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VII. Il eut une telle passion pour les femmes, qu'il chassa de chez lui son propre fils, afin d'y introduire Myrrhiné, la courtisane la plus somptueuse qui fût alors. Il entretenait en même temps dans le Pirée, Aristagora, et dans sa maison d'Eleusis, Philté, courtisane de Thèbes, qu'il avait rachetée de l'esclavage pour le prix de vingt mines 1. Il se promenait tous les jours dans le marché aux poissons. Il semble qu'il ait été compris dans l'accusation d'impiété qui fut intentée à la courtisane Phrynée. Du moins le donne-t-il à entendre au commencement du plaidoyer qu'il prononça pour elle. Comme il vit qu'elle allait être condamnée, il la fit avancer au milieu de l'Aréopage; et ouvrant sa robe, il montra son sein à découvert. Les juges, frappés de sa beauté, n'eurent pas le courage

de la condamner.

VIII. Il composa des mémoires secrets contre Démosthènes, qui, étant venu le voir pendant qu'il était malade, le surprit lisant ces mémoires; et comme cet orateur lui en témoignait son indignation: « Tant que nous serons amis, lui dit Hypéridès, ces mémoires ne vous feront aucun tort; mais si jamais vous devenez mon ennemi, ils vous empêcheront de me nuire. » Il proposa qu'on décernât des honneurs publics à Jolas, qui passait pour avoir donné du poison à Alexandre. Il contribua beaucoup avec Léosthènes à faire déclarer la guerre Lamiaque, et eut le plus brillant succès en prononçant l'éloge funèbre de ceux qui y avaient péri.

IX. Lorsqu'il vit que Philippe se disposait à faire une descente dans l'Eubée, et que ses desseins donnaient de vives inquiétudes aux Athéniens, il leva une contribution sur les citoyens, fit équiper quarante galères, et en fournit lui-même deux, une pour lui et une pour son fils. Il s'était élevé une dispute entre les Athéniens et les habi

1 Environ mille huit cents livres de notre monnaie.

tants de Délos, sur l'intendance du temple d'Apollon dans cette île. Le peuple avait nommé Eschine pour plaider la cause des Athéniens. Mais l'Aréopage choisit Hypéridès, et nous avons encore l'oraison qu'il prononça et qui porte le titre de Déliaque. Il fut envoyé en députation à Rhodes, où il vint des ambassadeurs d'Antipater qui vantaient la probité de ce prince. « Nous savons que c'est un honnête homme, leur dit Hypéridès; mais nous ne voulons point de maître, quelque probité qu'il ait. »

X. On dit qu'il ne mettait aucune prétention dans ses harangues au peuple, et que dans ses plaidoyers, content d'exposer simplement les faits, il ne cherchait point à émouvoir les juges. Il fut député vers les Eléens, pour plaider devant eux la cause de l'athlète Calippe, qu'on accusait d'avoir corrompu les juges des jeux, et il le justifia. Sur la dénonciation de Midias l'Anagyrasien, fils de Midias, il accusa Phocion d'avoir voulu corrompre le peuple par des largesses; mais il perdit sa cause. Ce fut sous l'archontat de Xénias, le 24 du mois de gamélion.

1. Sa patrie, ses maîtres, son entrée dans les affaires. II. Il amasse de grandes richesses à composer des plaidoyers. III. Son exil d'Athènes

et son rappel. IV. Ses discours, caractère de son éloquence.

I. Dinarque, fils de Socrate ou de Sostrates, était d'Athènes, suivant les uns, et selon d'autres, de Corinthe. Il vint jeune à Athènes, dans le temps qu'Alexandre passa en Asie 1, et il s'y fixa. Il fut disciple de Théophraste, successeur d'Aristote dans l'école du Lycée, et se lia avec Démétrius de Phalère. Après la mort d'Antipater, comme les anciens orateurs étaient presque tous ou morts ou en exil, il se trouva à la tête de l'administration.

