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M. Zéa, qui avait réussi à le faire rappeler avait été le chef de toutes les intrigues' ourdies contre le ministre dirigeant. Il avait soumis au Roi sur ce ministre, lors de son départ, un mémoire sur l'état de la Péninsule, et sur les dangers qui résultaient du système d'administration de M. Zéa; et le Roi, frappé de cette lecture, s'était décidé à renvoyer son ministre.

Si telle en est la cause, M. Zéa trouvait d'amples dédommagemens dans les témoignages d'estime que lui donnaient alors les membres les plus influens du corps diplomatique auprès de la cour d'Espagne. L'un d'entre eux (plusieurs expressions dans le texte de la note annoncent que c'était le ministre de Russie), remit, peu de jours après (31 octobre), au successeur de M. Zéa une note dans laquelle il manifestait au gouvernement de S. M. C. la sensation désagréable que causerait à son auguste maître l'éloignement des affaires du chevalier Zéa-Bermudez, tant à cause du dévouement que ce ministre portait au roi d'Espagne que parce que sa seule présence garantissait une marche et des principes sages dans la direction du gouvernement. D'ailleurs S. M. C. se plaisait à croire que l'éloignement de M. Zéa n'apporterait point de changement aux principes du gouvernement que S. M. C. avait pris pour base, mais elle désirait savoir si ses présomptions étaient fondées, et son ministre était autorisé à demander à M. le duc de l'Infantado si, en effet, le changement de M. Zéa devait en apporter un dans les principes adoptés par S. M. C. d'accord avec ses alliés.

Il serait permis de douter de l'authenticité de ces représentations diplomatiques et du fond même de cette note, si la réponse que le duc de l'Infantado fut chargé d'y faire, n'en certifiait suffisamment la vérité. Le ministre disait que S. M. C. n'avait pu voir sans la plus grande surprise et la plus vive douleur l'interprétation qu'on donnait aux mesures que sa prudence et sa sagesse lui dictaient pour le bien de ses peuples... Qu'il n'y avait point de changement de système quoique des circonstances et des motifs graves exigeassent impérieusement un changement dans les personnes ; que, supposer autre chose, ce serait faire la plus grande offense au caractère du Roi et blesser profondément son cœur; que S. M. ne voulait rien changer

« 1823, secourir la loyauté espagnole dans la sainte cause de la re« ligion et du trône, comparée à celle de l'usurpateur qui avait envahi l'Espagne en 1808 »; ainsi dix jours après son instellation, le duc de l'Infantado n'était plus aux yeux du parti des exaltés qu'un paslero (un modéré ).

Au fait, les affaires reprirent bientôt leur train accoutumé, on peut en citer comme une preuve la continuation du surintendant général de police (Recacho) dans son emploi, et le résultat des jugemens prononcés par le tribunal criminel de Madrid, dans les causes qui restaient à juger par la commission permanente, lors de sa dissolution. Sur six cent cinquante-un prévenus, vingt-cinq ont été condamnés au bannissement, un à être renfermé dans un fort, soixante aux galères, huit au fouet, vingt-deux à des peines correctionnelles, cent cinq absous, cent quatre-vingt-ouze absous et condamnés aux frais, deux cent trente-huit mis hors de cause, et une femme condamnée à la réclusion.

Quant aux épurations, elles étaient encore suivies sur les mêmesprincipes...

L'affaire essentielle du gouvernement était toujours celle des finances; la justice consultative présentait chaque jour des plans de réformes: tout calcul fait, la dépense générale qui s'élevait à 900,000,000 de réaux, réduite environ d'un cinquième, excédait encore de 200,000,000 les recettes probables de 1826, déficit attribué surtout à la diminution des produits tels que la ferme des tabacs qui n'avait rapporté que 18 millions en 1824, tandis qu'elle en produisait 80 avant 1808. La ressource des emprunts paraissait fermée au gouvernement, comme les mines de l'Amérique, il fallait tirer tout de l'Espagne. Une compagnie anglaise avait sollicité et obtenu la permission, et entrepris, moyennant une part dans les bénéfices, de retirer du fond de la mer les trésors engloutis à l'entrée du port de Viga, au commencement du règne de Philippe V, avec les galions qui furent coulés à fond par une escadre anglaise. D'après les documens existans dans les archives des Indes, on estimait la valeur de ces trésors à 16,000,000 de piastrés, la compagnie avait déjà découvert, au moyen de la sonde,

