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pas avoir lieu, la répartition des fonds étant invariable. En résumé, la disposition du projet offre tous les avantages de l'amendement et ne présente pas les mêmes inconvéniens. Si l'avantage de l'état est de racheter plutôt un fonds que l'autre, cet avantage ne sera pas compromis si la combinaison du cours laisse la balance nécessaire; rien n'empêchera de diviser les rachats proportionnellement au capital de chaque espèce de fonds. »

L'amendement, appuyé par M. le comte Roy, avait excité tant d'intérêt, qu'on réclama l'épreuve du scrutin, dont le dépouillement donna, sur un nombre total de 226 votans, 123 suffrages contre l'amendement.

Sur l'art. 5, M. le comte Roy, observant qu'un déficit considérable (qu'il évaluait à 70 millions) existait pour les années 1822, 1823 et 1825, et que plusieurs services les plus importans, ceux des ponts et chaussées, de la marine et de la guerre, avaient des besoins auxquels il était urgent de subvenir, demandait s'il était possible d'accorder des dégrèvemens, et il votait le rejet de l'art. 5. Mais M. le ministre des finances répondit que les déficits prétendus n'existaient pas ou qu'on y avait pourvu ; que quant aux 58 millions dus par l'Espagne et qu'on y comprenait, ce n'était qu'une avance, et non une dépense faite; que le ministère ne pouvait donc demander aucune autre allocation pour cet objet que celle des intérêts qu'il se trouvait obligé de payer pour la portion de dette que cette avance lui laissait supporter; que dans le cas où l'espoir de recouvrer cette créance viendrait à s'évanouir, mais dans ce cas seulement, le ministère demanderait le moyen d'y pourvoir.

Après d'autres explications entre le ministre et M. Roy, l'article passa dans les termes du projet, dont l'ensemble, soumis à l'épreuve du scrutin, fut adopté à une forte majorité.

(Nombre des votans, 229. Pour le projet, 134; contre, 92; bulletins nuls, 3.)

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Plusieurs lois d'un intérêt local ou privé ont passé dans cette session sans être aperçues par le public. On en trouvera les titres à l'Appendice. Mais il faut en distinguer deux d'un intérêt plus général, en se bornant à ce que la discussion a offert de plus important.

La première, réclamée par les propriétaires riverains des grandes routes, est relative aux plantations d'arbres et au curage des fossés qui les bordent. Une grande confusion regnait dans cette partie de la législation, quant aux limites de la propriété publique et particulière, lorsqu'un décret de décembre 1811 entreprit de tout régler par des dispositions arbitraires. Il abandonnait aux riverains les arbres au-delà du fossé qui borde les grandes routes, et renfermait dans le domaine public tous ceux qui se trouvaient en deçà de cette même limite. Mais une foule de propriétaires s'étaient récriés sur l'injustice de cette décision, et fournissaient des titres valables pour prouver, les uns qu'ils avaient planté en vertu d'arrêts qui les contraignaient à cette opération; d'autres qu'il leur avait été fait cession à titre onéreux d'arbres plantés par l'état sur les accôtemens des routes. Pour en finir et trancher ces difficultés, le gouvernement voulait bien reconnaître la propriété des arbres à ceux qui justifieraient les avoir plantés ou acquis à titre onéreux; mais toutefois, attendu la nécessité de conserver ces plantations, qui font l'ornement des grandes routes, il était dit que les arbres ne pourraient être abattus que lorsqu'ils donneraient des signes de dépérissement, ni même élagués sans une permission de l'administration.

Quant au curage des fossés qui bordent les grandes routes, mis par les lois précédentes à la charge des propriétaires riverains, il n'avait pas excité moins de réclamations, et presque partout les lois étaient mal ou point exécutées.

- L'extrême division de la propriété (dit le ministre de l'intérieur en présentant le projet, 16 février) est venue accroître les embarras de l'administration. Des millions de parcelles aboutissent aux routes; les propriétés qui les bordent ont des longueurs très inégales: tel domaine dont la surface est peu considérable présente cependant à la voie publique un front très-étendu; tel autre domaine n'a qu'une faible dimension dans le sens de la longueur de la route, mais il s'étend au-delà des fossés sur une vaste profondeur. Le curage du, fossé très-onéreux pour la première, ne l'est presque pas pour la seconde. Ce curage est donc un impôt très-inégalement réparti; il excite des plaintes et occasione des résistances dont il est bien difficile et surtout très-long de triompher. Pendant tous ces débats le curage n'est point effectué, les routes se dégradent, et les dommages, pour être réparés, entraînent bien plus de frais qu'il n'en aurait fallu faire pour les prévenir. »

Ainsi, le gouvernement avait pensé qu'il était de la justice et de l'intérêt public de laisser le curage des fossés aux soins et aux frais de l'administration, en ajoutant quelque chose au budget des ponts et chaussées.

