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Nous passons sur une foule d'événemens, entr'autres sur une révolte qui éclata dans la ville de San Juan, au mois de juin, qui ne fut apaisée qu'après plus de trois mois, et sur les projets de colonisation que le gouvernement de Buenos-Ayres se proposait de faire dans la Patagonie, pour arriver à l'objet le plus important, c'est à dire à la querelle des provinces de la rive orientale, aux résolutions qui ont suivi la déclaration d'indépendance faite par la province orientale, et du désir qu'elle avait d'être réunie à la confédération de la Plata.

La déclaration envoyée au congrès général constituant ayant été communiquée à toutes les provinces de la fédération, et acceptée par elles, le congrès décréta dans sa séance du 25 octobre qu'il reconnaissait, au nom du peuple qu'il représentait, ladite province orientale comme étant incorporée de fait avec la république des provinces-unies de Rio de la Plata.

Ce décret fut reçu à Buenos-Ayres aux grandes acclamations du peuple, qui se porta sous les fenêtres du consul brésilien et lui prodigua tant d'injures qu'il se crut forcé, pour sa sûreté, de se retirer à Montevideo. Le ministre des affaires étrangères (D. Manuel Jose Garcia) adressa une note à celui de l'empire du Brésil pour lui notifier la résolution que le congrès venait de prendre, ajoutant a que le gouvernement, tenu de pourvoir à la défense et à la sécurité de la province orientale, remplirait cette obligation par tous les moyens qui sont en son pouvoir, et accélérerait par là l'évacuation des deux places que les troupes de S. M. I. retenaient encore. »

Dans l'état des choses et dans l'irritation des partis, cette note était une véritable déclaration de guerre. Nous allons voir comment la cour impériale y répondit.

BRÉSIL.

Une fermentation sourde agitait presque toutes les provinces du Brésil; le renvoi de l'assemblée législative, la sédition mal étouffée de Fernambouc, et les troubles de Baïa, laissaient des inquiétudes au gouvernement: mais en poursuivant avec sévérité les instiga

teurs des derniers troubles, il portait des réformes utiles dans l'administration des provinces; l'armée, fort affaiblie par la retraite des Portugais, se recrutait par des Allemands attirés au Brésil comme des colons; la culture encouragée faisait des progrès sensibles; l'instruction se répandait dans toutes les classes; Rio-Janeiro offrait le luxe, les plaisirs et les arts d'une capitale européenne; mais au milieu des progrès évidens de la civilisation il se manifestait néaumoins un malaise général. Quoique l'empire nouveau fût de même origine que les républiques ses voisines, il ne voyait leurs succès qu'avec crainte, et elles observaient sa politique et sa conduite avec défiance. Les manœuvres employées pour réunir la province cisplatane à l'empire, et les tentatives faites à plusieurs reprises pour attirer le dictateur du Paraguay dans ses intérêts, faisaient redouter des vues ambitieuses. Mais ce n'était pas seulement sous le rapport de ses projets d'agrandissement que le Brésil portai: ombrage à ses voisins. Ils regardaient le cabinet de Rio-Janeiro comme un point d'appui où la Sainte-Alliance disposait ses leviers pour ébranler et détruire les républiques américaines... L'invasion de la province de Chiquitos avait été regardée comme un acte d'hostilité... Peu de temps après (2 mai), une assemblée des conseils généraux de trois villes de la province de Saint-Paul (Pindamunha, Tambate et Saint-Louis da Praytinga), arrêta de faire une adresse à l'Empereur pour le supplier d'abolir la constitution, et de prendre l'autorité absolue. Cette requête envoyée à Rio-Janeiro, l'Empereur y fit répondre par le ministre de l'intérieur que, bien que la demande de substituer le gouvernement absolu au gouvernement constitutionnel eût sa source dans la confiance que S. M. inspirait à son peuple, elle ne pouvait l'approuver; que S. M. était résolue d'observer et de faire observer la constitution qu'elle et ses peuples avaient jurée; que ce n'était qu'avec cette constitution qu'elle voulait les gouverner et travailler au bien-être de ses sujets, et conduire l'empire au degré de bonheur, de prospérité et de puissance qu'il pouvait atteindre..."

Il était enjoint aux chefs de la province de donner à cette décision souveraine la plus grande publicité; mais soit que ce ne fût pas

assez pour dissiper les défiances répandues à ce sujet, soit que le premier magistrat de Tambate (M. Manuel da Cunha de Azevedo ) eût fait de nouvelles tentatives pour rétablir l'absolutisme, il fut suspendu de ses fonctions et mandé à Rio-Janeiro pour y rendre compte de sa conduite.

Cette affaire et l'invasion de Chiquitos, également désavouée trois mois après qu'elle avait été opérée, entretenaient dans les esprits une inquiétude qui fut encore augmentée par les nouvelles de Monte-Video; il était urgent d'envoyer des secours. On regrettait alors l'absence de lord Cochrane, premier amiral, qui venait de retourner en Angleterre sur la frégate la Pirauga, sans qu'on sût si ce départ était l'effet d'une disgrâce ou d'une retraite volontaire; mais l'empereur opposant à toutes les difficultés une résolution ferme, fit armer, au moyen d'une presse rigoureuse, les bâtimens de guerre qui se trouvaient à Rio-Janeiro, embarquer les troupes disponibles, et chargea l'amiral Lobo de demander au gouvernement de BuenosAyres des éclaircissemens et des satisfactions sur la part qu'il avait prise à cette insurrection. Nous venons de dire le résultat de cette expédition.

