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Les écrits sont le résultat de la réflexion, leur

effet est permanent.

Les paroles peuvent être le fruit d'un emportement non raisonné, leur effet se dissipe promptement; il seroit peut-être juste de ne les punir que de la plus forte peine correctionnelle quand elles n'ont été suivies d'aucun attentat. (1) Et pour les assimiler au crime même, ne faudroit-il pas que le crime les eût immédiatement suivies, ou tout au moins dans un espace de temps très-court indiqué par la loi; au reste, au reste, c'est dans l'application d'une loi pareille que le besoin d'une bonne organisation judiciaire se fait éminemment sentir; il faut, pour juger de semblables crimes, des hommes que la haine n'échauffe point, que la timidité n'agite pas, il faut des hommes que l'indépendance soutienne, et que l'impartialité conduise. « Rien ne » rend le crime de lèse-majesté plus arbitraire

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(1) Nous ferons observer que ce principe a reçu en partie son application dans l'art. 202.

Il s'agit d'un discours pastoral prononcé publiquement : « Si » le discours contient une provocation directe à la désobéis»sance aux lois, ou aux autres actes de l'autorité publique » ou s'il tend à soulever ou armer une partie des citoyens » contre les autres ; le ministre du culte qui l'aura prononcé sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans, si la provocation n'a été suivie d'aucun effet.»

Mais une chose remarquable en cette loi, c'est que le ministre du culte est moins puni que le particulier.

» que quand des paroles indiscrètes en deviennent la matière. Les discours sont si sujets à inter

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prétation, il y a tant de différence entre l'indiscrétion et la malice, et il y en a si peu dans » les expressions qu'elles emploient, que la loi ne » peut guère soumettre les paroles à une peine capitale, à moins qu'elle ne déclare expressément celles qu'elle y soumet.

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Les paroles ne forment point un corps de » délit; elles ne restent que dans l'idée; la plupart » du temps elles ne signifient point par elles» mêmes, mais par le ton dont on les dit. Sou» vent en redisant les mêmes paroles, on ne rend » pas le même sens : ce sens dépend de la liaison » qu'elles ont avec d'autres choses. >> (1)

N'omettons pas de dire que les auteurs des paroles ou des écrits sont punis comme les auteurs des complots, c'est-à-dire qu'une provocation, suivie d'une résolution concertée d'agir, envoie tous les coupables à l'échafaud, quoique, dans le fait, il n'y ait jamais eu d'attentat.

6o. SECTION.

DE LA RÉVÉLATION DES CRIMES QUI COMPROMETTENT LA SURETÉ EXTÉRIEURE OU INTÉRIEURE DE L'ÉTAT.

Dans ce point de législation pénale viennent se confondre une foule d'idées de morale, d'honneur 2

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d'affection, de patriotisme, de sûreté publique. De quelque côté que l'homme tourne sa pensée, son âme est oppressée par la nécessité d'un sacrifice.

Violera-t-il les lois de l'honneur qui lui prescrivent de respecter le dépôt d'un secret, immolera-t-il son ami dont il aura surpris les coupables projets dans l'abandon même de l'amitié, ou bien rendrat-il sa patrie victime de ses affections particulières ? Cruelle situation dans laquelle le devoir rempli laisse cependant toujours un regret!....

Chez quelques nations de l'Europe, la loi déclaroit coupable de complicité celui qui, ayant connu l'attentat ou le complot ne l'avoit point révélé; l'on se rappelle en France une application fameuse de cette loi barbare.

Personne n'ignore le supplice d'Augustin de Thou, ce respectable malheureux immolé par un tyran à tout ce que de mauvaises lois peuvent rassembler de tyrannique!

L'Angleterre a su se préserver de semblables écarts; il a été décidé par les statuts 1 et 2 de Philippe et Marie Chap. 10 que la non-révélation d'une conspiration contre l'état est simplement mépris; elle est loin d'entraîner une peine capitale. (1)

Le Code fait un crime de la non-révélation du crime de lèse-majesté; il a déclaré simplement délit la non-révélation des autres crimes, contre la sûreté de l'état.

(1) Blackstone, Cod. crim., Chap. 9.

Dans le premier cas, il prononce la peine de la réclusion (1); dans tous les autres, il statue une simple peine correctionnelle. (2).

Nous avons déjà parlé de la révélation obligée; cette matière est assez importante pour que nous ajoutions quelque chose à ce que nous en avons dit.

Pour justifier la loi, les orateurs du gouvernement ont prétendu que puisque notre législation invite partout les citoyens à faire connoître aux magistrats les délits et leurs auteurs, elle doit le leur prescrire sous de certaines peines relativement aux crimes qui attaquent la sûreté de l'état, si la patrie, se sont-ils écriés, n'est pas un vain mot, ceci ne sauroit être un vain devoir. »

Mais si c'est un devoir, il faut le remplir lors même qu'il en résulteroit des embarras ou dangers personnels; la loi d'ailleurs protégera toujours le révélateur véridique. »

Ces principes avoient été dès long-tems combattus. Un homme dont les travaux immenses ne l'ont laissé sans gloire dans aucune science, Voltaire, dans son commentaire sur le livre des délits et des peines, avoit écrit ces paroles remarquables.

er Cette loi non-seulement force un homme de " bien à être délateur d'un crime qu'il pourroit prévenir par de sages conseils et par sa fermeté;

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(1) Art. 104. (2). Art. 105.

mais elle l'expose encore à être puni comme calomniateur, parce qu'il est très-aisé que les conjurés prennent tellement leurs mesures qu'il ne puisse les convaincre. »

Filangieri (1) a discuté cette question avec plus de développement.

Il

pose comme un principe établi par la raison que la loi ne doit jamais être contraire à l'opinion publique si l'opinion publique est mauvaise, c'est au législateur à la rectifier.

La loi ne doit point détruire l'obstacle au mal, quand elle trouve cet obstacle hors d'elle-même. Second principe.

La loi doit préférer un remède qui préviendra le mal dans un grand nombre de circonstances à celui qui arrête le mal dans un seul cas. Troisième principe.

Filangieri suppose ensuite un homme condamné pour ne pas avoir révélé la conjuration dont un ami lui a fait la confidence, et dont il a cherché par tous les moyens à le détourner.

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L'opinion publique publique ne verra-t-elle pas en « lui une victime de l'honneur, et les spectateurs, applaudissant à sa vertu ne maudiront-ils pas la loi qui la punit? Quel avantage la société retirerat-elle de cette peine? Elle se privera d'un citoyen qui aura préféré l'honneur à la vie (2) et rendra

(1) Science de la législation, tom. 5 pag. 23. (2) Nous devons dire à l'infamie.

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