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difficultés qu'on ne s'y était attendu. Le 26 mars il fit passser à ses troupes la rivière nommée Wabraing, sur quatre colonnes et attaqua l'ennemi qui avait pris de fortes positions sur des hauteurs, jusqu'à un mille de Mahattee. Elles furent emportées sous un seu bien nourri mais mal dirigé; les Birmans découragés de ce début évacuèrent les redoutes qu'ils avaient élevées à Kheong-Pela, et prirent d'autres positions sur une chaîne de montagnes protégées par des marais, et dont les sommets garnis de canons et élevés de trois à quatre cents pieds, offraient l'aspect d'une multitude de citadelles. Cette position, qui défendait les approches d'Arracan, était superbe, impossible à forcer si elle eût été gardée par des troupes mieux exercées : un seul défilé conduisait à la capitale et il était défendu par plusieurs pièces de canon et par trois mille hommes armés de fusils. Plus de neuf mille hommes couronnaient les hauteurs environnantes. Cependant le général Morrison résolut de les emporter de vive force; le 29 mars, au signal de l'assaut, les corps commandés s'élancèrent avec ardeur, quelques officiers et soldats parvinrent même à gravir des hauteurs presque perpendiculaires. Mais les batteries destinées à les protéger ne faisaient point d'effet; ces braves, écrasés par les pierres que l'ennemi faisait rouler sur eux, furent la plupart renversés au pied des rochers et y périrent ou furent grièvement blessés. Quelle que malheureuse que cette attaque eût été, elle avait fait découvrir le point faible ou vulnérable de l'ennemi. Le général en profita pour en préparer une autre qui commença dans la nuit du lendemain. Après des travaux et des fatigues incroyables, les artilleurs soutenus de quelques troupes légères parvinrent à placer sur une hauteur, à la droite des Birmans, une batterie de canons et d'obusiers portés par des éléphans et dirigés sur les pièces de l'ennemi qui défendaient le passage. Le brigadiergénéral Richards attaqua en même temps cette position de front, et parvint à l'enlever à la baïonnette, sans tirer un coup de fusil. Dans la matinée suivante (1er avril) une attaque générale eut lieu sur tous les ouvrages qui furent emportés en une heure avec l'audace la plus brillante.

Cette affaire glorieuse ou les Cipayes avaient rivalisé de bra

voure avec les Anglais, leur coûta beaucoup de monde; mais elle décida du sort d'Arracan. Ils y entrèrent le même jour, et la trouvèrent évacuée. La population s'était enfuie à leur approche. L'artillerie qui couvrait les hauteurs et les bagages des ennemis tombèrent au pouvoir du vainqueur. On se mit à la poursuite des Birmans, et de toute cette armée qui devait défendre Arracan, sous le général Atoun Munjee, à peine un millier d'hommes put-il gagner Ava. Une des divisions du général Morrison, sous les ordres du brigadier-général Mac-Bean et du commodore Hayes, s'empara quelque temps après de Ramree, position très-forte dans une île de la rivière d'Arracan, ainsi que de la ville et du fort de Sandowey, sans y trouver de résistance.

Ici comme du côté de Rangoon les Anglais trouvaient partout les habitations abandonnées et le pays désert. Le général Morrison faisait partout publier des proclamations pour rappeler les indigènes et surtout les agriculteurs qu'il engageait à reprendre leurs travaux, sous la protection de l'armée anglaise, et à apporter comme en temps de paix, les produits de leurs champs, attendu qu'il ne voulait faire la guerre qu'aux Birmans.

Un grand nombre d'indigènes revinrent en effet dans leurs foyers et parurent bien aises de changer la domination des Birmans contre la protection britannique.

Tandis que le général Morrison s'établissait dans la province d'Arracan, le corps du major général Campbell, s'emparait de Donabew où la brigade du général Cotton avait été battue, et qui fut prise d'assaut le 2 avril, non sans une perte considérable, après une bataille ou le général en chef des Birmans Bundoolah commandait en personne : il se replia sur Prome.

La position de cette ville n'était pas moins formidable que celles qui défendaient les approches d'Arracan. Les collines qui l'environnent avaient été fortifiées et garnies de canons jusqu'aux sommets; et d'après les rapports anglais, une garnison de dix mille soldats disciplinés aurait pu la défendre contre cent mille; mais les Birmans étaient découragés : un corps de troupes fraîches et trente pièces de canon leur arrivaient encore; ils ne l'attendirent pas, et le

brigadier général Campbell occupa le 25 avril, sans coup férir, une des plus fortes et des plus belles villes de l'empire où l'on trouvà cent et une pièces de canon.

Le prince Sarawuddy, suivant le système de défense adopté, se retira sur la capitale avec les débris de l'armée, détruisant les villages, les grains, les bateaux, et chassant devant lui la population qui se trouvait sur sa route, en sorte que l'armée anglaise ne trouvant dans le pays que peu de moyens de subsistances, était forcée de les faire venir de Rangoon par sa flottille, à 150 milles de distance...

Le général Campbell se flattait d'être avant un mois sous les murs de la capitale de l'empire; mais la saison des pluies qui commence au mois de juin et ne finit qu'au mois de novembre, suspendit bientôt les opérations militaire, et força les deux généraux qui venaient de faire leur jonction et agir de concert à prendre leurs quartiers, le général Morrison à Arracan, et le général Campbell à Prome.

