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CHAPITRE PREMIER

Les Sources.

Il était, pour l'objet de cette publication, une catégorie de documents d'une importance capitale. C'est celle que nous devons aux mesures prises, de 1789 à 1793, par les administrations nouvelles, pour préparer la liquidation des biens ecclésiastiques nationalisés, régler les traitements et les pensions prévus par les décrets de la Constituante, contrôler enfin et réformer les budgets des établissements religieux, hospi-taliers et scolaires qui étaient conservés.

Ces documents nous ont fourni les principaux éléments de nos tableaux de revenus et de charges, de dettes et de créances, au moment de la Révolution. Mais il était toujours utile d'en contrôler les données, et il nous fallut souvent parer à leur insuffisance ou à leurs lacunes.

Aux documents relatifs à la liquidation des biens nationaux, nous avons demandé des éléments de contrôle et des compléments indispensables pour l'étude de la propriété foncière du clergé. Les anciens fonds ecclésiastiques, ceux des hôpitaux et des maisons d'éducation, ainsi que le fonds de l'intendance, nous ont non seulement fourni des compléments précieux, mais permis encore de suivre l'administration de la fortune ecclésiastique et ses fluctuations pendant les périodes antérieures. Les cahiers des paroisses pour les Etats Généraux de 1789, enfin, nous ont apporté, avec certains détails utiles, des témoignages contemporains d'une valeur objective souvent certaine.

Notre documentation provient, à peu près exclusivement, des Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine, principalement des séries Q (domaines nationaux) et V (administration des cultes), et des anciens fonds ecclésiastiques (séries G et H) et scolaires (série D).

Nous pensions trouver dans la série Q, non seulement les documents relatifs à la liquidation des biens nationaux, mais encore tous ceux que les administrations locales avaient dû rassembler, avant 1792, sur les biens du clergé, et qu'elles auraient dû transmettre, suivant le décret du 19 août 1791, à l'Administration des Domaines, désormais chargée de la gestion desdits biens (1). En fait, la série Q n'a reçu que les inventaires des maisons religieuses du district de Rennes (2); la masse principale des déclarations du clergé et de ses fermiers, et des états ou tableaux dressés par les municipalités et les administrations de district, se trouvent sommairement classés dans la série V. A cette dernière nous devons encore les états de situation des fabriques en 1792 ou 1793, les comptes de gestion du clergé pour l'année 1790, et, d'une façon générale, les documents relatifs à ses traitements et pensions.

A la série L nous n'avons emprunté que les éclaircissements que nous pouvaient fournir les registres de délibérations des administrations du département et des districts, sur les mesures prises par elles pour recenser la fortune de l'ancien clergé. La série C, enfin, nous a fourni les résultats des enquêtes administratives ordonnées, au XVIII° siècle, sur la situation des hôpitaux et des autres établissements d'assistance.

Les Archives Nationales n'ont rien conservé des déclarations, ni des inventaires, dont les municipalités et les districts devaient expédier le double au Comité ecclésiastique de la Constituante; le fonds de la Commission des Secours et celui de la Commission des Réguliers ne nous ont fourni, sur l'état de certains couvents au XVIIIe siècle, que des indications très sommaires et d'un intérêt médiocre.

Des archives municipales, celles de Rennes seules possédaient un fonds intéressant pour nous, celui du collège. Seules, également, les archives des Hospices de Rennes nous ont procuré des indications abondantes et précises sur les

(1) Voir la délibération prise par le Conseil général du département, le 6 déc. 1791, pour préparer ce transfert (Arch. dép. d'I.-et-V., Reg. délib. du Conseil général, L 214).

(2) Liasses 1 Q 300 et 301.

revenus des anciens hôpitaux et même des bureaux d'assistance de la ville.

Quant aux anciennes archives des fabriques, nous nous en sommes rapporté, pour ce qui en reste après les versements faits aux Archives Départementales, au témoignage de Guillotin de Corson qui eut, pour les étudier, plus de facilité que personne. Il n'a certainement omis, dans son Pouillé de l'Archevêché de Rennes, aucune des données qu'elles pouvaient lui fournir sur les fondations charitables et scolaires, données en réalité bien maigres. Il signale d'autre part tous les comptes de fabriques qu'il a pu connaître; aucun ne concerne le XVIII° siècle. Si nous en jugeons d'ailleurs par ceux qui ont été rassemblés aux Archives Départementales, ces fonds paroissiaux, réduits le plus souvent à quelques titres de fondations et à des cahiers de délibérations plus ou moins mutilés, ne présentaient ordinairement aucun intérêt pour

nous.

I. Les enquêtes de l'époque révolutionnaire (1789-1793).

Nous distinguerons : 1° les documents qui émanent du clergé lui-même: 2o les déclarations de ses fermiers; 3° les documents qui proviennent des administrations publiques.

