Page images
PDF
EPUB

rentiers. La commission approuvait qu'on cessât de racheter les rentes 5 pour cent parvenues au-dessus du pair; mais si le cours venait à tomber au-dessous, c'était un devoir de lui porter l'appui de l'amortissement... A cet égard l'aetion de l'amortissement était à l'abri de toute inquiétude. La composition de l'administration et de la commission de surveillance offrait la plus sûre garantie de son indépendance (1).

Ainsi la commission allant au-devant des objections déjà faites et qui devaient se renouveler, s'était accordée à penser que les inconvéniens de la loi résultant des difficultés de position qui nous dominent, n'étaient rien en comparaison des effets salutaires qu'elle devait produire, et elle n'y proposait aucun amendement...

La délibération de ce projet se plaçait naturellement après celle de la loi d'indemnité; mais M. Casimir Périer voulait qu'elle fût ajournée jusqu'à ce que cette loi eût reçu la sanction des trois pouvoirs; il objectait entre autres considérations qu'il serait trop long de développer ici, que si l'on rejetait la seconde loi, soit à cause des moyens qu'elle propose, soit parce qu'on ne voudrait pas adopter le système d'amortissement qui est étranger à la dette de l'indemnité, on serait dans l'impossibilité de satisfaire les nouveaux créanciers pour 15 millions, à moins de recourir à d'autres moyens c'est-à-dire à une loi nouvelle... et quant aux 15 autres millions, il faudrait attendre la discussion des budgets pour s'assurer des fondemens ou de l'effet des prévisions ministérielles. Mais le ministre des finances répondit à ces objections de manière à satisfaire la Chambre, et la discussion fut fixée après celle de la loi d'indemnité.

(12 mars.) On était à la veille de l'ouvrir, et la question de nouveau reprise par les journaux occupait aussi vivement l'opinion publique que celle de l'indemnité, lorsque la commission de sur

(1) Cette commission, instituée par la loi du 28 avril 1816, est composée de six commissaires nommés par le Roi, dont trois sont choisis par le Roi dans le sein des deux Chambres. C'était à l'époque de la discussion du projet. M. le comte Mollien, pair de France, président en vertu de l'art. 114, MM. le Roy et de Bouville, membre de la chambre des députés, M. Odier, régent de la Banque, le duc de Gaete, gouverneur de la Banque, M. Jules Pasquier, directeur général de la caisse d'amortissement.

veillance de la caisse d'amortissement se présenta pour faire à la chambre des députés son rapport annuel sur la situation de cet établissement au 1er janvier dernier.

En toute autre circonstance on se contente d'en recueillir les résultats; les voici :

En 1824, l'amortissement s'était approprié 3,864,222 f. de rentes avec les 77,000,000 mis à sa disposition (au cours moyen de 100 f. 83 c.).

Dans les huit années antérieures, les rentes rachetées s'étaient élevées à 31,912,021 fr.

Ainsi, au 1er janvier 1825, l'amortissement était propriétaire de 35,776,243 fr. de rentes, dont le rachat avait absorbé en neuf ans un capital de 572,976,673 fr. 10 c.

Et ces 35,776,243 f. représentant au cours du pair, dans la dette de l'état une somme de 715,524,860 fr., il en résultait que le trésor royal avait pu se libérer régulièrement envers ses créanciers avec un capital inférieur de 142,548,187 fr. à celui dont il s'était constitué débiteur.

Après avoir établi ainsi le résultat matériel des opérations de l'amortissement, M. le comte Mollien, président de la commission, jetant un coup d'œil sur l'état de la dette publique pour mieux faire apprécier l'action de l'amortissement dont les moyens allaient s'élever à 77 millions, établissait qu'en détachant de la masse de la dette publique (197,000,000 f.) les 36 millions rachetés par l'amortissement, et cette autre portion qui par sa condition spéciale et la qualité de ses propriétaires était frappée d'immobilisation (1), on pouvait réduire à 130 millions environ la masse des rentes restées disponibles dans la main de leurs possesseurs.

Sur cette masse, M. le comte Mollien estimait que la classe des rentiers proprement dits en conservait habituellement près de 100 millions qu'on devait regarder comme hors des débats de la bourse.

(1) Les rentes affectées à la dotation de la chambre des pairs, la légion d'honneur, aux hospices, aux communes, aux majorats, etc.

