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simple membre de la société le droit de punir, et de punir par le glaive; l'attentat lui a paru digne de mort, puisqu'elle a déclaré la mort légitimement donnée. La loi aura donc établi une peine rigoureuse contre les dépositaires de l'autorité, coupables d'avoir violé le domicile d'un citoyen.

Lisons l'art. 184 du Code pénal.

Tout juge, tout procureur-général ou impérial, « tout substitut, tout administrateur ou tout autre "officier de justice ou de police qui se sera in

troduit dans le domicile d'un citoyen, hors les "cas prévus par la loi et sans les formes qu'elle "a prescrites, sera puni d'une amende de 16 francs « au moins, et de 200 francs au plus.

Ainsi, la loi d'accord avec le fisc semble vendre la sûreté du domicile pour une amende à peine capable de réparer le moindre des délits. Voulonsnous voir les motifs d'une semblable indulgence. "L'on dans cette matière, cherché plutôt une

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" peine efficace qu'une peine sévère.

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L'espèce de délit qu'on examine ne tire point sa source de passions viles et basses, comme les concussions et la corruption; un zèle faux ou "mal-entendu peut produire assez souvent des rabus d'autorité, et il importe de les réprimer; mais avec modération, si l'on veut que ce soit " avec succès. ( 1 )

(1) Discours des orateurs du gouvernement.

Eh quoi! vous avouez qu'un zèle faux ou malentendu peut produire assez souvent des abus d'autorité, et vous ne voulez point reconnoître la nécessité de les punir sévèrement ; vous déclarez que pour les punir avec succès il faut les punir avec modération, c'est-à-dire que pour corriger le coupable, il faut le laisser à peu près impuni. L'on a cherché dans cette matière une peine efficace plutôt qu'une peine sévère !

Qu'est-ce donc qu'une peine efficace; n'est-ce pas celle, qui, proportionnée à l'importance du délit, est la plus propre à en prévenir l'imitation ; et lorsqu'il s'agit de la violation d'un droit tellement précieux, que la loi fondamentale l'a voulu consacrer vous établissez une peine dérisoire.

encore,

Une peine sévère ne seroit pas efficace. Pourquoi donc est-ce parce qu'on ne voudroit pas l'appliquer.

L'on représente comme possible la répétition de semblables délits ; c'est pour cela même que la peine doit être plus sévère. Il faut arrêter par l'exemple.

L'on représente comme possible la répétition de semblables délits, et on les réprime par une punition légère, qui ne peut pas même être augmentée en cas de récidive. (1)

(1) Art. 58. Les coupables condamnés correctionnellement à un emprisonnement de plus d'une année seront aussi en cas de nouveau délit condamnés au maximum de la peine por

L'on croit avoir tout légitimé, ou du moins tout excusé, quand on a couvert les attentats de l'apparence du zèle; mais les fonctionnaires publics ne doivent-ils avoir qu'une espèce de zèle, celui d'obéir aux ordres qu'on appelle supérieurs? Une de fleurs plus importantes obligations n'est-elle pas aussi de faire respecter, et de respecter eux-mêmes plus que personne des droits que la convention générale a assurés aux citoyens? Un zèle mal-entendu! oui sans doute le fonctionnaire public peut être entraîné par un zèle pur dans son principe, mais mal dirigé dans son action; nous le savons, les magistrats vraiment dignes de ce nom le savent également, la magistrature ne rend ceux, qui en sont revêtus, infaillibles ni dans leurs actes ni dans leurs jugemens; mais la loi n'a rien prévu pour les faits de vexation elle n'a vu que le délit simple, elle n'a aperçu aucune des circonstances aggravantes dont il peut être entouré.

La violation de domicile peut se faire par un faux zèle; mais elle peut s'exécuter aussi par un mépris formel des droits invoqués; elle peut se faire pendant le jour, elle peut se faire aussi pendant la nuit (1); elle peut être opérée par un ou deux fonctionnaires, mais aussi ils peuvent s'en

tée par la loi et cette peine pourra être élevée jusqu'au double, etc.

(1) Ce que nous disons n'est pas sans exemple.

tourer de l'appareil de la force, et de la terreur des armes; les clôtures extérieures ou intérieures des habitations ou des appartemens peuvent ne pas être respectées; si le zèle inconsidéré va jusqu'à ces excès, une simple amende les réprimera-t-elle ? Mais disons tout; si une vengeance particulière conduit le fonctionnaire, si la bassesse l'engage à se livrer à des influences étrangères, ou à favoriser quelque vexation générale ou individuelle, si dans les discordes politiques, par exemple......

Vos suppositions calomnient les magistrats, s'écriera-t-on, ils sont incapables de se livrer à de semblables désordres, citoyens eux-mêmes ne sont

ils

....

pas solidaires dans tous les droits que vous réclamez Mes suppositions calomnient! mais pourquoi donc la loi a-t-elle prévu la corruption, la concussion, la forfaiture?

Des considérations générales, descendons aux considérations particulières. Peindrons-nous le mal que peut produire dans une famille entière l'invasion nocturne faite dans son domicile au nom de la loi qu'on outrage, représenterons-nous les suites funestes que peut produire sur la vieillesse, sur l'enfance, sur le sexe, sur la maladie l'angoisse inséparable d'un pareil attentat.

Et si la mort suit l'effroi, la peine de deux cents francs d'amende sera-t-elle efficace et suffisante?

La loi protège tellement les agens du pouvoir, qu'elle rend un citoyen responsable de la mort

d'un officier ministériel, si elle a lieu pendant les quarante jours après les blessures qu'il lui a faites dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses

fonctions (1).

La loi protège tellement les fonctionnaires publics, que prévoyant les plus minces détails, elle condamne un citoyen à six mois d'emprisonnement pour avoir abattu un arbre appartenant à un fonctionnaire public; si le fait a été commis en haine de ce fonctionnaire, et à raison de ces fonctions. (2)

Quelle effrayante disproportion de protection! Sans doute, le fonctionnaire a droit à nos respects, l'agent de la force publique a besoin de protection, il leur faut des garanties; mais il en faut également au simple citoyen; il lui en faut d'autant plus que dépourvu de puissance personnelle il n'existe politiquement que par la puissance publique il doit au moins trouver devant la loi cette égalité de sécurité, qui ne disparoît jamais d'un état, sans y laisser l'anarchie ou le despotisme. (3)

(1) Art. 231.

(2) Art. 445, 450.

(3) Les actes des fonctionnaires publics qui sont attentatoires à la liberté ou aux prérogatives des citoyens, doivent être sévèrement punis indépendamment de toute considération, parce que, si la peine est légère, le citoyen comparant la foiblesse de la réparation avec la difficulté de l'obtenir, se tait; les atteintes consacrées, pour ainsi dire, par ce silence se multiplient, et ne sont plus considérées comme délit ; c'est ainsi qu'un peuple peut être doucement conduit à l'oppression.

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