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LES OPINIONS DES PHILOSOPHES.

LIVRE CINQUIÈME.

CHAPITRE PREMIER.

De la divination.

Platon et les stoïciens admettent la divination et lui donnent pour causes l'inspiration céleste, la divinité même de l'ame, qu'ils appellent enthousiasme, et enfin l'interprétation des songes; par conséquent ils distinguent plusieurs sortes de divinations 1. Xénophane et Épicure les rejettent toutes. Pythagore ne réprouve que celle qui se fait par les sacrifices. Aristote et Dicéarque n'admettent que la divination qui a pour causes l'inspiration céleste et l'explication des songes. Ils ne croient pas l'ame immortelle, mais ils lui accordent une communication avec la Divinité.

CHAPITRE II.

Quelle est la cause des songes.

Démocrite les attribue à l'impression des images qui s'offrent à l'esprit. Straton croit qu'ils sont excités par la partie irraisonnable de l'ame, qui, pendant le sommeil, devient beaucoup plus sensible et est éclairée par la partie intelligente. Suivant Hérophile, les songes divinement inspirés ont une cause nécessaire; les songes naturels sont excités par les images que l'ame se forme de ce qui lui est

1 Les anciens comptaient un bien plus grand nombre de divinations. It n'y avait rien dont une curiosité aussi inquiète qu'inutile ne leur fit tirer des présages pour chercher à connaître l'avenir.

2 Pythagore avait proscrit toute espèce de sacrifices sanglants, par une suite de son opinion sur la métempsycose, et, par une conséquence naturelle, il rejetait la divination qui se faisait par ces sacrifices.

convenable et qu'elle croit devoir lui arriver. Ceux qui sont en partie inspirés et en partie naturels ont leur origine dans l'impression fortuite des images qui nous présentent des objets agréables. De ce genre sont les songes, où nous croyons posséder les objets de nos desirs.

CHAPITRE III.

Quelle est la substance des germes reproductifs.

Aristote les définit une substance qui a de soi-même la faculté de se mouvoir, afin de produire un être semblable à celui dont elle a été séparée. Pythagore croit qu'ils sont la sécrétion du sang le plus pur et l'expression des aliments, comme le sang et la moelle. Alcméon prétend qu'ils sont une portion émanée du cerveau ; Platon, un écoulement de la moelle épinière; Epicure, une extraction de l'ame et du corps; Démocrite, une sécrétion des principales parties qui entrent dans la composition de tous les corps, par exemple, des fibres charnues.

CHAPITRE IV.

Si ces germes sont des corps.

Leucippe et Zénon les croient de substance corporelle, parcequ'ils sont une abstraction de l'ame. Suivant Pythagore, Platon et Aristote, la faculté d'où ils émanent est incorporelle comme l'ame qui meut le corps; mais leur matière même est corporelle. Straton et Démocrite prétendent que leur faculté productive elle-même est corporelle, puisqu'elle est esprit.

CHAPITRE V.

Si les femelles donnent, comme les males, des germes

productifs.

Pythagore, Epicure et Démocrite sont pour l'affirma

tive, et ils se fondent sur ce que les femelles ont des vaisseaux destinés à contenir ces germes, mais qu'ils sont placés en sens contraire, et que de là viennent les desirs immodérés qu'elles éprouvent. Aristote et Zénon croient qu'elles donnent une substance humide semblable à la sueur que l'exercice provoque, mais qui ne contient pas des germes productifs. Suivant Hippon, les femelles en donnent comme les mâles; mais ceux des premières ne concourent pas à la reproduction, parcequ'ils tombent hors des organes destinés à cette fonction. Aussi plusieurs en donnent sans le concours des mâles. Il ajoute que dans le fœtus les os sont formés par le mâle et les chairs par la femelle.

CHAPITRE VI.

Comment se fait la conception.