[merged small][ocr errors]

« On peut donc conjecturer d'après ces aperçus, dit le noble président de la commission, que près de 167 millions de rente se tiennent en quelque sorte écartés de l'amortissement, et que son action se trouve maintenant restreinte presque entièrement à la portion mobile, qui change à peu près chaque mois de propriétaire. Nous pensons qu'on peut évaluer à 25 ou 30 millions cette fraction flottante de la dette, qui peut tendre insensiblement à s'accroître depuis que les cinq pour 100 se soutiennent au dessus du pair; c'est elle qui fournit au marché la plus grande partie des rentes vénales: la plupart de ses possesseurs éphémères ne spéculent que sur la variation des cours; souvent ils ne parviennent à solder leur transaction que lorsque des acheteurs réels se mettent à leur place; et quoique ce ne soit pas pour l'encouragement des spéculations illusoires que l'amortissement est institué, comme il ne peut ni préférer ni repousser aucun vendeur de rentes, nous ne pouvons pas garantir que de telles combinaisons n'obtiennent pas la meilleure part dans le secours de plus de 6 millions qu'il livre chaque mois aux nécessités de la bourse.

« L'effet moral de ce secours est du moins de diminuer momentanément la masse de ces marchés hasardeux; mais il ne va pas malheureusement jusqu'à les empêcher de se reproduire, parce qu'il est des temps où l'exemple des profits prompts et faciles est plus efficace que celui des pertes, des désastres, des scandales qui les surpassent...

« Ceux qu'une vocation funeste porte à courir les hasards de la Bourse deviendraient-ils plus sobres de spéculations aventureuses, si les fonds toujours croissant que l'amortissement emploie chaque jour à ses achats ne leur offraient pas quelques chances de plus pour la liquidation de leurs marchés? La disposition restrictive de l'art. 109 de la loi du 28 avril 1816 (1) doit-elle long-temps encore n'être que comminatoire ? C'est une grave question, Messieurs, digne d'une longue méditation; la commission ne peut pas entreprendre de la résoudre... »

Après cette question se présentait celle de savoir si l'amortissement ne devait pas s'abstenir de racheter la dette publique au-dessus du pair; il n'appartenait pas non plus à la commission de la discuter; mais de nouveaux devoirs allaient naître pour elle des propositions nouvelles qui étaient faites aux deux Chambres.

« Une loi nouvelle, ajoute le noble président, pourra admettre dans la dette publique des placemens à divers taux d'intérêts. Chacune des divisions de la dette sera-t-elle pourvue d'un fonds d'amortissement spécial et proportionnel? L'amortissement devra-t-il s'arrêter devant toute portion de la dette qui dépassera son pair, lors même qu'encore à ce taux il aurait pu éteindre un intérêt plus onéreux pour le trésor royal?

«

Tel fonds d'amortissement détourné de sa situation première devra-t-il

(1) Voici cet art. 109: Les sommes acquises par la caisse au moyen, 1o des sommes affectées à sa dotation; 2° des arrérages desdites sommes seront immobilières et ne pourront dans aucun cas être vendues ni mises en circulation à peine de faux...

Lesdites rentes seront annulées aux époques et pour les quotités qui seront déterminées par une loi.

immédiatement agir sur une autre division de la dette en concurrence avec son fonds d'amortissement propre, ou son action pourra-t-elle être discrétionDairement suspendue pour secourir plus efficacement ensuite par sa masse accrue l'effet public dont le cours serait le plus déprimé?

- Enfin l'amortissement devra-t-il régler ses préférences en raison de l'importance du capital qu'il rachèterait, ou de l'intérêt qu'il éteindrait ?...

« La loi du 28 avril 1816 a résola toutes les questions qui appartenaient an système qu'elle avait fondé... Elle règle tous les devoirs de l'amortissement; elle lui refuse tout libre arbitre, parce qu'au milieu des débats qu'il traverse l'impossibilité de ses actes peut seule en garantir la régularité et la direction morale...

