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moyen de la résoudre équitablement serait de rembourser; mais si une partie des prêteurs primitifs veut se maintenir dans l'exécution du contrat, l'amortissement ne peut pas leur être enlevé au moins dans la proportion de la quotité de dette maintenne à 5; et si cette quotité, chose douteuse et même invraisemblable, se soutenait au-dessus du pair, l'amortissement, distrait par intervalle et consigné, doit lui faire retour quand le pair ne serait plus dépassé. Les promesses verbales sont fugitives; c'est dans la loi que le principe et l'exécution doivent être posés.

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Quant à l'effet de la loi dans l'intérêt du trésor, l'honorable orateur expose qu'en supposant la rente 3 pour 100 à 79, comme elle a été cotée avant d'être enregistrée au nombre des vivans, la racheter à ce taux, c'est comme si on rachetait 5 fr. de rente à 106, et que plus le 3 prendrait de faveur plus encore la perte serait sensible et croissante.

Venant au système de l'amortissement, dans l'intérêt des propriétaires de rentes et qui voudront profiter du bénéfice promis à la conversion aussitôt la promulgaltion de la loi, et des indemnisés qui seront nécessairement reculés jusqu'au 22 juin, l'honorable orateur trace un tableau effrayant des effets du jeu qui devait s'ouvrir à la bourse.

« Pen de rentiers honnêtes et pacifiques se précipiteront sur la conversion. Réservés et prudens, ils jouiront des délais que la loi leur doune... Les monopoleurs arriveront les premiers au marché; aidés par le jeu des rentes fictives, ils recueilleront tout le profit de la hausse; la hausse ne se fera que pour eux et par eux, et ils auront, par la force des choses, la priorité d'emploi de la caisse d'amortissement, priorité exploitée à coup sûr pendant le trimestre du 22 mars au 22 juin.

. Quant aux indemnisés, en supposant qu'ils soient reçus à la Bourse au 22 juin 1825, ils n'entreront qu'en face de l'ancienne dette convertie, et pour un cinquième seulement. Accordons-leur toutes les chances heureuses des négociations; qu'ils puissent vendre facilement et vite; toujours est-il que leurs concurrens auront eu sur eux trois mois d'avance, et qu'ils continueront à opérer avec leurs masses entières, tandis que les indemnisés ne pourront opposer qu'un cinquième des leurs. Si la hausse se soutenait, si la rente se casait dans son cours élevé, la fortune serait égale pour tous, et la prospérité irait en croissant; mais n'y a-t-il donc aucunes circonstances qui en puissent décider autrement?...

▪ Tout étant préparé pour la conversion, son début sera attrayant, et une hausse assurée devra y engager les plus timides. Mais le moment viendra où les forts opérateurs auront vidé leurs portefeuilles, et où beaucoup de rentiers, qu'il ne faut pas confondre avec eux, couverts de leur intérêt réduit, par un excédant de capital, se dirigeront vers d'autres emplois, ou bien prévoyant une baisse, voudront se mettre à l'écart pour revenir à temps opportun; et ce moment sera celui d'une secousse qui accablera de tout son poids les indem

vous ne pouviez pas emprunter à un taux moindre de 5 pour 100, c'est que vous êtes obligés dans l'option que vous offrent des 3 pour 100, d'avoir une combinaison que donne un accroissement de capital en dédommagement de la diminution d'intérêt...

Le sacrifice que nous sommes obligés de faire relativement au capital vient d'une dette de près de 200 millions qui pèse sur nous en une seule valeur. On nous reproche sans cesse de ne pas faire comme l'Angleterre. Mais sommesnous dans la même position? Entraînés, précipités dans la voie des emprunts par des circonstances extraordinaires, des contributions de guerre, nous n'avons pas pris les précautions que nous aurions dû prendre. Au lieu de créer toutes nos rentes à un seul taux d'intérêt, nous aurions dû les créer à divers taux... Afin d'arriver à pouvoir faire ce que l'on fait en Angleterre et dans tous les pays où la dette publique n'ayant pas été crée avec cette précipitation, on a pu préparer les moyens d'en combiner les élémens... »

oppose

Quant à l'objection tirée de l'augmentation du capital, le ministre des calculs à ceux qu'on a faits contre son système... Tant que le cours des 3 pour 100 n'aura pas monté de 75 à 85, il y trouve du bénéfice.

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Le rachat des 3 pour 100 à 85, terme moyen, serait une chose tellement difficile à prévoir, dit S. Exc., que nous devons, je crois, nous réunir pour désirer un résultat pareil.

