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sistait dans ceux qu'elle avait proposés, et que dans l'opinion qu'une expiation religieuse et solennelle pourrait remplacer utilement pour l'exemple une aggravation de supplice, elle adoptait en conséquence l'amendement du noble vicomte (de Bonald), qui tendait à substituer l'amende honorable à la mutilation.

(16-17-18 février.) Jamais question n'avait été traitée dans ses détails avec plus de scrupule; la discussion des amendemens sur le seul titre Ier occupa encore trois séances. D'abord s'éleva la question de savoir dans quel ordre on discuterait les amendemens: il fut convenu qu'on s'occuperait en premier lieu de ceux qui s'écarteraient le plus de la proposition originaire.

C'est à ce titre que M. le comte de Bastard fut appelé à développer le sien. Ce n'était rien moins que la suppression du titre 1o, parce que le crime y était mal défini et que les peines n'y étaient pas appliquées dans une juste mesure. Il se réduisit ensuite à y faire substituer le mot d'outrage à celui de profanation, et modifier les peines en conséquence. Il fut combattu par M. le garde des sceaux, qui, convenant que la définition du caractère religieux du sacrilége appartenait à la loi canonique, maintint que la définition de ses caractères sociaux appartenait à la loi civile; et dans le cas actuel S. G. trouvait que le mot d'outrage était trop faible pour servir à la définition du plus grand des crimes. Ce premier amendement soumis à l'épreuve du scrutin étant rejeté par 118 suffrages contre 97, M. le marquis de Bonnay proposa une rédaction nouvelle de l'art. Ier, qui fut consentie par le ministre et adoptée par la Chambre : c'est le premier de la loi.

« La profanation des vases sacrés et des hosties consacrées constitue le crime de sacrilége. » Il suffit de l'énoncer pour faire voir qu'elle donnait une définition moins vague que la première.

A l'art. 2, M. le comte de la Bourdonnaye demandait la suppression des mots commise volontairement et par haine ou mépris de la religion: on en a dit le motif. L'amendement ne fut pas appuyé. A l'art. 3 M. le comte de Tournon voulait substituer aux mots porte le viatique aux malades, ceux-ci : porte ostensiblement, il fut rejeté presque sans discussion.

Mais l'article 4 donna lieu à des débats prolongés sur l'article et les divers amendemens. Dans l'opinion de plusieurs nobles pairs, le crime de sacrilége simple, ou la profanation dégagée du vol, ne pouvait être considéré que comme un acte de démence, et à ce titre un amendement de M. le comte de Pontécoulant, modifié ensuite par M. le comte de la Villegontier, proposait d'appliquer au coupable, au lieu de la peine de mort, celle de la détention perpétuelle, proposition combattue par M. le garde des sceaux qui observa 1o, que si celui qui commet le sacrilége jouissait de sa raison, la loi qui le déclarerait atteint de démence serait une loi menteuse et qui priverait la société d'un exemple nécessaire pour prévenir le retour de semblables crimes; 2° que si au contraire l'accusé était réellement privé de sa raison, la loi serait injuste et cruelle, puisqu'elle infligerait une peine sévère à un malheureux qui ne mériterait que de la pitié, puisqu'elle déclarerait coupable un être incapable de toute volonté considérations d'après lesquelles l'amendement et le sousamendement furent rejetés.

Le premier des orateurs entendu sur l'article 4 (M. le comte de Tascher), avait proposé de substituer à la peine de mort pour la profanation des vases sacrés et des hosties consacrées, la peine de la déportation. L'amendement ne fut pas appuyé. Le second (M. le marquis de Lally-Tollendal) proposait de substituer à la peine de mort celle des travaux forcés à perpétuité ou à temps, avec l'exposition publique et l'amende honorable dans le Ier cas, et l'amende honorable seulement dans le second, ou la peine de la réclusion depuis un an jusqu'à dix.

