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AVANT-PROPOS.

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abandonne à l'arbitraire la définition des crimes et l'application des peines; que l'on juge dans l'ombre; que l'ordre judiciaire soit asservi; que des commissions remplacent les tribunaux ; et la loi fondamentale ne sera qu'un vain pacte. Les garanties seront illusoires, et par cela même deviendront un danger; le peuple ressemblera au géant enchaîné par des fils imperceptibles. Nous n'avons pas maintenant de semblables périls à redouter, nous dira-t-on, cela est vrai; mais en fait de lois travaille-t-on pour un jour? Insensés que nous sommes ! nous bâtissons comme si nous ne devious jamais mourir, et nous faisons ou nous laissons faire des lois comme si nous devions mourir demain, et ne pas laisser de neveux après nous.

Le titre de cet ouvrage annonce que je ne me suis occupé que du Code pénal; si le jugement public m'encourage, je pour

rai aussi traiter de l'instruction criminelle.

J'écrirai avec franchise; mais je demande qu'on ne m'attribue l'intention d'écrire pour rien de ce qu'on appelle parti; il n'en faut qu'un dans un état sagement constitué, l'amour de la Patrie et l'obéissance aux lois.

OBSERVATIONS

PRÉLIMINAIRES.

DES PEINES EN GÉNÉRAL.

La société ne peut pas exister sans lois; les lois dépourvues de sanction ne sont que des conseils plus ou moins fidèlement suivis. Il a donc fallu des lois; il a donc fallu en assurer l'exécution en établissant des peines contre ceux qui leur résistent.

La loi défend, ou ordonne; elle ne doit défendre que des choses mauvaises et n'ordonner que des actes justes; la loi positive doit se rapprocher le plus possible de la loi naturelle; l'ouvrage de la nature vaut toujours mieux que celui de l'homme impuissants pour créer, nous savons seulement modifier ce qui est fait, et l'on altère toujours quand on modifie.

L'objet des lois n'est pas constamment de la même importance; leur infraction n'est pas également nuisible à la société. Il est donc nécessaire de

varier les peines et de les proportionner à l'intensité du délit. Il seroit à désirer qu'on pût fixer cette proportion d'une manière exacte, c'est-à-dire, déterminer un rapport parfait entre le délit et la peine; mais si un tel ouvrage pouvoit se faire, il n'y auroit plus besoin de lois ni de peines, il supposeroit la perfection dans l'homme nous trouverions alors en nous-même la règle de nos actions et la vertu de ne jamais nous en écarter. Abandonnons quant au système pénal l'idée d'un bien ab-* solu, bornons-nous à rechercher le mieux relatif.

Nous y parviendrons si nous voulons nous pénétrer de la pensée que la société, quand elle punit, n'agit point par vengeance, mais seulement pour corriger le coupable, et arrêter par l'exemple ceux qui voudroient l'imiter : ainsi donc, plus il a violé de devoirs, plus on lui retranchera de droits afin qu'il sente autant que possible l'étendue du mal qu'il a fait aux autres ; mais en conservant une telle proportion entre le délit et la peine, que le condamné, s'il est capable de repentir, ait encore à bénir la société de cette modération.

Il faut, en outre, que si le condamné a été victime de l'erreur, la réparation du tort qui lui été fait, reste possible à la société au nom de qui l'erreur a été commise.

C'est pour avoir méconnu ces principes que

PRELIMINAIRES.

Dracon s'étoit borné à écrire en lettres de sang MORT pour la peine de tous les délits.

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C'est pour avoir eu besoin de les méconnoître que les tyrans de Rome et ceux de tous les pays, transformant en crimes des actions indifférentes ou de simples délits, ont multiplié les condamnations et les victimes; parce qu'au physique comme au moral, le despotisme ne peut s'établir ni régner que sur des cadavres.

Les peines frappent l'homme dans quatre points différents, dans sa personne, dans son honneur dans ses biens, dans ses droits civils ou civiques.

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C'est dans la combinaison de ces différents moyens de punir que réside la science et la sagesse du légis

lateur.

Que l'on se garde de prodiguer l'avilissement dans les lois pénales; la patrie a plus besoin de citoyens que d'esclaves de peine ou d'hommes flétris, qu'un déshonneur permanent conduit irrésistiblement au crime.

Que l'on se garde aussi de prodiguer la détention, que les prisons soient formidables; malheur aux pays où l'on regarde la détention préparatoire comme un usage, et la détention par jugement comme une discipline; dans ces pays, il y a un peuple, il ne peut guère y avoir des citoyens.

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