Page images
PDF
EPUB

deux nations (la France et les États-Unis) qui avaient toujours montré l'intérêt le plus vif pour l'indépendance et la prospérité de la Grèce, et ils demandaient au pouvoir exécutif de vouloir bien leur donner les explications les plus claires et les plus positives sur un objet aussi important, menaçant de se retirer immédiatement si la cause de l'indépendance, qu'ils croyaient soutenir, n'étaient plus que celle de l'Angleterre...

D'après une déclaration de cette nature, on s'attendait à une crise, à des scissions, à une guerre civile, à la dissolution du gouvernement, à l'anarchie. Rien de tout cela n'eut lieu le cabinet de Londres ne fit point de réponse directe à la demande : il ne donna ni blâme, ni aveu à la conduite de ses officiers de marine, il fit recommander l'observation la plus stricte des lois de neutralité; il ordonna la poursuite des pirates grecs; il fit semblant d'arrêter l'expédition que préparait ostensiblement lord Cochrane, et donna lieu de croire en effet qu'il ne faisait qu'ajourner l'acceptation du protectorat. Et si les autres cabinets en ont témoigné quelque crainte ou quelque mécontentement, ces plaintes sont restées dans le secret de leur correspondance.

Mais, malgré ce silence, il n'a point échappé à l'observation des politiques que depuis la publication du manifeste grec, le commodore Hamilton avait pris plus d'influence, qu'il avait facilité l'échange des deux pachas retenus à Naupli contre le général Yatracos et le fils de Mavro-Michalis; qu'il avait obtenu des résolutions plus vigoureuses du gouvernement grec contre les pirates et quelques adoucissemens dans les procédés du commandant de la station autrichienne (colonel Accurti) contre les navires grecs. C'est peu de temps après qu'il fut défendu aux commerçans autrichiens de porter aux Turcs des munitions de guerre, et de se conformer aux lois de la neutralité.

Quant aux agens des comités philhelléniques, celui de France dont on a regardé la protestation comme un excès de zèle honorable pour son caractère, n'en resta pas moins à Naupli pour y surveiller l'emploi des secours envoyés et donner des conseils : le colonel Fabvier conserva le commandement de son corps qui débuta d'une

les montagnes; mais ils y furent bientôt cernés et contraints de se rendre par une capitulation au mépris de laquelle Gourras les fit passer au fil de l'épée, en représailles de la mort de soixante-dix familles chrétiennes que les Turcs avaient fait massacrer à leur entrée à Salone.

Quoique Gourras n'ait pu s'avancer au-delà de Salone, parce que l'Attique et la Livadie étaient menacées par les pachas de Salonique et de Négrepont, ses succès avaient eu un résultat favorable aux défenseurs de Missolunghi, en interceptant les communications de Reschid avec la Thessalie. Mais Gourras fut bientôt obligé d'évavacuer Salone, et ensuite la flotte du capitan-pacha vint apporter des secours à Reschid, et Missolunghi se vit encore au mois de juillet dans la situation la plus critique.

Suivant des rapports qui paraissent mériter confiance, Missolunghi contenait alors une garnison de cinq mille huit cents hommes, Anatolicon en avait quatre cents. Là ou dans les environs se trouvaient à leur tête Nota-Bozzaris, ancien polémaïque de la Selléide, Zongos, Stournaris, Tzoucas, Hyscos fils, Nikitas le Turcophage, Condoïanis, Rhengos, capitaines dont la renommée était faite et redoublait la force de la garnison.

L'armée de Reschid - Pacha n'était que de onze mille hommes, mais il avait des postes considérables à Carvanserail et dans les défilés du Macrynoros pour assurer ses derrières : son artillerie était, comme on l'a déjà remarqué, incomparablement mieux servie que dans les dernières campagnes. Ses soldats n'étaient plus le 1er juillet, au moyen d'un boyau qu'ils avaient dirigé eu ligne droite, qu'à huit toises des avant-fossés de la place.

Néanmoins la disette commençait à se faire sentir des deux côtés, et le courage des Albanais était déjà fatigué de la multiplicité des assauts, quand la flotte du capitan-pacha vint, vers le milieu de juillet, porter des secours et des espérances. Le 2 août, le seraskier, avant de tenter un assaut général, fit faire à la garnison une sommation de se rendre, sommation qui fut, dit-on, appuyée par des officiers de marine européens, et à laquelle Bozzaris et Nikitas répondirent au nom de leurs compagnons d'armes : « Que l'étendard

du prophète ne flotterait dans Missolunghi qu'après avoir passé sur leurs cadavres. >>

Le 3 août, à trois heures du matin, la garnison fut réveillée par les préparatifs d'une nouvelle attaque qui s'annonça sur sept points différens. Les Turcs, précédés de leurs derviches hurlant, plantèrent leurs drapeaux au nord du fossé, et une canonnade épouvantable mêlée de mousqueterie retentit dans les airs. Les guerriers chrétiens coururent aux armes, et tombant à genoux les mains levées au ciel, ils prièrent le dieu vainqueur du tombeau de les avoir en aide. Les prêtres leur donnèrent la bénédiction, et, se relevant avec transport, les soldats de la Croix répondirent aux hurlemens des Barbares par un feu meurtrier. L'ennemi pénétra par deux endroits dans la place; il y était établi à cinq heures du matin. Vers les six heures, il commença à fléchir. A sept heures dix minutes, la fumée s'étant dissipée, on aperçut le drapeau de la Croix flotter de toutes parts sur les murs de Missolunghi les Turcs battus étaient en fuite.

