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Non loin de là, on avait élevé un autel sous une tente, en face de la tente royale, où l'on chanta un Te Deum.

S. M. ayant parcouru toutes les lignes, a fait elle-même aux officiers, sous-officiers et soldats la distribution des croix de la Légion-d'Honneur qu'elle leur avait accordées, faveur qui redoublait la reconnaissance de ces braves, qui l'ont fait éclater par les cris de vive le Roi! mille fois répétés sur toute la ligne, et les troupes ont défilé devant S. M. sous les ordres de M. le maréchal duc de Bellune.

Il était trois heures quand cette magnifique revue a été finie; mais le Roi avait promis d'aller visiter le Bazar où étaient exposés les nombreux produits de l'industrie de la ville de Reims et du département de la Marne. S. M. s'y rendit, entra dans toutes les galeries, acheta plusieurs des objets exposés, les examina tous, témoigna sa satisfaction de l'état de l'industrie rémoise; parcourut ensuiteles allées de la promenade, où elle avait vu la garde nationale rangée en bataille, et rentra, vers cinq heures, au palais archiepiscopal au milieu des acclamations de la foule qui remplissait les rues.

I er

(Le 1erjuin.) Après quatre jours passés dans les solennités et signalés par des bienfaits et des graces, S. M. quitta la ville de Reims, le juin, à dix heures du matin, laissant à la cathédrale, au trésor de Saint-Remi, les ornemens du sacre, et des présens d'une valeur inestimable, et à toutes les autorités, au préfet, au maire, à tous les membres des autorités, des marques de sa satisfaction, et dans le cœur de toute la population du pays le souvenir des beaux jours que sa présence venait de lui procurer.

S. M. retourna à Compiègne par Fismes, où elle voulut voir M. le duc de Damas, et M. le comte Curial, dont l'état s'était beaucoup amélioré, et qui reçurent de nouveau de S. M. les témoignages du plus touchant intérêt. On venait de lever le premier appareil de leurs blessures qui ne présentaient aucun danger. Un autre accident était arrivé dans la nuit du 30 au 31 à Braine où plusieurs chevaux des relais du Roi avaient été brûlés dans une écurie; mais il est à remarquer que dans tout le tumulte de ces fêtes on n'avait pas eu à regretter la mort d'une seule personne.

Le Roi, revenu à Compiègne avec M. le Dauphin, et MADAME, duchesse Berry; car Madame la Dauphine devait aller faire une visite à Châlons et à Montmirail, comme MADAME, duchesse de Berry en avait fait une à Jeandheure, terre de M. le duc de Reggio avant de se rendre au sacre. Les ducs d'Orléans et de Bourbon, les ministres, les membres du corps diplomatique et tous les personnages qui ne faisaient point partie de la liste dressée pour le voyage, étaient retournés à Paris ou dans leurs terres.

Dans toutes les villes, dans tous les villages du royaume, on célébrait, ou on se préparait à célébrer par des actions de graces, et par des réjouissances publiques, la fête du sacre, mais surtout à Paris. Là, comme à Reims, tous les arts étaient appelés à préparer les fêtes qui devaient signaler le retour de S. M. dans sa capitale.

Sur toute la route de Compiègne à Paris, comme de Reims Compiègne, S. M. avait trouvé les peuples empressés à lui témoigner, de mille manières, leur joie et leur amour, mais son entrée dans la capitale, efface tout ce qu'on avait vu et ce qu'on a lu dans nos anciennes chroniques, de luxe de l'apparat de ces solennités. Elle eut lieu le 6 juin.

Le Roi parti de Compiègne à neuf heures, arriva à la Villette à une heure, où il prit une demi-heure de repos chez un négociant, avant de faire son entrée dans la capitale.

Dès six heures du matin, toutes les rues où le cortége royal devait passer depuis la Villette jusqu'à Notre-Dame et de cette métropole jusqu'au palais des Tuileries, étaient sablées, ornées de tentures, de guirlandes, de fleurs et de draperies; toutes les fenêtres étaient pavoisées de drapeaux blancs aux armes de France, ou portant des incriptions, des devises, des emblèmes ingénieux inspirées par les circonstances. Dans les rues commerçantes, les négocians avaient disposé en tentures, les plus riches tissus de leurs magasins, en sorte que le cortége semblait avoir à traverser un magnifique Bazar.

Le corps municipal, ayant à sa tête M. le comte de Chabrol, préfet du département de la Seine, accompagné de M. le préfet de

police, s'était rendu au-devant du Roi, à la barrière de la Villette, où l'on avait élevé un très-bel arc de triomphe...

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S. M. y arriva à deux heures; une salve de 101 coups de canon l'annonça, et M. le préfet présenta les clefs au Roi qui lui répondit : J'éprouve une grande satisfaction en rentrant dans ces murs. C'est toujours avec une vive émotion que je me rappelle la récep«tion qui me fut faite, il y a onze ans, lorsque j'y précédais le Roi « mon frère. J'y reviens ayant reçu l'onction sainte qui m'a donné << de nouvelles forces. Je les consacrerai toutes et tout ce que j'ai de vie, et tous mes moyens au bonheur de la France.

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« C'est ma ferme résolution, Messieurs, je vous en donne l'assu

«rance... >>

On n'essaiera point de donner la description du magnifique et imposant cortége qui se mit alors en marche.

