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prunt proposé l'année dernière, avait, dit-on, employé 72 millions à acheter 3 millions 200,000 fr. de rentes. L'opération n'ayant pas été faite, il a fallu faire des reports, il a fallu pourvoir à l'engagement des 25 millions de rentes que l'on dit être en totalité entre les mains de ces compagnies. Aussi, avez-vous va l'un des membres de ces compagnies puiser largement dans les caisses publiques, prendre 40 à 50 millions à la banque sur des dépôts de certificats du dernier emprunt; vendre à la caisse des consignations des rentes pour un capital de 14 millions, et emprunter au Mont-de-Piété, sur dépôts de rentes, une somme de 9 millions. Cela peut nous apprendre dans quelles mains se trouvent ces 25 à 30 millions de rentes dont a parlé M. le comte Mollien, président de la commission de surveillance de la caisse d'amortissement dans son rapport, comme s'étant subitement déclassés.

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C'est avec cette masse immense de fonds que ces banquiers travaillent et continueront de travailler nos fonds publics. Ils trouvent dans leur pays l'argent à 3 pour cent, ils en tireront 4 chez nous, et lorsqu'ils auront atteint leur but, ils se déferont de leurs rentes et les vendront à un cours plus élevé. »

M. Baron, directeur général du Mont-de-Piété, demandant la parole après M. Casimier Périer, expliqua comment l'administration était obligée de porter si haut l'intérêt de l'argent qu'elle avançait aux pauvres, à raison des frais de l'établissement et du peu de valeur des effets qu'elle recevait en nantissement. Du reste, il désavoua explicitement le prêt de 9 millions qu'on prétendait avoir été fait sur dépôt de rentes à un capitaliste... Le fait était que le Montde-Piété ayant reçu de la caisse d'amortissement 6 millions à l'escompte de 3 pour cent, les avait placés à 4 sur la ville de Paris, et qu'il y avait eu dans cette opération un bénéfice d'un pour cent pour les pauvres.

Ici, M. le ministre des finances montant à la tribune pour combattre l'amendement de M. Boucher, commence par faire observer qu'on avait mal interprété le rapport de la commission d'amortissement dans son évaluation à 25 millions de rentes déclarées supportées par des reports... S. Exc. réduit cette partie à 580,000 fr. qu'après le rejet de la loi du remboursement, les compagnies financières qui devaient se charger de ce remboursement ont été obligées de se partager. Quant aux 50 millions qu'on prétend avoir été pris à la banque, le ministre assure que sur le dernier emprunt de 23 millions, dont le dernier paiement venait d'avoir lieu, il se trouve 2 millions 500 mille fr. de rentes supportés par des personnes qui avaient pris à la banque des fonds pour les soutenir; mais ces fonds

ne leur coûtaient que 4 pour cent, et la rente leur en rapporte 5. Le ministre ne voit pas là de danger.

On avait cru le mettre en contradiction avec lui-même, en rappelant que l'année dernière il ne voulait pas qu'on touchât à l'amortissement... Il avait alors en vue d'amener la réduction et de supporter l'émission de rentes nouvelles destinées à l'indemnité. Quant à l'augmentation du capital, S. Exc. démontrait par de nouveaux développemens, que cette augmentation dont on faisait un épouvantail, ne devait pas être un motif de renoncer aux avantages du projet de loi.

En résultat, l'amendement de M. Boucher fut rejeté; un autre amendement de M. Casimir Périer, qui tendait à ne réduire successivement qu'à partir de 1830, eut le même sort, et l'article 1er du projet de loi fut adopté à une forte majorité.

