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alors des rebelles, mais des rebelles justifiés par la nécessité de défendre nos libertés, nos droits légitimes, notre religion et notre constitution... La plupart des Irlandais abandonnèrent les drapeaux d'un roi faible qui les abandonnait lui même. Cependant les plus déterminés tenaient encore dans une position qu'on ne pouvait lear enlever. Guillaume III, voyant son empire divisé, placé vis-à-vis d'un monarque ambitieux, à l'apogée de sa puissance (Louis XIV), jugea prudent de mettre fin à une guerre dangereuse. C'est alors qu'il fit avec les Irlandais cet arrangement appelé communément le traité de Limerick. Les Irlandais ne demandaient alors que le libre exercice de leur religion, et d'être mis sur le même pied que tout autre portion des sujets du pays. Ceci leur étant accordé, il se rendirent avec une loyauté parfaite, en vue d'une flotte française qui venait à leur secours. Le traité ne fut point attaqué dans le parlement, et le roi Guilaume put réunir tous les intérêts, toutes les forces de l'empire contre l'ambition de Louis XIV. Ce n'est point à l'heure du danger que les catholiques ont été privés de leurs droits, c'est lorsque le gouvernement était en pleine sécarité, au moment du triomphe que leurs privileges ont été foulés aux pieds et qu'on a mis en vigueur contre eux un code de lois le plus cruel, le plus injuste, le plus détestable qui ait jamais souillé les annales d'aucun pays... Ce code était affreux, mais il était calculé pour exterminer peu à peu la population catholique, en punition de sa fidélité à la foi de ses ancêtres. D'autres temps succédèrent; les lumières nouvelles firent condamner ce système tyrannique, les lois d'oppression furent successivement adoucies et même abolies... Nous accordâmes aux Irlandais quelques-uns des bienfaits auxquels ils avaient droit car ce système de conciliation que je désire doit continuer...

«

Je ne me ferai ici l'avocat d'aucune religion, encore moins de la religion catholique; je ne suis non plus l'ennemi d'aucune religion. Je respecte toute croyance qui est fondée sur une conviction franche, sur un sentiment pur et vrai, qui est professée avec un cœur sincère, et qui a pour fruits la charité, la bienveillance et les vertas. Je pense qu'il y a beaucoup de bon dans quelques institutions de l'église catholique romaine : il est vrai que, né dans l'église anglicane, je la crois la plus parfaite de toutes, mais je n'aime nulle part l'esprit du monopole. J'appartiens à une religiou qui m'apprend à faire envers autrui ce que je voudrais que les autres fissent envers moi. Je vis sous une constitution d'après laquelle ceux qui supportent des fardeaux égaux on droit aux mêmes facultés.

« Non, ceci n'est pas une question catholique : c'est bien au contraire une question protestante, car les catholiques se sont aujourd'hui placés sur le terrain des principes protestans. C'est pour cela que beaucoup de ceux qui étaient leurs ennemis sont devenus leurs plus sincères amis; ils voient que les catholiques agissent d'après les mêmes argumens que nous avons invoqués dans le temps, et qu'ils demandent leurs droits d'après le principe de la liberté religieuse et constitutionnelle... »

L'honorable baronnet, après quelques autres considérations d'un intérêt moins général, démontrait qu'en accordant aux catholiques l'égalité complète des droits politiques, il n'en résulterait toujours que l'admission d'un nombre peu considérable de pairs et de députés de cette communion. Il examinait ensuite l'opportunité d'une discussion semblable, et affirmait que presque tous les Irlandais protesAnnuaire hist. pour 1 1825.

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tans désirent l'émancipation de leurs frères catholiques, dans la persuasion où ils sont que cette mesure aura des suites avantageuses pour eux-mêmes, en assurant la paix intérieure et la prospérité du pays. Il faisait observer, sous le rapport économique, « que c'est une chose dispendieuse que d'opprimer les hommes, et que la tyrannie est un luxe de gouvernement le plus ruineux de tous. »

A la fin de son discours, sir F. Burdett rendait hommage à la conduite conciliante et à l'administration sage de lord Wellesley en Irlande; il espérait que le seul membre du cabinet (M. Peel) qui paraissait encore s'opposer dans cette Chambre à l'émancipation des catholiques, reviendrait de ses préjugés contre eux; et il terminait par faire la motion déjà énoncée que la Chambre se formât en comité général pour prendre en considération les lois existantes qui affectaient les droits des sujets catholiques de S. M., en vue de les rapporter.

M. Croker, secrétaire de l'amirauté, se levant pour appuyer la motion, annonça qu'il demanderait qu'on insérât dans le bill une clause spéciale pour doter le clergé catholique.

M. Leslie Foster qui vint ensuite, développa, dans un discours fort étendu, une opinion contraire aux catholiques. A entendre leurs

il semblait qu'ils n'eussent pour adversaires de leurs prétentions que les orangistes; mais il était de fait qu'elles alarmaient tous les protestans pour l'établissement de l'église anglicane..... Les prédications des prêtres catholiques ne tendaient qu'à exciter la haine contre celle ci... D'ailleurs on exagérait le nombre de la population catholique en Irlande. M. Leslie Foster est convaincu qu'elle n'a point augmenté depuis 1821, où la population générale avait été portée à 6,800,000 habitans; et dans l'exposé qu'il fait des différens comtés, il évalue la population catholique de l'Irlande à 4,940,000 individus, et la population protestante à 1,860,000. (Total 6,800,000.)

