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Je puis assurer que l'intention du gouvernement de S. M. est de faire exécater les lois projetées avec la plus grande impartialité et la loyauté la plus scrupuleuse. »

Quant aux divisions qu'on supposait exister dans le conseil des ministres sur la question de l'émancipation, M. Canning ne voulait ni la nier, ni entrer dans des détails à ce sujet; c'était pour chacun d'eux une affaire de conscience, et quant à la proposition faite d'aviser aux moyens de prévenir les dangers qui pourraient résulter de l'existence des associations qui avaient adopté des mesures incompatibles avec les lois et la constitution, il paraît que la chambre ne pouvait s'y refuser, à moins de reconnaître, à l'exemple de M. Brougham, l'association catholique comme un corps nécessaire, investie de toute l'autorité en Irlande, et exerçant sans obstacle tous les pouvoirs d'un gouvernement solide et incontent.

Après quelques plaisanteries sur ce que M. Brougham avait réclamé pour lui et ses amis l'honneur d'avoir devancé le ministère dans le système qu'il avait enfin adopté pour l'extension du commerce, M. Canning expliquait la conduite de l'administration relativement à la reconnaissance des états américains qui s'étaient séparés de leur métropole.

Ici, dit-il en substance, nous avons dû consulter nos propres intérêts, et prendre garde d'offenser justement les autres puissances. On n'aurait pu, avant ce temps, prendre les mesures que nous avons adoptées. Depuis long-temps, il est vrai, il n'y avait plus un seul soldat espagnol sur le territoire de BuenosAyres, et cet état avait rempli cette première condition nécessaire pour être reconnu indépendant par une puissance étrangère; son sol était libre. Mais mon honorable et savant ami, Sir J. Makintosh, sait qu'il n'y a pas long-temps en. core, la vaste étendue de terrain généralement appelée Buenos-Ayres, consistait en treize ou quatorze états, qui n'étaient liés entre eux par aucun lien fédératif. Quelle absurdité n'aurait-ce pas été de conclure un traité avec une république qui ne saurait dire quelles sont ses parties constituantes? Avant de pouvoir entrer dans aucun arrangement, nous devrons nécessairement savoir si cette réunion a eu lieu. Je ne doute pas que nous ne l'apprennions bientôt, et alors le traité sera signé.

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Quant à la Colombie, ce n'est qu'en 1822 qu'elle a chassé les dernières forces espagnoles de la garnison de Puerto-Cabello, place de la plus grande importance, qui tenait depuis deux ans pour le roi d'Espagne; mais, après l'expulsion des Espagnols, elle a exposé son existence en envoyant toutes ses troupes et le premier magistrat de l'état tenter la conquête du Pérou. Si, lorsqu'il existait encore des chances raisonnables pour voir rentrer les Espagnols dans le cœur de la Colombie, nous eussions reconnu son existence complète, nous aurions reconnu ce qui n'existait pas. Mais, quand ce danger ne Annuaire hist. pour 1825. 32

qui menaçaient la tranquillité publique d'un péril assez manifeste pour y porter remède. La demande du marquis de Lansdown fut écartée à la majorité de 22 voix (42 contre 20).....

Le 10 février, M. Goulburn (secrétaire d'état pour l'Irlande) fit à la chambre des communes la motion qu'il avait annoncée, d'étre admis à présenter un bill pour amender les lois existantes pour la suppression des associations illégales. D'abord, remontant aux niesures prises en 1793, par le parlement d'Irlande (convention-act), contre toute association de personnes qui se prétendraient représentans du peuple; il montra que ce n'était pas seulement sous ce rapport qu'une association pouvait être illégale et dangereuse; qu'elle l'était surtout lorsqu'elle nommait des agens ayant caractère de magistrats, exerçant une sorte de gouvernement, levant des taxes sur les sujets du Roi... Telle était à ses yeux l'association catholique.

