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de Vitré; les tableaux des dimes inféodées, rachetées par le Trésor public, que nous donnent les rapports annuels du directoire du département au conseil général, ne nous en ont révélé que trois ou quatre autres, possesseurs de dimereaux insignifiants). Le Trésor, il est vrai, n'était tenu qu'au rachat des dimes inféodées d'origine ecclésiastique. Mais, à peu près partout, les dîmes demeurées effectivement aux mains du clergé et connues de nous suffisaient à remplir le total certain des dîmes de la paroisse. Quelles qu'elles fussent, il paraît bien que les dîmes inféodées ne formaient dans nos 3 districts qu'une somme insignifiante, très probablement inférieure à 4.000 1. (2).

Le haut clergé et le clergé régulier, contrairement peut-être à ce qui se passait dans les régions où les abbayes et les gros bénéfices étaient plus nombreux et plus riches, ne pos

(1) I. Dimes inféodées signalées par MM. Sée et Lesort:

DANS LE DISTRICT DE RENNES. En La Mézière: 700 1. au seigneur. En Montgermont: Moins du tiers, soit 700 1. au plus, à M. Viart de Jussé. En Nouvoitou: Plusieurs traits, au seigneur de Châteaugiron; affermés, en 1765, 494 1.

En Vern Plusieurs traits, au même.

DANS LE DISTRICT DE VITRÉ. En Mondevert: 210 1., au marquis des Nétumières. II. Dimes inféodées, d'origine ecclésiastique, rachetées par le Trésor (Extraits des rapports annuels du directoire du département au conseil général, 15 novembre 1791 et 4 décembre 1792. Arch. dép. d'I.-et-V., L 218) :

DISTRICT DE RENNES, en 1791 :

Lodin, curé de Brécé, 16 bx. de seigle, mes. de Châteaugiron......
Enfants Viart de Jussé, 12 M. de seigle, sur le trait de Bréal, en
Montgermont.....

Consorts de Cornulier, dimereau de la Claujardière, en Melesse...
Pauvres de La Mézière, 2 traits en La Mézière.

Prix de rachat au denier 20 ou 25.

2.054 1.

-

6.442 1. 10 s.
127 1. 1 s. 8 d.

12.275 1.

Frédéric de Thalouët, 2 dimereaux dépendant de la Havardière, en ?

Jean Drouin, les 2/3 d'une dime verte, en Nouvoitou..

2.425 1.
1.000 1.

DISTRICT DE FOUGÈRES, en 1792 :

Le Monnier, un trait de dime de chanvre måle, en Vendel.......

225 1.

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On remarquera que l'une de ces dimes appartenait à un recteur et une autre à une fondation charitable.

(2) En d'autres régions bretonnes, on peut constater au contraire une extension considérable des dimes inféodées. Dans son étude sur Les Classes rurales en Bretagne, M. Sée avait déjà signalé quelques paroisses des Côtes-du-Nord, de la Loire-Inférieure et de l'Ille-et-Vilaine, où des seigneurs laïques enlevaient les deux tiers ou même, parfois, la totalité des dimes. Mais la publication des cahiers des paroisses de la sénéchaussée de Rennes a révélé la fréquence et l'importance des dimes inféodées dans toute l'étendue des évêchés de Saint-Brieuc et de Tréguier (H. SEE et A. LESORT, Les Cahiers de la sénéchaussée de Rennes, t. III et IV).

sédait pas, dans notre région, la plus forte part des dimes, sinon dans le district de Rennes. Voici d'ailleurs la répartition approximative de celles-ci :

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Les recteurs percevaient, à eux seuls, 222.746 l. 18 s. 4 d., soit près de la moitié du total; les fabriques ne comptaient que pour 7.342 1., et les fondations et petits bénéfices divers, pour 6.668 1. 11 s. 9 d.

