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tyran les critiques qu'Antiphon faisait de ses tragédies 1. V. On compte de lui soixante oraisons, dont, suivant Cécilius, quarante-cinq sont supposées 2. Platon, le poëte comique, l'accuse d'avarice dans son Pisandre3. On dit qu'il composa des tragédies pendant qu'il vivait en particulier à Athènes et lorsqu'il fut à la cour de Denys. Dans le temps qu'il s'occupait de poésie, il imagina un art pour guérir de l'ennui, comme les médecins en ont un pour traiter les maladies. Il fit même bâtir à Corinthe, près de la place publique, une petite maison, et afficha sur sa porte qu'il avait le secret de dissiper les chagrins par ses discours. Il demandait à ceux qui s'adressaient à lui le sujet de leurs peines, et il les adoucissait. Dans la suite, il regarda cette profession comme indigne de lui, et il se mit à enseigner la rhétorique.

VI. Quelques écrivains attribuent à Antiphon l'ouvrage de Glaucus de Rhégium sur les poëtes. Celles de ses oraisons qu'on estime le plus sont le discours sur la mort d'Hérode, le plaidoyer qu'il prononça contre Eraristrate, sur des paons, celui qui a pour objet sa propre défense, et celui qu'il fit contre le préteur Démosthène, dans une accusation capitale. Il accusa aussi le préteur Hippocrate, qui fut condamné par contumace sous l'archontat de Théopompe, l'année que l'autorité des QuatreCents fut abolie 5.

1 Tout ceci regarde un Antiphon poëte, postérieur à notre orateur, puisqu'il vivait du temps de Denys. On sait qu'Harmodius et Aristogiton avaient tué Hipparque, fils de Pisistrate et tyran d'Athènes.

2 Il ne nous en reste aujourd'hui que quinze. M. l'abbé Auger en a donné quelques unes à la suite de la traduction d'Isocrate.

3 Platon le poëte avait fait une comédie intitulée Pisandre, qui est citée par le Scoliaste d'Aristophane et par Athénée. Pisandre avait été un des chefs de la faction aristocratique dont Antiphon était l'ame; il fut mis au nombre des Quatre-Cents.

4 Glaucus de Rhégium en Italie avait composé, dit Plutarque dans son traité de la Musique, l'histoire des anciens poëtes et musiciens. Il vivait du temps de Socrate.

* La vingt-unième année de la guerre du Péloponnèse, et la deuxième

T. IV.

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VII. Cécilius nous a conservé le décret qui ordonnait que le procès serait fait à Antiphon. Il est conçu en ces termes :

« Le vingt-unième jour de la prytanie 1, Démonicus du bourg d'Alopèce étant greffier, et Philostrate de Pallène préteur, après avoir entendu le rapport d'Andron au sujet d'Archeptolème, d'Onomaclès et d'Antiphon, qui, suivant la déclaration qu'en ont faite les magistrats, sont allés en ambassade à Lacédémone contre les intérêts de la république, ont quitté leur camp pour s'embarquer sur un vaisseau ennemi, et ont traversé par terre la Décélie, le Sénat a ordonné qu'ils seront arrêtés et constitués prisonniers, afin de subir la punition qu'ils méritent; que les préteurs les présenteront au tribunal avec tels autres sénateurs qu'il leur plaira de choisir jusqu'au nombre de dix, afin qu'ils prononcent sur les faits allégués au procès; que les thesmothètes les ajourneront au lendemain et les conduiront devant les juges qui auront été choisis; que les orateurs qu'on aura nommés les accuseront du crime de trahison, conjointement avec les préteurs et tous autres qui voudront se porter pour leurs accusateurs; et quand la sentence aura été prononcée contre ceux qui seront trouvés coupables, ils subiront la peine portée par la loi contre les traîtres. >>

Au bas de ce décret est la sentence qui les déclare convaincus du crime de trahison.

« Archeptolème, fils d'Hippodamus du bourg d'Agraule, et Antiphon, fils de Sophilus du bourg de Rham

de la quatre-vingt-douzième olympiade, quatre cent onze ans avant JésusChrist.

1 Des magistrats pris dans les dix tribus d'Athènes, et qu'on nommait prytanes parcequ'ils s'assemblaient dans le Prytanée, gouvernaient alternativement. On donnait le nom de prytanie à la durée du temps pendant lequel chaque tribu était en tour de gouverner, et il durait ou trente-cinq ou trente-six jours. Et comme les tribus, ainsi que nous venons de le dire, étaient au nombre de dix, cela complétait l'année athénienne, composée de trois cent soixante jours.

nuse, tous deux ici présents, ont été condamnés à être livrés aux Onze; leurs biens seront confisqués après qu'on en aura prélevé le dixième pour être consacré à Minerve, leurs maisons rasées, et le sol qu'elles occupaient entouré de bornes, sur l'une desquelles sera gravée cette inscription: Ici étaient les maisons des traîtres Archeptolème et Antiphon, lesquelles ont été adjugées au receveur des revenus publics 2... Il est défendu de leur donner la sépulture ni dans Athènes ni dans tout autre lieu du domaine de la république. Ils sont déclarés infames, eux et toute leur postérité, tant légitime qu'illégitime; et quiconque adoptera un de leurs enfants sera lui-même noté d'infamie. Cette sentence sera gravée sur une colonne de bronze où seront aussi inscrits les décrets contre Phrynicus 3. »

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1 C'était le nom qu'on donnait à Athènes aux officiers chargés de faire exécuter les arrêts de mort.