Les Birmans avaient déjà fait quelques démonstrations pacifiques, et les Anglais n'étaient pas moins disposés qu'eux à mettre fin à une guerre dont les succès étaient chèrement achetés, et où les ennemis apprenaient l'art de la guerre et n'avaient qu'à gagner en la prolongeant. La nouvelle de la suspension forcée des opérations militaires jeta l'inquiétude et l'effroi dans le gouvernement général de l'Inde.

L'honorable compagnie se trouvait alors dans une crise plus dangereuse que celle de 1817. Son dernier emprunt n'était pas rempli, son papier de remise était tombé de 31 à 35. L'intérêt de l'argent déjà monté à 8 pour cent menaçait de s'élever encore, et la guerre à soutenir contre les Birmans n'était pas la seule à craindre. Un nouvel ennemi venait de se montrer au centre même de sa domination.

Le rajah de Bhurtpoore ( Muharajah Buldeosing-Buhadur ) étant venu à mourir, la compagnie ou le gouvernement général en son nom, avait nommé son fils pour lui succéder. Mais un des chefs de la tribu guerrière des Jant, Kower Durjunt-Sal, prétendant avoir

plus de droits à la succession, avait pris les armes, et, à la tête des mécontens, il s'était emparé de Bhurtpoore l'une des plus fortes places de l'Inde, dans la province d'Agra.

On parlait en même temps des mouvemens d'un autre prince du nord de l'Inde, Apha-saëb, rajah de Nagpoor, qui s'était réfugié chez le prince des Seiks conquérant de l'état de Caboul, et qui cherchait à soulever les Marattes. Jamais la domination britannique n'avait été menacée par des ennemis plus nombreux et plus guerriers. Le gouvernement, résolu de faire face à tous, s'occupait à la fois d'élever une armée contre l'usurpation de Bhurtpoore, et d'envoyer des renforts aux divisions d'Arracan et de Prome, lorsqu'il reçut de Prome l'heureuse nouvelle qu'un armistice avait été conclu le 17 septembre entre l'armée anglaise et les Birmans.

D'après cet armistice convenu pour un mois, il devait être tracé entre les deux armées une ligne de démarcation, commençant à Comma sur la rive occidentale de l'Irawaddy, et se prolongeant le long de la route qui conduit à Thongo, jusqu'à cette ville. Les deux parties s'engageaient à faire rentrer les détachemens qu'elles pourraient avoir au-delà. Le Kee Woungée (premier ministre de l'empereur des Birmans) muni de ses pleins pouvoirs, devait se réunir avec les plénipotentiaires anglais, le 2,octobre, dans un lieu situé entre les deux armées pour y conférer des moyens de rétablir la paix et les relations d'amitié entre les deux puissances. Mais l'étiquette exigeant que le premier ministre du monarque aux pieds d'or fût accompagné de cinq cents hommes armés d'armes à feu, et de cinq cents hommes armés de sabres, il avait été convenu que les négociateurs anglais pourraient se faire accompagner d'une pareille escorte.

C'est dans cet appareil de guerre que les conférences s'ouvrirent à l'époque désignée à Nembeuzick, petite ville sur l'Irawaddy, entre le Kee Woungée, un autre ministre birman (Lay-Mayn-Wom) et les commissaires anglais A. Campbell, le commodore Brisbans, le brigadier général Cotton, etc. L'empereur des Birmans envoya en même temps au quartier-général anglais, deux bateaux chargés de vivres et d'autres présens pour les généraux anglais. Les confé

rences commencèrent de part et d'autres avec un vif désir de faire la paix mais on se divisa bientôt sur les conditions. Le général anglais demandait Rangoon, Mergui, Martaban, Cheduba et toute la province d'Arracan et celles de Cachar, d'Assam, le rétablissement du rajah de Munnipoor, etc. Quatre crores (40,000,000) de roupies (environ 96,000,000 fr.), pour les frais de la guerre.

A ces propositions l'empereur des Birmans, et surtout l'impératrice qui exerçait, dit-on, sur le vieux monarque un empire absolu, résolurent de reprendre les armes, disant que jamais dans aucune de leurs guerres, pas même avee l'empereur de la Chine, les Birmans n'avaient cédé de territoire. Dès ce moment, on se prépara de part et d'autre à faire de vigoureux efforts. L'empereur des Birmans ordonna une nouvelle levée de 30 mille hommes le major-général Campell fit venir des renforts qui portèrent sa petite armée à 10,000 'hommes. Des deux côtés on se reprochait ces préparatifs comme des hostilités. Enfin malgré les efforts que fit le Kee Woungée pour parvenir à un arrangement, les ordres arrivèrent de recommencer les hostilités et les Birmans y préludérent par ravager de nouveau tout le pays autour des quartiers anglais, et par couper les communications du corps de Prome avec celui d'Arracan, qu'on ne voit plus agir dans le reste de la campagne. S'il faut en croire aux rapports anglais, seuls documens qu'on ait pour suivre les événemens de cette guerre, l'armée birmane opposée au corps du major-général Campbell était forte de 60 à 70,000 hommes, répartis en plusieurs corps, de Maloon à Thongo. Ce général appréciant justement les obstacles qu'il aurait à vaincre dans cette lutte, cherchait de son côté à se faire des alliés. Il essayait de soulever les Péguans par des proclamations, où il leur promettait l'indépendance et la protection britannique contre leurs oppresseurs. Mais il ne paraît pas qu'il en ait tiré de grands secours non plus que des Siamois qui se mettaient en mouvement de façon à n'arriver sur le champ de bataille qu'à la fin de la querelle.

Le premier mois après la rupture de l'armistice se passa en préparatifs, en courses, en actions d'avant-postes ou de corps détachés entre lesquelles il faut pourtant distinguer une malheureuse attaque

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