. Mais supposons que les 3 pour 100 soient à 85; supposons qu'ils restent stationnaires à ce taux pendant vingt ans. Nous aurions gagné à l'opération actuelle, non pas de l'argent matériellement pour le trésor, mais nous aurions atteint ce grand résultat que nous devons poursuivre, celui de la diminution des intérêts des capitaux dans le pays. »

D

Venant aux détails de l'opération, où M. Bourdeau a signalé l'action de l'amortissement comme devant être dirigée d'abord au profit des banquiers capitalistes qui convertiront les premiers les 5 pour 100, dont on les suppose engorgés, et de cette partie de la rente appelée flottante évaluée dans le rapport de la commission d'amortissement de 25 à 30 millions, le ministre commençait par reconnaître les services que la maison de banque (MM. Rotschild), si ouvertement désignée par M. Bourdeau, avait rendus à l'époque de la guerre d'Espagne. Il était loin d'ailleurs de croire à l'engor gement des rentes que l'on supposait aux banquiers : cet engorgement ne pouvait venir que du dernier emprunt de 23 millions...; mais les contractans avaient pu s'en défaire avec des bénéfices si considérables, qu'ils n'avaient pas besoin d'attendre l'émission des 3 pour 100. Il résultait d'un compte publié par une des maisons associées dans cette opération, qu'il ne leur restait pas plus

de 500,000 fr. de ces rentes; et si l'engorgement était tel qu'on le présente, pourrait-on y porter remède, lorsque l'amortissement ne pourrait racheter, avec les 20 millions dont il pourrait disposer pendant trois mois, que 8 à 900 mille francs de rentes.

A l'égard des craintes manifestées sur l'influence des capitalistes étrangers dans nos fonds, le ministre fait observer que les capitalistes français peuvent lutter avec eux. Et quant aux dangers de favoriser l'agiotage, il ne voit pas plus de moyens d'agiotage avec plusieurs espèces d'effets qu'avec une seule, avec des 3 qu'avec des 5.

En général, dit S. Exc., la rente n'y donne pas plus lien que toute autre chose. Si je parcourais les divers genres de spéculations, je trouverais partout des parieurs et des agioteurs; j'en verrais pour les huiles, pour les denrées et pour les marchandises de toute espèce. Au lieu donc d'accuser telle ou telle sorte de fonds, disons que c'est une rage funeste qui travaille la société et qui provient de la cupidité. Cet agiotage est un mal auquel vous ne porterez pas remède par des 5 pour cent, ou par des 3. Vous ne le déracinerez qu'en travaillant à épurer les mœurs et faisant en sorte que l'argent ne soit pas tout dans le pays, en plaçant au-dessus de la fortune quelque chose qui attire plus qu'elle la considération et les désirs...

« On nous a fait le reproche fort grave de manquer à la foi promise en distrayant l'amortissement des 5 pour cent... L'amortissement, Messieurs, appartient aux contribuables; c'est dans leur intérêt qu'il doit être employé, et il ne faut pas croire que cet intérêt soit opposé à celui des rentiers... L'amortissement les a jusqu'à présent également servis... »

Quant à ce qu'on a dit de la baisse des 3 pour cent, en cas de crise ou de guerre, S. Exc. ne désavoue pas que de telles circonstances ponvaient affecter les 3 comme les 5; mais il n'en resterait pas moins vrai que l'on pourrait faire la guerre à meilleur marché, c'est-à-dire que si en empruntant des 3 pour cent au capital de 75, il fallait payer 4 millions d'intérêt pour avoir une certaine somme, il aurait fallur payer 5 millions pour avoir la même somme empruntée à 5 pour cent : considération qui suffisait seule pour montrer combien il est important de fonder le crédit sur un intérêt moins élevé.

(19-21-22 mars.) D'autres orateurs, M. de La Bourdonnaye, Labbey de Pompières, M. Masson, M. Sanlot Baguenault, M. Bertin Deveaux combattirent encore le projet, les calculs et les assertions de M. le ministre des finances...

On fut fort étonné de voir au nombre des adversaires du projet nouveau le rapporteur de celui de l'année dernière (M. Masson). Il en développa les raisons : il ne reconnaissait plus dans celui-ci ce caractère de simplicité dans le mode d'exécution et de grandeur dans les résultats que lui paraissait offrir l'autre. Il trouvait le mode du projet d'aujourd'hui onéreux pour l'état dans l'option qu'il donnait aux spéculateurs, et pour les créanciers daus celle qui paraît offerte aux rentiers proprement dits... Ce mérite d'une conversion volontaire ne lui paraissait qu'une défection au principe du remboursement des modifications essentielles.

