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a pour principal intérêt dans la cause des Grecs, l'intérêt de l'humanité et de la religion; seule elle peut intervenir pour que la Grèce soit rendue à elle-même. Alors sentinelle avancée jusqu'au Bosphore, la Grèce défendra peut-être un jour l'ingrate Europe de l'irruption des hordes barbares; mais laissons à l'anguste héritier de saint Louis à peser les vœux publics et le destin des Grecs, dignes de sa religieuse méditation...

Ainsi, disait le noble pair, en revenant au sujet de la discussion, le marin qui combattit en guerre pour les Grecs on pour une autre puissance ne serait pas exposé à une peine plus sévère que l'officier de terre; mais s'il accepte ane commission pour la course, interdite sur terre par le droit des gens, il sera pani comme pirate, parce que sa désobéissance a pour objet un acte odieux en lui-même. »

De longs débats s'engagèrent alors sur cette question de savoir, si le fait dont il s'agit, devait être considéré et puni comme piraterie. Plusieurs pairs se joignirent à l'opinion des premiers qui l'avaient combattu, MM. le comte de Pontecoulant, le baron Monnier, le comte de Chastellux, Destutt de Tracy, le comte Molé, le baron de Montalembert, demandaient que suivant l'amendement proposé par M. de Ségur, ce fait ne fut puni que de la dégradation civique. D'autres proposaient de renvoyer l'article à l'examen de la commission. Enfin il fallut recourir au scrutin par appel nominal sur le paragraphe qui fut adopté par 81 suffrages contre 59.

D'autres difficultés s'élevèrent sur le retranchement de l'article concernant les actes de déprédation commis sur les côtes da France, sur la rédaction de l'art. 13, à l'occasion duquel M. le duc de Broglie fit observer que, des capitaines faisant la traite des noirs en infraction de la loi de 1818, pourraient trouver dans cet article un moyen d'échapper à la peine déjà trop légère infligée par cette loi. Il proposait d'y pourvoir par un amendement que M. le vicomte Lainé combattit comme inutile, mais en émettant le vœu que le gouvernement français pût présenter nécessairement à la société un moyen sûr et commun de détruire la traite des noirs. On s'arrêta surtout à l'art. 17, qui règle le mode de jugement des crimes de piraterie et de baraterie, attribué par la loi nouvelle aux tribunaux maritimes. M. le comte Lanjuinais jugeant leur existence illégale et contraire à la charte, demandait le renvoi des prévenus devant les tribunaux ordinaires. Il fut rejeté de même qu'une modification proposée par M. le comte de Montalembert, et l'ensemble de la

loi soumis à l'épreuve du scrutin réunit 130 suffrages en sa faveur, sur un nombre total de 150 votans, réduits à 149 par la nullité d'un bulletin.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Porté le 17 mars à la chambre des députés, la commission chargée de l'examiner en proposa l'adoption sans amendement (rapport du 30 mars par M. Pardessus), mais en exprimant le regret que l'autre chambre eût retranché de la loi le 3o paragraphe de l'art. 3, sur les déprédations qui pouvaient être commis par des équipages de navire sur les côtes du territoire français.

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(5 avril.) Un seul orateur (M. Benjamin Constant) s'était anpour combattre le projet de loi. Le titre 1er lui semblait dangereux; le troisième, contraire à la Charte : à ses yeux le défaut de papiers de bord ne constituait pas le délit de piraterie, ce n'était qu'une présomption. L'ordonnance de 1681 se bornait dans ce cas à la confiscation du bâtiment, sans préjuger sur le délit de piraterie...

« La piraterie est un crime contre le droit des gens, dit l'honorable membre; elle blesse également toutes les nations. Les pirates sont justiciables des tribunaux de tous les pays; mais c'est précisément pour cela qu'il n'est loisible à aucune puissance en particulier d'étendre la définition de la piraterie au-delà des bornes reconnues par les autres puissances. L'étendre au-delà de ses bornes, c'est ériger en piraterie des actes qui peuvent n'être pas considérés comme tels par les gouvernemens étrangers; c'est, par conséquent, s'arroger une juridiction sur les sujets de ces gouvernemens; c'est s'exposer à des réclamations, à des négociations diplomatiques, à des représailles; en un mot, à tout ce qui peut amener la guerre.

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Ce vice fondamental dans la conception du premier titre de la loi a entraîné ses auteurs encore plus loin. L'art. 1o accorde à tout bâtiment français contre tout bâtiment étranger, antérieurement à tout acte d'hostilité et d'agression, le droit de visite, ce droit qui, lorsqu'il s'est agi de l'établir dans les circonstances qui pouvaient le mieux l'autoriser, je veux dire l'exécrable traite des nègres, a été repoussé comme une injure et une insulte que le pavillon français ne pouvait tolérer.

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A part cette considération, le droit de visite était toujours un pouvoir arbitraire accordé à tous les capitaines de navires, car ce serait toujours au capteur à prononcer sur la validité des papiers représentés par le capté. »

L'honorable orateur trouvait dans l'art. 3 le même vice que dans le 1er; il aurait mieux aimé que dans aucun cas un Français ne pût être autorisé par le gouvernement à prendre une commission pour

armer en course. « Aurait-on voulu par hasard permettre à des Français de commander des vaisseaux armés contre les malheureux Grecs?» M. Benjamin-Constant voulait bien croire qu'il n'y avait pas eu une telle arrière-pensée dans la loi. - Arrivé au titre 11, il regrettait qu'on n'en fit point une application spéciale à la traite des nègres; et terminant par l'examen de l'art. 17, il l'attaquait, ainsi que M. le comte Lanjuinais dans l'autre Chambre comme contraire au droit commun et à la charte constitutionnelle.

