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produit des manufactures 'de poudre et d'autres moins importans. Le ministre proposait aussi de faire passer à Londres, avec la plus grande ponctualité, les sommes qui, d'après les contrats d'emprunts, doivent être appliquées à l'extinction graduelle de la dette, et au paiement des intérêts, en consacrant le surplus de la caisse d'amortissement à l'achat des bons du gouvernement.

Ce projet reçut l'approbation du conseil suprême; mais on ne voit pas qu'il ait eu cette année des résultats favorables ni au crédit de l'état, ni à celui de Colombie, qui attendait en vain le remboursement de ses avances.

Des événemens plus dignes d'attention se passaient alors dans les provinces du haut Pérou, qui sans doute avaient déterminé le voyage de Bolivar.

Malgré l'assurance et la forfanterie de ses proclamations, Olaneta qui semblait, avec les débris de l'armée espagnole dispersés dans ces provinces, devoir renverser les trophées d'Ayacucho, s'était successivement retiré devant les divisions mises à sa poursuite, de Potosi jusque dans la province de Salta. Il était près d'une petite ville nommée Tumusla, avec une troupe de 7 à 800 hommes, lorsqu'il y fut joint et attaqué, le 2 avril, par un détachement de l'armée péruvienne qui n'était, dit son commandant (le général Urdimenca), que de 300 hommes. Malgré leur infériorité en nombre, ceux-ci n'hésitèrent pas à commencer l'attaque par une fusillade où le général Olaneta tomba l'un des premiers, blessé mortellement. Cet accident découragea les siens, qui prirent la fuite en laissant au pouvoir du vainqueur 200 prisonniers et tous les bagages du général.

Après cette petite action, la seule de cette campagne, la puissance espagnole tomba comme en lambeaux dans ces provinces; il arriva de tous les districts aux quartiers de l'armée colombo-péruvienne, des officiers et des détachemens avec leurs armes et leurs drapeaux. Un seul des commandans espagnols dans la province de Chiquitos (D. Sebastien Ramos), refusant de se ranger sous l'étendart de l'indépendance, préféra recourir à la protection du Brésil, et fit proposer par un aide-de-camp au gouverneur de Mato-Grosso de

joindre la province de Chiquitos à l'empire du Brésil. Ce gouverneur (Manuel Jose Aranjo y Silva), acceptant avec empressement la proposition, y envoya sans délai un petit corps de troupes pour occuper Chiquitos, dont il prit possession, déclarant «< toute la province incorporée au grand empire du Brésil, en vertu d'une capitulation ratifiée au milieu des acclamations unanimes du peuple. » Il fit part de cet acte au général en chef de l'armée libératrice du Pérou (Don J. A. Sucre), et aux chefs militaires de Santa-Crux, de la Sierra, etc., « afin qu'ils eussent à respecter le territoire qu'il venait d'occuper.»

A cette information, donnée dans des termes fort arrogans, le général Sucre répondit que la redditión faite par le commandant Ramos était une trahison, que l'empereur du Brésil n'avait aucun droit sur cette province, et il somma le général Aranjo y Sylva de l'évacuer sans délai, faute de quoi il allait le faire attaquer, et tirer sur le territoire du Brésil vengeance de cet attentat. Ou craignait que cet acte imprudent n'attirât immédiatement la guerre entre le Brésil et l'armée libératrice : mais on sait qu'il fut désavoué par l'empereur, qui fit notifier au gouvernement de Mato Grosso sa surprise de ce qu'il avait accepté l'union de la province de Chiquitos sans ordre, et surtout de ce qu'il avait fait passer aux troupes brésiliennes la frontière de l'empire.

« L'étonnement de S. M., dit la dépêche de son ministre à ce suJet, est d'autant plus grand que, si elle eût été auparavant consultée, comme elle aurait dû l'être, elle n'eût jamais donné son consentement à une telle démarche, comme étant contraire aux sentimens généreux et libéraux qui dirigent la politique de son cabinet, ainsi qu'à l'intention où elle est de ne point intervenir dans la lutte actuelle entre les habitans de l'Amérique espagnole et leur mère-patrie, comme le prescrit le droit des gens en vigueur parmi toutes les nations civilisées.» (Note du ministre des affaires étrangères du 6 août 1825.)

Ainsi la province envahie fut évacuée, et le Brésil délivré de la crainte d'une guerre dont le résultat eùt sans doute été le renver

sement d'un empire déjà menacé d'un autre côté, et dans son sein par ses propres sujets...

L'armée libératrice était arrivée au terme de ses exploits; tout l'empire des incas était soumis à ses armes, et parmi les étendarts appartenant aux régimens espagnols qui pendant quatorze ans avaient combattu l'indépendance du Pérou, il s'en trouvait un avec lequel Pizarre était entré il y a trois cents ans dans la capitale d'Ataliba...

Il s'agissait maintenant d'organiser le gouvernement de ces vastes provinces, et cette organisation n'était peut-être pas moins difficile que la conquête; elles dépendaient de l'ancienne vice-royauté de Buenos-Ayres (1); elles avaient même fait partie, au moins nomminalement, de la première fédération de Rio de la Plata; le congrès de Buenos-Ayres les réclamait comme lui appartenant encore; mais le droit de la conquête et le nom même sous lequel on les désignait (haut Pérou), semblait les destiner à la république péruvienne. Bolivar, dont l'épée pouvait trancher la difficulté, aima mieux remettre aux peuples lé droit de décider de leur sort. Il ordonna que les provinces du haut Pérou se réuniraient en assemblée générale afin d'y exprimer librement leurs vœux par rapport à leurs intérêts et à leur gouvernement, mais que les délibérations de cette assemblée ne seraient point sanctionnées avant l'installation du nouveau congrès du Pérou, qui s'assemblerait l'année prochaine, et qu'en attendant les provinces du haut Pérou resteraient sous l'administration du grand maréchal d'Ayacucho (D. J. A. Sucre), général en chef de l'armée libératrice, et ne reconnaîtraient point d'autre autorité avant l'installation du nouveau congrès, que celle du gouvernement suprême de cette république. (Décret du 16 mai.)