C'est que, dans une notable partie des paroisses, la moitié au moins des dîmes, et souvent même la majeure partie, appartenaient au recteur. Le tableau suivant le montre nettement :

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Totaux.. 144 38 (26,76 %) 27 (18,59 %) 39 (27,46 %) 38 (26,76 o%)

Les recteurs décimateurs possédaient toujours, dans leur lot, la majeure partie des dîmes vertes et les novales, et, par

(1) Les recteurs de Saint-Germain et de Saint-Sauveur n'avaient ni pension, ni dimes.

(2) Ou à peu près. Il pouvait arriver que quelque petit trait dépendît d'une fondation ou appartint à un décimateur étranger.

(3) Nous comptons ici le doyen de Champeaux, qui remplissait dans cette paroisse les fonctions de recteur, mais dont les dimes devaient plutôt être considérées comme dépendance de la collégiale.

fois même, ne possédaient que les unes et les autres. Il paraît d'ailleurs probable que l'extension des dîmes vertes a eu principalement pour objet de suppléer à l'insuffisance des grosses dimes laissées aux recteurs. Quant aux novales, elles appartenaient en principe aux recteurs, et les congruistes eux-mêmes en jouissaient toujours, nonobstant leur pension, avant la déclaration de 1768. Ceux qui les conservèrent dans la suite durent renoncer à une partie plus ou moins considérable de leur pension, et, tout au moins, au supplément que cette déclaration leur accordait. C'était le cas de quatre parmi les nôtres.

Lorsque la part des recteurs était inférieure à la moitié des dîmes, elle comprenait, le plus souvent, le tiers des grosses et la totalité des novales et des menues, suivant une tradition souvent invoquée dans les cahiers des paroisses, en 1789. Certains avaient abandonné aux principaux décimateurs leurs portions de dimes, moyennant une rente fixe, en grains. Celui d'Acigné recevait ainsi, en 1789, 1.100 1. de l'évêque de Rennes, pour les 50 M. de seigle auxquelles avait été fixé son gros», c'est-à-dire sa part des grosses dîmes.

Le reste des dîmes n'appartenait qu'à des établissements ou à des bénéfices de fondation ancienne. Les nombreuses communautés fondées depuis le XVI° siècle n'en possédaient jamais. Avec les recteurs, c'étaient donc l'évêché, les chapitres, les abbayes, les prieurés et la commanderie du Temple de La Guerche qui en profitaient principalement. Le collège de Rennes et les séminaires jouissaient des dîmes attachées aux prieurés qu'on leur avait réunis. Des hôpitaux, celui de Saint-Nicolas de Vitré seul en possédait, en raison sans doute de son ancienneté.

Plusieurs décimateurs, sans même compter le recteur, se partageaient souvent les dîmes d'une même paroisse. C'était le cas dans 19 paroisses du district de Rennes et dans 12 de chacun des deux autres. Les parts étaient d'ordinaire fort inégales.

Le mode d'exploitation différait avec les décimateurs, et le même décimateur ne suivait pas toujours la même règle.

Les recteurs percevaient généralement leurs dimes euxmêmes; les autres décimateurs, plus éloignés des lieux de

perception, les confiaient toujours à des fermiers (1). Mais on voit le même tantôt donner à un fermier unique toutes les dîmes qu'il possédait dans une paroisse, tantôt les partager entre plusieurs. En 1789, l'évêque de Rennes affermait en bloc toutes ses dimes de Cesson, qu'il partageait entre 11 fermiers en 1770; en 1789, d'ailleurs, il partageait ses dîmes d'Acigné en 8 petits lots, tout comme vingt ans auparavant. On peut remarquer, toutefois, que les décimateurs ne morcelaient beaucoup les fermages que dans les paroisses les plus rapprochées de leur résidence. Dans les localités éloignées, le fermage unique était la règle, et il arrivait souvent qu'un établissement ou un bénéficiaire confiât au même fermier les biens de toute sorte qu'il pouvait posséder en une même paroisse ou en plusieurs paroisses voisines, dîmes, terres, droits seigneuriaux et autres redevances; c'était d'ordinaire le cas pour les biens des prieurés dépendant des grands établissements. Les recteurs, quand il leur arrivait d'affermer leurs dîmes, préféraient les petits fermages aux gros. Il en était, cependant, qui affermaient toutes les leurs en bloc.

