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saisit cette occasion de justifier l'administration dont il avait fait partie, sur les mesures de finances que la nécessité des temps l'avaient forcé de prendre. M. Roy lui-même donna de nouvelles explications sur son système. D'un autre côté, le comte de Vaublanc et ensuite le ministre des finances répliquèrent aux nouvelles objections, et après des débats qui durèrent deux séances, l'amendement, soumis à l'épreuve du scrutin, fut rejeté à la majorité de de 127 voix sur 230 votans; il s'y trouvait trois bulletins nuls.

(18 avril.) D'autres débats s'élevèrent sur les mots due par l'état, introduits dans l'art. 1er; le premier par la chambre des députés, les deux autres par la commission de la chambre des pairs. On proposait de les retrancher parce qu'ils établissaient le principe d'une obligation rigoureuse, ce qui renversait le premier système du projet annoncé d'abord comme une loi politique (le marquis de Pange, le comte de Ségur, etc.); mais la rédaction nouvelle, défendue par le ministre des finances, par M. de Martignac, par M. le marquis de Lally-Tollendal et par plusieurs autres pairs, fut adoptée.

(19, 20 avril.) De tous les autres amendemens proposés, nul n'excita plus d'intérêt et ne subit une discussion plus approfondie que l'art. 7, sur le droit des héritiers et des légataires. Ici s'élevèrent les questions de droit civil les plus importantes, sur les difficultés qui surviendraient par la variation des lois sur les successions, sur l'interprétation qu'il fallait donner à la volonté des testateurs qui n'avaient pu prévoir avant la restauration l'acte de justice et de réparation, et sur le danger de morceler les propriétés, de dépouiller des familles. Bien des orateurs étaient d'avis de borner le droit des héritiers à un certain degré et de rejeter les testamens où n'aurait pas été conçue la clause expresse des droits éventuels. Enfin la Chambre, éclairée par les discours les plus lumineux sur cette matière (MM. Lainé, Portalis, etc.), se décida à laisser la question dans le droit commun et l'article tel qu'il était rédigé par la commission...

L'art. 22 excita encore les réclamations de plusieurs pairs (M. le duc de Choiseul, le comte Cornudet), et fut adopté au scrutin, à la majorité de 131 voix contre 94.

rait d'affaiblir l'amortissement, précisément aux époques où des émissions de rentes la rendront plus nécessaire, et de le réduire de 77 millions qu'il possède, à 58 millions qui lui resteraient à la fin de l'émission, au moment même où nos rentes en circulation auraient été accrues de la totalité de 30 millions créés pour l'indemnité.

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Cependant, quel intérêt pourrait dicter une semblable mesure? Serait-ce celui des contribuables, qu'on aurait ainsi déchargés de toute participation directe au paiement de l'indemnité? Mais on s'abuserait étrangement. Les contribuables, comme les rentiers actuels, comme les indemnisés, ont tout à gagner à la conservation du crédit de l'état, tout à perdre à son affaiblissement. Ils seraient appelés à payer des contributions extraordinaires, que des circonstances extraordinaires nécessiteraient, si la ressource du crédit nous était enlevée. Ils supporteraient la perte des emprunts onéreux, et la dépréciation de nos rentes forcerait à négocier à bas prix. Il nous a paru qu'en considérant ainsi sous ses rapports vrais le moyen simple, mais destructeur, que je viens d'examiner, il était impossible de l'admettre.

« Faire supporter aux fonds généraux de l'état la totalité du service des intérêts de rentes que nous devons créer, en laissant la caisse d'amortissement s'accroître par les achats journaliers, et donner ainsi à notre crédit un développement qui ne serait fondé que sur la disproportion de l'amortissement avec la dette, nous a paru un moyen qui devait être aussi écarté, comme sacrifiant trop à l'avenir éventuel et éloigné l'intérêt pressant et réel des contribuables.

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Nous avons été conduits par ces considérations à une combinaison miste qui appellerait les fonds généraux à supporter une partie des intérêts à servir par l'émission de nouvelles rentes, et laisserait à la caisse d'amortissement la charge de pourvoir au service de l'autre partie des intérêts, et le moyen de racheter chaque année la moitié des rentes affectées à l'indemnité. Cette combinaison nous a paru mériter d'être préférée. »

Ici le ministre exposait et justifiait les dispositions du projet telles qu'on les retrouvera dans le texte de la loi, où il ne fut introduit d'autre changement important que le paragraphe de l'art. 3, relatif à la concurrence et à la publicité des achats de la caisse d'a

mortissement...