La discussion des autres ne fut pas moins animée, surtout à l'occasion de l'amendement proposé par M. Humann à l'art. 3, à la suite duquel il proposait d'ajouter que les sommes affectées à l'amortissement << seraient employées à racheter de préférence ceux des « effets publics au dessous du pair, qui seront constitués à l'intérêt « le plus élevé. »

Cet amendement, appuyé par divers membres, MM. de SaintChamans, Casimir Périer, sous-amendé par MM. Sirieys de Mayrinhac, Masson, Breton, de Lapanouze, amendement dont la discussion générale a suffisamment indiqué l'objet, fut combattu par le ministre des finances dont la conclusion était en résultat qu'il fallait laisser au directeur de l'amortissement la faculté d'agir dans l'intérêt de l'état; et que s'il pouvait oublier cet intérêt la commission de surveillance userait du droit qu'elle a de réclamer la destitution de ce directeur, et arrêterait ainsi le dommage qu'il aurait pu causer. L'amendement fut rejeté, comme celui de M. Benjamin Constant qui voulait affecter à chaque nature des effets publics une portion du fonds d'amortissement, proportionnée à la quotité de chacun d'eux.

De tous les autres amendemens proposés, un seul fut adopté à la majorité de 163 voix contre 148, c'est celui de M. Pavy, qu'appuya

M. le ministre des finances, paragraphe ajouté à l'art. 3, sur la condition de publicité et de concurrence pour les achats de la caisse d'amortissement, garantie considérée comme illusoire par l'oppo

sition.

Le scrutin ouvert sur l'ensemble du projet le lendemain (26 mars ) offrit le résultat suivant:

Nombre des votans, 356; boules blanches, 237; boules noires, 119; majorité en faveur du projet, 118.

CHAMBRE DES PAIRS.

(2 avril.) Le ministre des finances en portant à la chambre des pairs le projet de loi sur la dette publique et l'amortissement, rappela les motifs exposés à l'autre Chambre, les objections auxquelles il avait donné lieu, et les différences qui le distinguaient de celui de l'année dernière, d'après les idées que la haute Chambre avait paru accueillir avec le plus de faveur.

Ainsi, disait S. Exc., nous avons substitué une conversion libre et facultative, à une combinaison unique qui entraînait la diminution d'an cinquième des intérêts; nous en avons joint une seconde qui la réduit au dixième, et donne garantie pendant dix ans contre une nouvelle réduction. Enfin, nous avons remis à l'avenir et à des mesures nécessairement graduelles et divisées en plusieurs années, l'exercice du droit de remboursement si la faculté de conversion que nous offrons n'amenait pas des résultats tels qu'il nous soit permis d'y renoncer complétement.

« Ainsi aucun intérêt ne pourra s'alarmer et se plaindre. La réduction sera facultative; elle aura lieu sans l'intermédiaire d'aucune compagnie financière, et par conséquent vous n'avez plus à redouter cet agiotage. Crainte qu'inspirait à tous, nous le croyons, l'apparition de nouvelles valeurs entre les mains de capitalistes réunis dans un intérêt commun...

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Vos seigneuries, dit S. Exc. en terminant, apprécieront à leur juste valeur et les contradictions des adversaires du projet de loi et les vaes da gouvernement... Vous consulterez la loi du crédit public dans tous les autres pays, et vous jugerez si celui de la France, après tous les sacrifices qu'elle a faits pour le fonder et qu'elle continue pour le soutenir, ne vous autorise pas, ne vous commande pas même de chercher à en rendre les conditions moins pesantes aux contribuables, moins contraires aux intérêts agricoles, industriels et commerciaux du pays à l'égard des porteurs de rentes, les dispositions que nous vous présentons offrent plus de ménagemens que VV. SS. n'avaient paru en désirer elles-mêmes l'an passé. Je n'ai plus qu'un seul mot à ajouter : c'est qu'il importe de sortir enfin de la situation incertaine dans laquelle nous nous trouvons placés par suite de l'arrivée de nos fonds publics au pair: vous reconnaîtrez, je l'espère, qu'on ne pouvait le faire d'une manière plus conforme aux intérêts de tous. »

