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eu quelque espoir que l'Espagne pourrait soutenir la lutte, ou faire un arrangement favorable à ses intérêts; mais cette espérance étant perdue, on ne devait pas s'interdire des relations avec un continent tout entier. Le gouvernement avait agi avec prudence, et il en recueillait aujourd'hui l'avantage de n'avoir rien à rétracter.

La motion de l'adresse appuyée par le vicomte Gore, fut combattue par lord King, en ce qui regardait l'Irlande. Il lui semblait indigne d'un gouvernement libre de méconnaître le principe de la tolérance religieuse.

Le marquis de Lansdown, qui parla ensuite, applaudissait à la reconnaissance des états américains comme fondée sur le principe que chaque nation a le droit de se gouverner conformément à ses vœux, principe que la politique continentale tendait à combattre... D'ailleurs le noble lord aurait voulu qu'on eût donné plus d'éclaircissement sur la guerre avec les Birmans, et qu'on eût fait de la levée de quinze mille hommes l'objet d'un message spécial.

Le comte Liverpool premier lord de la trésorerie, se levant alors pour répondre à diverses allégations erronées, commença par faire un exposé rapide de la prospérité intérieure de l'Angleterre, et arrivant à la résolution prise par le gouvernement relativement aux nouveaux états américains, résolution blâmée par les uns comme trop tardive, par les autres comme contraire aux principes des gouvernemens établis, il s'exprima à peu près en ces termes :

« Il est deux classes de politiques également malfaisans: les uns, défenseurs éternellement fidèles de tous les abus; les autres, prédicateurs des doctrines de l'insurrection. Dès qu'une nation envahit le territoire d'une autre, dès qu'un peuple se lève contre son souverain, ou un souverain contre son peuple, ces deux classes de politiques nous crient à l'envi d'équiper des flottes, d'embarquer des armées, de nous présenter comme juges. Chaque parti veut nous faire agir dans son sens. Mon opinion est que le gouvernement n'agisse ni contre l'un ni contre l'autre. C'est ainsi que nous sommes restés spectateurs dans la lutte entre l'Espagne et ses colonies, tant qu'il y a eu quelques lueurs d'esperance pour le succès de la mère-patrie ou pour un arrangement. Nous avons fait plus; nous avons offert à l'Espagne notre médiation pour la réconcilier avec ses colonies; elle pouvait encore les conserver, non pas, il est vrai, dans l'ancien état de servitude; notre médiation a été rejetée; elle a perdu ces possessions. Nous avons mis des délais et un certain choix dans nos actes de reconnaissance. Nous avons attendu l'issue de l'entreprise d'Iturbide ; tant que les choses ont été incertaines dans le Mexique, il pouvait y avoir des chances de de réaction contre la Colombie qui en est voisine. Aujourd'hui ces deux états

sont solidement établis. Dans le Pérou, la lutte se prolonge : aussi n'avons-nous encore rien fait à l'égard de ce pays. Les provinces sur la Plata n'ont pas encore adopté un gouvernement central, mais aucun soldat espagnol n'y a mis le pied depuis quatorze ans. Telles sont les règles que nous avons suivies dans nos relations avec ces états. >>

Relativement à ce qu'on avait désiré savoir de la guerre des Birmans, le ministre répondait que le gouvernement n'avait luimême de notions précises sur les prétentions et les vues de cette puissance.

Enfin le ministre, abordant la question de l'association catholique, n'hésitait pas à la signaler comme un obstacle à la prospérité de l'Irlande, et un empêchement à l'émancipation des catholiques; «< car un gouvernement, dit S. S., ne saurait accorder ce qu'on lui « demande avec menaces. Les ministres de S. M. ont la ferme inten«<tion de détruire une corporation incompatible avec la lettre et a l'esprit de la constitution. »>

Le comte Donoughmore et le comte Clifden essayèrent encore de défendre l'association catholique, que le comte Roden attaqua de nouveau comme un foyer de haine et d'insurrection qui ne pouvait être toléré sans danger pour l'Irlande, et la discussion finit par l'adoption de l'adresse qui fut votée à l'unanimité.

Celle qui eut lieu le même jour à la chambre des communes, sur le même sujet, n'est pas moins remarpuable. Lord Francis Lewison Gower, qui fit la motion d'une adresse au Roi, jeta dans le tableau de la situation de l'Irlande, un blâme égal sur l'association des orangistes et sur celle des catholiques; il observa en parlant de l'Amérique méridionale, que le gouvernement britannique avait évité toute invention en faveur des colonies espagnoles; qu'il avait défendu par un bill appuyé de divers ordres du conseil, les enrôlemens étrangers et prouvé par là qu'il n'approuvait pas ces entreprises particulières où la valeur entraînait quelques officiers Anglais; qu'il avait franchement offert à l'Espagne le secours de sa médiation, et annoncé d'avance qu'une époque arriverait où il se croirait en droit de reconnaître les nouveaux états. Il pouvait y exister sur ce point une différence d'opinion entre les cabinets du continent et celui de

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Londres, mais ces dissentimens ou ces regrets ne devaient amener aucune interruption dans leurs relations amicales...