§ I. LES DOCUMENTS D'ORIGINE ECCLÉSIASTIQUE

Aussitôt la natio

Les premières déclarations du clergé. nalisation de ses biens décidée, le clergé fut invité à en déclarer lui-même la nature et le revenu. Le décret des 1318 novembre 1789 oblige les titulaires de bénéfices et les chefs d'établissements religieux à faire, dans le délai de deux mois, «par devant les juges royaux ou les officiers municipaux, une » déclaration détaillée de tous les biens mobiliers ou immo»biliers dépendant desdits bénéfices, maisons ou établisse»ments, ainsi que de leurs revenus, et à fournir, dans le » même délai, un état détaillé des charges dont lesdits biens » peuvent être grevés. Lesquels déclarations et états seront publiés et affichés, à la porte principale des églises de

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>> chaque paroisse où les biens sont situés, et envoyés à l'As» semblée Nationale par lesdits juges et officiers ». Un décret du 27 novembre suivant ordonne, d'autre part, le dépôt, « aux » greffes des juges royaux ou des municipalités les plus voi» sines, des états et catalogues des livres » appartenant aux bibliothèques ou archives des monastères et des chapitres.

On paraît, dans notre région, avoir rapidement et généralement obéi au décret du 18 novembre. Nous ne possédons pas, il est vrai, toutes les déclarations réclamées; mais il est certain qu'il y en eut d'égarées. Beaucoup, en effet, ne nous sont parvenues que dans l'exemplaire original, rédigé et envoyé par le déclarant lui-même. Combien de ces feuilles volantes, dont beaucoup sont encore aujourd'hui dispersées, au hasard, dans les séries L, Q et V des Archives d'Ille-et-Vilaine, ont pu disparaître? Suivant la résidence des déclarants, ou même leur caprice, les déclarations avaient été envoyées en des lieux divers. La plupart, toutefois, furent reçues par les greffes des sénéchaussées et les municipalités urbaines; celles que recueillirent le greffe de la sénéchaussée de Rennes et les municipalités de Rennes et de Vitré nous sont intégralement parvenues, inscrites sur des registres spéciaux. Mais les autres? Les directoires des districts avaient dû rassembler toutes les déclarations, pour les recensements généraux qu'ils eurent à faire des biens ecclésiastiques de leurs circonscriptions; c'est par les districts, et dans leurs archives, que nous ont été conservées celles qui subsistent encore. Or, ces archives ont souffert de bien des pertes, de bien des mutilations et d'un long désordre. Il se peut, d'ailleurs, que les directoires n'aient parfois obtenu des municipalités que des extraits des déclarations; cela paraît bien avoir été le cas dans le district de Vitré. Peut-être quelques déclarations se pourraient-elles retrouver dans les archives des communes, en feuilles, ou bien inscrites sur les registres de délibérations. Les rechercher serait une besogne difficile et probablement vaine.

Voici l'état des déclarations que nous connaissons :

Un registre ouvert au greffe de la sénéchaussée de Rennes, le 20 janvier 1790, et transmis ensuite au greffe de la municipalité, porte 199 déclarations reçues jusqu'au 12 mars sui

vant. La plupart ne font que reproduire la majeure partie des déclarations détachées qui nous ont été conservées pour le district de Rennes et ses alentours. Ce ne sont que des copies; mais il est à remarquer qu'elles sont toujours signées, et parfois même écrites, de la main du déclarant ou de son mandataire. Elles viennent de tous les points de la sénéchaussée; le plus grand nombre, toutefois, intéressent la ville et le district de Rennes. Mais, complétées mème par les autres déclarations détachées, elles ne forment, ni pour la ville, ni pour le district, un ensemble absolument complet.

Pour les districts de Vitré et de Fougères, nous possédons également de belles collections de déclarations détachées. D'autre part, un cahier, ouvert par la municipalité de Vitré, en a reçu, du 24 février au 27 avril 1790, 38, relatives, à peu près toutes, aux établissements et bénéfices de la ville. A Fougères, 65, dont les originaux manquent souvent, ont été copiées, par les soins sans doute du directoire du district, sur un cahier spécial. La municipalité du chef-lieu en avait reçu un grand nombre, mais le registre en a été perdu (1).

Au total, nous avons à peu près toutes les déclarations des grands établissements, chapitres, abbayes et communautés, et des prieurés. Il nous manque environ le tiers de celles des recteurs et des titulaires de petits bénéfices. Une dizaine seulement nous viennent des généraux de paroisses ou des trésoriers des fabriques; mais il n'était pas certain que le décret du 18 novembre visât les biens des fabriques, et, d'ailleurs, le détail de leurs revenus et de leurs charges a parfois été rapporté dans les déclarations des recteurs.

On peut se demander si les déclarants ont bien donné l'état de tous les bénéfices qu'ils pouvaient posséder, non seulement dans la région, mais au delà de ses limites; s'ils ont complètement fait connaître, d'un coup, l'état de leur fortune.

Le décret du 24 février 1790 avait ordonné à tout ecclésiastique de remettre, à la municipalité de la ville la plus proche de sa résidence ordinaire, l'état complet de ses bénéfices. Quelques bénéficiaires, mais en bien petit nombre, si l'on

(1) Nous ne le connaissons que par une allusion du directoire du district, dans une lettre au département (27 septembre 1790. Reg. délib. du directoire du district de Fougères, Arch. dép. d'I.-et-V., série L).

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