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excepte les recteurs et les vicaires qui jouissaient de diverses fondations dans leurs propres paroisses, nous ont laissé de ces déclarations générales, et seuls, certains chanoines de Rennes, un chanoine de Vitré et les recteurs de Montautour et de Veneffles, ont déclaré des bénéfices étrangers à nos trois districts. Mais, l'évêque de Rennes excepté, il n'est aucun des ecclésiastiques possédant, à notre connaissance, plusieurs bénéfices, qui n'en ait fait une déclaration commune à l'une des municipalités de nos trois villes, soit avant, soit après la publication du décret précédant. On peut admettre que le clergé de la région se conforma généralement à la loi.

On remarquera le nombre relativement considérable des déclarations fournies, à Rennes, à Fougères ou à Vitré, par des ecclésiastiques étrangers à nos districts, pour les bénéfices qu'ils y possédaient. Nous croyons les avoir toutes, hormis une seule, celle d'un vicaire de Broons (Côtes-duNord), pour une petite fondation de la paroisse de SaintGeorges-de-Reintembault.

Que valent les déclarations du clergé ? Sont-elles complètes et suffisamment explicites? Furent-elles sincères ?

Chacun les a rédigées à sa manière, généralement avec assez d'ordre et de clarté. Revenus et charges sont classés d'après leur nature, et même, quand il s'agit d'établissements importants dont les possessions s'étendaient en dehors de la région, les propriétés seigneuriales et foncières, et les dimes sont parfois groupées par diocèse. La description n'en est jamais bien longue ni toujours aussi complète qu'on le voudrait. On donne quelquefois le produit global des rentes constituées, sans énumérer les différents contrats ni indiquer leur valeur en capital et leur taux; il est rare qu'on porte la contenance des terres et les conditions détaillées des fermages.

Le décret des 13-18 novembre, conçu, on l'a vu, en termes très généraux, n'imposait d'ailleurs pas de règles fixes aux déclarants, et nous ne connaissons aucune instruction qui le

commente.

La plupart des déclarants n'ont indiqué que leurs revenus fixes et les casuels tenant à une propriété quelconque ou à l'exercice d'un droit. Certains recteurs ont cependant fait entrer en compte le profit que pouvait leur valoir le casuel

du culte. Quelques-uns ont donné le revenu brut de leurs dîmes, comptant parmi leurs charges les frais de récolte, tandis que la plupart des décimateurs en ont simplement indiqué le revenu net. L'indécision fut générale au sujet des presbytères, des couvents et des autres immeubles occupés par le clergé. Parfois les déclarants en ont évalué la valeur locative complète, parfois ils n'ont compté que le produit des enclos ou des pourpris effectivement exploités; souvent, enfin, ils ne les ont mentionnés que pour mémoire. Mais on constate des divergences plus graves dans le calcul des charges.

Le décret ne réclamait que l'état des charges « grevant les » biens déclarés ». Les déclarants ont toujours compris qu'il s'agissait de l'ensemble des charges qui leur incombaient. Mais, tandis que les uns s'en tenaient aux frais de réparations et aux charges fixes, décimes, pensions, arrérages et redevances diverses, acquit de fondations, d'autres y comprenaient des dépenses d'entretien, honoraires, gages, salaires et même nourriture du personnel, des frais de culte, leurs aumônes, etc... Parmi les titulaires de fondations, les uns se sont contentés de mentionner les messes et services qu'ils devaient, d'autres en ont porté le prix; or, il n'est nullement certain que les premiers s'acquittaient en personne desdits offices, ni que les seconds les faisaient célébrer moyennant salaire.

On devra donc se souvenir que nos totaux de charges, et même de revenus, ne sont pas toujours comparables entre eux. Il suffit d'ailleurs que les conditions des fermages diffèrent, que les fermiers soient ou non tenus d'acquitter certaines des charges imposées aux déclarants, pour que les résultats généraux des déclarations, établis suivant des règles diverses, présentent une valeur et un sens différents.

Ces observations n'atténuent en rien l'intérêt des déclarations. Les déclarants n'ont pas péché par omission; tous ont au moins donné ce qu'on leur demandait; et, s'il faut, avant de tenir compte d'un total, toujours examiner le détail qui le justifie, les indications les plus importantes pour nous ne font défaut nulle part. Ajoutons qu'elles méritent généralement confiance.

Quand bien même le clergé aurait eu des motifs sérieux de

cacher sa véritable situation, et nous ne voyons pas clairement quel intérêt chacun des déclarants, en particulier, aurait eu à le faire, la fraude était difficile. Les revenus et les biens de l'Eglise n'étaient pas de ceux qu'on pùt dissimuler aisément. Ses contrats de rente étaient nominatifs; ses droits seigneuriaux, ses dîmes et ses immeubles étaient connus de tous dans les localités intéressées, et il était aisé, en tout cas, aux administrations locales, d'en contrôler la nature et le produit. Ces enquêtes administratives ont eu lieu dans la suite et n'ont révélé aucune lacune grave, aucune tentative de fraude bien caractérisée.

Voici, au surplus, les réserves à faire :

Les déclarants n'avouent à peu près jamais les pots de vin que comportaient la plupart des fermages ecclésiastiques, tant de dimes et de droits seigneuriaux que d'immeubles. C'était réduire, dans une notable proportion souvent, le revenu réel de leurs biens. Pour l'estimation des biens nationaux, la Constituante ordonna plus tard d'augmenter toujours le prix des fermages d'une fraction des deniers d'entrée calculée en raison de la durée des baux. Il faut toutefois reconnaître qu'il n'était fait aucune mention de ces deniers dans les décrets relatifs aux déclarations, et que les déclarants, les employant ordinairement à rétablir l'équilibre de leur budget, à liquider une situation embarrassée ou à acquitter des dépenses exceptionnelles, pouvaient, avec quelque raison, ne pas en tenir compte dans la somme de leurs revenus fixes et réguliers.