trois de ces galions, ressource encore bien faible et bien précaire; mais le ministre en cherchait de plus sûres, dans l'ordre, dans l'économie et dans le zèle des corps et des individus à venir au secours de l'état. D'abord il fut rendu à l'Escurial le 14 novembre un décret royal qui semble être emprunté au système représentatif, décret d'après lequel chaque ministre devait former annuellemeut le budget de son ministère par chapitre de dépenses, le soumettre au conseil des ministres, au plus tard le 15 novembre, pour être ensuite approuvé par le Roi. Tout paiement non compris dans ces budgets était déclaré illégal, non admissible en compte, sous la responsabilité solidaire de son remboursement au trésor, par les autorités qui l'auraient fait ou ordonnancé, etc. etc., et le système de comptabilité nouvelle devait être mis en vigueur au 1er janvier 1826.

Ce n'était là que des projets, mais on obtint d'ailleurs quelques ressources réelles. D'abord le clergé consentit à porter ses subsides au taux ancien de 30,000,000 de réaux. Il était même question de le faire contribuer d'une somme plus considérable pour l'amortissement de la dette de l'état. On proposait, entr'autres réformes, d'augmenter le nombre d'années pendant lesquelles les bénéfices ecclésiastiques devaient rester sans titulaires lorsqu'ils viendraient à vaquer; mesure dont l'extension pouvait produire des sommes considérables dans un pays où le revenu de ces bénéfices passe 120,000,000 de francs.

Tandis que la junte consultative du gouvernement s'occupait de ces réformes, il se préparait dans l'administration un changement dont l'objet ou le résultat du moins devait être de la détruire, c'est l'organisation d'un nouveau conseil d'état arrêté par un décret signé le 28 décembre.

Les attributions données au nouveau conseil sont aussi importantes qu'étendues: les conseillers d'état ne peuvent être ni destitués, de leurs fonctions, ni même éloignés de la cour, si ce n'est pour délits positifs et en vertu d'un ordre émané directement du Roi; tout ce qui concerne le maintien des droits de la couronne, la prospérité générale de l'état, les colonies, les finances, l'armée, l'industrie, le commerce, est soumis à leurs délibérations. Les ministres

PORTUGAL.

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CHAPITRE IX.

Changement total du ministère.

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Mesures d'administration. Négociations avec le Brésil. Reconnaissance de cet empire. — Traité d'amitié et d'alliance entre les deux nations. Retour de Sir Charles Stuart à Lisbonne.

LE Portugal offrait, en comparaison de l'Espagne, l'aspect du calme et de la sécurité : mais on y entendait toujours gronder les fermens volcaniques des révolutions. Le renversement du régime des cortès n'y avait pas eu le même caractère de violence qu'en Espagne, parce qu'il avait été plus modéré, et parce que le roi de Portugal, en réprouvant le principe de l'insurrection, avait reconnu les nécessités politiques du temps, entendu les vœux de la partie éclairée de la nation, et promis une constitution « où la dignité de la couronne serait assurée et les droits des citoyens respectés et maintenus » (proclamation du 31 mai 1823). Des difficultés et des oppositions avaient suspendu l'exécution de cette promesse et neutralisé les intentions du monarque jusqu'au 30 avril 1824. Et même alors que la volonté royale paraissait affranchie du joug d'une faction toute puissante au palais, on n'était pas d'accord dans le conseil des ministres sur le plus ou le moins de concessions à faire à l'esprit du temps, à l'exigence des partis, ni sur la conduite à tenir envers le Brésil, ni sur le système des relations à suivre avec les puissances étrangères.

