Page images
PDF
EPUB

tion, eten traînent même les poids dont elles sont chargées. Aristote suppose qu'elles vivent, mais il ne croit pas que ce soient des animaux, parceque les animaux ont des desirs, des sens et de la raison, ce que les plantes n'ont pas. Les stoïciens et les disciples d'Epicure leur refusent la qualité d'animaux, par la raison que les êtres animés ont les uns une ame concupiscible et appétitive; les autres, une ame raisonnable, au lieu que les plantes n'ont qu'un mouvement fortuit, qui ne peut avoir une ame pour principe. Empedocle dit que les arbres furent les premiers animaux qui sortirent de terre, avant que le soleil eût commencé sa révolution et que le jour eût été séparé de la nuit; que suivant la proportion de leurs éléments constitutifs, les uns sont mâles et les autres femelles; qu'ils doivent leur accroissement à la chaleur qui s'élève du feu de la terre dont ils font partie, comme les embryons font partie du sein de la mère dans lequel ils sont renfermés; que les fruits sont le superflu de l'eau et du feu que les plantes contiennent; que celles qui ont moins d'humidité, et en qui elle a été desséchée par les chaleurs de l'été, perdent tous les ans leurs feuilles; tandis que celles qui ont une sève plus abondante, comme le laurier, l'olivier et le palmier, conservent toujours leur feuillage; que la différence de saveur dans les fruits vient de la diversité et du nombre des parties qui composent les plantes, et de la différente nourriture qu'elles puisent dans la terre. Les vignes en sont un exemple : ce n'est pas la différence du plant qui fait le bon vin, mais celle du sol où elles crois

sent.

CHAPITRE XXVII.

De la nourriture et de l'accroissement des animaux.

Empédocle croit qu'ils se nourrissent de la substance des aliments qui sont analogues à leur tempérament,

qu'ils croissent par l'action de la chaleur; que le défaut de l'un et de l'autre les fait décroître et périr; que les hommes d'aujourd'hui, comparés aux anciens, ne sont que des enfants.

CHAPITRE XXVIII.

D'où viennent dans les animaux les appétits et les plaisirs.

Suivant Empedocle, les appétits viennent dans les animaux d'un défaut de proportion de leurs éléments constitutifs; l'humidité qu'ils ont dans leur corps est la cause de leurs plaisirs; leurs mouvements naissent des dangers qui les menacent, et d'autres causes semblables, leurs troubles et leurs... '.

CHAPITRE XXIX.

Quelle est la cause de la fièvre, et si elle est toujours la suite d'une autre maladie.

Erasistrate définit la fièvre une agitation du sang qui se porte dans les vaisseaux du poumon, et ce mouvement est involontaire de notre part. Comme la mer se tient calme quand aucune cause extérieure ne l'agite, et que lorsqu'un vent impétueux vient à souffler, elle se soulève tout entière contre sa disposition naturelle; de même dans le corps humain, quand le sang est agité, il passe dans les vaisseaux destinés à la respiration, et la chaleur vive qu'il y contracte se communique au reste du corps. Erasistrate croit d'ailleurs qu'elle est toujours la suite d'une autre maladie. Dioclès est du même avis : ce qui 'se manifeste au dehors, dit-il, est un indice de ce qui est caché dans l'intérieur du corps. Or, on voit que la fièvre se joint à des maux déja déclarés, tels que les blessures, les tumeurs et les abcès.

1 Il y a ici une lacune qui ne se trouve remplie ni dans les recueils de Stobée, ni dans l'histoire philosophique de Galien.

T. IV.

21

CHAPITRE XXX.

De la santé, de la maladie et de la vieillesse.

Alcméon dit que l'état de santé consiste dans l'équilibre de toutes les qualités du corps, de l'humide, du chaud, du sec, du froid, de l'amer, du doux et de toutes les autres propriétés ; que l'excès d'une seule d'entre elles et son empire sur les autres altère celle-ci, et fait l'état de maladie, soit comme cause efficiente, si c'est par excès de chaleur ou de froid; soit comme cause matérielle, s'il y a plénitude ou défaut d'humeurs, comme dans ceux en qui le sang ou la cervelle sont appauvris. La santé donc est l'harmonie et la proportion de toutes ces qualités. Dioclès attribue la plupart des maladies à l'inégalité des éléments qui composent le corps humain, et à sa mauvaise constitution. Erasistrate leur donne pour cause l'excès de nourriture, les digestions et la putridité des humeurs qui en sont les suites; il ajoute qu'une diète modérée, dont le besoin seul est la règle, fait la santé. L'opinion générale des stoïciens est que la vieillesse vient du défaut de chaleur, puisque la vieillesse est plus tardive dans les personnes dont le tempérament est plus chaud. Asclepiade croit que les Ethiopiens vieillissent de bonne heure, c'est-à-dire à trente ans, parceque leurs corps sont trop échauffés par l'ardeur du soleil; que dans la Grande-Bretagne les hommes vivent jusqu'à cent vingt ans, parceque le climat y est froid, et que les corps y conservent plus longtemps leur chaleur naturelle. Les corps des Ethiopiens ont le tissu de la peau plus mou et plus raréfié parceque le soleil le relâche; mais, dans les pays septentrionaux, les corps sont beaucoup plus compacte, et c'est ce qui fait qu'on y vit plus longtemps.