L'alderman Thompson, qui appuya la motion, commença par développer l'espérance que le discours du trône donnait du maintien de la paix générale.

«

Qu'il me soit permis, dit-il, de faire allusion à un événement qui n'est pas étranger à la durée de la paix. La mort du roi Louis XVIII, qui était depuis quelque temps attendue, paraissait donner un dernier espoir aux révolutionnaires; mais, grâce à la Providence, ces espérances ont été déçues.

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Le sceptre de la France est passé tranquillement dans les mains de son successeur légitime; pas le moindre désordre n'a eu lieu et le monde a vu pour sa satisfaction que la dynastie française actuelle est solidement établie sur le trône. C'est une véritable indemnité pour nous qui avions fait tant de sacrifices pour rétablir l'ordre ét la tranquillité en Europe. A l'égard du målheureux état de l'Espagne, je suis persuadé que Charles X est sincère, en déclarant que son occupation militaire de ce pays n'a pas pour but des agrandissemens territoriaux, mais la sûreté de ses propres états. Charles X, depuis le pen de temps qu'il a régné, a donné les garanties les plus satisfaisantes pour l'avenir. Son avénement au trône a été marqué par un acte de politique libérale; il a rétabli la liberté de la presse et créé des institutions conformes aux progrès de la civilisation.

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L'honorable Alderman parlait ensuite de l'état de l'Irlande, de la résolution relative aux nouveaux états américains, et des progrès du commerce britannique, dans le sens de l'adresse proposée.

M. Brougham, en approuvant plusieurs parties du discours de la couronne, protestait contre d'autres... A l'égard des premières, telles que les extensions données à la liberté du commerce, et la reconnaisance des nouveaux états Américains, il faisait observer que ces mesures n'étaient autres que celles que lui et ses amis avaient antérieurement proposées. « Mais pourquoi les ministres ne reconnaissaient-ils pas également l'existance politique de Saint-Domingue, état qui jouissait depuis bien des années d'une indépendance complète, et dont la force et la prospérité allaient en augmentant?>

Arrivant à la question de l'Irlande, M. Brougham demandait aux ministres s'ils reculeraient toujours devant une mesure définitive, reconnue indispensable (l'émancipation).

<< On sait, dit l'honorable membre, que les ministres sont divisés sur cette matière; mais ils le sont encore sur tant d'autres! Ils l'ont été sur la question de l'Amérique méridionale jusqu'à ce qu'un ministre, soutenu par cette chambre et par l'opinion nationale, eut la mâle franchise de proposer et de sonte

nir une mesure que d'autres de ses collègues avaient dénoncée comme jacobine. Peut-être, en poursuivant sa marche, quelqu'un de ses collègues le menaceraitil de donner sa démission. A quoi bon donc ces tergiversations au sujet de l'Irlande? Le danger est présent; il nous regarde en face. Il faut aller au devant... « On a voulu faire croire, ajoute l'orateur, en parlant d'une allusion inconstitutionnelle faite en plusieurs occasions, que les sentimens personnels du roi étaient contraires aux vœux des catholiques. Puisqu'on s'est permis une semblable allusion, il est permis d'y répondre en citant l'ordonnance récente du roi d'Hanovre, qui détruit toute différence entre une église dominante et des églises tolérées. Voilà les sentimens personnels du Roi authentiquement constatés! Voilà du bon sens et des vues libérales! »

M. Brougham, entrant ensuite dans de longs détails sur l'association catholique, faisait voir qu'elle est née de la nécessité de s'opposer aux fureurs des sociétés d'orangistes, et que, malgré tout ce qu'on peut dire de quelques-uns de ses actes, son esprit n'est pas contraire à la constitution. « J'admire, disait-il, la finesse qu'on a mise dans le pluriel «< associations » employé dans le discours de la couronne; je sais quel est l'habile homme qui a mis dans le discours cet important s, cette consonne si intéressante; il a cru par ce pluriel nous faire prendre le change sur le véritable esprit de la mesure qu'on veut prendre. On fait semblant de vouloir frapper deux associations; mais quand on frappe l'association catholique sur la tête de manière à l'écraser, on donnera à la société orangiste un léger coup sur l'épaule. »

M. Canning, qui prit la parole après M. Brougham, déclara d'abord qu'il professait aujourd'hui l'opinion qu'il avait toujours professée sur l'émancipation des catholiques, et qu'il serait toujours prêt à la soutenir quand cette question serait soumise d'une manière convenable à l'examen de la chambre.

