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souvent dû renoncer à retrouver la valeur des revenus en nature que les déclarants n'avaient pas évalués eux-mêmes, ou à distinguer le revenu respectif de chacun des différents objets affermés en bloc par un même fermier; si peu importantes enfin que soient les lacunes signalées plus haut, elles seules suffiraient à donner à certains totaux un caractère approximatif.

La masse de données comparables entre elles et certaines, dont nous disposons, est telle, cependant, que nos chances d'erreur se trouvent assez étroitement limitées, et que nous pouvons dégager d'une documentation, somme toute satisfaisante, des conclusions suffisamment précises et bien fondées. Or, qu'il s'agisse de reconnaître la proportion, dans l'ensemble de sa fortune, des divers revenus dont vivait le clergé, ou leur répartition entre ses diverses classes ou catégories, des calculs précis, même s'ils ne doivent donner que des résultats approximatifs, sont la condition première de toute conclusion acceptable.

CHAPITRE III

Les biens et les revenus du clergé.

Le clergé et les établissements d'assistance et d'éducation de nos districts tiraient annuellement, de leurs propriétés, dîmes et droits divers, 1.256.000 1. au moins de revenus, sans compter le produit, certainement très considérable, de différents casuels.

Ce n'étaient pas là des revenus nets. Certains se trouvent comptés deux fois, les pensions des recteurs portionnaires et des vicaires par exemple, prises sur le produit des dîmes déjà compris dans le revenu des décimateurs (1). Il faut en déduire, d'autre part, les décimes, les rentes passives de toute sorte (2), les impôts royaux, les droits seigneuriaux, les frais de réparations, tout un ensemble de charges dont nous ne connaissons pas toujours le montant et que les déclarants n'ont pas toujours comptées de la même manière. Pour 1.106.000 1. de revenus, le plus grand nombre et les plus importants de nos établissements ont avoué environ 360.000 1. de charges diverses, pensions comprises. A quelle somme pouvaient s'élever les charges des autres? Comme il s'agissait surtout de petits bénéfices, de fondations, de fabriques et d'établissements hospitaliers ou scolaires, qui n'avaient ni portions congrues à fournir, ni souvent de rentes à payer, on peut admettre que leurs revenus n'étaient pas grevés dans une plus forte proportion, et évaluer leurs charges au même taux, soit à 47.000 1. au plus. Le revenu net des établissements de nos districts se trouverait ainsi réduit à 850.000 1., soit à un peu plus des deux tiers de leur revenu total. C'est une réduction

(1) 79.650 1. incombant aux décimateurs de nos districts, et 2.100 1. à des décimateurs étrangers.

(2) 50.000 1. au moins.

évidemment exagérée, car certains établissements ont compté parmi leurs charges des dépenses d'entretien.

Quels étaient exactement, et à combien s'élevaient, ces revenus «< certains », toujours compris dans les déclarations ecclésiastiques? Voici le tableau que nous en avons pu dresser d'après leurs différentes origines :

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Comme le dernier article consistait surtout en dîmes et en immeubles affermés ensemble, parfois avec quelques droits seigneuriaux et des rentes foncières, on voit que le produit des dîmes dépassait sensiblement les deux cinquièmes et celui des immeubles le quart du total. Faute d'indications toujours explicites sur la nature des rentes, on ne peut distinguer rigoureusement, des rentes foncières et des autres redevances, le produit des capitaux mobiliers; nous avons toutefois reconnu, on le verra, que le revenu de ceux-ci atteignait 150.000 1. au moins, soit, dans l'ensemble, une proportion de 12 %.

Du total de ces revenus, 124.205 1., soit le dixième environ, provenaient d'immeubles, de dimes, de droits seigneuriaux et de rentes foncières, étrangers à nos districts (3). En revanche, divers établissements étrangers percevaient, dans la région, 37.808 1. 15 s. 1 d. de revenus divers; 20.000 1. environ provenaient de dîmes sur lesquelles étaient pensionnés 2 recteurs

(1) Produit net aux mains du clergé, tous frais de récolte déduits.

(2) Suivant le tarif de 1786, soit 700 1 pour les recteurs et 350 1. pour les vicaires. (3) 119.205 I 11 s. 2 d., appartenaient à des établissements ecclésiastiques, et 5.000 1. au collège de Rennes (revenus du prieuré de Brégain, dans le diocèse et le district de Dol).

42.870 1. provenaient de dimes d'immeubles et de droits seigneuriaux affermés ensemble, 68.237 1. de dimes, et 13.008 1. d'immeubles.

