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« ils s'étaient rendus coupables, ils furent fusillés. L'exécution a eu « lieu aujourd'hui (26) à huit heures et demie du matin. Ils sont << morts en chrétiens avec le repentir de leur haute trahison, et

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priant Dieu que leur punition serve d'exemple et prévienne le re« tour d'un pareil attentat. Les troupes de la garde, infanterie et cavalerie, et un escadron du premier régiment de ligne (ci-devant Santiago) qui se trouvent à mon quartier-général, ont été témoins << de cette exécution, et ont défilé devant les cadavres... »

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La Cour, alors à Saint-Ildefonse, avait été, dans les six jours que dura cette crise, dans une anxiété singulière. On y répandait à chaque instant les nouvelles les plus alarmantes sur les dispositions des autorités du pays que parcourait Bessières, des volontaires royalistes qui se joignaient à lui, et même de la garde royale qui le poursuivait. On ne voyait partout que défections. Des journaux du temps ont dit que l'auguste personnage dont le nom servait de point de ralliement aux rebelles (l'infant don Carlos) avait été mis aux arrêts par le Roi dans l'intérieur du palais. L'histoire doit démentir un bruit dénué de preuves; mais il parut bien ensuite au nombre des arrestations, à la qualité des personnages arrêtés que la conspiration partait de haut, et qu'elle avait des ramifications immenses et dans toutes les provinces.

En même temps que le Roi donnait des témoignages de sa satisfaction, des récompenses et des décorations aux officiers de la garde, au chef d'escadron Albuin, et qu'il ordonnait de remettre en activité plusieurs officiers de l'ex-armée constitutionnelle qui s'étaient prononcés contre le mouvement de Bessières, il ordonnait au surintendant général de police, à toutes les autorités du royaume de redoubler de zèle, et à l'alcade de cour d'instruire sommairement pour découvrir les complices de ce soulèvement, et de faire arrêter les personnes qui s'y trouveraient impliquées, sans nul égard pour leur état, classe et condition.

Déjà, avant la prise de Bessières, on avait fait arrêter plusieurs personnes soupçonnées de favoriser son entreprise (le marquis de Cardenas, grand d'Espagne, le chanoine Roxas, conseiller d'état, etc., et plusieurs ecclésiastiques). On avait ordonné de garder

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plus étroitement le général Capape, mis en jugement pour une pareille tentative. Entre les arrestations nombreuses qui suivirent la découverte des papiers de Bessières, nulle n'étonna davantage que celle de M. Gordon, secrétaire de la chambre du conseil de Castille, et président de la junte supérieure de pacification des employés civils, qui fut mis au secret au séminaire des nobles. On le regardait comme ayant été l'intermédiaire entre Bessières et la junte apostolique; il fut renvoyé au jugement du conseil de Castille dont il n'avait rien à redouter. Mille bruits couraient alors qui tendaient à donner à la conspiration plus d'importance qu'elle n'en avait. On prétendait avoir trouvé dans des églises et dans des couvens des trésors qui devaient servir à solder les rebelles. Il était question de l'arrestation de l'archevêque de Tarragone, de l'ancien premier ministre don Victor Saez, et du renvoi des ministres Calomarde et Ballesteros. De tout cela il ne résulta que beaucoup d'enquêtes judiciaires, d'emprisonnemens et d'exils, entre lesquels il faut citer celui de M. Erro, ex-ministre des finances, envoyé à Valladolid; mais rien de positif sur la conjuration de Bessières, rien de déterminé dans le système du gouvernement. Le pouvoir paraissait toujours flottant entre deux partis, sans qu'on pût dire auquel il tomberait. Le Roi se contenta d'ôter à M. Calomarde l'espèce de direction qu'il exerçait sur le travail du surintendant général de la police, pour la faire passer dans les attributions de M. Zéa, et il fut interdit sous des peines sévères à toutes les corporations, autorités, corps de volontaires, etc., d'adresser des représentations au Roi sur les mesures de son gouvernement.

On a omis de remarquer que dans le temps même où l'on poursuivait à outrance, où l'on mettait à prix la tête de Bessières et de ses complices, on exécutait à Madrid deux individus pris à Tarifa. L'un d'eux, nommé Iglesias, qui mourut en criaut vive la constitution! à quoi plusieurs voix de la multitude ajoutèrent : meurent les tyrans! et celle du fameux l'Empecinado (don Juan Martin), qui eut lieu le 19 août à Roa (vieille Castille), d'après une sentence approuvée par la chambre des alcades de cour: il essaya d'échapper aux bourreaux en se saisissant de l'arme d'un

des soldats qui le menaient au supplice, qu'il subit ensuite avec le courage qu'il avait montré dans les combats, en protestant qu'il avait cru bien servir son pays.

Ces deux exécutions et l'arrestation d'un grand nombre de libéraux à Séville, étaient-elles une compensation offerte par le ministère au parti qu'il venait de frapper dans le plus audacieux de ses soldats ? On ne veut pas l'affirmer. Mais elle ne servit pas de beaucoup à concilier les esprits. Il éclata encore du côté de Valence et dans la Manche des mouvemens séditieux dirigés par d'anciens chefs de guérillas (Jaymes et Locho), qui n'ont pas eu de suite, mais qui ont laissé des fermens d'espérance aux factieux. C'en était fait de Bessières, mais non de son parti, qui le regardait comme un martyr de la cause de l'autel et du trône.