Aristote lui donne pour cause une extension des organes sexuels dans les femelles, occasionnée par des évacuations précédentes, qui attirent de toute la masse du corps une portion du sang le plus pur; et c'est ainsi que se forment dans les mâles les germes productifs. Il ajoute que, lorsque la conception n'a pas lieu, cela vient, ou d'un défaut de pureté dans les organes, ou des gonflements qu'ils éprouvent, ou de la crainte, de la douleur et des maladies des femelles, ou enfin du peu de vigueur des mâles.

CHAPITRE VII.

Comment sont produits les máles et les femelles.

Empédocle prétend que cette différence vient du chaud et du froid. Aussi raconte-t-on que les premiers mâles naquirent d'abord dans les contrées de l'orient et du midi et les femelles dans les pays du nord. Parménide soutient

au contraire que les premiers mâles furent produits dans le nord et les femelles vers le midi; et il conclut de là que les premiers ont le corps plus ferme et plus compacte et les autres plus délicat. Hippon pense que la production des mâles ou des femelles tient au plus ou moins de consistance et de force, au plus ou moins de fluidité et de faiblesse des germes productifs. Suivant Anaxagore et Parménide, lorsque les germes du côté droit tombent dans la partie droite des organes sexuels et ceux du côté gauche dans la partie gauche, alors il naît des mâles. Si cet ordre est renversé, il vient des femelles. Cléophane, cité par Aristote, croit que les mâles sont produits par les germes contenus dans la partie droite des organes de la génération, et les femelles par ceux que contient la partie gauche. Leucippe n'en assigne pas d'autre cause que l'inversion des organes naturels, qui ne se correspondent pas dans le mâle et dans la femelle. Démocrite dit que les parties communes aux deux sexes sont indifféremment produites par l'un et par l'autre, mais que celles qui distinguent le sexe viennent de celui qui a le plus de force. Suivant Hippon, lorsque les germes productifs sont plus abondants, il vient un mâle; si c'est la nourriture qui domine le corps, il naît une femelle.

CHAPITRE VIII.

D'où viennent les monstres.

Empedocle attribue la naissance des monstres à l'excès ou au défaut des germes productifs, à la manière dont leur mouvement commence, à leur division en un trop grand nombre de parties, ou enfin au défaut d'intromission dans leur réceptacle naturel. Il paraît avoir assigné toutes les causes des conceptions monstrueuses. Straton croit qu'elles viennent d'un surcroît, d'une diminution, d'une transposition des germes ou d'un gonflement des

organes. Quelques médecins leur donnent pour cause le dérangement que des flatuosités occasionnent dans ces organes.

CHAPITRE IX.

Pourquoi un commerce trop fréquent produit la stérilité.

Le médecin Dioclès croit que cela vient de ce qu'alors les femelles ne donnent point de germes productifs, ou les donnent en trop petite quantité, ou qu'ils n'ont pas la faculté de produire, ou qu'ils manquent de la proportion nécessaire de chaleur et de froid, de sécheresse et d'humidité, ou enfin de ce que les organes ont éprouvé du relâchement. Les stoïciens donnent pour cause de la stérilité l'obliquité des organes, qui fait que les germes productifs ne prennent pas la direction qu'il faut, ou leur trop grande distance, qui met entre eux de la disproportion. Erasistrate l'attribue aux callosités qui s'y forment, à leur substance trop charnue, à ce qu'ils sont plus lâches ou plus petits que la nature ne l'exige.

CHAPITRE X.

Comment les femmes font deux ou trois enfants à la fois.

Suivant Empedocle, la surabondance des germes productifs et leur division en sont la cause. Asclepiade l'attribue à leur bonne qualité, comme d'un grain d'orge il en vient deux ou trois épis, car ces germes sont très féconds. Erasistrate croit que cela vient des superfétations qui arrivent aux femmes aussi bien qu'aux animaux, et qui, après les évacuations ordinaires, procurent une nouvelle conception. Les stoïciens l'attribuent aux divers réceptacles qui sont dans les organes et dans lesquels les germes tombent successivement, ce qui donne lieu à des superfétations d'où se forment jusqu'à trois foetus.

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