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Son objet avoué, ajoute M. Goulburn, était d'après les rapports qui y furent faits, d'obtenir l'émancipation ou le redressement des griefs des catholiques; son but secret peut-être d'arriver à la réforme parlementaire et peut-être à la séparation de l'Irlande. On y vit entrer d'abord les chefs du parti catholique; ensuite des mécontens dont l'ambition avait été trompée, presque toas ceux qui avaient fait partie des clubs de 1792 et même des hommes qui avaient porté les armes contre les troupes du Roi, d'autres qu'on retrouvait dans tous les complots et qui avaient subi des sentences criminelles pour trahison. L'association compte il est vrai, entre ses membres une grande partie de la noblesse catholique romaine, mais la plupart de ces gentlemen eux-mêmes sont effrayes des progrès et des procédés séditienx, illégaux de la société. Elle est divisee comme la chambre des communes, en comités particuliers pour la distributiou des affaires, elle parle au nom de tout le peuple catholique; elle lève une véritable contribution appelée rente catholique (catholic rent), perçue par les prêtres de paroisse, érigés en trésoriers sous la direction de leurs évêques, qui en font une obligation à leurs paroissiens. Nul catholique n'oserait s'y refuser, si pauvre qu'il fût, car son nom serait envoyé à l'association, et dans ce cas, il serait exposé à toutes sortes de mépris et d'avanies de la part de ses chefs ecclésiastiques et de ces co-religionnaires... L'association catholique ne se contente pas d'influer sur l'opinion publique, elle envoie des agens auprès des tribunaux des petites assises pour intimider les magistrats qui ont à prononcer sur des désordres commis par des catholiques contre des orangistes, en sorte que plusieurs magistrats ont renoncé à leurs fonctions et que l'indépendance de la magistrature et des jurys en est menacée. »

L'orateur citait à l'appui de son opinion une multitude de faits particuliers, et, selon lui, les dissensions qui désolaient l'Irlande ne

peuvent cesser que par la suppression de l'association catholique. D'autres orateurs (MM. Smith, Parnell, Williams et Denman) combattirent la proposition du bill de suppression par des motifs tirés de la nécessité d'accorder à l'Irlande l'exercice des droits constitutionnels. Le meilleur moyen de mettre fin aux discordes civiles, aux fureurs de parti, à la querelle des orangistes et des catholiques, c'était, disaient-ils, de rétablir entre eux, la tolérance et l'égalité des droits; ils regardaient la suppression de l'association catholique comme devant ôter aux catholiques toute voie de représentation légale; c'était leur dire qu'ils n'avaient plus d'autres moyens que la révolte pour se soustraire à l'oppression.

Du côté ministériel, M. Leslie Foster, et ensuite M. Peel, secrétaire d'état de l'intérieur, défendirent encore la mesure proposée comme devant concilier les partis et faire cesser les longues calamités du pays.

La discussion n'en demeura point là; elle dura encore quatre séances, et les orateurs les plus distingués de la Chambre y prirent part, tels que M. Grattan, M. Plunkett, avocat général pour l'Irlande, M. Tierney, ancien adversaire du ministère, sir James Mackintosh, et plusieurs membres du ministère... Entre les défenseurs de la mesure, quelques-uns la faisaient valoir, la regardaient comme un préliminaire favorable à la question de l'émancipation. Il s'élevait, à l'égard du clergé catholique, des opinions bien différentes. Selon M. Plunkett le clergé catholique irlandais était injustement accusé de nourrir une haine implacable contre les protestans, et de vouloir renverser l'établissement de la religion anglicane; considéré comme corporation, le clergé catholique irlandais avait les senti mens qui conviennent à des sujets loyaux et à des citoyens paisibles... Selon M. Dawson (sous-secrétaire d'état), les prêtres étaient cause de toute la fermentation qui existe en Irlande; ils méditaient la destruction de l'église protestante, dont les archevêques et les évêques étaient traités dans leurs prônes et dans leurs écrits d'usurpateurs, et il allait jusqu'à prétendre qu'ils étaient complices des désordres et des crimes dont quelques contrées de l'Irlande étaient encore le théâtre.

vention a toujours été en faveur des opprimés; ceux qu'elle a soutenus devant les tribunaux ont, la plupart du temps, été reconnus innocens ou excusables... Loin de vouloir inquiéter les protestans, l'association cherche à les tranquilliser, et elle a en la douce satisfaction de voir les protestans les plus distingués par leur naissance, leur rang, leur fortune, venir se joindre à elle. L'Irlande n'a jamais été plus tranquille que depuis le manifeste de l'association. L'association catholiqué lève des impôts, dit-on; non, elle recueille des dons. Les méthodistes n'en font-ils pas autant et sur une échelle bien plus grande. Ils sont cinq cent mille, et les membres de l'association ne sont que trois mille, ils sont en lutte directe avec l'église anglicane, et ce n'est qu'un danger éloigné qu'on redoute de la part des catholiques. Il est faux que l'association menace personne, qu'elle tienne registre de ceux qui ne souscrivent pas pour la rente catholique. Les méthodistes, d'après leurs propres écrits, font faire des enquêtes pour savoir qui a manqué, lorsqu'ils aperçoivent quelque déficit dans leurs revenus. Ils ont même un budget très régulier où il y a, comme dans le nôtre, « des dépenses extraordinaires pour l'armée », c'est-à-dire l'armée de la foi. Pourquoi les catholiques ne feraient-ils pas ce que font les méthodistes ?...