La commission spéciale chargée d'examiner le projet n'y proposa aucun amendement. M. le duc de Lévis en fit le rapport (le 18 avril). Il rappelait d'abord que si le projet de l'année dernière avait été repoussé par la majorité de la Chambre, c'était moins à cause du principe du droit de remboursement universellement reconnu, qu'à cause des moyens d'exécution qui avaient paru peu d'accord avec les formes du gouvernement représentatif, ainsi qu'avec les véritables bases du crédit... Mais aujourd'hui les mêmes objections ne pouvaient se reproduire... On ne pouvait plus dire qu'il y eût ni subterfuge ni déception pour attirer les rentiers à la conversion... Quel est le véritable taux de l'intérêt de l'argent?... On avait émis plusieurs opinions fort différentes à cet égard, et toutes cependant appuyées sur des faits, parce qu'on ne saurait apprécier d'une manière fixe, absolue, le prix momentané du loyer de ces capitaux, qui variait nécessairement suivant le genre des garanties qu'offrent les emprunteurs, et selon les conditions du prêt... Mais ce qui était heureusement à l'abri de toute contestation, c'est l'état de prospérité toujours croissante où se trouve le pays... De l'exposition de sa théorie et des faits qui la justifient, le noble rapporteur, passant à l'examen des objections faites l'année dernière sur le résultat du système de réduction et d'amortissement proposé, rappelait les calculs présentés l'année dernière à la Chambre (par M. Roy) sur l'augmentation du capital de la dette dans le nouveau projet, et il y opposait l'opinion émise par un des membres de la commission, que les plus illustres sociétés savantes de l'Europe s'honorent d'avoir pour collègue (M. le marquis de La Place), opinion dont voici le résumé:

« Si l'intérêt, supposé d'abord à 4 pour cent, diminue proportionnellement an temps et ne parvient à 3 pour cent qu'après trente-trois ans et un tiers, un calcul fort simple fait voir que chaque rente acquise par la caisse d'amortissement aura rendu à l'état, par sa réduction de 5 à 4 pour cent, plus que l'excédant de capital qui est payé par la caisse ; il y aura donc bénéfice pour l'etat, même à l'égard de chacune des rentes acquises. En dirigeant convenablement l'action de l'amortissement, le gouvernement peut, dans tous les cas, conserver une partie considérable du bénéfice de la réduction de la

rente. »

D'après l'autorité d'un nom qui, en fait de calculs, dispense de

preuves et de vérifications, la commission concluait avec lui qu'il n'y avait pas de dommages pour l'état dans la conversion proposée.

En examinant les moyens d'exécution, la commission ne partageait point les inquiétudes et les craintes exprimées que la création d'un nouveau fonds fût un aliment de plus pour la funeste passion de l'agiotage, déjà portée à un déplorable excès... Les spéculations hasardeuses de l'agiotage sont les inconvéniens inévitables de toute dette publique négociable sous la forme de rentes transférables à chaque instant. Le taux auquel elles sont constituées est indifférent à l'agioteur qui ne songe qu'aux variations journalières du cours..... L'agiotage de la rente est heureusement hors de la portée du pauvre. -D'ailleurs la nouvelle jurisprudence des tribunaux, dans le jugement des contestations relatives aux marchés à terme, devait en diminuer considérablement le nombre et l'importance, en obligeant les agens de change à ne pas s'écarter des règles qui leur sont prescrites, autant pour leur sûreté que dans l'intérêt des familles, et l'on pourrait encore ajouter à ces mesures préservatrices qui ne paraissaient pas remplir suffisamment leur objet.

Un seul changement aurait paru désirable à la commission, c'eût été de transporter dans la loi d'indemnité la clause du rachat supposé des 3 millions de rentes pendant les cinq années que durera l'émission des rentes destinées à cette indemnité; mais elle n'en faisait point la proposition, et le noble rapporteur concluait à l'adoption pure et simple du projet, dont la discussion remise après celle de la loi d'indemnité, dont la Chambre était alors occupée, s'ouvrit le 25 avril.

(25, 26, 27 avril.) Le premier orateur inscrit contre le projet (M. le comte Roy), commença par faire observer que le but du projet en question est le même que celui de l'année dernière, d'ainener la conversion des rentes 5 pour 100 en rentes 3 pour 100; mais que les moyens employés pour y atteindre sont différens. En 1824, c'était par l'offre du remboursement qu'on voulait y arriver; en 1825, c'est par la combinaison de l'amortissement..... Le noble pair considérait le projet sous deux rapports principaux; celui de la réduction de l'intérêt de la dette avec accroissement du

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