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CHAPITRE IV.

RUSSIE ET POLOGNE.

Traité avec la Grande-Bretagne concernant la navigation, le commerce et les

pêcheries dans l'Océan Pacifique. — Convocation de la diète de Pologne. — Décret qui supprime la poblicité des séances. Voyage de l'empereur Alexandre à Varsovie. Ouverture et travaux de la diète. Retoar de l'empereur à Pétersbourg. Actes divers de l'administration civile et militaire. Voyage de l'empereur et de l'impératrice à Taganrog. Escursion de l'empereur en Crimée. — Maladie et mort de S. M... - Effets de ces événemens à Pétersbourg. — Incertitude sur la succession impériale. Abdication et déclaration du czarowitch Constantin sur son abdication. — Proclamation de l'empereur Nicolas. Prestation de serment. — Refus d'ane partie de la garnison de Pétersbourg. Affaire du 26 décembre.

- Défaite des insurgés. Découverte d'une conspiration existante depuis 1817. Création et rapport d'une commission d'enqaête. — Recon. naissance de l'empereur Nicolas dans toute l'étendue de l'empire.

On a fini ce chapitre, l'année dernière, par annoncer les négociations ouvertes à Pétersbourg par M. Stratford Canning, concernant la navigation, le commerce et les pêcheries dans l'océan Pacifique et les limites sur la côte nord-ouest de l'Amérique. Elles furent terminées à la satisfaction des deux parties, par une convention signée le 28 février, dont les stipulations trop détaillées pour être rapportées ici, sont fondées sur les mêmes principes de liberté de commerce ou de réciprocité de limitations, que celles du traité conclu l'année dernière avec les États-Unis (voy. l’Appendice). Le départ du négociateur anglais (M. Stratford Canning), peu de temps après la conclusion de cette convention, ne fit pourtant pas tomber les bruits qui couraient alors que sa mission avait encore pour objet les affaires de la Grèce.

On était alors fort occupé de la convocation de la diète de Pologne, suspendue depuis quatre ans... L'ordonnance rendue, le 13 février, à cet égard, rappelait aux sénateurs, aux nonces et aux députés, que la diète de 1818, animée de l'esprit de concorde et d'amour

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avait laissé de sages lois et des institutions nationales; mais que celles de 1820, au contraire, qui avait sacrifié un temps précieux à des querelles inutiles, n'avait laissé presqu'aucune trace de ses travaux. S. M. espérait que des résultats aussi opposés ne seraient perdus pour la diète actuelle, et qu'instruits par l'expérience, ils sauraient, en s'occupant du bien général, échapper au prestige d'un amour propre mal entendu, ainsi qu'aux malheureuses suites de la désunion.

Par un décret , rendu à Czarskojeselo le même jour ( 13 février) l'Empereur et Roi , rappelant l'abus qu'on avait fait daus la deruière diète de la publicité des débats, « considérant que « cette publicité donnant à l'orateur l'occasion d'acquérir une popu

larité éphémère, plutôt que de s'occuper constamment du bien a public, avait fait dégénérer ces discussions en vaines déclama« tions propres à troubler cette union si désirée, etc. etc., » avait décrété comme article intégrant et inséparable de la Charte constitutionnelle

que,

hors des séances d'ouverture et de clôture de la diète, ainsi que de celles où la sanction royale des projets de loi serait promulguée, « les chambres se formeraient toujours en comité particulier. » ( Voy l’Appendice. ) Nous passons à regret, pour ne pas perdre de vue les affaires

à de Pologne , sur plusieurs actes de gouvernement rendus au commencement de cette année pour la réparation des dommages causés par l'inondation du 19 novembre, pour l'administration des Kalmoucks, pour l'exploitation des sources salées découvertes dans la Lithuanie et des mines de sel gemme, dont le gouvernement reconnaît la propriété à ceux qui sont propriétaires de terrains, etc., actes qui prouvent l'extrême sollicitude que l'Empereur donnait à l'administration de ses états.

