger à justement pour objet d'amener ses propres fabricans à cesser d'abuser des besoins démesurés d'une consommation toujours croissante, pour exiger, comme ils le font depuis quelques mois, 36 à 40 francs de ce qu'ils offraient peu auparavant à 18.

« Ce n'est pas d'aujourd'hui seulement que l'habile administration de l'Angleterre a reconnu, mais il lui a fallu du temps et des soins pour amener l'opinion à lui permettre de reconnaitre tout haut, que des prohibitions, d'énormes taxes, qui, après un siècle et demi d'existence non interrompue, avaient porté ses industries diverses à un point de perfection et d'économie qui les place à peu près partout au premier rang, n'était plus qu'un dommage dès lors que son marché leur restait garanti saus leur secours, parce qu'elles demeuraient seulement comme une sorte de justification des mesures analogues plus récemment adoptées par d'autres états. Quel est en effet le but des fortes taxes? de réserver an producteur national le marché national. Pourquoi les conserver alors que de faibles taxes ne sont plus elles-mèmes qu'une défense à peu près surabondante? L'angleterre en est arrivée là, Messieurs : voilà le secret de ses lois nouvelles. Par quels moyens y est-elle arrivée? Cent cinquante ans d'un tarif puissamment protecteur vous l'apprennent. Des hommes habiles recueillent et mettent dans sa valeur propre l'héritage de leurs habiles devanciers. Espérons que l'héritage des efforts que nous faisons à notre tour pour atteindre au même but ne se fera pas si long-temps attendre.

Enfin, après une discussion où MM. de Malartic, Gauthier, de Gères et Pardessus jetèrent de vives lumières, où ils ne voyaient que des tracasseries et des vexations pour le commerce dans l'entrepôt

réel, tandis que d'autres demandaient la suppression de toute espèce d'entrepôt; la Chambre, s'arrêtant aux conclusions de la commission, adopta son amendement et ensuite le projet à la majorité de 237 voix contre 31...

opposans;

Ce projet, porté à la chambre des pairs, y trouva encore des ainsi M. le comte Siméon était d'avis que la petite quantité de grains exotiques, introduits en fraude dans la consommation, ne pouvait influer sur la baisse qu'on leur attribuait, et M. le baron Pasquier considérait l'entrepôt de Marseille comme pouvant être d'une grande ressource dans une disette. Mais le ministre des finances insista sur la nécessité de protéger l'agriculture nationale, et le projet passa (le 9 juin) au scrutin à la majorité de 97 voix

contre 27.

Il restait encore à cette époque outre les lois de finances, deux projets de lois à discuter ; l'un pour l'établissement des écoles secondaires de médecine, adopté le 21 avril par la chambre des députés, et rapporté le 7 juin par M. le comte Chaptal qui en proposait l'adoption avec quelques changemens; l'autre sur les douanes, dont la chambre élective avait renvoyé la discussion après celle du budget, ce qui équivalait au renvoi à la prochaine session. C'est là que nous dirons le sort des deux projets.

CHAPITRE VIII.

Règlement définitif du budget de 1823.

Supplemens de crédit

pour 1824.

Trois projets de loi, concernant le réglement définitif du budget de 1823, des supplémens de crédits pour 1824 et la fixation provisoire du budget de 1826, avaient été présentés ensemble, le 16 février, par le ministre des finances avec un seul et même exposé... Nous les considérons ici séparément.

Le règlement définitif du budget de 1823 présentait plus de différence qu'aucun autre avec le budget provisoire, à raison des dépenses de la guerre d'Espagne qui s'y trouvaient comprises.

Ce département avait obtenu dans le budget provisoire de 1823 un crédit de.

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Les lois des 17 mars 1823 et 28 juillet 1824 y avaient ajouté pour les dépenses de la guerre

d'Espagne.

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Ce qui portait le crédit général de ce dé

partement à.

.

Suivant les comptes définitifs mis sous les yeux de la Chambre, les dépenses de la guerre en 1823 s'étaient élevées à.

Savoir pour le service territorial de l'intérieur. 178,309,883 fr.

Pour l'armée d'Espagne. 170,564,174
D'où résultait un excédant du crédit sur la

dépense de.

Différence provenant de la liquidation et de l'imputation dans les comptes du munitionnaire général de l'armée de la valeur des approvisionnemens qu'il avait puisés dans les magasins de l'état.

189,694,000 fr.

170,789,000

360,483,000

348,874,057

11,608,943 fr.

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