L'attention générale était occupée de ces événemens lorsque sir Charles Stuart, plénipotentiaire du roi de Portugal, pour traiter de la reconnaissance du Brésil comme état indépendant, arriva de Lisbonne sur le vaisseau de guerre le Wellesley (17 juillet), et débarqua le lendemain sans déployer de caractère public. L'empereur se trouvant comme par hasard sur son passage, s'arrêta un moment pour le féliciter sur son arrivée, et lui indiqua immédiatement une audience particulière pour le lendemain, Il y a lieu de croire que les bases du traité furent posées dans cette conférence. S. M. nomma pour plénipotentiaires Léon-Joseph de Carvalho é Mello, ministre des affaires étrangères; Villela Barbosa, ministre de la justice, et le baron de Santo Amaro, conseiller d'état. Suivant les bruits qui ont couru sur ces conférences, et qui ne seraient pas dans l'esprit actuel de la politique anglaise, le plénipotentiaire portugais ne voulait d'abord donner à don Pedro que le titre d'Empereur régent, en sorte que la situation relative des deux pays cût

été la même qu'après le départ de Jeau VI; ensuite il demandait que le Brésil payât à la métropole 2 millions de liv. sterl. (50 millions de francs), comme indemnité ou prix de l'indépendance qu'on lui accordait. Mais à la fin, après un mois de débats diplomatiques, le traité fut signé le 29 août, tel que nous le rapportons (Voy. l'Appen dice, p. 123); et malgré les précautions prises, malgré les sacrifices faits de part et d'autre, on a vu qu'il ne satisfit encore ni toutes les prétentions, ni toutes les inquiétudes. Le silence gardé sur le cas éventuel de la succession au trône de Portugal explique suffisamment celles-ci.

Quoi qu'il en soit, le traité du 29 août fut accepté des deux côtés comme un procès gagné. Le cabinet de Rio-Janeiro nomma sans délai des ministres près de tous les états d'Europe où il n'avait que des agens sans caractère officiel : et il prit un rang que sa position politique et géographique devait rendre important.

D'après le service que sir Charles Stuart venait de rendre au nouvel empire, on ne doutait pas qu'il ne jouît d'un grand crédit sur le cabinet; on a lieu de penser qu'il a contribué à faire désavouer l'occupation de Chiquitos, qui eût entraîné une invasion immédiate de l'armée colombo-péruvienne dans les provinces du Brésil, et qu'il fit tous ses efforts pour concilier les différens qui existaient avec le gouvernement de Buenos-Ayres; mais ici le talent du diplomate anglais échoua contre les vues de l'ambition.

D'ailleurs, quelque intérêt que l'Angleterre pût mettre à pacifier les querelles qui s'élevaient entre les états du Nouveau-Monde, il est naturel de penser que son ministre avait encore plus à cœur de mettre les circonstances à profit pour assurer au commerce anglais tous les avantages qu'il pourrait obtenir au Brésil... Le ministre des affaires étrangères donna dans ce temps-là sa démission, et l'on prétendit qu'elle avait été motivée, à la suite de quelques altercations, par la répugnance qu'il montrait à souscrire aux exigences du ministre anglais. Le vicomte de Santo Amaro, qui prit alors le portefeuille, se montra moins difficile, et le traité fut signé entre les deux parties le 10 octobre, ainsi qu'un second relatif à l'abolition de la traite des nègres.

Le premier reconnaissait d'abord l'indépendance du Brésil et la dignité impériale dans la personne de don Pedro Ier, ses héritiers et successeurs. Il consacrait en principe la liberté réciproque de commerce et de navigation entre les deux états; il accordait la liberté de conscience en matières religieuses; il mettait les deux parties sur le pied des nations les plus favorisées, etc.

Le second, relatif à l'abolition de la traite des nègres, portait que, quatre ans après la ratification du traité, la traite ne serait plus permise aux sujets brésiliens, et indiquait les pays où elle pourrait être faite pendant ces quatre années, etc.

On sait que ces traités ayant été envoyés en Angleterre, le ministre (G. Canning) s'est plaint de ce qu'ils avaient été publiés avant d'avoir été ratifiés, et a déclaré que « S. M. B. avait été conseillée de ne point les ratifier dans leurs formes actuelles et sans des changemens très-importans. >>

Sorti de ses démêlés avec le Portugal, l'Empereur reprit ceux qu'il avait avec le gouvernement de Buenos-Ayres. Il venait d'être invité par Bolivar à ne point rester étranger à la réunion solennelle qui devait, disait le libérateur, assurer à jamais l'indépendance de l'Amérique et resserrer les liens d'amitié entre les nouveaux états. Cette proposition, portée devant le conseil de Rio-Janeiro, fut acceptée; il fut décidé qu'on enverrait un député au congrès de Panama, mais seulement comme spectateur, ainsi que ceux des États-Unis du Nord.

Quant à la querelle avec Buenos-Ayres, rien ne paraissait devoir la concilier. L'Empereur préparait une nouvelle expédition pour la province cisplatane, à laquelle il tenait autant qu'à sa capitale. Il avait ordonné par un décret précédent que toutes les formalités qui garantissent la liberté individuelle y seraient provisoirement suspendues, et institué une commission spéciale pour juger selon toute la rigueur des lois militaires ceux qui ne rentreraient pas dans leur devoir. Ces rigueurs ne produisirent aucun effet dans les provinces insurgées, et excitèrent du mécontentement dans toutes les autres.

Enfin, l'acte que le congrès constituant réuni à Buenos-Ayres veInait de faire publier, par lequel il déclarait la province de la rive

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