« Si ce n'est par charité, par humanité, si ce n'est même par politique et par prudence, dit M. Brougham en terminant et en se tournant vers le banc des ministres, au moins par égard pour votre réputation et par amour pour vos places, traitez les catholiques moins cruellement ! En continuant à les opprimer, vous exciterez leur rage, et cette rage, leur fournira des armes. Que sur vos têtes donc retombent les conséquences de votre conduite insensée! que ce soit à vous, et non à nous à répondre, si la marche que vous suivez amène, comme elle l'amènera sans doute, la séparation de l'Irlande d'avec ce pays! »

Quelques orateurs (M. Butterworth, M. Goulburn, M. W. Filzgerald) essayèrent encore de se faire entendre au milieu des cris qui demandaient la clôture. Mais la chambre, fatiguée d'une discussion déjà si longue, voulut aller aux voix sur la motion qui fut adoptée à la majorité de 155 voix (278 contre 123), et M. Goulburn fit en conséquence la première lecture de son bill, dont les disposi tions générales en apparence contre toutes sociétés illégales étaient spécialement applicables à la constitution particulière de l'association catholique.

A

Une foule de pétitions adressées à la chambre renouvelèrent la discussion dans l'intervalle de la première à la seconde lecture qui eut lieu le 21 février, mais le sujet était épuisé, elle ne souffrit que peu d'opposition. Snivant M. Hutchinson, les ministres qui avaient proposé le bill avaient encouru le mépris et la haine de tous les honnêtes gens... M. Hume demandait qu'il y fût du moins assujéti une clause qui astreignît tout sujet entrant en fonctions à prêter serment qu'il ne faisait partie d'aucune association défendue par la

loi. Ce qui aurait exclu de ces fonctions les membres des sociétés orangistes, comme ceux des associations catholiques; mais le serment fut rejeté comme contraire aux principes d'une sage législation.

Au jour fixé pour la troisième lecture ( 25 février) la discussion était à peine entamée qu'on témoignait l'impatience de la voir terminée. Cependant plusieurs opposans se firent encore entendre. Le secrétaire d'état de l'intérieur, M. Peel, exposa de nouveau les raisons qui lui faisaient regarder l'association catholique comme illégale et funeste à la tranquillité de l'état, M. Brougham développa avec une nouvelle force, les argumens qu'il avait présentés sur l'injustice du bill.

« La mesure que vous allez prendre, dit-il en finissant, va ravir à l'Irlande la tranquillité dont elle était redevable à l'association catholique. Le mal que vous ferez est à peu près sans remède. L'association catholique seule sera atteinte par le bill, et les orangistes continueront à s'assembler en secret. Oui, je le répète, le bill nouveau est un acte monstrueux, abominable. Je n'ai donc plus qu'une prière, une dernière supplication à vous adresser: Rappelez-vous mardi prochain ce que vous aurez fait ce soir, et en songeant aux actes de démence que vous aurez commis, expiez vos fautes, sauvez l'Irlande et ce pays même, en accordant aux catholiques irlandais l'émancipation qu'ils vous ont si souvent et en vain demandée. ·

La troisième lecture, alors mise aux voix, fut décidée à la majorité de 120 suffrages (226 contre 96.)

Le bill, porté à la Chambre des pairs, ne subit à sa première lecture (28 février) qu'une légère opposition, mais avant qu'on ne délibérât sur la seconde (3 mars), le comte de Caernarvon présenta une pétition de plusieurs membres de l'association catholique, par laquelle ils demandaient à être entendus à la barre par l'organe de leurs avocats. Leur demande, appuyée par les lords Grey, Holland et Darnley, fut combattue par le comte de Liverpool qui représenta que si ce corps était entendu à la barre, tous ceux qui pourraient se croire attaqués par telle ou telle mesure réclameraient le même privilége, ce qui entraverait nécessairement les travaux de la Chambre, et la motion fut rejetée à la majorité de 46 voix (69 contre 23).

(3 mars.) Dans la discussion qui s'éleva ensuite sur la seconde

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