Le 16 avril, S. M. partit de Pétersbourg, et arriva le 27 à Varsovie. Elle n'était accompagnée que du comte de Nesselrode, ministre des affaires étrangères, de M. l'adjudant-général comte Ozarowski, du baron Wilkie, son médecin, et d'une suite peu nombreuse. Les premiers jours se passèrent en revues militaires , en réceptions, en travaux d'administration. Le 13 mai, l'Empereur-Roi

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fit l'ouverture de la session de la diète par un discours où l'on remarquera surtout le motif qu'il donna du décret du 13 février qui interdisait la publicité des délibérations.« Cette mesure , qui prévient « toute nécessité d'exercer de l'influence sur les opérations des a diétines et sur vos délibérations, disait S. M., prouve la part que

je prends à l'affermissement de votre acte constitutionnel. » D'ailleurs S. M. témoignait sa satisfaction de la situation générale du royaume, annonçait les projets de loi qui allaient être soumis aux délibérations de la diète, et terminait par une exhortation paternelle, mais sévère, de procéder avec calme à ces délibérations, en rappelant aux représentans du royaume « que l'avenir de leur

a patrie était dans leurs mains. »

M. le comte de Mostowski, ministre de l'intérieur et de la police du royaume, fit ensuite à la diète un exposé des travaux de l'administration durant les quatre dernières années, qui donne une idée si nette de la situation générale du royaums, que nons croyons devoir l'offrir dans son intégrité à l'attention de nos lecteurs. (Vor. l'Appendice.)

D'après la suppression de la publicité des débats, et ( ajoutent les libéraux ) d'après l'influence que le gouvernement avait eue dans les élections des nonces, les délibérations ne pouvaient pas être fort animées, ni les résultats incertains.

Les projets de loi les plus importans soumis à cette assemblée avaient pour objet d'établir un système de crédit pour l'économie rurale, de faire des modifications à quelques lois pénales; et surtout de faire un nouveau code civil à la Pologne. Ces projets de loi, soigneusement élaborés dans le conseil, furent adoptés après de courtes discussions et avec quelques amendemens à l'unanimité ou à une grande majorité de voix. De leur côté, les représentans de la nation présentèrent quelques demandes à S. M. qui promit de les prendre en considération, et la session fut close an jour indiqué, le 13 juin , par un discours où l'Empereur et Roi, rappelant les travaux de la diète , félicite les représentans « d'avoir « justifié sa confiance et rempli l'attente de leur patrie. »

De retour à Pétersbonrg (25 juin ) l'Empereur ne tarda point à

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faire un autre voyage pour inspecter les colonies militaires : il trouva que l'organisation des arrondissemens , l'instruction des troupes, l'administration économique et la culture des terres avaient fait de grands progrès depuis sa dernière inspection, et il en témoigoa sa satisfaction au général comte Aratscheieff et aux officiers généraux sous ses ordres (1).

Des règlemens nouveaux sortirent alors du cabinet impérial pour l'amélioration de l'état civil et moral des juifs en Pologne, pour l'admission des artisans étrangers avec permission de s'inscrire dans les corporations de métiers dans toutes les villes de l'Empire ( les juifs exceptés); et exemption du service militaire, et pour la suppression de la mendicité sur les grandes routes, qui était devenue générale dans quelques gouvernemens, et particulièrement dans celui de Pskow où l'Empereur avait passé lors de son dernier voyage. Il était ordonné par ce règlement de faire arrêter tous les mendians, de remettre aux propriétaires fonciers ceux qui leur appartenaient, vu qu'ils étaient obligés de les nourrir , et aux villages de la couronne, pour y être entretenus, ceux qui appartenaient à la couronne. D'ailleurs les propriétaires fonciers, les autorités d'arrondissemens et surtout les employés de police du pays devaient être sévèrement punis suivaut qu'ils seraient respectivement coupables de négliger l'entretien des mendians estropiés, de leur permettre de s'éloigner de leurs villages et de laisser des mendians bien portans errer en feignant d'être estropiés...