Dans l'ensemble de son opinion, M. Leslie Foster regardait la motion comme intempestive. Sir Francis Burdett avait dit que dans l'état présent de l'Europe il n'y avait aucun danger de céder aux demandes des catholiques; l'orateur était d'une opinion tout opposće.

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Je regarde le pape actuel, dit-il, comme un digne successeur des Innocent et des Grégoire, comme un zélateur ardent dans ses opinions et ses pratiques religieuses. On a dit que le roi de France avait un œil fixé sur l'Irlande : si cela est, ses vues sont moins politiques que religieuses. La propagation de la religion catholique romaine est, je crois, le plus important objet des princes français, ils se croient obligés d'y travailler par devoir de conscience, et non par une politique ambitieuse. Mais il suffit à cette chambre de savoir qu'on veut ramener la constitution de la société à celle du moyen âge, et secouder de pareilles tentatives, c'est abandonner le principe de notre révolution, l'utilité de l'alliance de l'église et de l'état. La question est de savoir si on maintiendra les restrictions qui font que notre gouvernement est essentiellement protestant, ou si on croit qu'il sera plus efficacement soutenu par l'admission des catholiques dans les emplois de l'état. Pour ma part, je déclare que je voterai toujours

contre cette mesure. »

On attendait avec impatience l'opinion de M. Canning, moins peut-être à cause de son talent oratoire que par rapport à sa situation politique. Quoiqu'il fût indisposé d'une attaque de goutte, il s'était fait transporter à la séance; il se leva, soutenu sur une canne, pour prendre la parole après M. Leslie Foster, et ce n'est qu'avec peine, avec une voix altérée, qu'il put se faire entendre.

« Si je viens sitôt, dit l'honorable secrétaire d'état, réclamer l'attention de la Chambre, c'est que je crains que l'état actuel de ma santé ne me permette pas de le faire lorsque les débats seront plus avancés.

« La manière dont l'honorable baronnet (sir Francis Burdett) a soutenu sa motion, me fait désirer d'éviter tout sujet de discussion, on tout ce qui pourrait mener à une conclusion violente. J'ai souvent exprimé mon opinion sur l'éman cipation des catholiques; je n'en ai pas changé, je n'en changerai pas, quello que soit d'ailleurs l'époque où l'on propose l'examen de cette question, et quel que soit le côté de la Chambre qui la réclame. L'honorable baronnet peut être certain que je ne veux dire par ces mots rien d'offensant pour son caractère personnel. Ma bonne fortune m'a dans maintes occasions donné l'assistance cordiale de l'honorable baronnet, quoique sans aucun doute, sur la majorité des questions, il ait été de ma destinée de ne pas être d'accord avec lui.

« Je puis le déclarer sans crainte d'être contredit: si l'on avait suivi mes idées et mes avis, cette mesure ne vous aurait pas été soumise aujourd'hui, car je ne crois pas l'époque actuelle la plus favorable. Mais il ne s'agit pas de cela ici.

« La question néanmonis est aujourd'hui devant nous : je saisis avec plaisir l'occasion d'exprimer ici ma conviction intime en sa faveur, et je désire d'autant plus le faire, que récemment j'ai cru de mon devoir de m'opposer à un zèle aveugle qui pouvait compromettre la question; mais, quant à la question en elle-même, mon opinion est la même, toujours la même. Je ne saurais concevoir les motifs qu'on pourrait présenter pour faire rejeter la proposition qui nous occupe. On demande seulement de prendre la mesure en considération, qu'elle soit définitivement jugée. Je comprends sans peine que toute personne appelée à se décider en faveur de la question catholique, puisse naturellement demander certaines qualifications, désirer de voir éloigner certains inconvé

Ce discours paraissait faire impression sur la chambre, quand le secrétaire d'état de l'intérieur (M. Peel) attira plus vivement encore son attention. Comme il se proposait de réfuter en même temps les argumens des autres défenseurs de l'émancipation (MM. Burdett, Canning, Plunkett), il envisageait la question sous trois rapports. Voici la substance et en quelques passages le texte de ses raisonnemens :

1o. Existe-t-il un traité formel quelconque qui assure aux Irlandais l'égalité des droits politiques? si l'on peut me montrer un semblable traité, je serai le premier à soutenir qu'il faut l'exécuter. Mais le traité de Limerick ne leur garantit que le libre exercice de leur culte ; et si des lois injustes ont blessé l'esprit de ce traité, ces lois sont abolies.

