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Leurs comptes étaient, d'ailleurs, les plus précieux pour nous, puisque ces recteurs sont les seuls bénéficiaires qui aient. pu, en général, continuer à percevoir eux-mêmes l'ensemble de leurs anciens revenus. C'étaient les seuls décimateurs, en effet, qui d'ordinaire exploitaient directement leurs dîmes, et, souvent, ils ne possédaient aucun autre bien qu'un pourpris «tenu par mains ». Les gros bénéficiaires et les communautés donnaient à bail, au contraire, la majeure partie de leurs biens, et, quand ils nous sont parvenus, ce qui est rare, leurs comptes de 1790 ne comprennent que des objets accessoires d'importance médiocre.

Nous avons les comptes de 61 recteurs décimateurs sur 104. Ordinairement dressés dans le plus grand détail, ils sont rarement d'une parfaite clarté. Enumérant les ventes de denrées ou les rentrées de fonds, chacune à leur date, ils ne distinguent pas toujours nettement le produit des différentes espèces de dîmes; les résultats seuls en sont à retenir. Les vérifications des municipalités et des directoires de district et de département, ces dernières toujours minutieuses, concluent généralement à leur exactitude. Trois de nos comptes seulement ont été gravement contestés, ceux des recteurs de Beaucé, de Chauméré et de Saint-Germain-sur-Ille. A tous les trois l'on reproche d'avoir dissimulé une partie de leur recette réelle, soit par des apprécis trop faibles, soit en omettant certaines rentrées, soit en « enflant » les frais de récolte. N'y eut-il pas d'autres tentatives de fraude? Il était aisé, sans doute, de vérifier l'exactitude des apprécis et de discuter les frais de récolte; c'est d'ailleurs là-dessus que portent d'ordinaire les rectifications. Mais comment connaître la quantité des denrées réellement récoltées? Seules les municipalités étaient à même d'exercer, sur ce point, un contrôle efficace, et il était rare, certainement, qu'elles fussent en aussi mauvais termes avec leurs recteurs que celle de Chauméré. Nous avons, cependant, de bonnes raisons de croire à la sincérité des comptes. Dans plus de la moitié des cas, nous l'avons vu, leurs résultats sont sensiblement supérieurs aux évaluations portées dans les déclarations, et ils dépassent également celles que l'on pourrait déduire des fermages de portions de dimes équivalentes, dans la même région. Leurs données, en somme,

valent bien celles que nous pouvons recueillir par ailleurs sur les revenus des biens non affermés, et nous apportent plutôt des estimations supérieures. Nous les avons toujours rapportées, au moins comme termes de comparaison, et, pour 14 paroisses même, elles constituent l'unique source qui nous fasse connaître la situation des recteurs. Ajoutons que ces comptes nous ont seuls fourni quelques détails précis sur les frais de récolte des dîmes.

§ II.

LES DÉCLARATIONS DE FERMIERS ET DE LOCATAIRES

Le décret des 11-24 août 1790 avait obligé tous les fermiers, locataires ou autres concessionnaires de biens ecclésiastiques, de représenter leurs titres aux secrétariats des districts où étaient situés lesdits biens, et d'y déclarer, dans tout leur détail, les conditions de leurs fermages ou loyers, sans omettre les sommes versées à titre de pots de vin, ou promises par billets ou contre-lettres. Ces déclarations paraissent avoir été faites avec exactitude dans nos trois districts. Dans les originaux ou sous forme d'extraits, nous les possédons pour la plus grande partie des biens affermés. Toujours précises, elles donnent parfois, avec les nom, domicile et qualité du fermier et les conditions du bail, des détails utiles sur la consistance des biens. Comme il est rare qu'elles ne mentionnent pas des prestations ou des pots de vin, souvent considérables, nous pouvons les présumer sincères. Jamais, d'ailleurs, nous n'avons relevé de contradictions entre elles et les indications rapportées dans les inventaires administratifs ou les procèsverbaux d'estimation des biens nationaux. Il est superflu d'insister sur l'importance des compléments que nous devons à cette remarquable série de documents, qui se trouvent actuellement, aux Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine, dans les mêmes liasses de la série V que les déclarations du clergé.

§ III. LES DOCUMENTS D'ORIGINE ADMINISTRATIVE

Les administrations locales, municipalités et directoires de district et de département, curent à reconnaitre directement

la situation de certains établissements, et, d'autre part, à rassembler et à vérifier les données de toute sorte, fournies par les déclarations et les inventaires. Nous leur devons : 1o des inventaires particuliers de communautés et autres maisons religieuses, et d'hôpitaux; 2° divers recensements généraux des biens ecclésiastiques de leurs ressorts.

Les inventaires des municipalités et des directoires de district. Ce furent d'abord les municipalités que la Constituante, par le décret des 20-26 mars 1790, chargea de faire l'inventaire des maisons et communautés religieuses. « Les » officiers municipaux », disait le décret, «se transporteront, » dans la huitaine, dans toutes les maisons de religieux de » leur territoire, s'y feront représenter tous les registres et » comptes de régie, les arrêteront, et formeront un résultat » des revenus et des époques de leurs échéances. Ils dresse»ront, sur papier libre et sans frais, un état et description. » sommaire de l'argenterie, argent monnayé, des effets de la » sacristie, bibliothèque, livres, manuscrits, médailles, et du » mobilier le plus précieux de la maison, en présence de tous » les religieux, à la charge et garde desquels ils laisseront » lesdits objets, et dont ils recevront les déclarations sur l'état » actuel de leurs maisons, de leurs dettes mobilières et immo» bilières, et des titres qui les constatent. » Ils devaient dresser également l'état du personnel de chaque maison.