Tels étaient les motifs d'un projet de loi présenté à la chambre des députés, le 16 février, dont une commission spéciale avait proposé l'adoption (rapport fait le 30 mai par M. Calemard-Lafayette), et dont la discussion qui eut lieu le 4 avril ne donna lieu qu'à des observations de critiques particulières de M. le marquis du Moustier, sur la législation impérieuse de 1811, qu'il aurait voulu voir entièrement disparaître, sur les vexations suscitées aux propriétaires riverains par les agens des ponts et chaussées, et sur la largeur immodérée et le mauvais état des routes de France en comparaison de celles de l'Angleterre, de l'Allemagne et même de l'Italie, inculpations auxquelles M. Becquey, directeur général des ponts et chaussées, crut devoir répondre pour justifier ses agens des torts qui leur étaient imputés. D'autres observations de M. Sallier avaient pour objet spécial de défendre le projet dans les principes du droit commun. La discussion s'arrêta là; et le projet, soumis au scrutin, fut adopté à la presqu'unanimité des suffrages.

A la chambre des pairs, à laquelle il fut ensuite présenté, la discussion (7 mai) ne fut ni plus longue ni plus animée... M. le vicomte Lainé, seul, observa, relativement à l'art. 2, que le curage des fossés, étant, de tems immémorial, à la charge des riverains, c'était une munificence qui allait tomber à la charge des contribuables, et

qu'il évaluait à 2 millions, à quoi le ministre de l'intérieur répondit qu'il ne s'agissait pas de savoir si la charge était ancienne, mais que le gouvernement avait cru faire un acte de justice, non de munificence, en mettant à la charge de l'état. le curage des fossés.. Au fait, il n'était proposé aucun amendement au projet qui fut adopté dans la même séance (7 mai) par 113 voix sur 117 votans.

Un sujet plus important était ce jour-là même mis en délibération à la chambre des députés. Nous le faisons passer avant la loi des comptes pour ne plus avoir à nous occuper que de lois de finances.

Il faut que le lecteur se reporte à la session de 1819, et surtout à celle de 1821 (voy. Annuaire pour 1821, pag. 74-92), pour bien entendre la question qu'on allait agiter de nouveau, c'est-à-dire celle des grains. Au milieu des débats des économistes sur les inconvéniens et les avantages de la liberté du commerce des grains, la législation n'était restée indifférente ni en France, ni en Angleterre aux mouvemens de la production et de la circulation des grains. L'Angleterre, qui semblait depuis quelques années tout sacrifier au développement de l'industrie et du commerce, avait pourtant adopté des mesures à peu près équivalentes à la prohibition de l'importation des grains étrangers, et son agriculture avait suffi, chose qu'on ne croyait pas possible, à la subsistance de sa population augmentée d'un tiers depuis soixante ans... En France, la disette de 1816 avait fait ouvrir les ports du midi (surtout celui de Marseille), aux grains d'Odessa, dont le bas prix et la qualité avaient bientôt entraîné une dépréciation funeste, dans les produits de l'agriculture, qu'elle menaçait d'une ruine entière dans les départemens du midi... Il était difficile que les deux chambres législatives, presque entièrement composées de propriétaires, restassent indifférentes à des résultats si fâcheux pour la propriété foncière. De là vinrent les lois de 1819, 1820 et 1821 (1), qui traitent les conditions et les limites de l'importation des grains dans les différentes provinces, lois conçues dans l'intérêt agricole, intérêt dominant de la France.

Une seule province, disons mieux, une seule ville semblait souf

(1) 16 juillet 1819, 7 juin 1820, 4 juillet 1821.

frir de ces mesures restrictives, Marseille dont le commerce avec le levant, déchu de son ancienne splendeur, s'était un peu relevé de 1816 à 1819 à la faveur de l'importation des blés de la Crimée, qui avait procuré des retours avantageux aux produits de l'industrie - méridionale, et même aux vins de cette contrée; elle avait fait entendre ses plaintes, et l'on y avait cédé en lui accordant par la loi de douanes de 1822, dans un article (14) inaperçu, la faculté d'un entrepôt fictif pour les grains étrangers pendant deux ans.

Cependant la dépréciation des grains nationaux et le malaise de l'agriculture s'étant prolongés (on peut en voir la preuve dans les tableaux que nous donnons annuellement), des plaintes nouvelles s'élevèrent sur la faveur accordée à la ville de Marseille. D'une part, on assurait qu'une grande partie des grains entreposés étaient mis en consommation ou échangés contre les grains nationaux, en sorte que la dépréciation de ceux-ci allait toujours croissant et chargeait l'agriculture d'une surabondance ruineuse; de l'autre, on représentait que si le port de Marseille était privé de son entrepôt, son commerce déjà souffrant parce qu'il offrait peu de retours, surtout pendant la guerre qui désolait le levant, était menacé d'une ruine totale. Dans cette cruelle alternative, le gouvernement s'était décidé à prendre une mesure de conciliation entre des intérêts contradictoires, et à proposer à la législature de convertir l'entrepôt fictif de Marseille en entrepôt réel.

Il y avait cette différence entre la loi de 1819 et celle de 1822, que la première avait consacré un système mixte d'après lequel l'importation et l'exportation étaient alternativement permises ou prohibées suivant le prix de nos blés, mais sous la condition que l'importation des grains étrangers serait toujours passible d'un droit d'entrée, et soumise aux règles sévères de l'entrepôt réel (c'était d'en constater le dépôt dans les magasins de la douane ou sous la clef et la surveillance continuelle des douaniers, etc. etc.), tandis que la loi du 27 juillet 1822 (art. 14), dérogeant à toutes les règles de l'entrepôt, avait implicitement autorisé l'entrepôt fictif des grains étrangers, dans un moment où ils étaient prohibés. La commission spéciale chargée d'examiner ce projet de loi, regardant cette autori

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