:

Pendant ce temps, la flotte ottomane, forte de soixante bâtimens de guerre, tels que vaisseaux rasés, frégates de premier rang, corvettes, bricks, avait envoyé sur la plage des chaloupes armées et dix-neuf bricks qui étaient parvenus à mouiller à l'entrée de la rade. On s'attendait à voir une nouvelle action; la flotte ottomane manœuvrait entre l'embouchure de l'Acheloüs et Missolunghi, deux frégates et un vaisseau rasé étaient mouillés devant les bas-fonds, dix-neuf armemens de guerre appuyés à leurs flancs en fermaient l'entrée, lorsque treize bâtimens grecs et deux brûlots, commandés par Sachtouris, furent signalés. Les Barbares coupent aussitôt leurs câbles, cinglent vers Lépante; mais les Grecs arrivent, un de leurs brûlots incendie un brick turc, une goëlette est coulée bas; les chaloupes et leurs équipages, obligés de faire côte, au nombre de plus de quarante, tombent au pouvoir des chrétiens.

Les infidèles se trouvaient dans cet état de confusion, quand une division de vingt-trois voiles, commandée par Miaoulis, apparut. Le capitan-pacha, qui avait rallié tous ses vaisseaux, fit signal d'éviter le combat, et, se couvrant de voiles, il se dirigea vers le golfe

nord de la Livadie un petit corps d'observation pour surveiller les Turcs de Thessalie, et après quelques actions heureuses combinées avec Constantin Botzaris, Salone retomba encore au pouvoir des Grecs... Telle était de ce côté la position des parties belligérantes.

Quant aux opérations militaires dans la Morée, il serait fort difficile, après la tentative d'Ibrahim Pacha sur Naupli, d'en donner une relation suivie; la guerre s'y faisait de part et d'autre par détachemens plus ou moins nombreux qui se croisaient dans toutes les directions, et dont aucun n'agissait d'après un plan arrêté d'avance. Ibrahim, concentré à Tripolitza, dirigeait de là des incursions sur tous les points, soit pour faire des vivres, soit pour entretenir ses communications avec Modon, soit pour tenter de s'emparer de quelques places sur la côte orientale du Péloponnèse. Les Grecs firent plusieurs tentatives pour reprendre Tripolitza; Démétrius Ypsilanti, qui avait reparu sur la scène avec éclat dans la journée des Moulins, faillit surprendre Tripolitza, le 2-14 août, et battit les Égyptiens à Doliana. Colocotroni continuait à harceler les corps détachés de l'armée égyptienne; il leur fit éprouver un échec près de Vodonia sur la rive gauche du Vasilipotamos, où les Égyptiens perdirent quatre à cinq cents hommes et beaucoup de bagages; mais il excitait en vain le zèle des capitaines moréotes pour l'aider dans ses opérations; ils voyaient dévaster leur pays, emmener leurs femmes et leurs enfans en esclavage sans se mouvoir; en sorte que, malgré son titre de général en chef, Colocotroni ne put rien entreprendre d'important.

Le gouvernement, qui tout à l'heure avait donné l'exemple da découragement en invoquant la protection de la Grande-Bretagne, commençait néanmoins à montrer quelque vigueur. Outre l'expédition qu'il avait envoyée à Candie, il avait jeté quatre à cinq mille Roméliotes, l'élite des troupes irrégulières, dans les îles d'Hydra et de Spezzia, qu'on disait toujours menacées par le capitanpacha; il poursuivait avec constance l'organisation de la légion régulière commandée par le colonel Fabvier, dans l'intention de l'étendre par degrés à toute l'armée grecque; par une ordonnance rendue le 15 août, pour arrêter l'émigration qui menaçait les pro

vinces envahies d'une dépopulation totale, il avait renouvelé la loi de 1822 qui déclare les émigrans infâmes et déchus de tous les droits de cité; il ne permettait d'émigrer qu'aux femmes, aux sexagénaires, aux enfans au-dessous de seize ans, et encore devaientils obtenir le consentement des autorités locales.

Par une loi du 22 septembre, plus importante à mentionner, il fut décrété que l'augmentation des troupes régulières étant le moyen le plus propre à fonder l'indépendance de la Grèce, et cette augmentation ne pouvant s'opérer qu'au moyen d'un recrutement légal, il serait levé par voie de conscription, dans tout l'état grec, un homme sur cent âmes, parmi les habitans de chaque ville, bourg, ou village; que cette levée se ferait par voie de tirage au sort, auquel participeraient tous les hommes de dix-huit à trente ans; on exemptait de la conscription les fils uniques et les infirmes, et sur le nombre des soldats conscrits de chaque province, il devait en sortir tous les ans un tiers remplacé par un autre tiers, en sorte que le service militaire ne devait être que de trois ans, à moins de réengagement volontaire; et, pour s'assurer de l'argent nécessaire à l'entretien de la troupe régulière, indépendamment de celui qu'on recevait des emprunts et des secours étrangers, il fut décrété qu'on vendrait, suivant les règles présentées par la dernière assemblée nationale, une partie des biens nationaux, en raison de l'augmentation et des besoins du corps régulier.

Cette levée, dont on attendait de si heureux résultats, surtout dans le Péloponnèse, ne fut point exécutée. Le conseil exécutif fut réduit à s'en rapporter aux chefs militaires pour fournir leur contingent de soldats, aux corps réguliers qu'on se proposait de former, chose à laquelle ils mirent peu de zèle, excepté le général Gourras, qui se mit lui-même au nombre des élèves de Fabvier. Au surplus cette troupe, à la formation de laquelle on faisait tant de sacrifices, qui s'était déjà fort bien battue dans une petite expédition sur Tripolitza, et qu'on envoya ensuite à Athènes pour y tenir garnison et y achever son organisation, n'était encore, à la fin de l'année, que de deux bataillons d'infanterie, d'un escadron de caAnnuaire hist. pour 1825.

28

« PreviousContinue »