Un des discours les plus piquans de cette discussion générale est celui de M. Bertin Deveaux, qui la termina.

« Vous n'avez pas oublié, disait-il, les étonnantes révélations faites il y a peu de jours à cette tribune par nos honorables collègues, MM. Casimir-Périer et Dudon. La lumière vous est arrivée des deux bouts de l'horizon.

«

:

Les faits n'ont point été contredits ni par M. Leroy, au nom de la caisse des consignations, ni par M. Baron, au nom du Mont-de-Piété. M. le ministres des finances les a expliqués, mais ne les a pas niés. Il en résulte ce qui est de notoriété sur la place de Paris, au parquet de la bourse, dans les comptoirs des banquiers, dans les études des notaires, et malheureusement anssi dans nos diverses caisses publiques, savoir qu'il existe une compagnie de spéculateurs qui, par suite du rejet de la loi sur la réduction de la rente, est engorgée de 5 pour cent pour une somme énorme. On dit qu'elle supporte l'accablant fardeau de 20 millions de rentes, qui au cours actuel représentent 400 millions de capital. Comment en sortir? Voilà le problème; et certes, il n'était pas facile à résoudre. Il est résolu par le projet de lai: voilà tout le mystère. Si la loi passe, on en sortira, non-seulement sans perte, mais avec grand bénéfice; si la loi succombe, que voulez-vous que je vous dise? Le deuil sera dans Jérusalem. ( On rit. ),

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En effet, Messieurs, la puissance de cette compagnie, quelle que soit la fortune de ses chefs et de ses associés, touche à son terme. Le temps la dévore, et votre loi est sa dernière espérance. On peut affirmer que sans les facilités que, grâce à une protection puissante, elle a trouvées pour se débarrasser d'une partie de son fardeau, soit à la caisse des consignations, soit à la banque de France, soit au Mont-de-Piété, et dans d'autres caisses publiques, elle aurait été forcée depuis long-temps de liquider son immense opération; et Dieu sait à quelle perte.

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En considérant le projet sous des rapports généraux, l'honorable orateur le trouvait injuste et funeste comme tous ses adversaires, et comme devant assurer dans un tems donné le triomphe des idées libérales, de la propriété industrielle sur la propriété territoriale.

Ainsi le projet de loi était vivement attaqué, mais il n'était pas moins fortement soutenu par des orateurs (MM. de Frenilly, de La Caze, Pavy, Ricard de la Haute-Garonne), par M. de La Bouillerie, commissaire du gouvernement, qui en défendirent les principes et les détails d'exécution, et par M. Huerne de Pommeuse qui en faisant le résumé de la discussion générale, répondit encore aux objections, et annonça que la commission persistait dans ses conclusions.

(23-24-25-26 mars.) La discussion particulière des articles qui occupa encore quatre séances, s'ouvrit, après quelques débats, sur un amendement que M. Boucher fut admis à présenter sur l'art. 1er, amendement ainsi conçu:

« 1°. Le fonds d'amortissement destiné au rachat des rentes 5 pour cent sera réduit à sa dotation primitive de 40 millions à dater du 22 juin 1825.

« 2°. Sur les 37 millions 500,000 fr. devenus disponibles, 10 millons seront spécialement affectés au rachat de 30 millons de rentes 3 pour cent créées pour l'indemnité des émigrés, et le surplus appliqué à réduire, dès le 1 janvier 1816, d'un nombre de centimes additionnels correspondant, les contributions foncière, personuelle, mobilière et des portes et fenêtres. >>

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M. Casimir Périer, qui combattit cet amendement, admettait que depuis quelques années l'argent avait considérablement baissé sur quelques places de l'Europe et surtout en France; mais il citait divers exemples du contraire dans les avances faites au commerce extérieur et maritime. Il observait que le taux de 6 pour cent était celui de toutes les transactions commerciales qui se font dans la capitale; que le Mont-de-Piété, qui emprunte à 4 pour cent, se fait payer par les malheureux qui lui apportent en nantissement les objets les plus utiles, les plus indispensables de leur ménage, un intérêt de 12 pour cent.

Quant au cours auquel était parvenue la rente 5 pour cent, malgré la menace du remboursement ou de la conversion, l'honorable orateur l'attribuait à des opérations qui pouvaient n'être pas blâmables en elles-mêmes, mais qui avaient été évidemment encouragées par le gouvernement.

Comment la hausse des fonds publics s'est-elle opérée et soutenue, dit-il en substance, les compagnies financières qui s'étaient chargées de l'em

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