II. Il s'insinua dans les bonnes graces de Cassandre; et par la faveur de ce prince, autant que par les plaidoyers qu'il composait pour des citoyens, il amassa de grandes richesses. Il eut pour adversaires les plus célèbres orateurs de son temps, non qu'il parlât lui-même contre eux devant le peuple, car il ne le pouvait pas; mais il composait les discours des citoyens qui leur étaient opposés. Après la fuite d'Harpalus, il fit plusieurs plaidoyers pour les accusateurs de ceux qui étaient soupçonnés d'avoir reçu de l'argent de ce général d'Alexandre.

III Dans la suite, accusé lui-même d'avoir entretenu des intelligences avec Antipater et Cassandre, lorsque le fort de Munychium fut pris par Antigonus et Démétrius, sous l'archontat d'Anaxicratès 2, il vendit la plus grande partie de ses effets, et s'enfuit à Chalcis, où il vécut en exil pendant quinze ans. Il y gagna beaucoup d'argent, et fut rappelé à Athènes par le crédit de Théophraste, avec plusieurs autres exilés. Il alla demeurer chez un de ses amis, nommé Proxène, où on lui vola son argent.

1 Ce fut la troisième année de la cent onzième olympiade. 2 La deuxième année de la cent quinzième olympiade.

Quoique vieux et presque aveugle, il intenta procès à son hôte, qui avait refusé de faire informer sur ce vol; et ce fut la première fois qu'il plaida lui-même. Nous avons encore ce plaidoyer.

IV. On a sous son nom soixante-quatre oraisons qu'on croit toutes de lui. Des critiques cependant en attribuent quelques unes à Aristogiton. Il prit, dit-on, Hypéridès pour modèle; d'autres disent Démosthènes, et ils se fondent sur la chaleur, sur la véhémence de son style, et sur le genre de figures qu'il emploie.

I.

2

Démocharès, fils de Lachès, du bourg de Leuconie, propose pour Démosthènes, fils de Démosthènes, du bourg de Péanie, une statue de bronze dans la place publique, l'entretien dans le Prytanée avec la préséance dans les jeux pour lui et pour l'aîné de sa famille, à perpétuité 2; parcequ'il a été le bienfaiteur de sa patrie, et qu'il a donné au peuple d'Athènes les conseils les plus utiles : il a généreusement consacré sa fortune au service de la république; il a fourni huit talents et une galère pour l'expédition dans laquelle les Athéniens rendirent la liberté aux peuples de l'Eubée 3. Il a encore donné une galère, quand Céphisodore conduisit dans l'Hellespont la flotte athénienne, et depuis une troisième, lorsque Charès et Phocion furent envoyés au secours de Byzance";

1 Ces décrets sont placés à la suite des Vies de dix orateurs, parceque le premier et le troisième ont été proposés pour deux d'entre eux, Démosthènes et Lycurgue, ou du moins pour le fils de celui-ci; et que le second regarde Démocharès, fils d'une sœur de Démosthènes, dont il a été question dans la Vie d'Eschine, chap. 5.

2 On rappelle à la fin de ce décret la mort de Démosthènes. Comment donc pouvait-on proposer de lui assurer l'entretien dans le Prytanée? Est-ce une méprise de l'auteur, qui aura inséré par mégarde cette formule usitée dans ces sortes de décrets? ou était-il d'usage de la conserver même dans les décrets rendus après la mort des citoyens à qui l'on rendait ces honneurs publics?

3 Les Athéniens, animés par Démosthènes et commandés par Phocion, reprirent l'ile d'Eubée sur Philippe. On fit honneur de ce succès à l'orateur autant qu'à l'habileté du général, et Démosthènes reçut de la part du Sénat et du peuple une couronne d'or sur le théâtre de Bacchus, pendant des fêtes publiques, au milieu d'un concours immense de citoyens et d'étrangers.

L'expédition de Charès ne fut pas la même que celle de Phocion. Celle du premier fut aussi déshonorante pour le général, qui y fut battu par les Macédoniens, que funeste pour les Athéniens, qui y perdirent leur flotte. Phocion répara l'incapacité de Charès et sauva les villes de Thrace menacées par Philippe.

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