De tous les agens diplomatiques accrédités auprès de la cour de Lisbonne, à l'époque du 30 avril de l'année dernière, nul n'avait joué un rôle plus important, nul n'avait rendu de service plus éminent que l'ambassadeur de France au roi de Portugal, service que S. M. a voulu spécialement reconnaître par le titre même qu'il lui a donné, de comte de Bemposta, sa résidence ordinaire. M. Hyde de Neuville avait fait tomber comme d'un souffle, par la promptitude et l'énergie de sa décision, l'arrogance de la faction révoltée (1). L (1) L'obligation où nous sommes de recueillir tous les témoignages et même les bruits contemporains qui peuvent servir à l'éclaircissement des faits histo

Son influence sur l'esprit du Roi avait été assez grande pour faire conserver, à la tête du ministère portugais, l'homme que la faction du 30 avril détestait le plus et que le parti anglais voulait éloigner (le comte Subserra), mais non pour apporter dans le conseil l'esprit de concorde et l'harmonie nécessaire au rétablissement des institutions attendues, et d'un système de politique extérieure propre à développer la prospérité du pays, sans remettre le souverain en tutelle.

paru

Il était déjà connu que si le comte de Subserra, premier ministre, ayant les départemens de la guerre, de la marine et d'outreavait regarder l'alliance de la France comme plus utile mer, et plus propre que toute autre à l'indépendance et à la prospérité du Portugal, il avait à combattre l'opinion de trois ministres, ceux des affaires étrangères, marquis de Palmella; des finances (comte de Povoa), et de l'intérieur (C. Oliviera Leite de Barros), qui penchaient à revenir à l'ancien système politique, c'est-à-dire à l'al

riques, nous a portés à joindre à notre récit de l'année dernière une note portant que des journaux anglais avaient voulu faire honneur à lord Beresford du beau trait de l'ambassadeur de France, et de la résolution courageuse qu'il inspira au Roi. Nous avions donné ces prétentions pour ce qu'elles valaient, sans y ajouter la moindre créance. Mais des renseignemens venus de bonne source, nous font un devoir de donner sur les événemens du 30 avril au 14 mai et sur leurs conséquences, une opinion plus explicite. Le fait est que M. Hyde de Neuville, après avoir entraîné le corps diplomatique chez le Roi, et rendu à S. M. la liberté de ses déterminations, trouva dans lord Béresford moins d'appui que d'opposition; que c'est encore lui (baron Hyde de Neuville) qui, ne voyant pas arriver le Santi-Petri qu'il attendait, décida le Roi à se réfugier à bord du Windsor Castle, et à garder le premier ministre (le comte de Subserra), que les factieux et lord Beresford voulaient éloigner. Le cabinet de Londres un pen blessé d'avoir va un ambassadeur français exercer tant d'ascendant sur l'esprit du Roi, même à bord d'un vaisseau anglais, et lord Béresford obligé de quitter Lisbonne, se hâta de rappeler le chevalier Thornton, qui s'était honorablement conduit dans cette affaire, comme s'il eût compromis la dignité britannique en suivant un noble exemple, et le remplaça par Sir William A'Court, dont l'habileté n'a rien ôté à l'ambassadeur français de son crédit, puisqu'il obtint encore depuis la franchise du port de Lisbonne qui n'était pas dans les intérêts de l'Angleterre, et la restitution aux Français des propriétés ou marchandises confisquées sur cux depuis sept ans. De son côté Sir William A'Court n'a pu décider le Roi à renouveler le traité de commerce. Ainsi il ne serait pas exact de dire que la révolution du 30 avril eût été faite au profit de l'influence britannique; elle ne devait tourner qu'au profit de l'autorité royale et de l'indépendance portugaise. D'autres causes ont amené cette influence. Elles ressortent des événemens que nous avons à raconter.

Annuaire hist. pour 1825.

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