L'objet avoué du gouvernement était donc de conserver à la caisse d'amortissement toutes ses ressources, c'est-à-dire les 40 millions de la dotation originaire, et les 37 millions 500 mille francs de rentes rachetées, dont elle serait en possession au 22 juin 1825. Avec ces moyens appliqués au rachat des 3 pour cent (car on devait interdire les rachats de rentes élevées au-dessus du pair, et on ne prévoyait pas que les 5 pour cent descendissent au-dessous), on espérait amortir ou racheter chaque année 3 millions de rentes à 3 pour cent, moitié de la somme destinée à l'indemnité par cinquième, et on se flattait que l'augmentation progressive des produits, ou

excédant des budgets, suffirait pour acquitter les 3 autres millions affectés au paiement de l'indemnité. Tel était l'objet des trois premiers articles. Le quatrième offrait aux propriétaires d'inscriptions de rentes à 5 pour cent, de les convertir en 3 au taux ( c'est-à-dire en rentes à 4 pour cent) de 75 fr. ou en 4 et demi, avec garantie contre le remboursement jusqu'au 22 septembre 1835. On supposait qu'ils seraient induits à supporter cette réduction d'intérêts par l'espérance de voir augmenter leur capital; et le gouvernement devait employer le bénéfice de cette réduction d'intérêt à réduire dès l'année 1826 les contributions directes, en proportion du soulagement éprouvé par le trésor dans le service des intérêts de la dette.

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< Telle est, dit S. Exc., le plan financier au moyen duquel nous avons pensé que vous pourriez accomplir la grande mesure politique qui doit honorer à jamais cette session, en consolidant simultanément, au lieu de l'attéuuer, le puissant levier de force et de crédit que vous offre en son état actuel la caisse d'amortissement; en rachetant, à mesure que vous les émettrez, la moitié des rentes créées pour l'indemnité; en assurant à ces valeurs, dans les mains de ceux qui auraient la confiance et la faculté de les conserver, une hausse assez probable pour atténuer la perte qu'elles éprouveraient si elles fassent restées long-temps dans un état éloigné du prix nominal pour lequel elles leurs seront données; en rendant de l'activité et du crédit par la faculté de les convertir à des valeurs parvenues à leur apogée, n'offrant plus pour leurs propriétaires que des chances de perte, et pour l'état un obstacle invincible au développement de son crédit; enfin en conciliant avec tous ces avantages celui d'offrir aux contribuables l'espoir fondé d'une diminution dans la partie de leurs charges la plus dure à supporter, parce que le paiement en est exigible à époques fixes, sans égards aux circonstances et aux événemens qui influent sur la possibilité de l'effectuer.

La loi de règlement des comptes de 1823 vous fournira les moyens de balancer par les recettes affectées toutes les dépenses de cette année qui doivent rester à la charge du trésor. L'aperçu des dépenses et des recettes de 1824 vous offrira la même balance. Votre dette flottante ne se composera que de 67 millions de l'ancien passif des caisses et des sommes dues à la France par l'Espagne. Enfin, ce budget que nous aurons à vous soumettre pour l'année 1826 présentera un excédant des recettes sur les dépenses de 12 à 15 millions, dont la prudence exigera que vous retardiez d'une année l'application an dégrèvement et à l'accroissement d'autres services publics, afin de ne rien compromettre, et de garantir, par une plus grande durée de l'accroissement de tous les produits indirects, la certitude que les contribuables peuvent être soulagés.