QUESTIONS NATURELLES 1.

I.

Pourquoi l'eau de la mer n'est-elle pas favorable à la végétation des arbres?

Est-ce par la même raison qu'elle n'est pas propre à la nourriture des animaux? Car une plante, suivant Platon, Anaxagore et Démocrite, est un animal terrestre. De ce qu'elle nourrit et abreuve les plantes marines, aussi bien que les poissons, il ne s'ensuit pas qu'elle serve à la végétation des arbres et des plantes terrestres. Elle est trop épaisse pour pouvoir s'insinuer (jusqu'à leurs racines, et trop pesante pour s'élever dans leur tige et dans leurs branches. Ce qui prouve, entre plusieurs autres raisons, qu'elle est pesante et chargée d'une matière terreuse, c'est que les vaisseaux et les nageurs s'y soutiennent mieux que dans l'eau douce.

Est-ce que la sécheresse est très nuisible aux arbres, et que l'eau de la mer est dessiccative? Voilà pourquoi le sel empêche la putréfaction, et que ceux qui se baignent dans la mer ont très promptement la peau sèche et rude. Estce parceque l'huile est ennemie des plantes, et fait périr celles qui en sont arrosées? Or, l'eau de la mer est grasse

1 Les questions dont Plutarque se propose la solution dans ce traité appartiennent toutes à la physique, comme le titre l'indique. Nous avons déja observé que ce n'était pas la partie brillante de la philosophie des anciens. Tout cependant n'y est pas à rejeter. Au milieu des erreurs qui y dominent on voit briller des traits de lumière. Si quelques unes de ces questions sont indifférentes ou oiseuses, si d'autres ne sont pas résolues par les principes d'une saine physique, plusieurs sont intéressantes par leur objet, et offrent des solutions satisfaisantes.

2 L'eau de la mer contient une matière grasse qu'on a crue longtemps un bitume minéral, mais que les physiciens modernes regardent comme une substance animale qui provient des animaux marins.

et onctueuse; aussi s'enflamme-t-elle aisément et défendon d'en jeter sur le feu 1.

Est-ce parceque l'eau de la mer n'est point potable à cause de l'amertume que lui communique, suivant Aristote, une terre brûlée dont elle est chargée? Ainsi la lessive se fait en jetant de l'eau douce sur de la cendre, à travers de laquelle l'eau se filtrant perd sa qualité potable, comme dans le corps humain la fièvre altère les humeurs et les convertit en bile. Quant aux arbres et aux plantes qui croissent, dit-on, dans la mer Rouge, ils ne portent aucun fruit et tirent leur végétation des rivières, qui, en se déchargeant dans la mer, y déposent beaucoup de limon. Aussi ces productions végétales naissent-elles toujours assez près des bords.

II.

Pourquoi les eaux de pluie sont-elles plus propres à la végétation des arbres et des plantes, que les autres eaux dont on les arrose?

Est-ce, comme le croit Létus 2, parceque la pluie, qui entr'ouvre la terre par sa chute, y forme plusieurs conduits par où l'eau pénètre jusqu'aux racines? Ou cette raison est-elle fausse? et Létus se trompe-t-il faute d'avoir observé que les plantes marécageuses, telles que le roseau, le jonc et la mousse, ne peuvent ni croître ni verdir quand les pluies ne tombent pas dans leur saison? Est-ce, comme le dit Aristote, parceque l'eau de pluie est fraîche et nou

1 La substance grasse que l'eau de la mer contient est cause qu'elle s'enflamme plus aisément qu'aucune autre espèce d'eau, et qu'elle augmente l'action du feu. Auguste dut en grande partie la victoire d'Actium au feu que ses soldats mirent aux vaisseaux d'Antoine, et dont ils augmentèrent tellement les progrès en y jetant de l'eau de la mer, qu'il ne fut plus possible d'arrêter l'incendie.

2 Je ne connais d'autre écrivain de ce nom qu'un historien latin, surnommé Pomponius, qui avait écrit sur les mœurs des Romains. J'ignore si c'est de lui que Plutarque parle.

« PreviousContinue »