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faveur de l'état à la portion de la liste civile de quatre millions qui lui avaient été attribués, et si cette liste de son apanage ne descend pas à M. le Dauphin au moment où le Roi monte sur le trône. Cette question mérite bien d'être examinée, et pour cela même elle ne doit pas faire partie d'une loi que vous devez voter à l'unanimité.

Le général Foy, qui parla ensuite, soutint le principe des apanages dont il traça l'historique depuis les anciens temps de la monarchie, de la convenance de son application dans le projet actuel n'établissant pas un fait nouveau, mais un fait conforme aux principes du droit, et à l'intérêt de l'état, par la réversibilité du domaine qui forme actuellement l'apanage de la maison d'Orléans. Comme le ministre des finances, il approuvait que les princes eussent des apanages en terres, en ce qu'ils étaient ainsi mieux associés aux charges de la propriété et dans des rapports plus intimes avec la cité, assertion contre laquelle s'élèva M. de Berthier, qui considérant le principe des apanages territoriaux comme une dérivation de la coutume funeste des premiers rois de la monarchie, de partager non pas seulement les biens de la couronne, mais la couronne elle-même à leurs descendans, et rappelant les troubles excités par les factions d'Orléans et de Bourgogne, qui avaient divisé la monarchie, et combattu le monarque avec leurs immenses apanages: souvenirs peu applicables à la circonstance et qui excitèrent quelques murmures. D'ailleurs M. de Berthier ne prétendait pas contester ni décider la question en elle-même; mais dans l'incertitude où il était à cet égard, il se rangeait à l'avis de M. Bazire pour l'ajournement de l'article.

La question des apanages venait d'être soulevée. La discussion allait prendre un caractère de gravité qu'il n'était pas dans l'esprit des auteurs du projet de loi de lui donner. M. le garde des sceaux, voulant réduire la difficulté à ses véritables termes, fit observer que la branche d'Orléans étant remise en possession des biens qui occupent la Chambre, par une autorité dont personne ne conteste le droit, il n'y avait plus qu'à examiner la nature même de cette possession.

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Serait-ce

comine propriétaire et en vertu de la loi de 1814, dit S. G.? mais vous voyez quelles en seraient les conséquences. Vous-mêmes

vous auriez raison de vous plaindre de l'inattention du gouvernement, qui aurait souffert que le titre de la maison d'Orléans fût dénaturé, et que l'état fût privé d'un retour éventuel dont en aucun cas il ne peut être dépouillé. Voulez-vous que la disposition ne soit pas nécessaire, qu'elle ne doive pas trouver place dans la loi; alors vous êtes obligés de vous rattacher à une ordonnance du feu roi combinée avec la loi de novembre 1814, et ce n'est plus comme prince apanagiste, mais comme sujet propriétaire que Mgr le duc d'Orléans possède ces biens et doit être envisagé; dès lors l'apanage est est entièrement détruit, et dès lors plus de retour éventuel à l'état.

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Si au contraire vous adoptez la disposition présente, si vous vous associez à l'a pensée qui la dictée, l'apanage sera établi comme il doit l'être avec ses conditions et ses charges. La branche d'Orléans en jouira tant qu'elle durera, et si elle venait à s'éteindre, l'état redeviendrait propriétaire de ces biens qui ne résident qu'éventuellement sur sa tête. Ainsi, bien loin que l'intérêt de l'état soit affecté de la disposition présente, il est au contraire préservé; et loin d'avoir fait une chose inconvenante et inutile, nous croyons avoir fait une chose utile à l'état et, en cela, accompli notre devoir.

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On demandait à aller aux voix, quand M. Bourdeau rentrant dans la partie la plus grave de la discussion, exposa que la loi de 1791 ayant réglé ce qui concernait les apanages des princes de la famille royale, on était encore sous son empire; elle ne permettait plus de faire des constitutions apanagères sur l'état. L'honorable opinant n'examinait pas l'avantage ou le désavantage qu'il peut y avoir à ce que l'apanage d'un prince soit constitué en terres, ou en rentes sur l'état.

« J'admets volontiers, disait-il, qu'il peut y avoir maintenant une autre législation à faire à ce sujet; mais jusqu'à ce qu'elle ait été rapportée, la loi de 1791 était la seule qui pût être invoquée et suivie en cette matière. Les ordonnances de 1814 ont dû rendre les biens au même titre qu'ils étaient possédés antérieurement, c'est-à-dire comme propriété apanagère, si précédemment ils étaient grevés de la réversibilité. On aurait done maintenant à examiner si ces biens doivent être régis par les lois anciennes de constitution, par la loi de 1791, ou par une loi nouvelle. Mais ce n'est pas à propos de la liste civile qu'une pareille question doit être agitée; elle est immense, soit par rapport à la dignité de la couronne, soit relativement aux intérêts de la maison apanagée.

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M. Méchin n'admettait point qu'on fût encore sous l'empire de la loi de 1791; le décret de la Convention qui avait supprimé les rentes apanagères lui semblait avoir effectivement rapporté cette loi. Mais quand la France revint à des formes monarchiques (sous l'Empire), un acte que les usages d'alors rendaient plus éclatant,

plus solennel, que la loi elle-même, un sénatus-consulte régla la matière et reconstitua les apanages... Il fallait donc reconnaître cette législation, ou proposer une loi nouvelle. Ainsi M. Méchin en concluait que les ordonnances de 1814, qui ont restitué son apanage à la maison d'Orléans, avaient légalement jugé la question, et que le ministère avait pu intercaler dans la loi de la liste civile l'édit qui concerne l'apanage de la famille d'Orléans. Quant à ces affreuses querelles des Bourguignons et des Armagnacs (rappelées par M. de Berthier), « c'est dans la puissance féodale, dit M. Méchin, que les grands vassaux puisaient les moyens de briser la couronne à « leur gré; rivaux du monarque, plus souvent ses ennemis, ils ne lui laissaient qu'un vain titre et une existence incertaine. S'ils a n'eussent été que des princes apanagés, ils n'eussent point laissé a à leur postérité une si douloureuse mémoire de leur pouvoir et « de leurs excès. »