Le décret des 20-22 avril suivant invita les directoires de district à aider les municipalités dans leurs opérations et à comprendre dans celles-ci tous les bénéfices, corps et communautés ecclésiastiques sans exception.

Cependant, nous ne possédons d'inventaires que pour les maisons et communautés religieuses de Rennes, de SaintSulpice et de Hédé, et pour un seul hôpital, celui de SaintNicolas de Vitré. La plupart furent faits, par les soins de la municipalité de Rennes, en mai et juin 1790. Au mois de septembre suivant, les commissaires du district descendirent à l'abbaye de Saint-Sulpice, et, en novembre, chez les Ursulines de Hédé. En 1791 et 1792, en exécution de nouveaux décrets, ils procédèrent aux inventaires des séminaires et des maisons d'éducation, de retraite et de refuge.

Tous les procès-verbaux, qu'ils émanent des commissaires de la municipalité de Rennes ou de ceux du district, paraissent établis avec un soin minutieux. Revenus et charges y sont ordinairement énumérés avec plus de détail que dans les déclarations du clergé, et l'état en est suivi de l'indication sommaire, tout au moins, des dettes et des créances. On y rapporte le détail des prestations en nature, et, souvent, le montant des pots de vin; il est rare toutefois qu'on y donne la contenance des terres. Ces inventaires seuls nous ont fait connaître avec certitude la composition du personnel des communautés, avec les nom, prénoms, âge et qualité de chacun de leurs membres. Mobilier, argenterie et objets du culte y sont toujours décrits dans le plus grand détail. Bibliothèques et archives le sont d'une façon beaucoup plus sommaire; on n'indique, en général, que le nombre des livres de chaque format, et, tout au plus, le genre des pièces réunies dans chaque liasse. Ce n'était pas, il faut le dire, le moment de dresser des catalogues complets, et les commissaires ont au moins vérifié, sur les baux en cours, les livres rentiers et les derniers comptes, les conditions des fermages, l'état des revenus et la situation financière des établissements inspectés. Pour les revenus non affermés, ils ont ordinairement accepté les déclarations des religieux, sans jamais paraître douter de leur véracité.

Nulle autre catégorie de documents ne pouvait nous offrir un ensemble plus complet de détails utiles et certains. Toutes les fois que ces inventaires doublent une déclaration ecclésiastique, celle-ci perd à peu près tout intérêt pour l'objet de notre travail.

Etats et déclarations des municipalités. Outre leurs inventaires, les municipalités nous ont encore laissé divers états ou tableaux généraux des biens et revenus du clergé, dans leur circonscription. Ce sont d'abord des états « désignatifs et estimatifs », réclamés aux municipalités par le Comité Ecclésiastique de la Constituante, au mois de mars 1790. Pour l'ancien diocèse de Rennes tout entier, la Commission Intermédiaire des anciens Etats de Bretagne, qui tint jusqu'en juillet la place des futures administrations de dépar

tement et de district, en réunit 62 qu'elle adressa au Comité, le 27 avril. Les Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine en ont conservé les originaux; la plupart concernent les districts de Rennes et de Vitré.

Ce sont ensuite de nouveaux états de revenus, des états de fermiers, des tableaux de biens et des déclarations, envoyés par les municipalités aux directoires des districts, de septembre à décembre 1790. Ces directoires, aussitôt constitués, c'est-à-dire dès le mois de juillet, avaient dû se préoccuper de former l'état des biens nationaux vendables, et de reconnaître les revenus dont la gestion leur incombait désormais. Sans attendre les nouvelles déclarations réclamées au clergé, ni celles de ses fermiers, obéissant aux ordres de l'administration départementale, ils prièrent les municipalités de leur adresser toutes celles qu'elles avaient elles-mêmes reçues, en exécution du décret des 13-18 novembre 1789, et de dresser à nouveau l'état de tous les biens ecclésiastiques de leur territoire (1). Les municipalités répondirent avec plus ou moins de hâte et d'exactitude. Les districts leur avaient fait parvenir des imprimés, divisés en bandes horizontales, pour les bénéfices ou établissements, et en colonnes verticales, pour les diverses catégories de revenus; elles n'ont pas toujours su les remplir, et beaucoup même ne les ont pas utilisés. Leurs réponses sont parvenues sous les formes les plus diverses et offrent une valeur inégale. Certaines municipalités n'ont signalé que les immeubles, ou même ont donné simplement l'état des fermiers ecclésiastiques; d'autres se sont contentées d'envoyer la déclaration de leur recteur; beaucoup ont omis les biens des fabriques et des fondations qui en dépendent. Les contenances qu'elles indiquent ne sont jamais qu'approximatives, et leurs évaluations, quand elles ne confirment pas simplement celles du clergé, paraissent absolument arbitraires. Les mêmes remarques valent pour les premiers états, envoyés en mars et avril.

Tels qu'ils sont, néanmoins, ces documents constituent un moyen de contrôle qu'on ne saurait négliger, et ils nous ont

(1) Voir les délibérations et la correspondance du département et des districts (Reg. de délib. des conseils généraux et des directoires; reg. de correspondance du district de Fougères. Août-décembre 1790. Arch. dép. d'I.-et-V., série L).

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