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liance de l'Angleterre. L'affaire du 30 avril avait suspendu mais non éteint ces divisions. Elles durent s'aggraver à l'arrivée de sir William A'Court, envoyé pour remplacer le chevalier Thornton, que le cabinet britannique avait trouvé trop complaisant pour l'ambassadeur de France. Le premier ministre avait plusieurs fois offert sa démission; le Roi lui-même était fatigué des dissentimens de son ministère sur les objets les plus importans de l'ordre ou du système politique; il était résolu à faire maison nette. Un changement paraissait inévitable, lorsque l'ambassadeur de France fut rappelé en France, et quitta Lisbonne (le 4 janvier), soit pour remplir un autre devoir qui l'appelait à la session législative (M. le baron Hyde de Neuville est membre de la chambre des députés), soit qu'on eût jugé que le rôle qu'il avait désormais à faire dans cette résidence n'était plus en rapport avec son caractère diplomatique; c'est au temps qu'il faut laisser l'explication de l'énigme. En attendant, M. de Méronnat, premier secrétaire de la légation, resta comme chargé d'affaires.

C'est quelques jours après le départ de l'ambassadeur français que parurent à la fois plusieurs décrets, datés du château royal d'Alfeita (15 janvier), par lesquels le Roi congédiait tous ses ministres, en donnant à chacun d'eux des témoignages de sa satisfaction de leurs services, par des titres, des décorations, des pensions, ou même des missions importantes: ainsi, le marquis de Palmella, qu'on supposait dévoué aux intérêts de l'Angleterre, était nommé ambassadeur en France, et M. le comte de Subserra, qu'on disait favorable au système contraire, était envoyé à Londres dans la même qualité, destinations peu analogues aux sentimens politiques qu'on leur supposait et qui furent bientôt changés, mais qui semblaient annoncer que le roi de Portugal n'avait cédé, dans cette circonstance, à l'influence d'aucun parti.

Quant à la composition du nouveau ministère, S. M. nommait, par des décrets datés du même jour,

Au ministère des affaires du royaume ou intérieur, don J. Joachim d'Alméida d'Aranjo-Correa de Lacerda;

Justice et affaires ecclésiastiques, don Ferdinand-Louis Perreira de Souza-Barradas;

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Guerre et marine, le comte François de Barbacena;
Finances, don Michel-Antoine de Melho;

Affaires étrangères, don Sylvestre Pinheiro Ferreira, par

interim.

Deux de ces ministres, le comte de Barbacena et don Sylvestre Pinheiro Ferreira, l'avaient été sous le régime des cortès; mais le dernier n'était nommé que par interim, et il n'entra pas même en exercice. Son portefeuille fut provisoirement remis à M. de Melho, et passa définitivement dans les mains du comte de Porto-Santo, qui était alors ambassadeur de S. M. T. F. à Madrid (décret du 5 février); et il se fit en même temps un changement non moins remarquable dans la destination de M. le comte de Subserra, qui remplaça M. de Porto-Santo à Madrid, et dans celle de M. de Palmella, qui eut l'ambassade de Londres, où ses opinions le rendaient plus agréable et plus utile.

La première révolution ministérielle n'offrait rien de favorable à la politique de l'Angleterre, car elle avait perdu trois de ses partisans dans l'ancien, sans trop savoir ce qu'elle retrouverait dans le nouveau mais le dernier changement fut regardé comme un avantage de l'influence britannique qui se rétablissait par degrés, surtout au moyen des négociations entamées entre le Portugal et le Brésil.

Les choses ayant été disposées dans les conférences ouvertes l'année dernière à Londres (voy. l'Ann. hist. pour 1824, pag. 478), sir Charles Stuart fut envoyé à Lisbonne, où il parvint à décider le Roi à reconnaître l'existence du Brésil, comme empire indépendant et séparé du royaume de Portugal (lettres-patentes du 13 mai 1825), et par une résolution peut-être unique dans les fastes diplomatiques, il fut nommé représentant de S. M. T. F. pour aller stipuler, à Rio-Janeiro, les conventions du traité de reconnaissance et d'alliance entre les deux états.

Nous reviendrons sur cet événement important après avoir jeté un coup d'œil sur l'intérieur. Le Portugal était comme la plupart

des états de l'Europe, grevé d'une dette considérable, augmentée de trois emprunts faits sous le régime des cortès. Mais le gouverne ment poursuivait graduellement un système de réformes, combiné de manière à ne pas affecter trop brusquement les intérêts particu liers; il faisait à son tarif de douanes des changemens favorables au développement de son industrie et à l'exportation des riches. produits de son sol: il étendait ses relations maritimes surtout avec le Brésil, où les lettres-patentes du 13 mai firent faire des expéditions considérables. On peut mettre au rang des mesures d'administration les plus sages, la création d'une junte des emprunts royaux, chargée de rechercher les moyens les plus efficaces pour l'amortissement de la dette, l'extinction du papier-monnaie, dont le tiers avait été brûlé, et pour la consolidation du crédit public, ébranlé par les dernières crises de l'état et par celles dont il était

encore menacé.