« 2o. Existe-t-il un droit naturel qui appelle les sujets de l'empire à l'égalité politique? Non, le parlement a toujours maintenu la doctrine que l'exercice des droits politiques et l'admission aux fonctions publiques dépendent des conditions que le pouvoir législatif trouve bon d'imposer, même sans qu'on puisse exiger des motifs spéciaux. C'est ainsi que le droit d'être élu membre du parlement et même le droit de voter aux élections est soumis à certaines conditions de fortune. Le droit abstrait est sacrifié à des vues de politique et d'intérêt général.

« 3o. Existe-t-il des motifs de prudence ou de politique pour rappeler les lois qui excluent les protestans de certaines places? Nous voilà sur le véritable terrain! Je vois d'abord les catholiques demander et obtenir un droit après l'autre. A chaque concession, ils disent qu'ils sont contens et qu'ils ne désirent rien au-delà; cependant ils recommencent aussitôt leurs demandes. Quel espoir pouvons-nous donc avoir de les contenter définitivement? Accordez-leur le droit d'admission égale aux fonctions politiques, ils se plaindront à chaque nomination d'un protestant, qu'on fait du droit une abstraction par le mode d'exécution.

«

Cependant les 1,800,000 protestans de l'Irlande sont supérieurs aux 4,200,000 catholiques, par leurs lumières et leur fortune. Ils possèdent les dixneuf vingtièmes des propriétés. Les catholiques regarderaient toute préférence donnée à un protestant comme une exclusion personnelle, beaucoup plus offensante qu'une exclusion de classes... Peut-on, d'ailleurs, espérer qu'un catholique discute et vote impartialement dans les cas relatifs à l'église protestante? On ne nous parle pas nettement des garanties que les catholiques donneront à l'église de l'état. On nous dit que l'esprit du catholicisme est amélioré ; mais je voudrais en voir des preuves. Certes, il n'en parait rien dans quelques publications récentes du clergé catholique irlandais; par exemple, j'ai lu dernièrement des notices superstitieuses sur de prétendus miracles (du prince de Hohenlohe), et je tiens dans mes mains un livre adressé aux prélats, dans lequel on les invite, au nom du Pape, à s'opposer aux sociétés bibliques.

La distribution des Saintes-Ecritures est comparée aux « eaux du déluge, et on invoque « le pouvoir temporel des princes » pour la réprimer. Oser appeler les gouvernemens à la suppression de la distribution des Saintes-Ecritures, quelle doctrine monstrueuse! Je n'ai aucune haine contre les catholiques, mais je crois consciencieusement que l'admission de leurs nouvelles demandes com

promettraient la constitution, et qu'elles sont incompatibles avec le bien-être du royaume. »

La chambre était déjà fatiguée de la discussion, quand M. Brougham se levant au milieu des cris de clôture, vint pourtant à bout de faire entendre un discours à la fin duquel il invitait la chambre à prévenir les suites fatales du bill contre l'association catholique, en accueillant la proposition de sir Francis Burdett, avant que le bill fùt adopté par la chambre des pairs...

En effet après quelques débats la chambre se divisa sur la motion de sir Francis Burdett, qui fut accueillie à une majorité de 13 voix, (247 contre 234). D'après cette décision qui fut reçue aux grands applaudissemens des galeries, l'auteur de la motion s'entendit avec les députés de l'association catholique (MM. O'Conell, etc.) pour rédiger le bill d'émancipation dont voici les principales dispositions:

Le projet de bill déclare que la succession protestante, l'église épiscopale d'Angleterre et d'Irlande, ainsi que l'église presbytérienne d'Écosse, sont établies d'une manière permanente et inviolable. Il rappelle les déclarations contre la transsubstantiation, l'invocation des saints et la messe, qui ne se rattachent qu'aux affaires spirituelles, que ces croyances n'affectent en aucune manière la fidélité des sujets; il déclare que les catholiques n'ont jamais refusé de prêter les sermens qu'on a exigés d'eux, excepté celui de suprématie que le bill remplace par le serment suivant :

Je promets et je jure sincèrement que je serai fidèle à S. M., actuellement régnant; que je la défendrai le plus que je pourrai contre toutes les conspirations et tentatives quelconques qui pourraient être faites contre sa personne, sa couronne ou sa dignité; que je ferai tous mes efforts pour découvrir et dévoiler à S. M., à ses héritiers et à ses successeurs, toutes les trahisons et conspirations qui pourraient être ourdies contre eux ; je promets fidèlement de conserver, soutenir et défendre de tout mon pouvoir la succession à la conronne, laquelle succession, d'après un acte qui a pour titre : Acte tendant à restreindre la couronne et à assurer les droits et les libertés des sujets, est limité à la princesse Sophie, électrice et duchesse douairière du Hanovre et les héritiers de son corps qui seront protestans; renonçant entièrement » toute obéissance ou fidélité envers toute autre personne qui réclamerait la couronne du royaume ou prétendrait y avoir des droits; et je jure que je repousse et déteste comme impie et indigne d'un chrétien le principe qu'il est légitime d'assassiner on détruire une personne quelconque, sous prétexte d'hérésie, et aussi le principe impie et indigne d'an chrétien, qu'on ne doit pas garder sa foi envers des hérétiques ou des infidèles. Je déclare, de plus, que je repousse et abjure l'o

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