Plusieurs orateurs (MM. Straforello, Basterrèche, de SaintGery et Duhamel) soutinrent le projet comme réclamé par l'intérêt le plus pressant du commerce maritime. Néanmoins M. Basterrèche le trouvait incomplet en ce qui concerne la baraterie, genre de fraude qu'il y trouvait mal défini, et contre lequel il aurait voulu des dispositions plus sévères.

La discussion générale fermée, M. le garde des sceaux prit la parole pour défendre le titre 1er des objections faites contre ses diverses dispositions. Il fit voir qu'en matière de piraterie l'armement du bâtiment armé était déjà le fait de piraterie; que les considérations qui avaient dicté la loi actuelle étaient exactement les mêmes que dans les lois anciennes ; l'on n'y avait changé que la peine : et dans certains cas on y substituait celle des travaux forcés à la mort que porte toujours la loi ancienne; et quoiqu'on eût dit : la nomenclature des faits de piraterie énoncés dans la loi, était en tout conforme à la législation maritime, et notamment à celle de l'Angleterre. Enfin, ce projet, qui dans la discussion avait occupé quatre séances dans l'autre Chambre, n'en occupa ici qu'une seule, et fut adopté dans son ensemble par une majorité de 232 voix sur 241 votans.

CHAPITRE IV.

Indemnité des émigrés, etc.

De tous les projets soumis cette année à la discussion législative, aucun n'a plus occupé l'attention publique et les deux Chambres, que celui qui avait pour objet d'accorder une indemnité aux anciens propriétaires de biens-fonds confisqués et vendus au profit de l'état en vertu des lois révolutionnaires... C'est le point dominant de la session de 1825...

Il n'y a plus de raison de le dissimuler. Les bons esprits l'avaient senti dès l'époque de la restauration : la France, rendue aux Bourbons, ne pouvait plus regarder ni traiter en ennemis ceux qui s'étaient armés ou dévoués pour leur cause. Sous quelque titre ou dénomination qu'elle fût donnée, une grande réparation leur était due.

Dès 1814, un illustre capitaine ( M. le maréchal Macdonald, duc de Tarente) avait soulevé cette question dans la chambre des pairs; mais en y mêlant d'autres d'intérêts (les dotations militaires faites par le gouvernement impérial) qui ne se sont plus reproduits. Le principe de réparation reconnu à titre de grace, même par le gouvernement impérial, l'avait été positivement par la loi de décembre 1814, quant aux biens confisqués non vendus; mais comme il n'y avait que de grandes forêts comprises dans cette catégorie, la restitution ou le bénéfice de cette loi n'avait profité qu'à de grands propriétaires. Restaient toujours les droits des autres aussi légitimes, mais moins faciles à satisfaire, et dont les malheurs de 1815 devaient retarder la réparation.

Pendant dix ans, cette question suspendue sur la France fut comme un météore menaçant, précurseur d'une guerre civile. Il semblait à l'esprit de parti que la monarchie dût emprunter à la révolution les moyens sanglans dont celle-ci s'était servie pour s'établir; que ce qu'on appelait la spoliation fût vengée, punie jusque

dans les rameaux les plus éloignés; à travers des labyrinthes inextricables, des transformations et des morcellemens opérés par trente ans de révolution... Mais enfin le tems avait affaibli des craintes et des espérances que la Charte n'avait pu faire taire, et l'opinion pu blique était déjà plus calme lorsque le dernier discours du feu Roi, aux deux Chambres (23 mars 1824), annonça le dessein de fermer les dernières plaies de la révolution.

Il était réservé à son successeur d'accomplir sa pensée généreuse et l'œuvre de la restauration... Tel fut aussi l'objet d'une des premières lois proposées, dix jours après l'ouverture de la session (le 3 janvier), par M. le ministre des finances, président du conseil.

Nous avons besoin, en entrant dans cette mémorable discussion, d'avertir le lecteur qu'il nous est impossible d'en donner les détails de manière à suppléer le Moniteur du temps, c'est toujours là qu'il faudra recourir pour en avoir une idée juste et complète. Quel que soit le talent des orateurs, toujours ramenés sur le même terrain, ils ont bientôt épuisé le plus fécond et nous ne pourrions suivre pas à pas les débats parlementaires sans fatiguer bientôt l'attention de nos lecteurs, sans sortir des limites imposées à cet ouvrage. Forcés de nous restreindre à ce que la discussion offre de neuf ou de vraiment historique, nous abrégeons les détails à mesure qu'elle fait des progrès cette une nécessité de cet ouvrage.

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On doit regretter surtout de ne pouvoir consigner ici textuellement l'exposé des motifs de la loi, fait, dans la séance du 3 janvier, par M. de Martignac, l'un des commissaires du Roi nommés pour sa défense; et celui du rapport de la commission, présenté le 11 février au nom de la commission chargée de l'examiner.

M. de Martignac commençait par rappeler les motifs de l'émigration, les malheurs des émigrés, la confiscation et le morcellement de leurs biens, l'inviolabilité des propriétés dites nationales, reconnues par la Charte.

Cependant, dit l'honorable orateur du gouvernement, ces familles, dépossédées pendant une absence aujourd'hui si hautement légitimée, dépouillées à leur retour de toute espérance de restitution, avaient à la bienveillance du Roi et à la justice du pays des droits qui ne pouvaient pas être méconnus. Leur champ, leur maison, l'héritage de leur famille, avaient été confisqués et Annuaire hist. 6 1825. pour

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