En vertu de ce décret, rendu sur des résolutions antérieures, d'après celui du congrès du Pérou (23 février) et des provinces-unies

(1)Cette vice-royauté comprenait les provinces de Buenos-Ayres, le Paraguay, Cordova, Salta, Potosi, la Plata, Cochabamba, le Paz et Puno.-En 1814, et depuis la révolution on fit une autre division, et avec les provinces de Cordova, Salta, et Buenos-Ayres on forma celles de Cuyo ou Mendoza, Tucuman, Corrientes, Eutrerios et La Banda-Oriental. ( voy. Ann. hist. pour 1818, p. xlviii, 489 et 1820 p. 583, etc. etc.)

de la Plata, ou de Buenos-Ayres (9 mai), qui y donna son adhésion, les principaux habitans des provinces du haut Pérou (la Paz, Potosi, Charcas, Cochabamba et Santa - Crux), étant convoqués à Potosi en assemblée générale, déclarèrent que puisque les congrès de ces deux républiques leur avaient donné la liberté de disposer de leur sort, et de décider de ce qui leur convenait le mieux, ils choisissaient l'indépendance. (Déclaration du 6 août.) Ainsi fut formée dans l'Amérique méridionale une septième république dont la population était déjà supérieure à celle du Chili et de la confédération de la Plata. Elle prit le nom de Bolivia ou Bolivaria, pour rappeler à la postérité le nom de son libérateur, et il y fut formé un gouvernement provisoire composé de trois personnes, et présidé par le général Sucre. Un des premiers décrets de ce gouvernement annonce que les mines seront données à bail, mais que l'exploitation n'en sera pas accordée à moins de 3 millions de dollars. On assure qu'il y en avait cinq mille dans l'étendue des cinq provinces.

Dans l'état d'anarchie où les provinces du Pérou étaient depuis quinze ans, elles avaient besoin de toute l'activité du président libérateur: aussi le voit-on incessamment occupé, dans son séjour à Lima, à Arequipa, à Cusco, à Potosi, à donner des lois conformes aux nouveaux intérêts du pays; il distribue des terres; il ordonne que tous les habitans sans distinction contribuent également aux charges publiques; il améliore le sort des naturels du pays; règle leur service, et soumet au droit commun les actes passés avec eux; il supprime les titres héréditaires, entre autres ceux de Cacique; il établit l'enseignement mutuel et prend plusieurs mesures pour encourager l'agriculture, l'industrie et le commerce.

Vers l'époque où une rupture paraissait inévitable entre le Brésil et les provinces-unies de la Plata, le gouvernement de BuenosAyres envoya au libérateur une députation chargée de le féliciter, au nom du congrès constituant et de la nation argentine, des éminens services qu'il avait rendus à la cause de l'indépendance américaine, et sans doute aussi pour l'engager à prendre part à la guerre que les provinces de la Plata allaient avoir à soutenir contre le Brésil. Entre les membres de cette députation était le général

Alvear, qui s'était distingué dans le premières campagnes de la révolution, et qu'on a vu remplir les premiers emplois de la république. Ils arrivèrent le 7 octobre à Potosi, chef-lieu de la république nouvelle, où le libérateur se trouvait alors. Leur réception fut brillante : il y eut des fêtes, des repas, et des toasts en l'honneur des républiques américaines et de leurs guerriers, mais aucun résultat sur l'objet essentiel de la mission, sur la part que l'armée libératrice était invitée à prendre dans les querelles de la république argentine: Bolivar jugea que c'était une affaire à porter au congrès de Panama.

Tandis que le libérateur organisait sa nouvelle république, l'armée employée au siége de Callao poursuivait ses travaux avec plus de zèle que de succès. Le brave Rodil, seul désormais à défendre la puissance espagnole sur le continent, répondait à toutes les sommations par une résistance plus vive et plus opiniâtre. Mais enfin abandonné par l'Espagne, n'ayant reçu aucun secours depuis le départ de l'Asia, il se réduit à armer ses esclaves, manquant de munitions et de vivres, n'ayant aucune espérance de relever la cause espagnole, et voyant sa garnison exténuée, découragée, prête à s'insurger, il commençait à prêter l'oreille aux propositions qu'il avait jusque-là reçues avec tant de hauteur. On sait qu'il a enfin rendu la place par une capitulation fort honorable, conclue le 22 janvier 1826, avec le général Bartholome Salone, qui commandait le siége... Tous ceux de ses soldats qui ont voulu rester au Pérou et prendre du service ont été bien reçus. Les autres ont été transportés dans leur patrie sur une frégate anglaise (the Briton) aux frais de la république péruvienne.

On anticipe encore ici sur l'histoire de 1826 pour recueillir un fait qui termine, sur ce point, celle de l'indépendance américaine.

CHILI.

Depuis que cet état avait secoué le joug de la métropole, il n'avait pas cessé d'être en proie à des troubles qui semblaient mettre son existence en péril. On peut dire qu'il n'avait ni argent, ni lois, ni gouvernement, et cependant il existait... Le directeur suprême

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