Telle est la situation financière de la France, tels sont ses moyens de crédit. Vous jugerez si nous avons trop présumé de ses forces en vous soumettant le plan que je viens de développer. »

Ce projet, renvoyé à l'examen d'une commission, y reçut l'ascen

timent le moins équivoque. M. Huerne de Pommeuse, chargé d'en faire le rapport (16 février), commençait par admettre comme un point de droit résolu l'année dernière le principe du remboursement facultatif au pair; et sans prétendre fixer l'indication précise d'un terme moyen pour tous les placemens en France, il n'hésitait pas à dire que généralement l'intérêt de l'argent était en France au dessous de 4 pour cent... Il observait que la rente à 5 pour cent était restée au dessus du pair, quoiqu'elle eût subi une rude épreuve par le rejet de l'ancien projet de loi... Enfin l'opinion unanime de la commission avait été que l'intérêt payé par l'état était onéreux... La réussite complète de l'opération devait procurer aux contribuables un dégrèvement de 30 millions, et ces 30 millions, laissés à l'agriculture et à l'industrie, augmenteraient la fortune publique dans une progression bien autrement rapide que celle de l'intérêt composé...

La commission ne se bornait pas à dire qu'il était juste et utile de réduire la rente; elle soutenait qu'il y avait nécessité. Elle observait d'ailleurs que la proposition primitive faite l'année dernière, améliorée sous beaucoup de rapports, ne pouvait plus donner lieu aux objections principales; que la conversion était devenue libre et facultative; que sans doute les cinq pour cent dont la réduction ne s'opérerait pas, seraient remboursés plus tard, mais à une époque indéterminée, ajournée, de sorte que les rentiers avaient un nouveau délai pour chercher ailleurs que dans nos fonds publics le placement de leurs capitaux; que l'intervention d'une compagnie financière qui avait jeté de la défaveur sur l'ancien projet était heureusement écartée; que la position des petits rentiers était adoucie par la création de titres portant 4 et demi pour cent, non remboursables avant dix ans; qu'ainsi le projet de loi satisfaisait à tous les devoirs de ménagement et de bienveillance envers les rentiers...

L'honorable rapporteur insistait sur l'avantage de faire baisser l'intérêt des capitaux, pour le bien de l'agriculture et de l'industrie. Il avait examiné la question de savoir si l'action de l'amortissement était assez puissante pour soutenir la dette dont le capital nominal allait être augmenté du milliard affecté à l'indemnité et

d'un second milliard destiné à opérer la conversion des rentes 5 pour cent en rentes à 3 pour cent; et le calcul lui avait prouvé qu'alors même que la conversion se ferait pour le montant des 5 pour cent qui restent à racheter, les sommes affectées aux rachats lui présenteraient encore le rapport proportionnel de 1 fr. 47 c. par 100 fr. du capital nominal de la dette, proportion bien suffisante et qui devait satisfaire complètement les créanciers de l'état : la commission examinant ensuite la question inverse de savoir si l'amortissement n'était pas excessif, était en effet portée à le croire en ne jugeant que par comparaison avec un pays voisin (l'Angleterre); mais en approfondissant la matière, son opinion s'étant modifiée, elle avait vu que la position des deux pays ne se ressemble pas; que le créditde nos voisins était à son apogée, que le nôtre avait des progrès à faire; que, dans une crise, l'augmentation des impôts chez nous ne serait pas sans danger, qu'il fallait profiter de l'état de paix pour nous ménager, pour amasser de nouvelles ressource. Ce n'était pas au moment où l'on augmentait dans une très-forte proportion le ca-pital de la dette, qu'on pouvait songer à réduire l'amortissement.

On avait dit, dans la discussion de l'année dernière, qu'il serait plus simple et plus utile d'affecter à l'indemnité 30 millions de rentes rachetées que de créer de nouvelles rentes; que le résultat final en serait le même pour les contribuables. La commission avait soumis l'objection au calcul... La dette étant d'environ 4 milliards en capital, et l'amortissement de 77 millions 500 mille francs, le rapport proportionnel est de 1 fr. 94 c. pour 100 fr., en ajoutant au capital un milliard; cette proportion le réduit à 1 fr. 55 c. Si on réduisait l'amortissement de 30 millions, le rapport proportionnel ne serait plus que de 1 fr. 18 c.; d'où il suit qu'en dépouillant l'amortissement de 30 millions, son action s'affaiblirait dans une proportion double de celle résultant de l'augmentation de la dette, ce qui pouvait affecter sensiblement l'intérêt de l'état; la mesure proposée par le gouvernement, donnant le même résultat final sans inconvéniens et sans périls, devait donc avoir la préférence.

L'honorable rapporteur parcourant toutes les dispositions du projet, les trouvait toutes justes, bien combinées dans l'intérêt des

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