Le principe de cet amendement fut appuyé par M. le marquis de Maleville, il pensait que dans les principes de l'esprit de notre législation pénale, on ne pouvait punir de mort que le sacrilége prémédité ou accompagné de vol. Mais il fut combattu par M. le garde des sceaux, qui considérant que le sacrilége causait à la société le plus grand dommage qu'elle pût éprouver, devait être placé au premier rang de tous les crimes, et puni de la peine la plus grave.

Il s'était annoncé sur cet amendement une prévention si favorable qu'il fut soumis à l'épreuve du scrutin. Mais le résultat du

dépouillement donna sur un nombre total de 215 votans réduit à 211, par la nulltié de quatre bulletins, 110 suffrages pour le rejet de l'amendement.

Venaient ensuite ceux proposés par M. le comte de Bastard, ayant pour but de substituer à l'art. 4 du projet deux dispositions dont il présentait une rédaction nouvelle ainsi conçue :

« La profanation des vases sacrés est punie de la peine des << travaux forcés à temps. »

« La profanation des hosties consacrées est punie de la peine des << travaux forcés à perpétuité. »

M. le vicomte de Chateaubriand, qui se présenta pour soutenir l'amendement, observait d'abord que de deux amendemens capitaux sur lesquels on avait statué jusqu'à présent, l'un n'avait été rejeté qu'à la majorité de 19 voix, l'autre à une majorité de 9 voix seulement, d'où l'on pouvait conclure qu'une moitié, ou à peu près, de la Chambre, désirait le retranchement du titre Ier : on pouvait donc le supprimer sans inconvénient. Au moyen de cette suppression il devenait inutile d'examiner si c'est à la loi religieuse ou à la loi civile, à définir le sacrilége, et à quels faits cette qualification peut s'étendre. On n'aurait pu alors reprocher au projet, ni d'être une loi d'exception, ni d'être en contradiction avec nos institutions publiques et avec nos mœurs, la Chambre n'eût pas eu à revenir sur le vote émis par elle l'année dernière. En examinant les articles qui venaient d'être adoptés, le noble pair ne croyait pas qu'un jury pût jamais se décider à résoudre affirmativement la question intentionnelle avec les trois circonstances énoncées.

«

Qu'est-ce donc que ce titre Io da projet de loi, et l'article particulier que j'examine? ajoute le noble orateur. C'est, dit-on, une profession de foi en faveur des dogmes fondamentaux de notre religion; c'est une déclaration qui fait entrer la religion dans la loi, et en vertu de laquelle la loi française cesse enfin d'être athée.

Que l'on rédige une profession de foi catholique, apostolique et romaine, et je suis prêt à la signer de mon sang; mais je ne sais pas ce que c'est qu'une profession de foi dans une loi; profession qui n'est exprimée que par la supposition d'un crime détestable, et l'institution d'un supplice.

Veut-on que ce titre Ir ne soit qu'un épouvantail placé dans le champ public? L'impiété s'en écartera sans doute d'abord avec terreur; mais bientôt s'apercevant qu'il n'a aucun mouvement, qu'il est privé de tout principe de vie, qu'il ne peut jamais tenir ce qu'il promet, la mort, elle viendra l'insulter; et l'im

panité étant de fait assurée au sacrilége, il sortira de votre loi même, au lieu d'être réprimé par elle.

Les trois conditions de la haine, du mépris et de la publicité font que la loi ne pourra jamais joindre le crime: elles ressemblent à ces clauses de nullité que l'on insère dans les contrats de mariage en Pologne, afin de laisser aux parties contractantes la faculté de divorcer. Ces conditions sont une protestation véritable contre la loi, que vous écrivez en tête de cette même loi.

⚫ Cela est-il digne de vous, Messieurs? digne de la gravité et de la sincérité du législateur?

La loi est utile, ou elle ne l'est pas. Si elle est utile, qu'elle soit franche et qu'elle ne détruise pas le droit par le fait.

« Si elle est inntile ayons le courage d'en convenir, et repoussons-la. » .