« Nous désirons donc, dit en terminant le noble président, que la loi qui pourra intervenir n'accorde pas à l'amortissement plus d'indépendance que ne lui en avait donné la loi qui le régit encore; car, dans l'intérêt du crédit, dans celui des créanciers réels de la dette publique, dans celui même de la dignité du gouvernement du Roi, que nous déposons ici ce vœu qui sera sans doute appuyé par les ministres de S. M. »

Nous avons donné un extrait étendu de ce rapport, parce qu'il jette déjà de grandes lumières sur le sujet à discuter, sur la question, et parce qu'il a servi de base à plusieurs amendemens dont il fait clairement comprendre les motifs... On nous permettra de passer plus rapidement sur une discussion dont plusieurs points essentiels (l'avantage de la baisse de l'intérêt des capitaux, de la diversité des effets publics, etc. etc.) ont été suffisamment développés dans la discussion de l'année dernière, à laquelle il faut se reporter pour suppléer à ce qu'on ne pourrait que répéter dans celle-ci.

(17 mars.) M. Boucher qui l'ouvrit s'attacha à démontrer que le projet de loi nouveau était plus désastreux que celui de l'année dernière, qui, au moins ne permettait pas aux rentiers la moindre hésitation, tandis que, d'après la loi proposée, les rentiers seraient victimes de la plus cruelle déception. « L'amortissement, disait-il, est désormais refusé à ces malheureux cinq pour cent tombés dans la disgrace et pour ainsi dire proscrits. Les rentiers seront à la discrétion de ces banquiers cosmopolites qui se promènent sur toutes les places de l'Europe, et qui, semblables aux banquiers des maisons de jeu, s'enrichissent en fournissant les cartes, et soufflent une partie de cette fureur qui a gagné toutes les classes de la société, et détourné les capitaux de leur véritable destination.

[ocr errors]

M. de Rouge, inscrit en faveur du projet, le défendit sur le principe de la légalité du remboursement, sur la nécessité de réduire

l'intérêt de l'argent, et enfin comme utile, non pas seulement aux émigrés, mais à toutes les classes de la population.

M. Bourdeau, ensuite appelé à la tribune, compare d'abord le projet rejeté l'année dernière avec celui qui se présente.

[ocr errors]

Le système de 1824 était clair, simple, franc et intelligible dans ses désastreux effets; celui de 1825 est composé, tortueux, et moins compréhensible dans ses résultats plus pernicieux peut-être; son mécanisme compliqué tend, sons quelques apparences flatteuses, à exercer une violence morale sur la conversion de la rente; il contraint les porteurs à échanger leurs titres, ponr entrer en concurrence dans la tèrre promise aux traitans et aux agioteurs.

Quant à ce que le ministre avait dit de la décroissance de l'intérêt des capitaux pour justifier la conversion et la réduction proposées, M. Bourdeau nie que les négociations du trésor, de la banque et du commerce soient une raison solide pour apprécier le taux réel et sérieux de l'intérêt.

Mais, nous dira-t-on, la rente elle-même, soutenue depuis un an audessus du pair, et tendant à s'élever davantage, ne démontre-t-elle pas la soumission des capitaux à un taux inférieur, et conséquemment la baisse de l'intérêt ?

[ocr errors]

Non, Messieurs, ce qui s'est passé à la bourse depuis le projet de 1824 jusqu'à ce jour ne prouve rien, car presque tout y a été le résultat de la position forcée des traitans. Tout le monde a su qu'avant le premier projet, les compagnies financiéres avaient chauffé le cours de la bourse afin de justifier la conversion et la réduction arrangées par le ministère. Personne n'a ignoré que ces compagnies, agissant comme si le succès de la loi eût été garanti, accaparèrent la rente qui se montrait au marché, et qu'au rejet de cette loi, leur fardeau était trop lourd pour le supporter long-temps sans secours. On sait maintenant par quels moyens et par quelles immenses ressources livrées à une seule personne l'agiotage de nos fonds publics a été servi... »

Après avoir démontré par une suite de calculs que la réduction d'un cinquième d'intérêt, par le ede de conversion, grève le trésor d'un capital accru d'un milliard, ou au moins de 6 à 900 millions par suite du rachat, M. Bourdeau passe à la nature même de l'opération, qu'il regarde comme attentatoire à la fois aux droits acquis, et comme ruineuse pour le trésor.

Elle est attentatoire aux droits acquis, dit-il, parce que l'amortissement a été créé et organisé pour la dette primitive à 5 pour cent; parce que le prêteur n'a livré ses capitaux qu'à cette condition; parce que, contractant sur la foi publique et sur les garanties de la loi, les créanciers de l'état out dù compter sur leur gage. Il y a évidemment abus et surprise à les placer maintenant dans une alternative qui dénature la convention originaire. Le seul

« PreviousContinue »