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capable non-seulement de compromettre la sûreté intérieure, mais même la sûreté extérieure de l'état; mais le misérable qui incendie un édifice de peu de valeur ou quelques arpens de bois, en attaque-t-il la sûreté intérieure? il en trouble la paix morale comme tout auteur d'un délit; mais il n'en atteint ni la paix ni la sûreté organique. Sans doute il faut le punir; mais non comme un rebelle, non comme un séditieux. L'on ne peut s'empêcher de reconnoître une différence infinie entre les caractères et la gravité de ces crimes; c'est une loi défectueuse que celle dans laquelle on confond des idées aussi distinctes, pour arriver à prononcer la même peine et sur-tout la peine de mort.

Peut-on prétendre que celui qui brûle dix arpens de bois appartenant à l'état, lui cause un préjudice équivalant à la perte d'un homme, est-il un citoyen qui ne frémisse à la vue d'un de ses semblables égorgé pour une pareille cause? Ce frémissement, ce cri de l'humanité ne viennent-ils pas nous avertir que la loi est mauvaise, et qu'à la peine de mort on devroit en substituer une plus proportionnée à la nature du crime, aux suites qu'il peut avoir, au préjudice qu'il a causé?

La loi pénale a-t-elle été formée dans de justes proportions, lorsqu'elle a mis sur la même ligne l'invasion d'une forteresse, et le pillage de la caisse d'un receveur de contributions, et que pour les deux crimes, elle a établi la peine de mort contre les

chefs de bandes armées, (1) et celle de la déportation contre les autres ? (2) Nous ne pouvons nous résoudre à le croire. Et si à cette confusion dans la loi, l'on ajoute la sévérité de la jurisprudence, qui, aux termes de l'art. 101, répute armes de simples pierres; si l'on réfléchit au défaut du législateur d'avoir défini ce qu'il entend par bandes, d'avoir désigné le nombre des individus dont le rassemblement doit paroître une bande, on sera plus porté encore à trouver dans de certaines parties de cette loi, une excessive sévérité; à ces vices se joint encore la possibilité de l'arbitraire, le deuxième S de l'art. 96 applique la peine de mort à ceux qui auront de toute autre manière pratiqué des intelligences avec les directeurs ou commandants des bandes. Quelle effrayante latitude pour

(1) Art. 96. Quiconque soit pour envahir des domaines, propriétés ou deniers publics, places, villes, forteresses, postes, magasins, arsenaux, ports, vaisseaux ou bâtimens appartenant à l'état, soit pour piller ou partager des propriétés publi→ ques ou nationales ou celles d'une généralité de citoyens, soit enfin pour faire attaque ou résistance envers la force publique agissant contre les auteurs de ces crimes, se sera mis à la tête de bandes armées ou y aura exercé une fonction ou commandement quelconque, sera puni de mort.

Les mêmes peines seront appliquées à ceux qui auront dirigé l'association..... ou leur (aux bandes) auront sciem-ment et volontairement fourni des armes, etc. auroit de toute autre manière pratiqué des intelligences avec les directeurs ou commandants des bandes.

(2) Art. 98.

...... ου

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l'application de la peine de mort! de toute autre manière pratiqué des intelligences.

Et remarquons encore que les coupables d'avoir, de toute autre manière pratiqué des intelligences, sont plus sévèrement punis que les coupables d'avoir agi dans ces bandes, puisque ces derniers ne souffrent que la déportation.

Nous venons de voir que la loi accumule en une seule disposition plusieurs crimes dont les élémens sont divers et qu'elle les punit d'une même peine. Nous y voyons la loi contraire aux principes; mais dans la proportion établie entre la peine et les crimes nous trouvons la loi en contradiction avec elle-même.

Toute attaque, toute résistance avec violence et er voies de fait.... envers la force publique est réputée crime ou délit de rebellion. Art. 309.

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Si la rebellion a été commise par une réunion armée de vingt personnes, la peine sera la récluersion. Art. 211.

Cette peine n'est augmentée, que quand l'un ou l'autre des dépositaires de la force publique a reçu des blessures ayant caractère de meurtre, (1) ou que la mort a suivi dans le terme de 40 jours, celles qu'il a reçues (2).

Peut-on soutenir que l'envahissement ou le pillage d'une caisse publique pratiqués, sans circons

(1) Art. 233. (2) Art. 231.

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tance aggravante par sept à huit individus présentent un caractère plus alarmant, que la rebellion avec violence faite par vingt personnes armées, et que le premier crime doit être puni de la mort ou de la déportation, tandis que le second l'est seulement de la réclusion? non sans doute.

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Les articles 95 et 96 sont donc rédigés d'une manière trop complexe, ils réunissent des dispositions inconciliables.

Nous serions injustes au reste, si nous ne faisions pas remarquer avec quelle sagesse la loi pardonne aux séditieux qui, au premier avertissement des autorités civiles ou militaires, se seront retirés de la bande où un égarement passager les avoit entraînés. (1) Cette mesure allie la justice et la prudence, elle est dictée par l'intérêt de la société ; mais pourquoi ne l'a-t-on pas étendue avec certaines modifications aux chefs des bandes ? Pourquoi les forcer à persister dans le crime par la nécessité de défendre leur vie? Pourquoi les forcer à continuer l'emploi de tous leurs moyens de séduction et d'influence, et à entraîner sur leurs pas des complices et des victimes. Nous avons dit que

(1) Il ne sera prononcé aucune peine pour le fait de sédition contre ceux qui, ayant fait partie de ces bandes sans y exercer aucun commandement et sans y remplir aucun emploi ni fonctions, se seront retirés au premier avertissement des autorités civiles et militaires, ou même depuis lorsqu'ils n'auront été saisis que hors des lieux de la réunion séditieuse sans opposer de résistance et sans armes, etc. Art. 100.

la patrie ne doit pas capituler avec des traîtres qui viennent compromettre sa sûreté extérieure, nous le répétons; mais elle n'a pas besoin d'autant de sévérité contre des citoyens coupables un instant, que la clémence peut ramener, mais que le désespoir peut conduire aux derniers excès.

Ve. SECTION.

DES PROVOCATIONS.

"Un homme qui va dans la place publique exhorter les sujets à la révolte, devient coupable » de lèse-majesté, dit Montesquieu, parce que les paroles sont jointes à l'action et y participent. Ce ne sont point les paroles que l'on punit, mais une action commise dans laquelle on emploie ➜ les paroles. ♫♪ ( 1 )

Notre loi est plus douce, elle ne punit les provocateurs aux crimes contre la sûreté intérieure de l'état, comme les auteurs de ces crimes, que quand les provocations ont été suivies de leur effet. Hors ce cas, les provocateurs ne sont punis que du bannissement; cette distinction est sage; mais ne conviendroit-il pas d'en faire une seconde entre la peine réservée aux écrits affichés ou imprimés, et celle que l'on inflige aux provocations verbales.

L'action d'exciter par paroles est, ce me semble, moins criminelle et moins dangereuse, que l'excitation par écrit.

(1) Esprit des lois, liv. 12. Chap. 12.

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