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aux affaires publiques, l'amour de lá patrie les anime dès l'instant où ils voient que c'est pour elle qu'ils se sacrifient et non pour quelques hommes. Les citoyens chérissent leur patrie quand régis par des lois justes, ils n'ont point à défendre leur personne contre la servitude, ni leur fortune contre la rapacité; ils aiment leur patrie enfin quand ils en ont une, c'est-à-dire quand ils sont certains d'être demain ce qu'ils étaient hier, quand ils ne sont pas forcés à changer chaque jour de lois, de mœurs, d'intérêts politiques, de domination; c'est alors que l'on peut voir renaître dans un pays l'exercice des antiques vertus patriotiques de la Grèce et de Rome; mais les lois répressives ne créent pas plus l'amour de la patrie, que le bâton du janissaire ne peut persuader à l'esclave turc qu'il en

a une.

...

La dénonciation ordinaire présentera donc peu de ressources; mais elle entraînera un inconvénient grave et incontestable, celui d'animer par la crainte le conspirateur à l'exécution rapide de son complot.

Reste la dénonciation des complices.

Beccaria (1) examine les avantages et les inconvéniens de l'impunité réservée à celui qui a dénoncé son complice.

D'un côté, dit-il, la nation autorise la trahi

(1) Traité des délits et des peines §. 36.

" son, sorte de perfidie dont les scélérats mêmes "ont horreur entre eux; elle introduit les crimes " lâches, bien plus funestes pour elle que les crimes " courageux, parce que le courage est peu commun et qu'il n'attend qu'une force bienfaisante pour concourir par elle au bien public, tandis la lâcheté si ordinaire aux hommes, est une "P que " contagion qui se répand sans cesse et infecte "toutes les âmes.

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er D'un autre côté elle prévient les forfaits, elle e rassure le peuple toujours effrayé, quand il voit " les crimes connus et les coupables ignorés. Elle "apprend aux citoyens que celui qui enfreint les lois, c'est-à-dire les conventions publiques, ne "sera pas plus fidèle aux conventions particulières.

Il me semble qu'une loi générale pour pro"mettre l'impunité à tout complice qui découvre "un crime, seroit préférable à une déclaration spé"ciale dans un cas particulier.

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"Une telle loi préviendroit l'union des méchans, par la crainte réciproque qu'elle inspireroit à chacun d'eux, de s'exposer seul au danger.

En admettant ce système on soutiendra avec le Code pénal, que la peine de mort étant réservée aux conspirateurs pour la seule résolution d'agir, ils seront retenus in limine criminis, que l'appréhension d'être dénoncés et envoyés à l'échafaud par leurs complices, les empêchera de concerter

la résolution d'agir, et que les conspirations n'existeront point.

Ce raisonnement seroit propre à justifier l'éta— blissement de la peine de mort contre tout délit ; car on pourroit dire aussi que la crainte de la mort retiendroit toute espèce de coupable; mais cela n'est pas même vrai.

En voulant prévenir par ce moyen les conspirations, l'on rend plus terribles celles qui pourront exister. Les conspirateurs, connoissant l'étendue du danger qu'ils ont à courir pour la seule résolution d'agir, ne se réuniront point facilement à la vérité; mais s'ils se réunissent, ce ne sera qu'après avoir multiplié les épreuves capables de leur donner l'asşurance parfaite de leur mutuelle fidélité. « Les er scélérats ont aussi leurs vertus, des vertus qu'ils reçoivent de la crainte et du besoin, comme "la discrétion et la vigilance. » (1)

La loi tournera donc contre le repos de l'état, elle sera impolitique sous ce rapport, comme elle est injuste sous le rapport de la proportion de la peine au crime. D'autres inconvéniens encore sont la conséquence de l'excessive sévérité de cette peine. La résolution concertée entre deux ou plusieurs personnes!..... Un semblable concert laisse ordinairement peu de traces, les conspirateurs évitent d'élever contre eux des monumens de conviction.

(1) Pastoret, lois pénales, 2e. vol., 4. partie, pag. 104.

Eh bien! que deux complices en accusent trois autres d'une résolution concertée d'agir; enverra-t-on ceuxci à l'échafaud sur deux déclarations suspectes d'individus capables d'avoir conçu l'idée d'un crime atroce ? Le fera-t-on, si la révélation assure nonseulement l'impunité; mais si comme Louis XI le déclaroit publiquement, on la juge en secret digne de rémunération; une commission seule auroit ce courage. Plus la peine est forte, plus difficilen.ent la conviction du juge du fait doit se former; si le juge est léger, il court à l'injustice; si le juge est honnête et scrupuleux, l'impunité du coupable atteste l'impuissante exagération de la loi. Qui de nous n'a entendu souvent répéter ces mots dans les affaires criminelles d'un haut intérêt, ah! s'il n'y avoit eu que la peine des travaux forcés; mais la mort!..... blâmera qui le pourra ce cri de l'humanité, mais malheur aux lois qui le provoquent.

III. SECTION.

CRIMES CONTR LA FAMILLE DU CHEF DE l'ÉTAT, etc.

Si nous avons cru les considérations qui précèdent justes quant aux complots contre la personne du monarque, on doit sans contredit les appliquer aux complots (1) des crimes prévus par l'art. 87 du code pénal, et cet article mérite une attention particulière la manière dont il est rédigé.

par

(1) Nous n'employons le mot complot que dans le sens défini l'art. 89.

par

Détruire ou changer le gouvernement, ou l'ordre de successibilité au trône.

Exciter les citoyens ou habitans à s'armer contre l'autorité royale.

L'attentat ou le complot contre la vie ou les personnes des membres de la famille impériale.

Sont des crimes rangés dans la même classe, et l'article met en première ligne les actes dirigés contre les membres de la famille impériale.

Nous sommes pénétrés du plus profond respect pour la famille de notre monarque; mais le langage des lois est plus sévère que celui des affections et de la vénération; et lorsque nous ferons taire nos sentimens pour n'écouter que les règles immuables de la justice, nous serons obligés de reconnaître que détruire le gouvernement, ou changer l'ordre de successibilité au trône, est bien un autre crime que celui de comploter contre la personne de l'un ou l'autre des membres de la famille du monarque.

« Le premier devoir du citoyen, le pacte le » plus précieux, celui de tous qui a la plus grande » influence; en un mot, le pacte que l'on ne peut » violer sans dissoudre la société, est celui qui » oblige de ne point porter atteinte à la souve› raineté : la violation de ce pacte est donc le plus grand de tous les délits; celui qui s'efforce d'a» néantir ce pouvoir, dit Platon, celui qui s'efforce de substituer à la force des lois la volonté d'un » homme; celui qui tente de subjuguer sa patrie

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