Les déclarants ont, d'autre part, apprécié à leur gré les prestations, les redevances et les fermages en nature, ainsi que le produit des dimes, des terres et des droits, directement exploités par eux. Ne les ont-ils pas estimés trop bas? Remarquons d'abord que leurs évaluations concordent ordinairement avec les données des inventaires et des états qui nous viennent des municipalités et des districts, documents qui ne prêtent guère à la critique.

Par comparaison, cependant, avec les prix atteints dans les ventes et, parfois même, dans les expertises des biens nationaux, on peut trouver trop faibles les évaluations des terres affermées à moitié ou à détroit, «ou tenues par mains. » Mais, experts et acquéreurs n'avaient à considérer que le revenu

probable des années à venir, et pouvaient escompter les conséquences des réformes et l'accroissement continu du prix des denrées. Or, cet accroissement, si considérable et si rapide pendant la période qui précéda immédiatement la Révolution, explique justement que les déclarants, se fondant, comme il était naturel, sur les résultats moyens des années antérieures, aient donné des évaluations inférieures au produit effectivement obtenu en 1789.

Pour les dîmes directement exploitées par les recteurs, les seuls décimateurs à peu près qui n'affermaient pas les leurs, nous avons, dans les comptes qu'ils durent fournir de la gestion de leurs biens en 1790, un élément de contrôle dont nous justifierons plus loin la valeur. Or, dans 19 comptes sur 42, le produit net des dimes est sensiblement égal ou même inférieur aux sommes portées dans les déclarations des comptables (1), et si, dans l'ensemble, le résultat des comptes est supérieur aux évaluations des déclarants, n'est-il pas admissible que le produit de 1790 ait, en divers endroits, dépassé la moyenne ordinaire?

En définitive, ces premières déclarations du clergé sont assez complètes et ne cachent rien de ses charges ni de la nature de ses revenus, qu'elles énumèrent avec assez d'exactitude et de détail; les évaluations en sont parfois insuffisantes; mais nous avons souvent le moyen de déterminer dans quelle mesure et de faire les rectifications nécessaires.

Les secondes déclarations du clergé et les comptes de 1790. --Pendant l'année 1790, le clergé continua à régir une partie de ses biens, les immeubles, les dimes et les droits seigneuriaux qu'il ne donnait pas à ferme; il en devait même garder le produit jusqu'à concurrence du montant des charges par lui acquittées, et des traitements ou pensions auxquels il avait droit. Les décrets des 20-22 avril et des 11-24 août 1790 lui ordonnèrent, en conséquence, d'en remettre, avant le 31 janvier 1791, les comptes aux directoires de district, qui les

1) 30 comptes donnent un produit réel de 61.518 1. 3 s., contre un produit déclaré de 52.674 1. 9 comptes donnent un produit réel de 14.512 l. 11 s. 4 d., contre un produit déclaré de 16.195 1. 3 comptes donnent un résultat équivalent au produit déclaré.

devaient transmettre aux directoires de département, après vérification par les municipalités des lieux de situation des biens.

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Les décrets des 24 juillet-24 août et des 11-24 août, en fixant les traitements et pensions du clergé, invitèrent, d'autre part, tous les ecclésiastiques à fournir, dans le délai de trois semaines, aux directoires des départements où étaient situés leurs principaux offices ou bénéfices, d'après les baux >> actuellement existants, pour les objets tenus à bail ou ferme, » et d'après les comptes de régie ou d'exploitation, pour les » autres objets, un état estimatif de tous les revenus dont ils >> jouissaient, ainsi que des charges dont ils étaient grevés ». Les casuels et les produits des droits supprimés sans indemnité n'y devaient pas être compris. Le décret des 24 juillet-24 août ordonnait, en outre, communication des états « aux municipalités des lieux où les biens étaient situés, pour être con» tredits ou approuvés ».

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De ces dernières déclarations, un petit nombre seulement nous sont parvenues, relatives, à peu près toutes, au district de Vitré. Celles-ci, au nombre de 54, nous ont été conservées sur le registre où elles furent copiées par les soins de l'administration du district: 27 intéressent les cures, et les 27 autres diverses chapellenies ou petits bénéfices. Il ne faut pas s'étonner qu'il n'en reste aucune provenant des communautés, les décrets de juillet et d'août ne concernant que les offices ou bénéfices personnels. Rien ne distingue ces déclarations des précédentes. Souvent même, leurs auteurs se contentent de renvoyer l'administration à celles qu'ils ont déjà produites. Quand ils en ont fourni de nouvelles, elles portent, dans tous les cas où la comparaison est possible, et les mêmes articles et les mêmes évaluations que les autres; on remarque seulement que les décimes ne sont plus comptés dans les charges. On ne saurait done accuser le clergé de la région d'avoir, dans ces secondes déclarations, exagéré à dessein le montant de ses revenus, afin d'obtenir des traitements plus avantageux.

Quand ils doublent des inventaires administratifs, ou des déclarations, les comptes de gestion de 1790 nous apportent le plus souvent, au contraire, des évaluations nouvelles. Mais seuls, à peu près, les recteurs décimateurs nous en ont laissé.

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