Le discours prononcé par M. le ministre des finances au conseil des établissemens de crédit, dans la séance du 27 juillet, lors de la présentation des comptes desdits établissemens pour l'année 1824, renferme des réflexions dignes d'être recueillies, et fournit des preuves manifestes de la persévérance avec laquelle le gouvernement russe cherche à allier avec les formes d'une monarchie ab

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(1) D'après des rapports postérieurs et confidentiels da même général Aralscheieff, les colonies militaires étoient loin d'offrir les résultats qu'on en avoit attendas. Les régimens coloniaux négligeaient la culture et contaient plus que la réserve ordinaire.... Annuaire hist. pour 1825.

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solue, l'ordre , l'économie et la publicité dans les matières de finance.

« L'état général des affaires de crédit en Europe, dit S. Exc., l'exactitude scrupuleuse que la comission d'amortissement met dans tous ses paiemens et le système d'économie qui préside aux dépenses de l'état, ont simultanément coniribué à maintenir nos sends au taux élevé où ils sont parvenus. Il s'en est suivi toutefois que la somme excédante d'environ 6 millions de roubles, an. térieurement destinée à être brûlée dans le courant de 1824, n'a pu être appliquée à l'amortissement de notre dette, tant à cause de la petite quantité de fonds rachetables qui a été produite, que pour ne pas donner lieu à une hausse artificielle de ces fonds en cherchant à accélérer les rachals. C'est par ceite raison que le trésor a gardé ce résidu , ainsi que plusieurs antres sommes, excédant l'amortissement ordinaire ; et notamment le surplus des sommes qui devaient servir à effectuer des remboursemens extraordinaires à la banque d'emprunts, laquelle à cette époque se trouvait déjà encombrée de capitaux sans emploi.

« Le montant de ces sommes diverses, ainsi qu'il parait d'après les comptes, s'élève à environ 10 millions de roubles, et j'aurai l'honnear, Messieurs, de vous soumettre cet objet par la suite, avec tout le détail convenable. D'ailleurs, vous-mêmes avez reconnu la nécessité de régler l'action de l'amortissement sur la mesure de son utilité, lorsqu'après un múr examen et d'an accord unanime, vous adoptâtes pour l'année 1825 une décision que l'Empereur daigna confir. mer depuis, et d'après laquelle il fut résolu que les opérations du rachat ne s'étendraient point au-delà des quotités radicales, assignées au fonds d'amor. tissement sur les divers emprunis, et que les sommes excédantes, dérivant des sources indiquées ci-dessus , seraient employées au soulagement du trésor, en forme de dette ne portant pas intérêt, jusqu'à ce qu'une nouvelle disposition ait été prise à cet égard. Cette mesure importante et indispensable doit être suivie , je n'en doute point, des résultats les plus avantageux; attenda que toute hausse violente des fonds, tonjours inséparable d'un amortissement outre mesure , aurait non seulement affaibli l'action du capital destiné à ces rachats, mais aurait même augmenté la masse de nos dettes, si ce n'est en raison de leurs quantités nominales , du moins relativement au tenps et aux sommes qu'il eût falla pour les amortir. La solidité du crédit national, si désirable sous tous les rapports, est basée ainsi que le public lui-même en est sans doute convaincu, d'une part sur l'exactitude du paiement des intérêts, accompagnée d'une action proportionnée de l'amortissement, et d'une autre , sar le maintien constant d'un système de stricte économie financière. On reconnaitra de même qu'une tension excessive de tous les moyens pour faire hausser les fonds, amènent la nécessité de nouveaux emprunts, ressource que l'on devrait toujours réserver pour des circonstances extraordinaires, et dont notre gouvernement ne sent pas aujourd'hui le besoin.

« La rédaction de la rente, que quelques gouvernemens de l'Europe ont entreprise, de inême que la conversion facultative des rentes , offerte en France aux créanciers de l'état, sont des événemens qui méritent de notre part une attention particulière. Quoiqu'il soit impossible de se former dès à présent une opinion décisive sur les conséquences de ces opérations, vu leur nouveauté, on peut conclure néanmoins qu'elles ne sauraient d'ancune manière occasiouer de baisse dans nos fonds. Au reste, Messicurs, je vous prie d'être pleinement convaincus, que le ministère des finances, loajours attentif au moure

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