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Mais je ne veux pas, dit-il, être dirigé dans mon jugement par l'association catholique, car je suis profondément convaincu que si le démon de la discorde et de la désunion reparaissait dans le monde, il ne pourrait susciter un corps d'individus plus dangereux pour la cause des catholiques que cette soidisant association catholique.

« Il est un argument que M. Brougham a touché, et que j'espérais lui voir suivre. Il a dit que si l'on n'avait pas fait attention à l'association catholique, elle serait tombée d'elle-même. J'ai eu aussi cette opinion ; ceux qui ont été témoins de ma conduite pendant la dernière session le savent : je le demande, n'avonsnous pas été importunés, tourmentés, pour adopter quelques mesures de répression? Je me suis cependant opposé à tout acte de ce genre, et j'ai fait observer que probablement le temps amènerait un changement, et qu'en tous cas

les ministres ne proposeraient à la Chambre des mesures extraordinaires que lorsque les effets de la patience auraient pu être sainement jugés.

« M. Brougham a traité cette question d'une maniere singulière. Pour prouver que l'existence de l'association catholique était admissible, il aurait dû montrer que c'est une corporation sans aucun danger, une réunion de quelques individus zélés qui ne prétendent nullement être les représentans de tout le peuple irlandais, qui ne songent en rien à prendre le caractère d'un gouvernement. Mais au contraire, M. Brougham a exagéré leurs prétentions même les plus élevées. Il a dit à la Chambre que l'association catholique était le gouvernement du pays; que c'était à elle que nous étions redevables de la paix et de la tranquillité de l'Irlande.... M. Brougham se rappelle, il est vrai, ses prédictions de l'année dernière, mais il oublie les observations qu'il a faites il y a deux ou trois ans; il oublie l'existence du gouvernement du marquis de Wellesley, il oublie les efforts de ce grand homme d'état; il oublie l'impartialité avec laquelle la justice a été administrée en Irlande sous le lord-lieutenant actuel, il oublie les mesures prises par lui pour assurer également aux catholiques et aux protestans la jouissance des faveurs du gouvernement.

«Tous les désappointemens qui ont suivi la grande mesure de l'émancipation doivent être attribués à ce corps. Je ne doute pas plus du succès futur de la mesure que de l'opposition unanime qu'elle rencontrerait dans notre pays, si on la proposait aujourd'hui. On a avancé que l'association catholique a été la source de la paix de l'Irlande. Par quel charme a-t-elle obtenu ce grand résultat? Comment a-t-elle conquis ces élémens magiques de concorde ? C'a été une singulière paix, que cette paix sortie du gouffre de l'Achéron, cette paix sortie d'une tête en désordre, parce qu'elle n'était pas nourrie par le corps...... L'association catholique a dit au corps des catholiques romains : « Nous vous ⚫ ordonnons de rester paisibles au nom de la haine que vous portez à nos frères les Orangistes. » Voilà son talisman, voilà ses moyens pour extraire la paix de la haine. Est-ce là la charité chrétienne? Sont-ce là des sentimens chrétiens ?

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Dieu de bonté! n'en est-ce pas assez pour peindre le caractère d'une association qui a été capable d'écrire de telles paroles, et qui, lorsqu'elle a été som. mée de s'expliquer, les a répétées! Vivez en paix avec vos frères protestans par la haine que vous leur portez. Est-ce là du catholicisme? J'espère que non ; mais je suis bien sûr que ce n'est pas du christianisme, et j'aime à croire que telle n'est pas la croyance de tous les catholiques : s'il en était autrement, j'aurais été dans une fatale erreur lorsque j'ai défendu leur cause. (Applaudissemens.) Au nom de tous les catholiques, je proteste donc contre l'assertion de M. Brougham, et aussi contre son autre assertion qu'on aurait tort d'imposer des restrictions légales aux actions des catholiques, et qu'une telle mesure aurait de graves inconvéniens.

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M. Brougham et l'association catholique connaissent-ils assez peu l'Angleterre pour supposer que notre pays se laissera intimider par des menaces? J'ai déjà défendu et je continuerai à défendre la cause des catholiques; mais, en combattant l'association, je sens que loin de leur nuire, je rendrais encore un grand service en les délivrant de cet incube (incubus), qui les a si long-temps oppressés. J'ai rendu leur cause meilleure, en écartant tout ce qui était choquant, inconvenant, et je les ai relevés dans l'estime de tout homme qui n'aime pas à être blessé dans ses opinions : j'ai agi d'après les principes de tout peuple qui possède quelques sentimens d'honneur et d'indépendance. Je désire séparer l'association catholique et la question catholique; et M. Brougham désire les confoa. dre.

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