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Revenu de ses craintes à cet égard, le ministre directeur des affaires s'occupa sérieusement de remédier à la détresse des finances... Un emprunt considérable qu'on négociait à Londres par l'entremise de M. Gregory, avait échoué, parce que non contens d'avoir obtenu, par une condition secrète, qu'ils paieraient moitié en bons des cortès, les banquiers souscripteurs exigeaient que le gouvernement espagnol reconnût l'indépendance de ses colonies, et changeât son système politique, ce qui fut et devait être pris comme une defaite. Nous devons remarquer à cette occasion que dans ce projet d'emprunt comme dans ceux qui furent négociés avec les banquiers Rotschild et Tassin, il était stipulé que les premiers fonds seraient employés à payer à la France une partie de sa créance.

Dans cet état de détresse des finances espagnoles, il était sage de commencer par examiner les sources du mal, et rechercher les moyens d'y remédier. C'est dans cette vue que le premier ministre fit rendre un décret royal (du 13 septembre), qui établissait une Junte consultative de gouvernement dépendante du conseil des ministres, chargée de calculer la somme annuelle nécessaire aux dépenses de l'état, au maintien de la dignité du trône et de la famille royale; de proposer le budget de chaque ministère, et enfin de s'occuper de toutes les parties économiques et législatives de l'administration.

Deux conseillers d'état, deux archevêques, un évêque, le

général des cordeliers, deux négocians et dix employés dans les différentes branches de la haute administration composaient cette commission, dont le Roi donna la présidence au général Castanos.

Comme les attributions de cette junte rentraient sous quelques rapports dans celles du conseil de Castille, il voulait adresser au Roi des représentations dans lesquelles il semblait se regarder comme le défenseur des libertés publiques, et l'héritier des anciennes cortès du royaume. Mais le pouvoir absolu, dont il s'était montré si partisan, triompha sans peine de son opposition. La junte fut installée le 23 septembre et commença par reconnaître que les recettes publiques ne s'élèveraient pas, pour 1826, à 400 millions de réaux (100 millions de francs) ce qui n'était que le quart des anciens revenus, sans y compter ceux des colonies, et elle proposa en conséquence au Roi différentes catégories de réformes dans toutes les administrations.

Le ministère avait encore proposé les questions suivantes à l'examen de la junte consultative:

1° Convient-il de publier une amnistie, et jusqu'où peut-on l'étendre pour qu'elle atteigne le double but de calmer les esprits sans compromettre les droits du trône?

2o Quels seraient les moyens de pacifier les colonies et de les faire rentrer sous l'obéissance de la métropole?

3° Quels seraient ceux qui pourraient faciliter la négociation d'un emprunt, et en rendre les conditions moins onéreuses?

4o Convient-il de supprimer totalement le système de purification, ou bien faudrait-il se borner à le modifier seulement? Et, dans ce cas, quelles seraient les modifications qu'il conviendrait d'y apporter?

Ces questions, dit-on, étaient à peu près résolues dans le sens du ministre dirigeant, vivement appuyé par quelques ministres étrangers les plus influens auprès de la cour. On avait résolu de publier l'amnistie tant attendue, de changer le système de purification, de donner des garanties plus solides à l'emprunt, et même d'ouvrir des négociations du moins avec le Mexique, en même temps qu'on y envoyait une expédition de trois mille hommes; partie, le 26 sep

tembre, du Ferrol pour la Havane, sous l'escorte de trois frégates. On venait de recevoir la nouvelle de la reddition du vaisseau de ligne l'Asia aux Mexicains par la révolte de l'équipage (voy. chap. de l'Amérique). On comptait encore sur l'offre que les Mexicains avaient faite de donner à l'Espagne une somme considérable (60 millions de piastres) et de lui assurer des avantages commerciaux pour prix de son indépendance (1). On avait besoin de cette ressource pour faire face aux dépenses les plus urgentes, garantir l'emprunt et payer la dette de la France; le parti modéré se croyait triomphant enfin, lersque M. Zéa-Bermudez fut déchargé de ses fonctions, et emplacé par M. le duc de l'Infantado (décret royal du 24 octobre),

On a remarqué comme des circonstances extraordinaires dans un changement de ministre, que le décret qui contenait à la fois la destitution de M. de Zéa et la nomination de son successeur, arrêté le 24 à dix heures du matin, n'avait reçu son exécution qu'à sept heures du soir; qu'à huit heures M. Zéa fut encore reçu par le Roi, qui l'accueillit avec la plus grande bienveillance, et qu'il fut ensuite admis chez les princes et princesses, après quoi ayant remis son portefeuille à M. le duc de l'Infantado, il prit, à dix heures du soir, la route de Madrid, où le bruit de son renvoi ne fut connu que le lendemain. Il est encore à observer qu'il resta dans la capitale, qu'il continua à voir ses amis, à cultiver ses anciennes relations, sans que le gouvernement employât envers lui aucune des mesures qui avaient suivi le renvoi de presque tous ses prédé

cesseurs.

Jamais pourtant disgrace n'avait fait plus de sensation. On ne savait pas positivement à quoi, ni à qui l'attribuer. Suivant l'opinion la plus générale et la plus populaire, c'était un sacrifice nécessaire fait aux haines d'un parti toujours puissant dans l'état, malgré sa dernière défaite. Suivant celle de quelques diplomates, un ministre de Danemarck près de la cour de Madrid, ennemi personnel de

(1) Il parait que l'émancipation du Mexique devait être faite sur les bases de l'ordonnance qui reconnaît l'indépendance de Saint-Domingue.

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