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De cette confusion et des difficultés nouvelles élevées sur un point de législation si important, M. Dudon établit la nécessité de l'examiner plus mûrement, et après d'autres considérations prises dans l'ordre particulier et dans l'ordre général, dans les différentes concessions d'apanages, dans la nature des biens, les uns patrimoniaux, les autres soumis à la clause du retour à l'état, dans les changemens qu'ils ont subis, dans les procès qu'ils ont occasionés ; il en conclut que l'article 4 n'était pas à sa place, ou que du moins il était présenté d'une manière trop incomplète.

Ici M. le ministre de l'intérieur, n'admettant ni la loi de 1791, ni le sénatus-consulte de 1810, écartant toutes les difficultés, les incidens, les questions secondaires qui lui semblent étrangères à l'article 4 de la loi, fait observer comme ses deux collègues, qu'il ne s'agissait pas de savoir si la maison d'Orléans posséderait ou ne posséderait pas, mais à quel titre elle posséderait.

Il s'agit, dit S. Exc., de la dotation de la famille des Bourbons; il était naturel que cette dotation se trouvât contenue dans un même projet de loi, surtout lorsqu'il n'en devait résulter aucune difficulté. Vous nous auriez reproché sans doute de n'avoir pas complété le projet de loi, si nos esprits ne s'étaient pas portés sur tous les membres de la famille qui doivent avoir une dotation particulière. Or, dans la famille royale, il existe une branche

CHAPITRE II.

Discussion et adoption des projets de loi relatifs, 1o aux salines de l'état et à la mine de sel gemme découverte à Vic; ao à l'établissement des communautés religieuses de femmes.

CHAMBRE DES PAIRS.

Quelques projets d'intérêt local, d'autorisation d'impositions particulières, d'emprunts pour diverses villes, occupèrent les premières séances des deux Chambres. Il suffira d'en voir la liste (1); mais il en est un qui touche trop à l'intérêt généralde la France, pour ne pas donner une idée de la discussion qu'il a subie : c'est celui qui a mis en régie intéressée au profit de l'État, les salines de l'Est, et la mine de sel gemme découverte à Vic... Quoiqu'il paraisse au premier aspect être une véritable loi de finance, il avait été porté d'abord par le ministre des finances à la chambre des pairs, le 4 janvier, avec celles des communautés religieuses, du sacrilége et de la piraterie.

L'exposé des motifs du projet montre d'abord la nécessité où le gouvernement s'est trouvé de réduire à 2,000,000 fr. le prix du bail des salines de l'Est (qui devait être originairement de 3,000,000) à cause de la découverte des mines de Wurtemberg et de Bade, pays que les salines de l'Est étaient jadis en possession de fournir. Mais au moment où la France avait à regretter cette branche d'exportation, on découvrit en 1819, à Vic, département de la Meurthe, une mine de sel gemme dont l'existence est constatée sur une surface de plus de trente lieues carrées, a une profondeur restée inconnue jusqu'ici. La onzième couche à laquelle on est parvenu, offre déjà une masse de substances salines de plus de 240 pieds d'épaisseur, et dont l'extraction facile et la qualité supérieure à celle des sources salées, permet d'établir une concurrence avantageuse

(1) Voy. L'Appendice.

avec les sels étrangers, et de s'ouvrir des débouchés plus considérables qu'autrefois.

En considérant la question sous le rapport de l'intérêt des départemens de l'Est, l'avantage n'était pas douteux; mais en le considérant dans celui des départemens maritimes de l'Ouest et du Midi, le gouvernement avait dû hésiter à permettre l'exploitation libre de la mine de sel gemme dans toute son étendue, par la crainte de porter préjudice aux propriétaires des marais salans, dont l'exploitation entretient une quantité considérable de marins, fournis sait jadis à la consommation de toute la France, et rapporte encore aujourd'hui à l'État un revenu de 53,000,000. Le gouvernement avait pesé ces considérations, mais il avait vu aussi que le sel qui est à vil prix dans les départemens maritimes s'était constamment maintenu dans les départemens de l'Est, à un prix d'autant plus fort que ces départemens étaient plus éloignés des marais salans; que le prix marchand du sel, défalcation faite des frais de transport et de l'impôt, surpassait de vingt et de trente fois, dans le département de la Meurthe, le prix marchand du sel sur les marais de la Provence, et de dix et quinze fois le prix des sels de l'Ouest. On avait donc pensé qu'une plus juste proportion dans le prix du sel s'établirait bientôt par suite de l'exploitation du sel gemme, sans nuire aux départemens maritimes qui seraient toujours à portée de le fournir à des prix fort inférieurs dans la plus grande partie de la France. Ainsi pouvait s'établir sans péril une nouvelle industrie, dont les bénéfices étaient incalculables pour l'agriculture, en mettant avec des précautions cette exploitation sous la surveillance et même sous la direction du gouvernement, comme celles des salines de l'Est.

D'après la loi du 21 avril 1810, qui contient toute la législation des mines et qui est applicable au sel, comme à toutes les substances fossiles, le gouvernement peut faire à qui il veut la concession d'une mine, en réservant toutefois une indemnité à l'inventeur; il lui appartient encore d'en déterminer l'étendue sans être astreint à aucune limite. (art. 16 et 19.)

Ainsi l'état était en droit de conserver la propriété de la mine de Annuaire hist. pour 1825.

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