2. Il y a ici dans le texte une lacune qu'aucun des critiques qui ont fait des remarques sur cette Vie n'a pu remplir. J'ai suivi le sens qui m'a paru mettre plus de suite et de liaison dans le discours.

3 Phrynicus avait été avec Antiphon un des principaux agents de la révolution qui renversa le gouvernement démocratique, et il fut mis au nombre des Quatre-Cents. Cette faction était très opposée au retour d'Alcibiade, et Phrynicus surtout l'empêchait de tout son pouvoir. Au retour de cette ambassade dont il est parlé dans le décret contre Antiphon, et qui était contraire aux intérêts de la république, Phrynicus, qui avait été l'un des députés, fut assassiné au milieu de la place publique sans que personne se mit en peine de prendre sa défense ou de venger sa mort.

1. Origine et premières actions d'Andocidès. dénonce son propre père pour se sauver.

rents pays. par le peuple.

II. Accusé d'impiété, il III. Il commerce en difféIV. Il est banni d'Athènes par les trente tyrans, et ensuite V. Sujets de ses discours et caractère de son style.

I. Andocidès, fils de ce Léagoras qui fit conclure la paix entre les Spartiates et les Athéniens1, était du bourg Cydathénien, ou de celui de Thuréum 2. Issu d'une race illustre, il remontait, suivant Hellanicus, à Mercure même, et était de la famille des hérauts publics". Il fut chargé avec Glaucon du commandement des vingt vaisseaux que les Athéniens envoyèrent au secours de Corcyre contre Corinthe *.

II. Dans la suite il fut accusé d'impiété, parcequ'on le soupçonna d'avoir eu part à la mutilation des statues de Mercure et à la profanation des mystères de Cérès. Ce soupçon était fondé sur ce que, dans sa jeunesse, étant une nuit en partie de débauche, il avait brisé une statue de Mercure, ce qui lui attira une accusation criminelle. Le refus qu'il fit alors de livrer un esclave que ses accu

1 Taylor, dans ses remarques sur Lysias, observe que notre auteur attribue à Andocidès ce qui a été fait par son aïeul, qui portait le même nom que lui. Cet orateur dit lui-même, dans son oraison pour paix, que les AthéRiens nommérent dix députés chargés de pleins pouvoirs pour aller à Sparte traiter de la paix, et que son aïeul Andocidès était de ce nombre.

2 Le bourg Cydathénien était de la tribu Pandionide, et celui de Thuréum de la tribu Antiochide. Andocidès n'habitait ni dans l'un ni dans l'autre. Nous allons voir que sa maison était située dans la tribu Égéide. Cela venait, suivant Taylor, de ce qu'on classait les citoyens, non dans la tribu où ils demeuraient, mais dans celle d'où ils tiraient leur origine, comme, chez les Romains, les meilleures familles étaient inscrites dans les tribus rustiques, quoiqu'elles demeurassent à Rome.

3 11 y eut deux historiens de ce nom, l'un de Lesbos, plus ancien qu'Hérodote; l'autre, plus moderne, était de Milet.

Les hérauts publics avaient pour patron Mercure, le messager des dieux.

5 Une rupture éclatante entre ville de Corinthe et l'île de Corcyre, sa colonie, aujourd'hui Corfou, fut le premier germe de la guerre du Peloponnèse.

sateurs demandaient pour l'appliquer à la torture le rendit lui-même suspect de ce crime, et le fit comprendre dans la seconde accusation qui eut lieu peu de temps après le départ de la flotte athénienne pour la Sicile 1. Les Corinthiens avaient envoyé à Athènes des députés de Léontium et d'Egeste, à qui les Athéniens devaient donner du secours. Dans une mème nuit, suivant le récit de Cratippe, ils brisèrent toutes les statues de Mercure qui environnaient la place publique. Andocidès ajouta à cette première impiété la profanation des mystères de Cérès2. Cité en justice, il évita la condamnation en promettant de découvrir les auteurs de ce sacrilége. Il fit des perquisitions si exactes qu'il vint à bout de connaître les profanateurs des mystères, parmi lesquels il dénonça son propre père. Ils furent convaincus et punis de mort, à l'exception de son père, qui avait été arrêté avec les autres, mais à qui il sauva la vie en assurant les juges qu'il rendrait des services importants à la république; et il tint parole. Léagoras dénonça plusieurs citoyens qui détournaient à leur profit l'argent du trésor public, et qui s'étaient rendus coupables de beaucoup d'autres crimes.

III. Quoique Andocidès se fût fait une grande réputa

1 Il y eut contre Andocidès une double accusation que notre auteur n'a pas assez bien expliquée. La première est indiquée par Thucydide, qui dit, liv. VI, chap. 28, que mutilation de quelques statues fut faite par des jeunes gens ivres; c'est celle qu'Andocidès subit dans sa première jeunesse; mais on ne donna pas de suite aux informations commencées sur ce sacrilége. Ce ne fut qu'à la seconde mutilation, qui avait été presque générale, que les Athéniens poursuivirent les coupables avec la dernière rigueur.

2 Il n'y a pas d'apparence que cette profanation soit la même que celle dont Alcibiade se rendit coupable en représentant les mystères de Cérès, comme on l'a vu. Dans le discours d'Andocidès relatif à cette accusation, on voit que le sacrilege qu'on lui imputait était d'avoir posé sur l'autel de Cérès à Éleusis un rameau d'olivier entouré de bandelettes; cérémonie usitée pour les suppliants, mais défendue pendant la célébration des mystères, sous peine de mort ou d'une forte amende. Andocidès prétend que ses ennemis avaient placé méchamment le rameau sur l'autel, pour l'accuser ensuite de ce sacrilege.

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