Le Roi était dans la voiture du sacre, ayant à sa gauche Madame la Dauphine; M. le Dauphin était placé en face du Roi ayant à sa droite MADAME, duchesse de Berry. Deux files de gardes nationales, de gardes royales et de troupes de ligne formaient la haie, derrière laquelle se pressaient plusieurs rangs de spectateurs. Partout où la localité l'avait permis, des amphithéâtres avaient été dressés. Pas une maison dont les fenêtres, les balcons, les auvents et jusqu'aux toits ne fussent couverts de curieux. C'est au milieu de cet immense concours de monde, au bruit des acclamations populaires, des cloches et des salves de l'artillerie, que le Monarque arriva à Notre-Dame, où le Te Deum fut chanté, et au château des Tuileries, où il entra à cinq heures. Des distributions abondantes de vin, de comestibles et de secours furent faites aux familles indigentes. Le soir, la ville entière fut illuminée, et un beau feu d'artifice, tiré aux Champs-Elysées, et des bals publics, donnés dans les divers marchés aux corporations des dames et forts de la halle, des charbonniers, ouvriers des ports, etc., terminèrent gaîment cette belle journée...

Le roi et la reine de Wurtemberg, qui venaient d'arriver alors incognito sous le nom de comte et comtesse de Teck, furent présentés le lendemain à S. M. et aux membres de la famille royale.

Ce même jour ( 7 juin), le Roi reçut, avec les formalités d'usage, l'ordre de la jarretière, dont les insignes lui furent conférés avec le cérémonial accoutumé, au nom de S. M. le roi de la Grande-Bretagne et d'Irlande, par LL. EE. M. le duc de Northumberland et M. le vicomte Granville et par sir Georges Nayler, roi d'armes de l'ordre, qui avaient reçu de leur souverain le titre de plénipoten tiaires pour remplir cette honorable mission. Le soir tous les théâtres furent ouverts au public, et on y représenta des pièces faites pour la circonstance, excepté à l'Académie royale de musique, où le grand opéra de Pharamond n'était pas prêt.

Le 8, eut lieu la fête que la ville de Paris a l'antique prérogative d'offrir au Roi dans les circonstances solennelles. Les membres de la famille royale, tout ce que la cour et la ville avaient de personnages distingués, tous les étrangers de marque qui se trouvaient à Paris et plus de deux mille personnes prises dans la bourgeoisie avaient été invitées pour assister au banquet royal préparé dans la salle d'Angoulême décorée de peintures représentant les circonstances les plus glorieuses de la dernière expédition d'Espagne.

Le Roi était assis au haut bout de la table, ayant M. le Dauphin à sa droite, Mme la Dauphine à sa gauche. Dans le même ordre étaient ensuite placés MADAME, duchesse de Berry, Mer le duc d'Orléans, Mme la duchesse d'Orléans et Mgr le duc de Bourbon. Douze dames de la ville de Paris, toutes désignées par le Roi, furent admises à l'honneur d'y prendre place avec trente dames de la cour. Le banquet, où le Roi fut servi par les membres du corps municipal, dura une heure aux accords d'une harmonie délicieuse placée dans un temple aérien suspendu sur des nuages.

Après le banquet, le Roi entendit, dans la salle du trône, une cantate de M. Soumet, mise en musique par M. Lesueur, et à huit heures le bal a commencé dans une vaste salle nouvellement construite sur la cour et dans celle d'Angoulême. Il avait été envoyé pour cette partie de la fète un grand nombre d'invitations particulières. L'Hôtel-de-Ville réunissait alors environ 5,000 personnes, l'élite de toutes les classes... MADAME, duchesse de Berry, ouvrit le bal dans les deux salles, sous les yeux du Roi, avec M. le comte de

Vaulgrenaud et avec M. Cochin, commissaires pour la fête... Pendant deux heures que S. M. y est demeurée, elle a parcouru les différentes salles, adressant aux personnes qu'elle trouvait sur son passage des mots pleins de bonté, d'intérêt et de grâce; elle semblait heureuse du bonheur qu'elle inspirait. Elle n'a quitté qu'à dix heures cette fète qui s'est prolongée toute la nuit. Il suffira de dire pour donner une idée de sa splendeur, que quand S. M. a traversé les salles du rez-de-chaussée, elle y a trouvé un service de dit-huit cents couverts, où les dames ont pris place à une heure du matin, et qui a été plusieurs fois renouvelé...

Mais en déployant tant de pompe, de magnificence et de goût pour cette fête vraiment royale, le corps municipal n'avait point négligé les réjouissances populaires qui devaient avoir lieu le même jour. Les divertissemens publics avaient commencé par une joute de mariniers entre le pont Royal et le pont Louis XVI; des distributions abondantes de vin et de comestibles avaient été faites dans la grande avenue des Champs-Élysées, décorée dans toute sa longueur d'ifs et de guirlandes de fleurs : on avait élevé dans tous les quinconces des orchestres, des jeux de bague, des mâts de cocagne et des théâtres où on ne cessa de représenter des pièces analogues à la circonstance et des pantomimes héroïques, dont les sujets étaient pris dans la vie d'Henri IV, et dont les détails allégoriques furent applaudis avec transport. Enfin l'ascension d'un ballon, des illuminations générales, un beau feu d'artifice tiré sur la place de Louis XV, et des danses qui se prolongèrent toute la nuit remplirent toute cette journée qui ne devait laisser que d'heureux souvenirs, si l'imprudence des artificiers n'avait coûté la vie à quelques personnes.'

Pendant quinze jours, ce fut une succession continuelle de festius, de bals, de fêtes publiques et particulières à la cour et chez les ministres, et des représentations théâtrales que le Roi et la famille royale honorèrent successivement de leur présence. Entre toutes les fêtes particulières, on a distingué celle de M. le duc de Northumberland, où la magnificence du service a surpassé tout ce qu'on avait vu dans ce genre; de toutes les pièces faites pour célébrer l'époque du sacre, celle de l'Académie royale de musi

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