L'instruction de la procédure sur les mouvemens séditieux d'avril et d'octobre de l'année dernière avait mis hors de doute le but du complot et des conspirateurs. C'était de détrôner ou de mettre le Roi en tutelle, la Reine et l'Infant à la tète du gouvernement et de donner le pouvoir au parti qui dominait en Espagne. Une lettre pastorale du cardinal-patriarche de Lisbonne, dont la publication fut heureusement arrêtée le 30 avril, provoquait sans détour au massacre des libéraux sous le nom de francs-maçons, sous prétexte qu'ils avaient résolu d'égorger dans cette nuit toute la famille royale... Ce projet, repris au mois d'octobre, avait laissé dans le corps politique des fermens de haine et de vengeance que la générosité royale voulait étouffer. C'est dans cette vue que S. M. fit publier le 24 juin, jour de sa fète, un décret d'amnistie géné rale relativement aux événemens du 19 février (1), 30 avril et 25, 26 octobre, amnistie dont S. M. n'exceptait que les individus les plus compromis, comme chefs et fauteurs de l'association, entre lesquels on trouve un seul personnage titré, le marquis d'Abrantès

(1) Assassinat du marquis de Loulé. (Voy. l'Ann. hist. pour 1824, pages 466-476.)

(Joseph), puis un avocat, le cocher de la maison du Roi, et quelques officiers obscurs, dont la peine se borne à l'exil. D'autres eurent ordre de se retirer dans le lieu de leur naissance ou de leur dernier domicile avec défense de s'approcher à plus de dix lieues de la capitale...

Rien de plus touchant que le considérant de ce décret. Il dénonce au monde entier les auteurs des attentats du 30 avril, et la douleur dont ils avaient pénétré le cœur d'un monarque, d'un époux et d'un père... S. M. avait considéré dans de profondes méditations les tristes et graves circonstances qui intervinrent dans ces événemens extraordinaires, et les règles de la justice qui n'admet dans ses arrêts acception de personne: mais, «l'amour d'un père prévalant dans son cœur sur l'inflexibilité d'un roi, l'avait déterminé à embrasser dans ce conflit les conseils de la clémence suprême...

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Le Roi fit plus, il voulut que toutes les pièces de la procédure instruite à ce sujet fussent brûlées, afin de n'en laisser aucune trace, aucune inquiétude, mais la générosité royale fut trompée. Le parti amnistié n'en devint que plus insolent: on trouva quelque temps après (le 30 juillet), une proclamation séditieuse affichée dans les principales rues de Lisbonne et de plusieurs grandes villes. Porto, Braga, Villa - Réal, etc. etc., dans laquelle on attribuait aux intrigues du gouvernement anglais le bannissement du prince infant don Miguel (en quoi l'on ajoutait que la France ellemême y avait aidé), et le décret du 24 juillet « pour empêcher la < publication d'un jugement qui aurait proclamé l'innocence des « accusés à la confusion éternelle de leurs ennemis. » La proclamation était terminée par un appel à la révolte « sous la protection des « gouvernemens du continent, pour l'établissement d'une régence présidée par la Reine, avec laquelle seule on pouvait être heu

«

« reux. »

La Reine, qui vivait retirée au château de Quélus, paraissait étrangère aux tentatives séditieuses faites en son nom... Mais le parti n'en était pas moins audacieux, et il ne se bornait pas à insulter à la majesté royale, il se commit dans ce temps-là des profanations et des vols de vases sacrés à Lisbonne et à Porto dont il voulait jeter

l'odieux sur les francs-maçons, et que les enquêtes de la police ont reconnu comme l'œuvre de leurs ennemis.

Tous ces événemens, qui eurent lieu à l'époque de l'échauffourée de Bessières en Espagne, jetaient dans les esprits une grande agitation qui se prolongea jusqu'à ce que la nouvelle du traité fait avec le Brésil vint y faire diversion.

«

Ce traité, signé à Rio-Janeiro, le 29 août, après des négociations dont nous dirons quelque chose à l'article du Brésil, fut annoncé à Lisbonne, le 15 novembre, par une proclamation royale en forme de ratification, dans laquelle S. M. T. F. annonçait que « désirant << mettre un terme aux discussions survenues au Brésil, tant au préjudice des indigènes qu'au détriment des Portugais péninsulaires, « et voulant rétablir la paix et l'amitié entre deux peuples frères, en réglant l'existence politique et les destins futurs du Portugal et du « Brésil, elle avait jugé à propos de transmettre tous ses droits sur « ce dernier pays à son fils bien-aimé don Pédro d'Alcantara, recon« naissant son indépendance sous le titre d'empereur du Brésil, « titre que S. M. se réservait aussi pour elle-même. »

«

Quant au traité, dont nous donnerons le texte entier (voy. l'Appendice), il établissait, dans les deux premiers articles, la reconnaissance énoncée (l'indépendance absolue du Brésil), une aljiance entre les deux peuples, stipulée sur le pied d'une parfaite égalité. D'après l'art. 3, S. M. I. don Pédro promet de ne pas agréer les offres que pourraient faire d'autres colonies portugaises de se réunir au Brésil. Les sujets des deux pays devaient être traités réciproquement dans les pays alliés, comme ceux des nations amies les plus favorisées... Leurs droits et propriétés devaient être religieusement maintenus et protégés. Les propriétés séquestrées ou capturées rendues, et les deux gouvernemens devaient s'entendre pour la nomination d'une junte ou commission chargée d'opérer les liquidations et les remboursemens à faire; les ports des deux états étaient ouverts à leurs sujets respectifs, et les relations de commerce entre les deux nations étaient rétablies provisoirement avec un droit sur les marchandises de 15 pour cent de leur valeur.

Telles sont les principales conditions du traité pour l'exécution

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