Enfin l'illustre auteur du Génie du Christianisme, rappelant qu'il avait défendu la religion chrétienne à une époque où elle trouvait peu de défenseurs, observait qu'il devait son succès surtout au caractère de l'apologie, que la religion qu'il avait présentée à la vénération des hommes était une religion qui aime mieux pardonner que de punir, qui devait ses victoires à ses miséricordes et qui n'avait besoin d'échafaud que pour ses martyrs, et il déclarait que si le projet n'était pas amendé, il lui serait impossible de voter une loi qui blessait son humanité sans mettre à l'abri sa religion.

On allait mettre l'amendement aux voix, lorsque M. le garde des sceaux crut devoir faire quelques observations sur le discours qu'on venait d'entendre. Au fond la question tout entière lui paraissait être la même que celle qui avait été décidée hier, dans le maintien ou la suppression de la peine de mort. Adopter aujourd'hui l'amendement proposé, c'était en réalité revenir sur une décision déjà prise; assertion contredite par M. le comte Molé.

Enfin le vote par scrutin ayant été réclamé, on y procéda aux termes du règlement. Le résultat du dépouillement donna sur nn nombre de 216 votans réduits à 212 par la nullité de quatre bulletins, 108 suffrages pour le rejet et 104 pour l'adoption de l'amendement; victoire faible et douteuse s'il faut admettre comme l'a dit un journal du temps, que cinq pairs de l'opposition ne soient arrivés dans la salle qu'au moment où le scrutin venait d'être fermé.

Il ne restait plus que les amendemens proposés par la commission et celui de M. le vicomte de Bonald sur la substitution de l'amende

honorable à la mutilation, que la commission avait adoptée dans une rédaction nouvelle, approuvée par le noble auteur de la proposition. Ces amendemens donnèrent lieu à quelques observations de M. le comte Portalis sur la nécessité de la circonstance de la publicité, et de M. le baron Pasquier sur l'inconvénient de l'amende honorable, surtout si l'auteur du sacrilége était un protestant. La Chambre adopta sans s'y arrêter les articles 4, 5 et 6, avec quelques changemens de rédaction demandés par M. le garde des sceaux.

Le titre Ier adopté, les autres n'offraient que le projet adopté l'année dernière, sauf le changement des numéros dans les articles, et la séparation du titre IV pour l'application à en faire aux crimes et délits commis dans les édifices consacrés aux cultes légalement établis en France; séparation réclamée si vivement l'année dernière par tous les pairs ecclésiastiques. Ces trois titres comprenant onze articles furent adoptés avec quelques modifications trop peu importantes pour nous y arrêter. Enfin le projet de loi voté dans son ensemble du scrutin secret, dont voici le résultat sur un nombre total de 223 votans réduits à 219 par la nullité de quatre bulletins, il se trouva 127 suffrages en faveur du projet et 92 bulletins négatifs.

Le lecteur a déjà remarqué qu'à tous les scrutins secrets sur les articles de la loi, il s'était trouvé quatre bulletins nuls; on en a conclu que c'étaient ceux de quatre pairs ecclésiastiques. La déclaration que M. l'archevêque de Paris avait faite l'année dernière (Voy. Ann., pour 1824, p. 118.), semblait en effet autoriser cette conjecture. Aucun des prélats n'avait alors pris part l'année dernière au scrutin de cette année. Mais sur cette observation de M. le comte de la Villegontier, dans la séance du 17 février, M. le cardinal de Lafare avait fait la déclaration suivante à recueillir pour l'histoire : « Que les pairs ecclésiastiques qui ont l'honneur de siéger dans la Chambre ont reconnu, après le plus mûr examen et toutes « les vérifications nécessaires, que si leur ministère et le vœu de l'église leur interdisent de voter lorsqu'il s'agit de l'application

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« des lois pénales, rien ne peut ni ne doit les empêcher de concourir, « comme membres du corps législatif, à la formation des lois sans

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