(4) 26 758 1. 15 s. 1 d., appartenaient à diverses abbayes et prieurés, 820 1. aux fondations de paroisses limitrophes, et 410 1. aux collèges de Laval et de Quimper.

et 2 vicaires, 15.300 1. d'immeubles, et le reste de droits seigneuriaux. Dans tous les cas, le produit des dimes surpassait de beaucoup tous les autres revenus; le produit des immeubles mène lui restait toujours sensiblement inférieur.

I. Les dîmes.

Le produit net des dîmes ecclésiastiques perçues dans les limites des trois districts s'élevait à 450.000 1. environ. C'était, nous venons de le voir, le plus important des revenus de l'Eglise, dans notre région; il y surpassait de 130.000 1., au moins, celui de ses immeubles. Les dîmes grevaient ainsi la propriété foncière d'une lourde charge. Dans toutes nos paroisses elles enlevaient, au moins, le 13 des fruits décimables, dans certaines le 12 et dans beaucoup le 11a. On peut en évaluer le taux moyen au 12o, qu'il s'agisse des anciennes ou des novales, des grosses ou des menues.

Partout, elles atteignaient les mêmes catégories de terres et frappaient, à peu près, les mêmes objets. Toutes les terres cultivées étaient, en principe, décimables. Cependant, la déclaration royale du 6 juin 1768, particulière à la Bretagne, accordait aux terres nouvellement défrichées l'exemption de la dîme pendant 20 ans, et le privilège de ne la payer dans l'avenir qu'à la 50° gerbe. Il se peut que des terres nobles aient également joui d'une exemption complète ou partielle; nos documents n'en font, toutefois, nulle mention; il ne s'agissait, en tout cas, que d'exemptions particulières, peu onéreuses, dans l'ensemble, pour le clergé, et dont il avait depuis longtemps arrêté l'extension. Il ne paraît pas avoir souffert, comme en d'autres régions, du progrès des cultures fourragères; ni ses déclarations, ni ses baux ne font, du moins, la moindre allusion à une réduction de la matière ou des surfaces décimables, ni les cahiers des paroisses aux conflits qu'eût inévitablement soulevés l'introduction de cultures nouvelles, sur lesquelles le droit de dimer était contestable; or, on sait avec quelle âpreté les paysans ont, dans leurs cahiers, défendu leurs intérêts de décimables; ils n'y auraient pas négligé pareil grief.

Partout on levait, non seulement la dîme des gros grains (blé, seigle et avoine) ou grosse dime, mais encore diverses « menues dimes », portant partout sur le blé noir, le chanvre et le lin (dimes vertes) et en certains endroits sur le produit des jardins, sur les agneaux et les porcs (charnage). Beaucoup de ces menues dimes étaient d'origine récente, «< insolites », et nombre de cahiers dénoncèrent, en 1789, leur extension abusive; les paysans se plaignirent d'autre part, en beaucoup de paroisses, qu'on n'exemptât pas de tout prélèvement les grains destinés aux semences.

Les novales, c'est-à-dire les dîmes. des terres nouvellement défrichées (1) ou chargées à nouveau de fruits décimables, étaient perçues dans les mêmes conditions que les anciennes Le produit en était généralement considérable, dépassant parfois le dixième du produit total des dîmes de la paroisse. Mais la proportion en était trop différente, d'une paroisse à l'autre, et nous l'ignorons trop souvent, pour qu'il soit intéressant, ou même possible, d'en calculer la moyenne.

D'ailleurs, nos documents ne nous ont fourni d'ordinaire. que peu de détails sur le produit respectif des différentes espèces de dîmes et leur mode de perception. Les baux euxmêmes sont toujours rédigés en termes généraux et vagues, se bornant à dire que le preneur se conformera aux usages, sans spécifier ni les objets décimables, ni le taux du prélèvement (2).

Nous avons pu donner, du moins, l'état des différents décimateurs ecclésiastiques de chaque paroisse et déterminer assez exactement la part de chacun. Quant aux décimateurs laïques, possesseurs de dîmes inféodées, nous ne connaissons guère que ceux déjà signalés par MM. Sée et Lesort, dans leur édition des cahiers de la sénéchaussée de Rennes; ils n'en ont découvert que dans 5 paroisses des districts de Rennes et

(1) Une fois réputée novale, une dime le demeurait indéfiniment. On peut donc se demander à partir de quelle époque le domaine des dimes anciennes a cessé de s'étendre; M. Sée signale la constitution de novales dès le XVIe siècle, époque à laquelle commence son étude; mais il pouvait sans doute en exister de plus anciennes (H. SEE, Les Classes rurales en Bretagne, p. 168).

(2) Aucune description spéciale, ni complète, du régime des dimes dans la région, n'a encore été tentée. Mais on consultera, avec intérêt, le chapitre dans lequel M. Sée étudie particulièrement quelles multiples charges elles imposaient aux paysans bretons (H. SEE, Les Classes rurales en Bretagne, chap. XII).

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