Les petites fermes étaient naturellement prises par des habitants de la localité, généralement par des paysans; elles étaient souvent de très minime importance, le plus petit hameau ayant parfois un fermier particulier, choisi parmi ses habitants, qui levait les dîmes des trois ou quatre métairies environnantes. Les grosses allaient à des fermiers plus largement solvables, à des gens d'affaires ou à des hommes de loi, qui parfois habitaient fort loin des lieux de perception et devaient choisir des intermédiaires sur place. C'est ainsi que Lebouc de la Bouteillère, avocat à Fougères, fermier de l'évêque de Rennes pour les dîmes de Saint-Georges-deReintembault, avait pris des arrangements particuliers avec 106 habitants de la paroisse, dont le recteur; dans la plupart des 127 villages, il avait un sous-fermier. Ces arrangements lui assuraient une recette de 9.796 1., soit un bénéfice de 596 1. sur le fermage qu'il payait lui-même à l'évêque. C'est, il est vrai, le seul exemple que nous puissions donner des procédés de perception des gros fermiers. Lorsqu'ils habitaient sur place, ils trouvaient, sans doute, plus profitable d'en user

(1) L'abbaye de Saint-Sulpice, seule, faisait exception, pour les dimes de sa propre paroisse.

IV

comme les recteurs dont nous avons les comptes pour 1790, et de faire eux-mêmes ramasser, charroyer, engranger, battre et vendre le produit de leurs dîmes. Ces gros fermiers, d'ailleurs, étaient souvent des négociants de campagne, des marchands de grains surtout, qui trouvaient, dans l'affermage des dîmes, un aliment pour leur commerce et l'occasion de spéculer.

Les baux de dîmes étaient, comme les baux de terres, généralement conclus pour 9 ans, parfois pour 6, beaucoup plus rarement pour 12 ou 18; ils comprenaient toujours la récolte de la dernière année. Le paiement intégral en argent était la règle ordinaire; nous n'avons relevé qu'un petit nombre de fermages payables en grains, paille et argent, et il se peut que la proportion en ait diminué, comme pour les fermages de terres, dans le courant du XVIIIe siècle; il était même très rare que le fermier fût tenu à aucune prestation ou redevance accessoire en nature.

Nous ne pouvons savoir à quelle époque remontait l'usage des pots de vin ou deniers d'entrée qui, souvent, augmentaient clandestinement, dans des proportions considérables, le prix des baux. Un état des revenus du chapitre de Rennes, en 1772, nous apprend que pour les baux, tant de dîmes que de terres, courant à cette date, les pots de vin avaient produit 11.000 1. Mais, dans leur déclaration de 1790, les religieuses de SaintSulpice, en avouant les deniers d'entrée reçus de leurs fermiers, ont expliqué qu'elles les avaient réclamés, au dernier renouvellement des baux seulement, afin de libérer l'abbaye de ses vieilles dettes. On sait au reste que nous ne les connaissons ordinairement que par les déclarations des fermiers eux-mêmes, en 1790. Il en a pu échapper à nos recherches, et l'intérêt que le clergé pouvait avoir à dissimuler le produit réel de ses biens, ne fût-ce que pour frauder sur les droits de contrôle, existait depuis longtemps. Nos documents ne nous en ont révélé aucun pour les fermes de dîmes de l'évêché, du chapitre de Rennes et de l'abbaye de Saint-Georges. Mais le produit des dimes de l'abbaye de Saint-Sulpice s'en trouvait accru dans la proportion de 7%, et celui de ses prieurés, dont les dimes formaient le principal revenu, dans la proportion de 12 %.

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